Et l amour continue - Coup de coeur des lectrices Prix Femme Actuelle 2020
146 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Et l'amour continue - Coup de coeur des lectrices Prix Femme Actuelle 2020 , livre ebook

-

146 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

Joffrey Gabriel Et l’amour continue… Roman Éditions Les Nouveaux Auteurs 16, rue d’Orchampt 75018 Paris www.lesnouveauxauteurs.com ÉDITIONS PRISMA 13, rue Henri-Barbusse 92624 Gennevilliers Cedex www.editions-prisma.com   Copyright © PRISMA MÉDIA / 2020 Tous droits réservés ISBN : 978-2-8195-06225 Bien sûr, ce roman est dédié à ma mère.   Pour une fois, tu n’es pas la première lectrice de mon dernier roman, mais je suis convaincu que tu l’aurais aimé. Le soleil pointe à l’horizon, juste après les premières lueurs de l’aube. Pendant quelques heures, il nous apporte sa douceur, nous éclaire dans la pénombre, nous rassure et réconforte. Puis, il disparaît, alors que nous ne sommes pas prêts à vivre dans l’obscurité, sans lui… Chapitre 1 H -1790 Ce matin-là, la machine à café faisait encore des siennes. Elle avait postillonné le liquide en dehors de la tasse, comme le crachat qu’un joueur de football projetterait sur le terrain d’une pelouse mal tondue. Je n’aimais pas ce sport. Je ne devais pas correspondre à la définition de la virilité masculine, mais tout cela me passait bien au-dessus. La journée s’offrait à moi et, pour la première fois de ma vie, je ne savais point comment l’occuper. Ma routine était différente la veille encore. Je me serais levé, lavé, préparé et je serais parti travailler. Mais après Gérard, Hervé et Martine, mon tour était venu de prendre ma retraite. Non que j’en eusse envie, j’y avais été contraint.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 03 septembre 2020
Nombre de lectures 0
EAN13 9782819506225
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Joffrey Gabriel
Et l’amour continue…
Roman
Éditions Les Nouveaux Auteurs
16, rue d’Orchampt 75018 Paris
www.lesnouveauxauteurs.com
ÉDITIONS PRISMA
13, rue Henri-Barbusse 92624 Gennevilliers Cedex
www.editions-prisma.com
 
Copyright © PRISMA MÉDIA / 2020 Tous droits réservés
ISBN : 978-2-8195-06225
Bien sûr, ce roman est dédié à ma mère.
 
Pour une fois, tu n’es pas la première lectrice de mon dernier roman, mais je suis convaincu que tu l’aurais aimé.
Le soleil pointe à l’horizon, juste après les premières lueurs de l’aube. Pendant quelques heures, il nous apporte sa douceur, nous éclaire dans la pénombre, nous rassure et réconforte. Puis, il disparaît, alors que nous ne sommes pas prêts à vivre dans l’obscurité, sans lui…
Chapitre 1
H -1790

Ce matin-là, la machine à café faisait encore des siennes. Elle avait postillonné le liquide en dehors de la tasse, comme le crachat qu’un joueur de football projetterait sur le terrain d’une pelouse mal tondue. Je n’aimais pas ce sport. Je ne devais pas correspondre à la définition de la virilité masculine, mais tout cela me passait bien au-dessus. La journée s’offrait à moi et, pour la première fois de ma vie, je ne savais point comment l’occuper.
Ma routine était différente la veille encore. