*Josépha* suivi de *Fugue*
82 pages
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*Josépha* suivi de *Fugue* , livre ebook

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Description

Enfant unique, Josépha grandit dans l'ambiance oppressante d'une famille bourgeoise étriquée, où les émotions n'ont pas leur place. Introvertie, la jeune fille développe une détestation d'elle-même. Grâce à son amie Agnès, elle découvre un horizon plus heureux, le plaisir des sens et les premiers flirts. Elle rencontre enfin l'amour sur les bancs de l'université, mais le jeune homme la quitte. Le cœur brisé, Josépha sombre... La deuxième nouvelle, intitulée "Fugue", fait entendre un soliloque qui confine à la folie. Victime d'un accident de voiture, le personnage vit cloîtré dans son appartement, malade de solitude. Il se laisse aller à ses visions cauchemardesques pleines de souffrance. Comme l'héroïne de la première nouvelle, il tente d'oublier son mal-être dans l'ivresse. Avec la brièveté percutante propre au genre de la nouvelle, Thierry Nacht conte les destins tragiques de personnages auxquels le bonheur se refuse obstinément. Tous deux ressentent un sentiment d'enfermement et d'aliénation causés par le poids des traditions ou des apparences qu'on leur impose. Leur attitude autodestructrice demeure le seul moyen de s'échapper d'une situation insupportable. La langue de l'auteur, pleine d'images fulgurantes, possède une grande puissance évocatrice.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 05 mai 2017
Nombre de lectures 2
EAN13 9782342152708
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

*Josépha* suivi de *Fugue*
Thierry Nacht
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
*Josépha* suivi de *Fugue*

Toutes les recherches ont été entreprises afin d’identifier les ayants droit. Les erreurs ou omissions éventuelles signalées à l’éditeur seront rectifiées lors des prochaines éditions.
 
Josépha
 
 
 
 
Un matin vers 8 h 30 dans la cour de l’école, un énorme rat rampait le long du mur. Le gardien arriva armé d’une pelle et découpa sauvagement la bête mourante. Un arc d’enfant pour assister au grand spectacle. Josépha, seule restée assise sur son cartable, l’hiver, froid aux fesses.
Premier mouvement
Josépha, née un jour de mars, mois des fous aux dires de certains ; année 1985.
 
Sa mère, Irène, n’espérait plus l’enfant, ayant perdu les deux premiers lors de fausses couches.
 
Huit mois de gestation dans la crainte et l’angoisse, avec le désir déjà de s’échapper d’un ventre prison d’inconfort, d’insécurité.
 
Vint l’enfantement, libération, cri si perçant, strident, qu’il résonne encore dans les oreilles de la sage-femme.
 
Accouchée dans la douleur et l’amour effaré, effréné d’une mère qui n’aimait certes pas une fille, mais trois enfants dont deux morts, mystère de La Trinité, miracle…
 
À la naissance de Josépha, Irène déménagea ses affaires de la chambre matrimoniale, plus de promiscuité…
 
Irène changea donc de dortoir, prit la pièce la plus éloignée de celle de Paul, son mari, dans l’énorme appartement qu’il tenait de sa famille, débordant de souvenirs du sol au plafond ; souvenirs d’ancêtres détestablement célèbres, de généraux bourreaux, de hauts fonctionnaires véreux, de grands pontes scélérats.
Un antre de la bourgeoisie française dans son plus grand immobilisme, dans sa plus grande dégénérescence.
 
Irène, petite femme blonde, avenante, au regard pétillant, une apparence très douce, une attention extrême aux autres ; tous ses efforts portés sur l’extérieur, le mondain, le convenu.
Incapable de refuser, de s’opposer autrement que par la ruse, prisonnière de sa culture, prisonnière à tel point qu’aveuglée, l’impossibilité rédhibitoire d’entrevoir une façon différente de penser. Passée d’une autorité masculine, le père, à une autorité masculine, l’époux, rien donc à remettre en cause, supporter.
 
Paul, personnage suffisant, dédaigneux, parfois débordant de sensualité, de sentiments, à fleur de peau, écorché vif refoulé, malade des nerfs.
Prenant tout sur lui, trop de responsabilités, libérant la pression en étant odieux, surtout en terrain familier.
L’aîné d’une famille de cinq enfants, chef de clan malgré lui, à la mort précoce de son père. Insatisfait, menant une vie sans rapport avec ses ambitions de jeune homme, bercé par le mouvement hippie, la musique du Jefferson Airplane, puis impliqué durant mai 68, devenu maître de la finance mondiale.
Plus rien ou presque n’arrivait à sa conscience, juste le devoir, une sexualité dérangée, inassouvie…
Existence enfermée dans les poncifs, les traditions, l’obsession de sa supériorité, l’abjection.
 
Grand, dégingandé, les yeux bleus livides et froids, petit à petit ventripotent et bouffi par l’abus d’alcool ; une lucidité implacable, intelligence toujours en alerte, mais dévoyée, de culture point.
 
Irène et Paul avaient en commun une inaptitude totale à communiquer, à aimer et s’il existait des sentiments, ceux-ci avaient été bien enterrés, quelque part aux tréfonds de leurs consciences. Association de malfaiteurs !
 
Dans cet univers, Josépha grandirait.
Elle y fit ses premiers pas…
 
Lors de sa première année, Josépha fut agrippée frénétiquement par sa mère, qui ne la détachait jamais de son sein, ne voulait que personne d’autre qu’elle ne s’en occupe, ne la touche, pas même Paul qui devait la regarder sans jamais la porter, il s’en désintéressa rapidement, voulant juste ne pas l’entendre chigner !
 
Josépha pleura peu, toujours en prise, caressée par sa mère.
 
À huit mois d’un bon régime de lait maternel, la pédiatre insista pour que Josépha passe à une nourriture plus en rapport avec son poids et son âge.
 
Irène, jusque-là aux plus petits soins, se déchargea alors rapidement de Josépha, prit une nourrice ; la nourrir, l’entendre pleurer, la langer ; subitement fatigant. Elle ne faisait rien de ses journées, n’avait jamais rien eu à faire, pourtant tout cela l’épuisait ; l’osmose s’achevait…
 
Les criailleries, les pleurnicheries, les déjections diverses la dégoûtaient à présent grandement, au fond elle aimait sa fille deux ou trois heures par jour, pas plus ; pour Irène, amplement suffisant.
Quant à Paul, aux finances toujours, pratiquement absent, rentrant tard, passait son temps disponible à jouer au golf, enfin il remplissait des trous, ne rencontrant sa fille qu’entre deux portes se refermant…
Paul ne se promenait jamais avec sa fille, deux exceptions cependant ; il convoita une jeune mère stagiaire rencontrée au travail, utilisa Josépha pour l’appâter.
La première fois, rejoignant cette femme au square, les enfants vaquèrent pendant qu’il plaçait ses billes ; la deuxième fois, se retrouvant dans un théâtre pour enfant, quelle découverte ! Ce jour-là Paul obtint le rendez-vous qu’il souhaitait, ne s’encombra plus de sa fille.
Une nuit, vers 23 heures, Louise, la gouvernante, s’activant encore à la cuisine entendit les sanglots de Josépha, ouvrit la porte de la chambre ; l’enfant, prisonnière de ses draps, liens fantomatiques des mauvais rêves, commençait à s’étouffer. La libérant, les gémissements cessèrent, Louise reprit son travail.
On eût dit une petite fille écartée, égarée dans cette maison.
 
Toute son enfance, Josépha mangea seule sur l’immense table de la grande cuisine. Avant le départ de Paul pour le golf, Louise servait parfois le dimanche, en guise de repas, un brunch à la famille réunie. Josépha devait être impeccable, à la moindre faute, un éclair la foudroyait. Sa préférence, une alimentation solitaire, petite place pour la rêverie.
Dans cet ensemble familial, toutefois un culte ; le culte de la famille, des ancêtres, de la filiation ou plutôt d’une famille celle de Paul, la grande, celle d’Irène ; portion congrue. Les fêtes de famille, la visite à la grand-mère, de l’ordre du sacré, ne jamais y déroger, quoi qu’il puisse arriver. Irène et Paul étaient, lors des visites familiales, dans les meilleures dispositions l’un pour l’autre, le reste du temps, indifférence, solitude, brimades.
Aller voir la grand-mère paternelle tous les quinze jours, maîtresse femme rabougrie au parler retors, veuve d’un illustre capitaine d’industrie aux talents multiples dont on rebattit les oreilles de Josépha toute l’enfance, à la moindre occasion…
 
Parfois les frères et sœurs de Paul venaient aussi. Tous à s’arsouiller gentiment, tenant des propos anodins, racontant des anecdotes ressassées, riant de blagues éculées, l’entretien des liens, d’innovations, aucune !… pas de poussière dans cette mécanique familiale impeccable, si bien huilée.
 
Ils mangeaient beaucoup, mais buvaient bien plus encore, vantant les mérites de grand-maman leur mère à tous !
 
Après ces rires, ces congratulations, Irène, Paul et Josépha rentraient dans leur grande maison froide, le silence s’installait de nouveau jusqu’à de nouvelles agapes.
 
Noël, fête ô ! combien religieuse, messe obligatoire, surtout l’occasion de retrouver un maximum de famille, les cousins, les cousines, les oncles, les tantes.
 
Au fil des ans la famille se réduisait puis s’agrandissait au détour de morts, de mariage, de naissances, ici, personne ne divorçait, jamais !
 
Josépha avait le vent en poupe, la « cote » avec grand-maman, la plus belle, la mieux élevée, la plus aimée des petits enfants…
 
L’univers dans lequel Josépha grandit… !
 
Paul rentrait donc tard et passablement énervé la plupart du temps, journées difficiles ! Il gardait toujours le meilleur pour chez lui, vociférations, hurlements, la bouteille de whisky au goulot dès le pas de la porte franchi, sous le regard atterré et apeuré d’Irène qui manifestement « ne s’y faisait pas ».
 
Josépha avait appris à se terrer dans sa chambre, attendant que l’orage trépasse, que le calme revienne…
 
Parfois, Paul se déplaçait jusqu’à la caverne de cette petite fille et il fallait subir l’engueulade pour rien, pour tout, l’assurance d’être coupable, la terreur.
 
La passion, le sens de la vie d’Irène ; bien se comporter en toute occasion, ne rien laisser voir ni montrer de ses troubles, de ses souffrances, de ses révoltes, paraître indifférente et neutre, bien sûr finir par l’être.
Chaque jour, elle passait un peu de son temps à inculquer cette façon d’être, cette philosophie de la non-vie, du non-désir à Josépha, ne rien dire, ne rien penser, continuer à vivre comme une potiche, vivre dans les très bonnes manières qui marquent toute la différence de la classe sociale ; voilà l’éducation qu’Irène transmettait avec tant de foi et d’ardeur à sa fille.
 
Pour la compléter, elle lui enseignait le dégoût du corps et du sexe, répétant à satiété que tout ce qui se passait sous le nombril était sale, qu’il fallait l’oublier, le bannir, ne pas y toucher sous peine de maladie ou pire, Josépha ne comprenait pas le pire, mais la hantise de ces endroits sales s’installait en elle…
 
Irène se targuait d’une grande culture dans tous les domaines valables ; musique de chambre, l’orchestre étant réservé aux béotiens, philosophie, elle n’y comprenait au fond rien du to

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