Grand chelem
147 pages
Français

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Description

Radié de son ordre professionnel pour inconduite sexuelle, François B. amorce une longue traversée du désert qui s’ouvre avec la mort de Leonard Cohen. Il cherche à comprendre les motivations de Bianca, son accusatrice, et, par la bande, même s’il n’oserait jamais l’avouer, il cherche aussi un sens à sa vie. Pourrait-il devenir l’improbable héros d’un de ces récits de rédemption qui l’inspirent tant?
Avec ce roman post-#MeToo, l’auteur explore le vaste territoire de la culpabilité avec un humour acéré, alternant entre provocation et repentir.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 13 août 2021
Nombre de lectures 3
EAN13 9782764444306
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Du même auteur
Coyotes et alligators , Druide, 2020.
Le fruit de mon imagination , Druide, 2016.
Sors de ce corps , Triptyque, 2015.
Zagreb , Triptyque, 2013.
Quelques jours à vivre , Triptyque, 2012.
Quinze secondes de célébrité , Triptyque, 2009.



Projet dirigé par Stéphane Dompierre, éditeur

Conception graphique et mise en pages : Nathalie Caron
Révision linguistique : Isabelle Pauzé
En couverture : Paul Prescott / shutterstock.com
Conversion en ePub : Fedoua El Koudri

Québec Amérique
7240, rue Saint-Hubert
Montréal (Québec) Canada H2R 2N1
Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010

Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada.
Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien. We acknowledge the support of the Canada Council for the Arts.
Nous tenons également à remercier la SODEC pour son appui financier. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.


Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Grand chelem / François Leblanc.
Noms : Leblanc, François, auteur.
Collection Littérature d’Amérique.
Description : Mention de collection : Littérature d’Amérique
Identifiants : Canadiana (livre imprimé) 2021005641X |Canadiana (livre numérique) 20210056428 | ISBN 9782764444283 | ISBN 9782764444290 (PDF) | ISBN 9782764444306 (EPUB)
Classification : LCC PS8623.E336 G73 2021 | CDD C843/.6—dc23

Dépôt légal, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2021
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives du Canada, 2021

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés

© Éditions Québec Amérique inc., 2021.
quebec-amerique.com



Et puis, la raison qui scelle cette fraternité inopi née avec mon peuple, qui justifie mon entrée dans la tribu des menteurs, des délinquants en cavale, des blanchisseurs d’argent sale, des conducteurs sans permis, des voleurs, des receleurs, des maîtres chan teurs, des types pistonnés, des fraudeurs fiscaux, des individus corrompus, des corrupteurs, des enfants de salaud, des mecs qui profitent de la misère d’autrui (…) , la raison donc pour laquelle je rejoins ce beau monde n’est- elle pas en définitive que je n’ai rien commis de mal, qu’on m’a seulement mouillé dans une sale combine, que je suis innocent ?
Sandro Veronesi, Terres rares
Pour moi, je ne vois point de milieu ; cet homme doit régner ou mourir.
Saint- Just


