Jamaiplu
87 pages
Français

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Jamaiplu , livre ebook

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Description

Quel est le point commun entre :une jeune femme qui parle aux animauxune vie de chienun scénario mortelun enfant trop curieuxdes fantômes rigolardsdes zombies très affectueuxun goûter entre filleset un extraterrestre élevé en pot?Réponse :Josiane Balasko!Avec ce recueil de nouvelles drôles, tendres ou amères, l’actrice préférée des Français, artiste aux multiples talents, jette un regard sensible et acerbe sur notre temps.

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Informations

Publié par
Date de parution 06 mars 2019
Nombre de lectures 63
EAN13 9782756429755
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Josiane Balasko
Jamaiplu

Ouvrage paru sous la direction de Lilas Seewald
Pour plus d’informations sur nos parutions, suivez-nous sur Facebook, Instagram et Twitter. https://www.editions-pygmalion.fr/
© Pygmalion, département de Flammarion, 2019.
 
ISBN Epub : 9782756429755
ISBN PDF Web : 9782756429762
Le livre a été imprimé sous les références :
ISBN : 9782756429694
Ouvrage composé par IGS-CP et converti par Pixellence (59100 Roubaix)
Présentation de l'éditeur
 
Quel est le point commun entre :
une jeune femme qui parle aux animaux
une vie de chien
un scénario mortel
un enfant trop curieux
des fantômes rigolards
des zombies très affectueux
un goûter entre filles
et un extraterrestre élevé en pot ?
Réponse :
Josiane Balasko !
Avec ce recueil de nouvelles drôles, tendres ou amères, l’actrice préférée des Français, artiste aux multiples talents, jette un regard sensible et acerbe sur notre temps.
     
