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Description

Sarah, fille aînée, découvre un matin que sa mère ne se réveille pas et a plus froid que d’habitude. Elle appelle Pierre le père et époux, puis enfin la cadette Clarisse. De l’au-delà, la morte épie les faits et gestes de sa fille et de son époux veuf. Ces trois-là n’ont pas ou mal su aimer celle qui leur a faussé compagnie. Au fil du temps, ils vont découvrir des pans entiers de l’existence de celle qui a partagé plusieurs décennies de leurs vies... Qu’elle est mince la frontière entre réalité et folie ordinaire ! Pour ne pas la dépasser, il suffit parfois d’un peu, si peu d’amour... qu’il devient alors ce fil qui retient sur la route de la vie, qui mène à la joie et qui fait tourner le dos au désespoir. C’est peut-être le message que cette maman réussira à faire passer, de très loin...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 22 mai 2012
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748377279
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0056€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Éteinte
Yolande Auvray
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Éteinte
 
 
 
 
Préambule
 
 
 
Vous venez de saisir un petit livre qui vous intrigue. Nous ne nous connaissions pas jusqu’à cet instant. Mon nom ne vous dit rien. Nous nous découvrirons si vous le voulez bien. Vous ne pouvez pas laisser tomber mes quelques pages. Machinalement, vous retournez ce bouquin et vous regardez le prix. Après tout, il peut rentrer dans votre budget. Cette édition paraît mince, voire maigre, comme l’ancienne anorexique que je suis. Encore une qui a écrit un bouquin sur fond de souffrance ! Non, toute vie mérite d’être vécue. Mot après mot comme miette après miette, je l’ai composé comme un repas en espérant vous combler par quelques bouffées d’amour.
Toujours donner aux autres, c’est mon leitmotiv avec l’hypothétique frustration de se retrouver en face de quelqu’un qui ne veut pas recevoir, ou pire, de celui qui croit que cela est bien naturel que l’autre donne encore et toujours et qui profite de cette disposition particulière. Quelle différence entre demander à des amis spécialistes de vous préparer d’énormes dossiers que vous allez compulser pour livrer un message ou une théorie, ou réunir toutes ses propres turpitudes sans les dévoiler tout à fait, comme un équilibriste, entre réalité et folie si ordinaire. Nous quêtons chacun à notre manière, ouvertement en assisté, ou par petites touches telles des bouteilles à la mer que nous attendons au port ou sur le bord d’une plage réputée pour recevoir ce que l’océan rejette, ou à l’affût des mots des autres comme autant de raisons de progresser soit parce qu’ils engendrent notre réflexion, soit parce qu’ils ont suscité notre approbation ou notre dégoût. Le son de la voix de l’autre n’a parfois pas assez de couleur pour intégrer notre matière grise dans le moment présent. Modestement, je souhaite venir à votre rencontre pour que nous nous enrichissions de nos expériences. Je vous livre d’abord les miennes. Peut-être me parlerez-vous des vôtres. Ce message d’amour s’adresse à tous, vous qui avez une pompe à sang qui vous sert de cœur, des tripes qui ne sont que des boyaux interminables, un cerveau, ô tout juste une cervelle aux circonvolutions incertaines. Ce texte s’adresse aux vivants, ceux qui se posent de temps en temps au chevet d’un livre, avec la diversité qu’il vous propose. Point de haine. Juste des pépites d’amour. Pas de jugement non plus. Tout juste un état d’esprit d’abord out avant d’être tout à fait burn . Une minuscule flamme éclaire un espoir incertain, espoir tout de même, de quelques instants inoubliables de joie à vivre, à survivre, instants partagés.
 
 
 
Chapitre I
 
 
 
Je viens de mourir. Personne ne le sait, sauf vous et moi. Personne ne s’y attendait. J’ai poussé un cri de douleur et d’effroi. Ai-je eu peur de l’inconnu, ou ai-je compris qu’il n’y avait rien, sauf l’abîme ?
Et voilà, j’ai malmené mon corps. Il s’est vengé en me supprimant vingt-cinq ans d’espérance de vie. J’aurais pu vivre tranquillement et être emportée vers l’au-delà au même âge dans un corps complètement métastasé. Non, le destin a préféré m’user avec une anorexie mentale, puis avec les sarcasmes d’un harcèlement moral qui m’ont conduite au burn-out . Brûlée aux limites de la vie.
En fait, ce truc de harcèlement moral, il est vraiment immoral – enfin, tant qu’il n’est pas reconnu, il est inexistant –, pas amoral non plus, ni même encore de jurisprudence.
 
Ne comptez pas sur moi pour vous dire ce qui se passe maintenant à l’intérieur de moi. En fait, tout s’est arrêté. Le médecin légiste vous l’expliquerait mieux que moi. Il vous dirait ce qui se passe pour chaque organe. Mais pour le reste, y a-t-il un reste ? Ou un devenir ?
 
Quelqu’un arrive dans ma chambre.
« Maman ? » C’est Sarah, mon aînée, ma fille aux éphélides. Elle s’approche. Elle ne comprend pas tout de suite. « Maman ? »
Maman ne répondra jamais plus. Il est trop tard. Elle aura eu trente ans de sa vie pour me demander ce qu’elle voulait savoir. C’est parfois trop court, parce qu’on avait beaucoup de choses à se dire, parce qu’on pensait qu’on pourrait se le dire demain ou un autre demain.
Sarah me touche. J’ai froid comme d’habitude. Peut-être un peu plus que d’habitude. Elle approche son visage. Va-t-elle m’embrasser ? Ce sera mon unique baiser du jour, de la semaine, du mois. Elle n’a jamais su donner de baisers – du moins, pas à sa mère –, sauf un de convenance, le jour de la fête des mères ou le jour de mon anniversaire, le 1 er  novembre.
Elle est surprise, juste surprise. Je devrais réagir, même inconsciemment, et là il ne se passe rien.
Maintenant, Sarah a peur. Pourtant, elle a de la chance. Elle voit sa mère juste après sa mort. Si j’étais décédée à l’hôpital, surtout un jour férié, elle aurait reçu un appel téléphonique, le personnel lui aurait annoncé que je ne suis pas prête, qu’elle devra attendre à la morgue, qu’elle devra me reconnaître.
Ici, elle apprend quelque chose de ma vie, enfin de ma fin de vie, ma dernière position naturelle. Celle-ci ne sera pas définitive, mais cette image l’aidera à faire son deuil. Parce qu’après mes cheveux seront propres, ma bouche collée, mon teint frais et mon air reposé.
Je vais dormir. Je serai préparée. Va-t-on me laisser mon dentier ? Ce serait mieux, parce qu’avec ma malformation maxillaire congénitale j’aurais l’air d’une sorcière. Il faut être présentable pour le jugement dernier. C’est peut-être comme dans la vie. Il faut soigner son apparence pour essayer de conquérir le jury. Est-ce pour cela qu’on habille bien nos morts ? Pense-t-on qu’au dernier jour ils seront tels que nous les avons présentés ?
 
Sarah appelle son père. Des fois qu’il saurait quelque chose. De son fauteuil, il répond :
« Qu’est-ce qu’il y a ? » Ce n’est pas homme à se déranger pour rien.
« Maman… Je crois qu’elle est… morte. »
Il se lève. Comme toujours, il prend son temps. Il arrive et constate en promenant son regard sur mon corps étalé qu’effectivement je pourrais bien être morte.
« On appelle le 15, ils vont nous dire. Il est où le téléphone ? »
On ne sait jamais, des fois que je l’aurais emmené en Enfer ou, au mieux, au Purgatoire !
Le 15 confirme, je suis bien morte. Il faut prévenir Clarisse.
Clarisse, c’est ma cadette aux yeux bleu clair. Dans une famille de filles, encore une fille ! C’est vrai que j’étais un peu déçue quand elle est née. J’avais un pincement au cœur. En plus, j’avais suivi le régime du docteur Papa : que du sel pour avoir un garçon, pas de laitages, du sodium et du potassium, pas de calcium ni de magnésium.
Aucun élément scientifique n’a prouvé l’efficacité de la méthode. Résultat pour moi : une deuxième fille, une nouvelle carence pour les os et l’idée d’une même éducation à donner. Quelle erreur ! Chaque enfant est le produit du mélange d’une multitude de gènes, ce qui en fait un être unique et différent.
 
Clarisse a tout de suite été jaune comme un coing. Mon sang du groupe O n’aimait pas son sang du groupe A. On est rhésus négatif toutes les deux ; il n’y a pas de problème là-dessus. Déjà Sarah avait été bien ictérique parce qu’elle n’était pas d’accord non plus avec mon sang O, ce sang trop dépourvu, le sang des pigeons selon les spécialistes. Un sang, malgré tout, qui convient à tout le monde et qui était répandu chez les Bretons qui ne se déplaçaient guère plus loin qu’à l’intérieur de leur propre canton pour trouver une épouse. Dès les premiers jours, Clarisse tendait son petit visage poupin vers moi me suppliant presque de l’aimer et semblant me dire que je n’aurais pas à le regretter. C’est incroyable ce qui se passe dans le ventre d’une maman en deux cent quatre-vingts jours environ.
Clarisse va venir ce soir.
 
Le médecin généraliste passe à l’heure du déjeuner et constate que je suis bien morte. Il me regarde, sceptique. Je crois qu’il se demande ce qui a lâché dans ce corps qui est devenu au fil du temps une pharmacie ambulante. Veut-il m’impressionner ou savait-il depuis quelque temps déjà ? Croit-il que je me sois suicidée ? Rien ne doit le lui laisser supposer, car il prend le formulaire dans sa sacoche. Un dernier regard avant de me laisser.
La mort, c’est l’échec de la médecine ; encore, pour quelques médecins. Pour d’autres, c’est un client de moins. Je suis dans son quota de décès.
C’est comme ça qu’on mesure les compétences des praticiens. La proportion des patients qui vous lâchent définitivement dans l’année, âges et quantités équivalents aux confrères dans le secteur, donne bonne conscience, sans état d’âme, comme le médecin légiste. L’âme n’est pas un organe de la médecine traditionnelle.
 
« Secoue-toi un peu ! » Cette phrase, je l’ai tellement entendue de la part de gens qui ne comprenaient rien à mon état. Croyaient-ils que l’état d’un être presque éteint soit contagieux ? Étaient-ils épargnés ou vaccinés contre ce genre de pathologies ? Au moins, ils se sentaient supérieurs aux aléas de la vie. Se croyaient-ils tellement forts, bien au-dessus de ces faiblesses, blindés, caparaçonnés ? Fallait-il que je meure pour qu’ils apprécient davantage leur vie ? Cette idée morbide me fut suggérée. De là à précipiter les événements… La mort libère la parole.
 
Il faut choisir les pompes, pas les miennes, les funèbres.
Quand on meurt chez soi, ça donne une chance à tout le monde. On va à son rythme. J’ai toujours dit aux filles qu’il ne fallait pas faire de frais inutiles.
Il y

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