FOUTUE OCEANE
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Description

Océane était folle de joie. Elle avait ses gants verts. Oh pas d’un vert ruisselant ! D’un vert tremblant, étouffé, comme pour s’empêcher d’être distingué par le ciel. Ils se faufileraient là où elle a vu depuis des jours, qui lui semblent des siècles, la table proche, ronde où se tient seule chaque matinée, une femme aux lunettes noires et au petit sac emperlé. Océane connaissait par cœur, adorait le trésor perlé, posé avec négligence ou distraction sur le bord de la table ronde, tout près du chemin éploré, comme en attente. Il était temps pour les gants d’un vert presque sans vert d’entrer en lumière.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2022
Nombre de lectures 13
EAN13 9782383530121
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Foutue oc É ane


Du même auteur :
Aux franges de l’éveil. Pierre Chave, Vence, 1987
(Avec des lithographies de Théo Tobiasse)
Mort derrière le mur. Albin Michel, Paris, 1993
Songe noir. Laure Matarasso, Paris, 1994
(Avec des eaux fortes et des aquarelles de Gérard Morot-Sire)
Ciel cassé. Éditions Tipaza, Cannes, 1997
(Avec des lithographies de Gérard Eppelé)
L’Envers du monde. La pointe Badine, Nice, 1998
(Aves des eaux fortes de Michel Joyard)
Et si vous étiez Musset… Les Éditions Varia Montréal, 2000
Visages nus, Éditions Mélis, Nice, 2000 (Préface d’André Verdet)
Sept heures d’absence. Les Éditions Varia Montréal, 2002
L’Homme de Berlin. Éditions du Losange, Nice, ٢٠٠٦ Pour l’Amour de Chair. Éditions du Losange, Nice, ٢٠٠٦ La femme clandestine. Éditions du Losange, Nice, ٢٠٠٩ La mère de Pierre. Éditions du Losange, Nice, ٢٠١٠
Le Syndrome de Stockholm. Éditions du Losange, Nice, 2011
Dance for love. Éditions Sudarène, 2015
L’Homme de Berlin (réédition). Éditions La Gauloise, Nice, 2016
Le Voilier Bleu. Éditions La Gauloise, Nice, 2017
Mort derrière le mur (réédition). Éditions La Gauloise, Nice, 2017
Devoirs de vacances. Éditions La Gauloise. Nice2017
L’enfant sous un saule pleureur. Éditions La Gauloise. Nice 2018
N’importe où. Éditions La Gauloise. Nice 2018
Et en plus, elle s’appelle Garance. Éditions la Gauloise,
St-Laurent du Var, 2019
Silences et doubles croches. Éditions la Gauloise,
St-Laurent du Var, 2019
La nuit d’Apollonie. Éditions la Gauloise,
St-Laurent du Var, 2020
Juliette à sa fenêtre. Editions la Gauloise 2020
Encre violette et livre blanc, Editions la Gauloise, 2021
L’Indiscrète, Editions La Gauloise, 2022


Marie-Agnès COUROUBLE
FOUTUE OC É ANE
Roman
Les Editions La Gauloise


Maquette de couverture INNOVISION
Crédit photos – Adobe Stock
Tous droits réservés pour tous pays
Copyright 2022 – Les éditions La Gauloise
2474 avenue Emile Hugues, 06140 Vence
ISBN : 978-2-38353-020-6
Foutue Océane


1
Océane était folle de joie. Elle avait ses gants verts.
Oh pas d’un vert ruisselant ! D’un vert tremblant, étouffé, comme pour s’empêcher d’être distingué par le ciel.
Elle avait cherché pendant des lustres, fouillé les brocantes, adoré timidement les jolis gants de couleur, les rouges comme la gloire, les violets comme la fièvre.
Non et non. Il lui fallait du vert pâli, qui dégouline entre les feuillages vieillissants, les arbustes de l’automne, la haie assouvie de soleil.
Depuis longtemps elle avait repéré le chemin d’arbustes qui limitait le bistrot du coin de la place, leur vert ne pouvait plus s’éterniser, les feuilles pleuraient doucement avant le frimas de l’hiver.
Elle enfilerait ces gants miracles de vieillesse et de ressemblance. Ils se faufileraient, disparaîtraient dans le vert privé d’ardeur comme eux, là où elle a vu depuis des jours qui lui semblent des siècles, la table proche, ronde où se tient seule chaque matinée, une femme aux lunettes noires, un peu désastreuses les jours moroses.
La femme avait un buste raide, une veste ou un manteau différent chaque matin, elle ne lisait pas, elle posait son petit sac emperlé, sûrement un cadeau du passé, où elle cherchait avec précaution une monnaie bienvenue ou un billet improbable.
Océane connaissait par cœur, adorait le trésor perlé, posé avec négligence ou distraction sur le bord de la table ronde, tout près du chemin éploré, comme en attente, entre les branches prêtes à pencher.
Il était temps pour les gants d’un vert presque sans vert.


2
Eve se tenait très droite. Aujourd’hui elle avait mis un manteau bleu vif et une toute petite écharpe de fourrure noire. L’automne refroidissait les terrasses, s’annonçait sous les portes, Elle aimait sa sensation de chaleur dans le bleu et la fourrure. Elle rêvait, le regard immobile.
Eve était aveugle. Sa canne blanche posée par terre pour ne pas se mettre en valeur, elle entendait le moindre crissement, le vol d’un pigeon ou d’une mouette. Elle n’avait pas à regretter la lumière, les campagnes, les couleurs du monde. Elle ne les avait pas connues. Elle pouvait se les inventer, au fond c’était un cadeau de choix, ne pas avoir aimé, s’être laissée enivrer par le divin des couleurs pour en être privée plus tard. Le martyr doit être plus grand.
Alors dans sa tête aux cheveux très bouclés qu’elle laissait vivre sur sa fourrure, elle était bien, elle aimait le monde en sourdine qu’elle s’était créé. L’écho pouvait devenir étrange, inattendu, parfois bizarre quand le soleil tragique la poursuivait. Elle se laissait porter comme une voile sur la mer d’une petite ville où chanter n’aurait servi à rien, peindre une difficulté, une absence. Vivre plutôt, à cette terrasse où le bruit affleure mais les obscurités s’éloignent et le ciel semble ralentir pour elle.
Eve suit les saisons, s’en approche avec prudence puis s’en va sans boiter, sans hésiter avec cette canne miraculeuse qui lui permet d’exister, de connaître le sol comme un forestier, de s’y imposer comme un arbre.
Elle sait qu’elle est belle, grande, les yeux dissimulés mais la bouche large. Le manteau bleu lui va bien. Ce matin le temps est doux et pervers, un ange démon que l’on apprivoise avec de la fourrure.
Peut-être qu’elle attend un événement chaque jour, mais elle ne le sait pas.
Sa patience est infinie.


3
Océane est prête. C’est une anguille. Elle serpente comme elle vit entre les objets, les êtres, les possibilités, les longues réflexions avant d’agir, ou les petits gestes rapides bien conçus. Guetteuse à l’abri. Elle est née comme ça. Ses mains agrippent, agissent à la seconde dans le danger de la seconde. Intrépide ou prudente, silencieuse et douée pour l’invisible, la fraude, le risque, elle adore le risque c’est sa guerre à elle comme ceux qui rampent entre les obus.
Ce matin-là elle voit encore la femme indicible dans sa droiture avec ses boucles qui dévastent presque son visage. C’est joli.
Océane est passée trois fois, elle a remarqué le manteau bleu et surtout le petit sac obéissant comme un porte-monnaie avec quelques perles désobéissantes qui allaient bientôt crier misère.
Elle est prête, simple et prête là, c’est du mijoté intensément, pensé la nuit quand tout dort et qu’elle rêve de son tiroir chéri.
Elle passe la main entre les jeunes arbustes dépités, trouve le chemin connu, les gants verts foutus sont des serviteurs accomplis, tout glisse et se ressemble.
Océane avec une grâce infinie effleure quelques feuilles déjà endeuillées, sa main gantée et mouillée attrape avec dextérité le sac porte-monnaie, docile comme un bébé il se faufile avec elle, comme enjoué. C’est si facile la vie parfois quand on y songe.
La belle dame n’a pas bronché. Elle regarde les voitures, elle regarde peut-être l’horizon. Ses lunettes noires l’abritent. C’est une rêveuse qui se déguise, pense Océane avec une certaine compassion.
Elle aime souvent ses chapardés. Étrange. Celle-là encore plus, elle est belle. Tant pis. C’est sa vie. Après elle ne court pas, sa démarche est sûre, elle s’éclate à regarder des boutiques sans goût, ce qu’elle possède est deux fois plus précieux.
Océane est heureuse, encore un match de gagné. Elle pourra regarder le foot en sirotant son rosé.


4
Eve n’a pas bronché, bien sûr, elle qui ressent le moindre rayon, une ombre au ciel, un pigeon qui s’affole au pied de sa table pour une miette, elle a entendu l’envol du porte-monnaie comme victime d’une brise soudaine. Elle ne s’est pas retournée, le geste devait être preste, les arbustes acrobates auprès d’elle, employés de charme.
Elle n’a pas vu le gant vert éperdu, elle a entendu le crissement comme un air enfantin. Eve a continué à regarder droit devant elle.
Bien sûr elle naviguait au son et bien sûr elle n’avait plus un sou. Au serveur qui ne voit qu’elle tous les jours : « je paierai demain, j’ai oublié mon porte-monnaie », et non pas « on me l’a volé ».
Si peu d’importance même si elle n’est pas riche, elle donne des cours de français, ça elle peut le faire, la langue lui est facile, elle a une mémoire implacable pour la beauté des mots et l’imaginaire, ou, griffonner en rentrant dans sa chambre des espèces de dessins absurdes, des impressions, des cercles, des sensations.
L’événement lui plaisait.
Elle prit sa canne avec discrétion. Coupable de ne pas voir, elle voyait tout.
Demain elle se trouverait un porte-monnaie parmi les dix de sa mère.


5
Swann devenait un photographe de haute volée.
Dès l’âge de quinze ans il se baladait avec un appareil autour du cou, inspiré, il flinguait l’instant.
Tout petit il contemplait une fourmi pendant des heures, guettait les écureuils agiles au fond des arbres, puis il a surveillé le moindre mouvement du sol, du ciel, une abeille sur sa fenêtre, une herbe frôlée par le vent, la promesse d’un nuage qui occultera le soleil, il observait avec une patience de collégien qui s’embête au collège, plus tard, avec un intérêt prodigieux, le frisson des saisons, le monde qui gronde ou qui brûle, la fureur d’un chat dont le regard vous fouette, un chien sans abri qui cherche sa route d’une patte molle, un enfant au visage effaré par le bruit d’un train qui entre en gare, tout, absolument tout le fascinait. Il était le photographe de la vie, il fuyait les portraits mais certains portraits s’imposaient à lui. Il adorait les mains. Posées, vivantes, ou âgées, racontant des histoires mieux que des paroles, alanguies dans l’apesanteur de l’été, embellies l’hiver dans des gants de peaux élégantes, un peu surannées ou dans des moufles indisciplinées où le pouce est comme une arme.
Il devenait connu dans cette ville où l’art louvoyait, il convenait

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