Du même auteur
Romans
Cliente , Fayard, 2004.
Parano express , Fayard, 2006.
Théâtre
Le Père Noël est une ordure , Actes Sud, « Babel », 2000.
Nuit d’ivresse. L’Ex-femme de ma vie. Un grand cri d’amour , Actes Sud, « Babel », 2003.
Bunny’s Bar , Actes Sud, « Papiers », 2004.
Dernier Rappel , Actes Sud, « Papiers », 2006.
La Nuit sera chaude , Actes Sud, « Papiers », 2012.
Jamaiplu
À tous les magiciens qui m’ont fait voyager dans leurs multiples dimensions, Fredric Brown, Arthur C. Clarke, Jean Ray, John Wyndham, Ursula K. Le Guin, Ray Bradbury, Cordwainer Smith et tant d’autres encore, un bien modeste hommage pour avoir enchanté ma jeunesse.
Jamaiplu
Le corbeau me suivait à bonne distance depuis un petit moment, survolant le sentier qui menait à la maison.
Je m’arrêtai et le vis se percher sur la branche basse d’un gros chêne. Il me regardait. Il avait sans doute quelque chose à me dire, que je n’arrivais pas à déchiffrer. Je manquais d’expérience dans le domaine des oiseaux.
J’ai grandi à la campagne, près d’une ferme et, vers l’âge de cinq ans, j’ai commencé à entendre, ou plutôt à voir, ce que les animaux me transmettaient. Les habitants de la basse-cour et de l’étable devinrent naturellement mes compagnons de jeu. À la même époque, j’arrêtai aussi de consommer de la chair animale, au grand désespoir de mes parents – il était pourtant évident que je n’allais pas manger mes petits copains.
Les animaux apprivoisés ou domestiques sont plus simples à lire, ils utilisent plus facilement les codes humains, les images qu’ils projettent sont claires, dans la plupart des cas. Mais le corbeau me restait incompréhensible.
Je repris mon chemin, continuant à recevoir des signaux auxquels je ne trouvais aucun sens. Sinon de la détresse. Je ne percevais que de la détresse.
Et puis ce fut le silence. Mes regards se portèrent alentour, mais l’oiseau avait disparu.
Bella m’attendait avec impatience et me fit comprendre qu’elle avait faim. Je n’ai pas besoin d’« entendre » ma chienne pour deviner ses besoins. Tout le monde peut le faire, les chiens sont suffisamment expressifs, les chats également. Il n’y a qu’en cas d’urgence qu’ils transmettent des images fortes. Très peu d’humains peuvent les capter, j’ai la chance d’en faire partie. Ce dialogue particulier demande beaucoup d’énergie, de concentration. Sans doute n’en avais-je pas eu assez avec le corbeau.
Plus tard dans la soirée, je regardais ma série favorite lorsque Bella se mit à grogner.
Un coup sec fut alors frappé à la fenêtre. C’était lui. Perché sur le rebord, la tête penchée, il me fixait d’un œil brillant. Bella se leva, prête à bondir. Le corbeau s’envola. Je pris la tête de Bella entre mes mains, la caressai et lui envoyai le message : Ami . Tout va bien .
Elle se calma immédiatement et alla s’allonger près de la cheminée. Lorsque l’oiseau frappa de nouveau au carreau, elle ne bougea pas d’un poil.
Quand j’ouvris la fenêtre, il voleta jusqu’à la boîte aux lettres et attendit, patiemment.
Je fis le vide dans mon esprit et, moi aussi, j’attendis.
Les corbeaux sont très intelligents. Celui-ci tentait de dire quelque chose à un humain qu’il devait estimer aussi intelligent que lui. Je voulais être à la hauteur, et m’agaçai de ne pas y parvenir. Puis une image apparut, la vision très belle d’un ciel parfaitement bleu, au-dessus d’un grand saule frissonnant dans le vent. C’était clair : l’oiseau me disait de me calmer. Il procédait avec moi comme je l’avais fait avec Bella. Je souris.
Alors, l’harmonieux paysage évolua d’un seul coup. Le ciel se fit orageux, menaçant, le vent souffla violemment dans les branches du saule et un éclair zébra l’horizon. J’avais compris. Ça allait être brutal. Pour le rassurer, je renvoyai l’image d’un énorme chêne, trônant impérialement dans une prairie. Laquelle fut immédiatement balayée par de profondes ténèbres, qui perdurèrent plusieurs très longues secondes.
Un visage d’enfant apparut, une petite fille, absolument paniquée et qui hurlait silencieusement. Je poussai un cri et ouvris les yeux. Bella bondit vers moi et me lécha les mains.
Le corbeau avait disparu. J’essayai pendant un long moment d’établir un contact. En vain. Cette nuit-là, l’image perturbante de l’enfant m’empêcha de trouver le sommeil.
Qui était-elle ? Où l’oiseau l’avait-il vue ? Les animaux ne mentent jamais. Ils peuvent se tromper, mais la dissimulation n’est pas dans leurs gènes. Je finis par m’endormir oppressée, aux premières heures de l’aube.
 
Le lendemain, j’avais deux consultations à assurer, l’une au village, l’autre dans une ferme, à une quinzaine de kilomètres. Je suis kinésithérapeute, et je pratique dans la région depuis une bonne dizaine d’années. J’enfourchai mon vélo, encore tendue par ce que j’avais vécu la veille. Tout en pédalant, je me disais que, moi aussi, j’aurais eu bien besoin d’un bon massage.
Au début, mes clients s’étonnaient de me voir ainsi débarquer. Une voiture aurait été plus pratique, une mobylette à la rigueur, mais un vélo ! Lequel tirait par-dessus le marché une mini-remorque pour transporter ma table de massage !
J’essayais de leur faire comprendre que ce n’était pas par souci d’économie que je parcourais ainsi les environs, mais parce que mes efforts avaient leur récompense : le silence.
Le silence des chemins vicinaux qui longent les prairies, rempli de chants d’oiseaux, du bruissement du vent dans les haies et les bouleaux bordant la rivière, ce silence ponctué par les chœurs des grenouilles et des crapauds, par le crissement des insectes l’été et le bétail beuglant au loin. Ça valait largement quelques suées. Bien sûr, quand l’hiver arrivait, je regrettais parfois de ne pas avoir de voiture, mais c’est une autre histoire.
Ce matin-là, c’était la fin de l’automne, et le silence était vraiment silencieux, à part quelques bourrasques dans les arbres, qui projetaient leurs feuilles sur mon chemin.
La trentaine de kilomètres que j’avais parcourue dans la matinée m’avait fait du bien, je me sentais plus détendue, l’esprit serein. Lorsqu’un croassement vigoureux crispa mon oreille. Je levai la tête et vis l’oiseau me survoler, lentement, en larges cercles. La vision de la veille réapparut, si présente que je dus m’arrêter. Elle s’effaça assez vite et le corbeau vint se poser sur le chemin, à quelques mètres de moi. C’était vraiment un gros corbeau.
Je pensai au film d’Hitchcock et ça me mit en colère.
— Tu veux quoi ? Me faire peur ? C’est tout ce que tu as à me dire ? Qu’est-ce que c’est que cette image ? Qui est cette gamine effrayée ?
Si je n’avais pas été aussi énervée, j’en aurais ri. J’étais en train de hurler, en pleine campagne, sur un volatile qu’apparemment je n’impressionnais pas le moins du monde.
Le message qu’il m’envoya, bien que difficilement traduisible, était pourtant parfaitement clair : Même pas cap !
En plus il se foutait de moi ! Même pas cap ?! Toi-même, oui ! Même pas cap d’expliquer quelque chose correctement ! Je ne lui avais rien demandé !
Je ré-enfourchai mon vélo et repris mon chemin sans lui accorder plus d’attention. En réalité, j’étais vexée. Et humiliée. Par un fichu corbeau qui m’avait lancé un défi que je me sentais incapable de relever.
Une fois arrivée à la maison, je transmis malgré moi mon émotion à Bella, qui se mit à gémir doucement en rampant à mes pieds. Là, je me sentis carrément nulle. Il faut parfois se donner des gifles mentales et je m’en donnai une grosse, qui eut pour effet de me faire fondre en larmes. Bella bondit dans mes bras pour me consoler, et ses quarante kilos me firent choir dans le canapé.
Le cadre au-dessus de la cheminée me renvoya le reflet d’une femme de trente-cinq ans, le visage barré d’une énorme cicatrice, à moitié étouffée par l’amour d’un bouvier des Flandres.
Ça n’avait pas été facile au début, quand j’avais commencé à pratiquer dans la région. Les gens étaient polis, mais ils éprouvaient une certaine méfiance à la vue de ma balafre. Je ne peux pas leur en vouloir, moi-même, j’ai eu du mal à m’y habituer – d’ailleurs, je ne sais pas si je m’y suis habituée, j’écourte au maximum les moments passés devant la glace.
Je ne me regarde pas, je m’entrevois.
Je me dégageai de l’étreinte de Bella, respirai un grand coup et lui envoyai un doux message de réconfort. La réponse fut : Promenade . Promenade accordée. Avec la prière secrète qu’aucun corbeau, aucune pie, corneille ou volatile d’aucune sorte, serait-ce un pigeon ramier, ne vienne la troubler.
Je fus exaucée, la balade se passa tranquillement, Bella me transmettant ses ondes de bonheur canin, à foncer à travers bois, à se rouler sur les tapis d’aiguilles de pins, à mordiller furieusement les petites branches que je lui lançais. Ce fut un moment apaisant, propice à la réflexion.
L’irruption de l’oiseau dans ma vie me paraissait maintenant dénuée de tout mystère. L’image de l’enfant ? Volée sans doute pendant le caprice d’une petite fille en colère. Il ne mentait pas, il se trompait. Sans mauvaise intention.
Je pensai au poème d’Edga

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