Jeux d eau 3
67 pages
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Jeux d'eau 3 , livre ebook

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Description

Philippe a réussi son changement d’identité. Il s’appelle maintenant. Saksari. Après dix heures d’avion, parti du Mexique, via Cuba, il arrive à Londres avec deux projets qui lui tiennent à cœur.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 18 mai 2018
Nombre de lectures 0
EAN13 9781925305593
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0150€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Avant-propos
Philippe a réussi son changement d’identité. Il s’appelle maintenant Saksari. Après dix heures d’avion, parti du Mexique, via Cuba, il arrive à Londres. Il vient s’inscrire à des cours de cinéma et d’informatique. Pour son peuple de Kanesatake, il veut élaborer un projet qui régénèrera la fierté mohawk.
Dans ce nouveau récit, tout est fictif. Toute ressemblance avec les personnages ou leur histoire est le fruit du hasard. Les lieux décrits existent. Ils servent de cadre au récit, sans implication sociale ou politique.
Autant que possible, l’orthographe simplifiée est respectée. La plupart des accents circonflexes sont éliminés (î, û).
Copyright
La copie, la reproduction et la modification du texte, de portions du texte ou des images de «Jeux d’eau3 — Suite du récit» sont interdites.© Alain Panisset 2015
Cet ouvrage est dédié à tous ceux que j’aime
Enfin Londres
Je me réveille en sursaut. Quel fracas !
La ville est-elle bombardée ?
Je me précipite à la fenêtre, j’écarte les rideaux. Mais non, ce sont les éboueurs qui vident les poubelles dans le camion et les lancent ensuite sans ménagement. Je les observe un moment. Pour les sacs verts, ils virevoltent pour les lancer dans la benne. Sur leur élan, ils prennent les grosses poubelles «à bras le corps» et cette fois-ci, ils continuent leur pas de valse et les vident dans le camion. Ici s’arrête le gracieux ballet dont la trame sonore se termine par le fracas du contact métallique avec le mur de la ruelle.
Voilà, j’en suis quitte pour entendre dans ma tête la chanson du ballet des ramoneurs chantée dans «Mary Poppins». Elle risque de tourner en boucle.
Il est six heures ici, deux heures du matin pour moi.
J’ai fêté l’anniversaire de mes trente-sept ans dans l’avion.
Ma montre indique le deux et je sais que nous sommes en janvier 1987. Je me répète mon prénom: Saksari et j’y ajoute mon nom de famille, Gabriel. C’est le nom de la famille de ma mère.
Trois jours pour mener à bien mes inscriptions académiques. J’ai feuilleté dans l’avion un guide du «Londres romantique» et j’en retiens quelques bonnes idées.
Les quelques vêtements dont je dispose ne sont pas adéquats pour le climat de Londres en janvier. Il fait froid et humide. Donc, première étape, il faut que je trouve un magasin convenable. Au tabac voisin du petit hôtel que j’habite sur le Strand, j’achète un plan de la ville et je repère le Marks & Spencer d’Oxford Street. J’y trouverai tout ce qu’il me faut, même de quoi me restaurer.
Dans le taxi qui m’y conduit, je prépare un circuit de visites, une fois mes achats terminés. Marble Arch, Oxford Circus, Regent Street vers Piccadilly Circus. J’en ai pour la journée à explorer le quartier.
Me voilà devant le magasin. Je règle le taxi en dollars américains après avoir péniblement fait la conversion d’après la somme affichée au compteur. La mine réjouie du chauffeur me dit que mon calcul l’avantage beaucoup. Tant mieux, la générosité m’a toujours porté chance.
Dès l’entrée du magasin, je trouve le bureau de change. Je refuse une carte de crédit, préférant me munir de mille livres sterling en gros billets. Les rayons pour hommes sont au deuxième étage.
J’en sors transformé en gentleman anglais classique. Veston de tweed gris-bleu, pantalon de laine gris, col roulé blanc. Je me suis par ailleurs acheté des bottes montantes «Doc Martens» dont le contraste me semble du plus bel effet. Il me faut aussi un sac de voyage et un porte-document. Dans la cabine d’essayage, je revêts mes nouveaux vêtements, mets ceux que j’enlève dans le sac et je quitte le magasin complètement transformé. Sur le trottoir, le froid et quelques gouttes de pluie me surprennent. Je marche vers Regent Street. J’évite Bond Street: on y habille les banquiers et les magistrats.
Sur Regent, les boutiques sont toutes tentantes. J’y trouve rapidement le complément à mon attirail d’anglais moyen: un parapluie et un cache-nez de laine rouge. Un peu plus loin, je tombe en arrêt devant Hamleys, un immense magasin de jouets. Je ne résiste pas.
J’y entre. Les jouets sont disposés sur trois étages circulaires centrés sur un espace central dans lequel une construction en Lego monte jusqu’à la verrière qui sert de toit. Quel ravissement ! Les trains électriques miniatures occupent un étage complet.
Ma promenade me ramène à mon petit hôtel sur le Strand. Demain, les bureaux des différentes institutions universitaires seront ouverts.
J’irai d’abord au London Film School, dans le quartier du vieux Londres, pas loin de Covent Garden et du Royal Opera House. J’ai pris rendez-vous avec un conseiller à l’admission. J’ai écrit son nom dans le petit carnet que m’a donné mon logeur de la rue Strand.
