L Agonie de la nuit
94 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

L'Agonie de la nuit , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
94 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Perturbées et perturbantes, les douze nouvelles qui composent cette Agonie de la nuit sont aussi férocement drôles – les personnages qu'on y croise, tel ce salaud qu'aimer met en danger de mort, ou ce désespéré que son ombre cesse de suivre, ou encore cet obsédé que son corps trahit, évoquent tout autant les perdants magnifiques de l'underground américain que les âmes égarées de la littérature fantastique européenne. Quelque part entre ces deux pôles plus parents qu'il ne semble, L'Agonie de la nuit tisse un univers sombre mais aussi poétique, dont l'éloquente folie finit par se révéler étrangement familière. Préface de Mark Safranko

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 30 novembre 2016
Nombre de lectures 2
EAN13 9782342058451
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L'Agonie de la nuit
Benjamin Peurey
Mon Petit Editeur

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Mon Petit Editeur
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
L'Agonie de la nuit
 
Introduction
L’Agonie de la Nuit , de Benjamin Peurey, est une collection de nouvelles méticuleusement ciselées devant laquelle je suis tombé en admiration dès la première phrase de l’histoire qui donne son titre à ce recueil.
 
L’un des plus grands talents de Peurey est sa capacité à vous faire entrer directement dans l’univers de son personnage de Parisien ordinaire, et à vous faire ressentir chacune de ses bizarreries, de ses frustrations et de ses déceptions, en un mot son désarroi face à la vie et au monde.
En cela, nous pouvons tous nous identifier à lui.
 
Le fil conducteur de ces nouvelles, c’est ce sens de l’humour tordu et cette perplexité devant les aléas de la vie moderne – ou même de la vie, tout court.
 
Les titres des histoires le soulignent parfaitement : « La méthode américaine », « Pourquoi & comment je suis devenu un enfant de salaud », « La vie est une putain qui se refuse à moi »… « Vermine ».
 
Une pincée de Woody Allen et un zeste de Kafka : voilà qui garantit une dose de rire assurée tandis que vous vous frayez peu à peu un chemin dans L’Agonie de la Nuit .