Vingt- quatre premières heures
Des portraits de récipiendaires du prix Noël- Mailloux, décerné à des psychologues qui se sont distingués par leur contribution scientifique, tapissaient les murs de la salle d’audience. Des hommes pour la plupart, dans une profession où les femmes sont pourtant beaucoup plus nombreuses. Des hommes vieux, souriants, sereins, avec des gueules d’intellectuels fumeurs de pipe. S’il y avait une chose dont j’étais sûr, c’est que je n’obtiendrais jamais ce prix.
Objectivement, la situation aurait pu être bien pire. « On a évité des poursuites au criminel », m’avait rappelé l’avocate qui me représentait, Me Sophie Antoun, qui ne ratait pas une occasion de me montrer du doigt le proverbial verre à moitié plein. Dans l’absolu, elle avait raison. En d’autres circonstances, en d’autres lieux, à d’autres époques, je n’aurais peut- être pas échappé à un interrogatoire digne de l’Inquisition, aux tortures les plus raffinées, à l’internement dans un goulag, à la lapidation publique ou à l’empalement. Là, on m’avait même offert un café.
J’étais assis à la gauche de Me Antoun, qui feignait d’ignorer les regards angoissés que je lui jetais. J’avais pensé qu’il serait avantageux dans une cause pa reille d’avoir une femme pour me défendre. Peut- être trouverait- elle plus facilement les failles dans les témoignages accablants, à l’instar de cette redoutable avocate dans le procès Ghomeshi ? Quelle naïveté ! J’avais rêvé en couleurs. Me Antoun était une petite femme entre deux âges, cernée, apathique, qui n’aurait pas convaincu un directeur d’école d’annuler la retenue infligée à un enfant de dix ans. Pour huit mille dollars, j’avais espéré mieux.
En face de nous, la partie plaignante était formée par la syndique adjointe, une dame tatillonne qui prenait son rôle très au sérieux, et le procureur au dossier, un type blond et rougeaud, au visage poupin, avec un patronyme irlandais. À la table à notre droite siégeait le Conseil de discipline, présidé par une avocate dont l’allure était plus conforme à mes idées préconçues sur les membres du Barreau. Botox, talons aiguilles, vêtements signés, lunettes à fine monture vermeille. Complétant le tableau, les deux psychologues qui l’entouraient lui servaient de faire- valoir. Bien en chair, la soixantaine entamée, elles portaient des oripeaux achetés en solde il y a dix ans chez Addition Elle. N’eût été le contexte, leurs bouilles plutôt sympathiques m’auraient plu. Depuis le début de l’audience, elles gardaient un silence respectueux, se contentant à l’occasion de hocher la tête aux propos de la présidente. Par moments, le seul bruit qu’on entendait, c’était le pianotage de la greffière sur le clavier de son portable.
Dieu merci, il n’y avait pas de journalistes. Bianca était la seule autre personne dans la salle. La tête haute, le buste projeté en avant, jupe très courte, comme d’habitude, avec des collants rayés multicolores. Elle irradiait. Folie, haine, luxure, tout en même temps. Parfois, je sentais son regard posé sur moi, mais je m’abstenais sagement de tourner la tête dans sa direction. Elle avait été présente à presque toutes les étapes des procédures, ce qui, selon mon avocate, était très inhabituel. J’avais imaginé qu’une telle conduite alerterait le Conseil de discipline, mais ça n’avait pas été le cas. Tout le monde avait déjà tiré ses conclusions dans cette affaire. D’une manière ou d’une autre, j’étais condamné, depuis le début.
— Donc, si je comprends bien, Maître O’Connor, dit la présidente, vous en êtes arrivé, avec votre collègue de la partie adverse, à une suggestion commune sur la sanction à imposer ?
— C’est exact, Madame la Présidente…
Me Antoun me tapota le bras discrètement. Une vraie mère pour ses clients, à défaut d’être une avocate brillant par sa compétence. Elle savait ce que je pensais. Cette suggestion commune était une reddition. J’avais tout perdu et on aurait voulu que je les remercie pour leur clémence. Me Antoun s’en chargerait à ma place, je la devinais plus habile pour cet aspect du boulot. En la voyant à l’œuvre, j’en étais arrivé à la conclusion qu’il existait peut- être des avocats qui arrivaient à gagner leur vie sans remporter une seule cause, tout comme il y avait des psychologues qui n’aidaient personne à guérir, des prêtres qui ne sauvaient aucune âme et des réparateurs d’appareils électroménagers qui ne réparaient rien, qui se contentaient de remettre des devis à leurs clients en leur expliquant que ça coûterait moins cher d’acheter un appareil neuf.
Malgré la suggestion commune, mon supplice ne s’en trouva guère abrégé. Appelée à la barre des té moins pour dire toute la vérité et juste la vérité, la syndique adjointe récapitula d’une voix neutre les faits qui m’étaient reprochés. Apparemment, tout avait commencé, après quelques rencontres, avec des allusions de nature sexuelle. J’écoutai d’abord le témoignage avec une étrange fascination, comme si tout cela ne me concernait pas, comme si c’était une fable de La Fontaine que j’entendais pour la première fois, mais je ne réussis pas longtemps à conserver cette distance.
— L’intimé complimentait la cliente sur sa tenue vestimentaire en ajoutant qu’il était difficile pour lui de se concentrer, parce que d’autres images lui venaient en tête en la regardant. Il lui a répété à plusieurs reprises qu’il n’avait jamais eu en consultation une femme aussi sexy qu’elle…
Presque in

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