Né à Bombay, cet homme très prévenant s’exprime dans un anglais teinté d’un accent de son pays. Il m’a tout de suite parlé de la solidarité des peuples du Commonwealth. Mais alors, quand je lui ai dit que j’étais mohawk, il a tenu à me faire une accolade en me disant que nous étions faits pour nous entendre comme des frères. Je peux maintenant me servir de son téléphone dans son petit bureau encombré de mille-et-un objets laissés ou donnés par ses clients. J’en aurai pour des heures à l’écouter me décrire la provenance de ces bibelots, livres, et revues chaque fois que je pénètre dans son antre pour téléphoner. Il m’invite pour le breakfast demain matin, dans sa petite cuisine.
Après une nuit plus reposante que la précédente ; je me lève frais et dispos. Je me débarbouille dans le lavabo de ma chambre et m’habille en anglais moyen. Monsieur Chaudry est debout à côté de la petite table de la cuisine.
— Bonjour monsieur Gabriel. Maintenant que nous sommes intimes, appelez-moi Sandeep, je serais plus à l’aise.»
— D’accord. Alors, appelez-moi Saksari.»
— Vous avez le choix, thé ou café, porridge ou pain grillé. Dans l’assiette du centre, des kippers. Goutez-y sans crainte. Vous avez aussi de la gelée de tamarin et un chutney que je prépare moi-même.»
— Et les kippers ?»
— Ah ! les kippers. Je crois que c’est ce que vous appelez du hareng saur, fumé et salé. Une tradition anglaise qui donne lieu à un jeu de mots: «They keep repeating on you». Vous comprendrez si vous en mangez. Je vous souhaite un bon appétit.»
Je goute à tout et remercie. Je consulte mon plan du métro londonien. La station la plus rapprochée est Temple sur la ligne verte. À Embankment, changement pour la Northern jusqu’à Leicester Square puis la ligne Piccadilly jusqu’à Covent Garden. Je repère sur mon plan la rue Langley qui n’est pas très loin. En déambulant dans les rues étroites du vieux Londres, je retrouve des lieux ou des films ont été tournés. Les arcades de Covent Garden me rappellent la scène du début de My Fair Lady.
The London Film School
L’aspect extérieur de l’école n’est pas très engageant. Avant d’entrer, je vérifie le nom de celui qui m’accorde une entrevue.
À la réception, je demande où trouver monsieur Richard Gruffid.
— Prenez l’ascenseur. Au troisième, son bureau est tout de suite à droite.»
Dans l’antique et très spacieux monte-charge, j’ai le temps de me mettre dans la peau d’un candidat brillant, plein d’assurance.
La porte du bureau est ouverte. Une personne est assise devant une table de travail et me fait dos. La pièce est assez petite, mais sous une verrière qui sert de plafond trois mètres plus haut ; atmosphère d’aquarium, me dis-je. Je me racle la gorge pour annoncer ma présence.
— Je présume que vous êtes monsieur Gabriel. J’ai l’habitude de commencer l’entrevue en vous tournant le dos. J’essaie de vous imaginer d’après votre voix et vos réponses. Une question d’abord: votre prénom est inhabituel et il est associé à un nom de famille qui peut provenir de nombreuses ethnies. Alors ?»
— Je suis né à Montréal d’un père français immigré au Québec. Ma mère est mohawk. De là mon prénom Saksari, Philippe en mohawk. Je porte le nom de famille de ma mère depuis la mort de mon père.
— Quel âge avez-vous et quelle est votre situation familiale ?
— J’ai trente-sept ans, je suis célibataire.
— Qu’elle est votre langue maternelle, parlez-vous plusieurs langues ?
— Comme beaucoup de Canadiens, je parle français et anglais. Je me débrouille aussi en espagnol, pour les besoins d’un voyageur. Je ne parle pas mohawk, faute de l’avoir appris.
— Vous avez donc voyagé.
— Oui, un peu. Le Québec, quelques états des États-Unis, le Mexique, plus longtemps.
— Talents, habiletés, expériences artistiques ?
— Un baccalauréat classique, plusieurs mois de stage dans des laboratoires: bactériologie et chirurgie expérimentale. Une formation en danse de folklores. Notions de maniement des armes. Organisation d’un groupe de jeunes mohawks. Enseignement des arts martiaux et préparation à une opération fructueuse de contreguérilla urbaine. Scénarisation et direction d’un film racontant cette opération. Voilà. J’ai essayé d’être réaliste et concis. J’oubliais mes connaissances en informatique et en programmation.
— Et ce film ?
— Aucune valeur commerciale. Traduit en mohawk, il a été distribué dans toutes les salles autochtones du Canada et d’Amérique. Succès documentaire pour auditoire ciblé.
— Qu’attendez-vous du London Film School ?
— Une formation solide en cinéma.»
— Avant de vous faire face, je vais vous avouer que je pense avoir derrière moi un homme muri par la vie, doué d’un réalisme de bon aloi et d’un idéalisme solide. Je me retourne et je vous serre la main. Nous irons continuer cette rencontre entre hommes au pub Crown and Anchor, au coin de la rue.
Ils marchent en silence, se tournant l’un vers l’autre à deux reprises, comme s’ils voulaient s’assurer de la réalité du moment et évaluer l‘intensité de l’émotion qu’ils ressentent.
Le pub est déjà presque plein. Un nuage de fumée de cigarette masque en partie les lieux. Au parfum du tabac se joignent une forte odeur de bière et un vague relent d’urine. La plupart des clients sont debout ou accoudés au bar. Le bruit des conversations est élevé.

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