Alors asseyez-vous, détendez-vous et savourez cette découverte qu’est Benjamin Peurey.
Mark SaFranko, juillet 2016 (traduit de l’américain par Carole Bulewski)
Ça n’empêche pas les sentiments
Dana était une chouette fille, je veux dire vraiment une chouette fille, je la fréquentais à peine que pour elle déjà j’avais accepté de moins boire et de cesser ensuite de courir les jupons dans un état second, ce que j’avais passé mes dernières semaines à faire, sans vraiment de raison, sinon que la vie parfois est tant alambiquée qu’elle donne envie de se perdre, de se laisser aller, après tout on ne risque pas grand-chose à lâcher prise de temps à autres, sinon, comme ça m’était arrivé avec Dana, de faire une rencontre qui ait davantage de valeur que les précédentes, ou bien sûr peut-être aussi de se créer une addiction, à l’alcool ou aux drogues, ou à votre frénésie de culs successifs qui vous fait vite oublier que jusqu’ici aucun d’entre eux n’a valu le coup, et que vous dérivez, et que vous ignorez où ça peut vous mener, ceci étant ça peut être précisément le but, c’était un peu le mien jusqu’à ce que je fasse la connaissance de Dana, je l’avais rencontrée via une bonne amie, j’étais allé les rejoindre toutes les deux chez cette dernière qui s’était laissée convaincre que j’avais besoin de compagnie pour passer la soirée, parce que je m’étais un peu égaré ces temps-ci, que j’étais un peu à l’ouest, alors j’étais venu avec un pack d’Heineken et une bouteille de blanc, et on avait vécu un joli moment ensemble, je veux dire tous les trois, à rire et à piailler en écoutant de la musique comme une joyeuse bande d’adolescents insouciants, et chaque fois que Dana nous tournait le dos afin de mettre une nouvelle chanson j’envoyais des signaux discrets à mon amie, parce qu’elle m’avait prévenu par texto juste avant que je ne me joigne à elles qu’il n’était pas question que je fasse mon numéro, que je me fasse mousser pour essayer de baiser Dana, elle m’avait rappelé qu’elle était son amie et que j’avais baisé la plupart de ses amies et que depuis elles n’étaient plus restées ses amies ou que celles qui l’étaient restées me détestaient, et que les rares qui ne me détestaient pas me pleuraient, bref dans les deux cas ça lui tapait sur le système, j’avais très bien compris et donné mon accord mais avec Dana devant moi tout était à revoir, souvenez-vous comme je l’ai dit c’était une chouette fille, et quand je dis chouette je ne lui rends pas justice, elle était jolie, classe, intelligente et drôle, et profondément bienveillante par-dessus le marché, le genre de fille sur lequel on ne peut pas faire une croix en tous cas pas avant d’avoir tenté le coup, mais à ce moment-là je ne pouvais pas me rendre compte du revers de la médaille, parce qu’il y a toujours un revers à la médaille, et le revers de la médaille dans le cas de Dana c’était qu’elle s’inquiétait, elle s’inquiétait beaucoup, elle s’inquiétait de tout rapidement et beaucoup, elle avait une peur viscérale de l’abandon, un abyssal sentiment d’insécurité la prenait tout le temps aux tripes, elle avait comme une cicatrice mal refermée, je ne sais pas comment dire.
« Je ne peux pas te faire confiance », elle déclarait souvent, « je ne peux pas, je ne peux pas, tu sais je t’aime trop pour te faire confiance, je ne peux pas te faire confiance. » Je lui disais qu’elle pouvait, elle répétait « non, non, tu te trompes, je ne peux pas, je ne peux pas, je t’aime trop je ne peux pas te faire confiance. »
Le moment des vacances de Dana est arrivé. Ça faisait un an qu’elle n’avait pas bougé de Paris. Trois mois avant qu’on ne se mette le grappin dessus, tous les deux, elle avait réservé un aller-retour pour les îles Grecques, et sa chambre d’hôtel. Elle allait là-bas avec l’un de ses meilleurs amis, dont j’avais fait la connaissance un soir chez elle, un type dont il me semblait que je n’avais aucune raison de me méfier, tant l’absence d’enjeu sexuel entre ces deux-là brillait tranquillement dans un ciel immaculé. Comme le jour du départ approchait sournoisement, elle a remis la question de la confiance sur le tapis. « Et qu’est-ce que tu feras pendant que je serai pas là ? » elle m’a interrogé avec une suspicion à percer les tympans. « Je travaillerai », j’ai dit. Elle était au courant. Je le lui avais dit. Je venais de signer un contrat d’intérimaire. Ça n’avait rien de passionnant, la vie allait en somme se contenter de suivre son cours, nous nous manquerions et l’absence serait pénible, on serait tenus d’obéir aux lois de la distance, qui joue comme un filtre déformant sur ceux qui s’aiment, leur obscurcit le cerveau, leur assombrit le cœur, rend abstrait ce qui donnait l’impression d’avoir fait de nous des êtres en mesure de mordre dans l’existence avec une soif que rien ne saurait plus épancher, tout du moins le temps que chacun ressentirait pour l’autre ce qu’il ressentait pour l’autre, bref, je savais tout ça, ça allait être une tannée, j’étais déjà passé par là, et nous n’avions rien de bon à gagner à disséquer ce qui nous attendait. On était sur sa terrasse, au troisième étage de la rue des rosiers, on sirotait du vin sous le soleil de juillet, il n’y avait aucune raison de gâcher ce moment. « On va être séparés pendant trois longues semaines », a dit Dana en posant le bol de glaçons sur la table, avant de se consacrer à l’arrosage d’un bambou à moitié mort, « je crois que ça vaut quand même le coup d’en discuter. » J’avais la sensation qu’elle fuyait mon regard. « Viens t’asseoir là », j’ai fait. Elle est venue sur mes genoux et j’ai posé ma clope sur le bord du cendrier, pour ne pas prendre le risque idiot de lui brûler les cheveux. « Je te tromperai pas », j’ai dit. Elle caressait ma nuque. « Je sais ce que j’ai fait ces derniers mois et d’ailleurs je ne t’ai rien caché, mais on ne se connaissait pas. C’est vrai qu’il m’est arrivé de déconner un peu quand j’avais un coup dans le nez, je l’ai reconnu, voilà. On passe à autre chose. » Comme s’il s’agissait d’une vacherie à son encontre, elle s’est aussitôt braquée et s’est de nouveau intéressée à la plante sèche, pour laquelle elle est allée remplir une bouteille d’eau qu’elle lui a déversée sur le coin de la gueule comme j’aurais pissé dessus. « Je-ne-te-tromperai-pas ! » j’ai lancé de l’extérieur au moment où elle partait sans un mot reremplir la bouteille de flotte. « Crie pas », elle a froidement ordonné en revenant. « Je crie pas », j’ai signalé ; « j’insiste : c’est différent. » De nouveau elle a vidé la bouteille et disparu dans son petit appartement. J’ai terminé ma clope, l’ai écrasée et me suis levé afin de la rejoindre à l’intérieur. Elle était en train de passer une paire de talons hauts. « Elles te plaisent ? » elle a fait tout en chancelant dessus. « Écoute, chérie », j’ai dit, « et si on allait faire un tour tous les deux ? Tu pars après-demain. Ça pourrait être sympa une petite soirée tranquille à nous laisser aller. » Alors elle a orienté ses yeux de féline vers moi, et j’ai su que j’étais cuit. Cette fille, elle pouvait m’en faire voir de toutes les couleurs, j’étais pas disposé à la bannir de sitôt.
Dana a insisté pour mettre ses talons : ce que je veux dire, c’est que je n’avais pas objecté, mais que c’était comme si – parce qu’en dépit du fait qu’elle ne soit pas à l’aise dessus, elle voulait les mettre. De sorte qu’on a quitté le studio vers dix-huit heures, moi en short et chaussé de baskets déchirées, et elle dans sa panoplie robe-bijoux-talons hauts.
« Je veux être belle pour toi », m’a déclaré Dana dès qu’est venu le coin de la rue. « Tu es belle », j’ai répondu. « Je ne peux pas te faire confiance », elle a aussitôt lancé. Je sentais sa paume moite à l’intérieur de la mienne. « Je ne peux pas, je ne peux pas, je ne peux pas te faire confiance. Ce départ m’angoisse. On va être séparés. Je veux rester avec toi. Je ne veux pas te perdre. » Sa main me serrait plus fort chaque fois qu’elle se mettait à chanceler dans ses chaussures, qui comprimaient ses orteils en même temps qu’elles lui écorchaient le dos du pied. « Moi non plus, j’ai pas envie que tu partes. J’ai pas envie de passer mes journées à faire ce boulot de con en sachant que t’es au soleil loin de moi. C’est moi qui devrais m’inquiéter. Tu se

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents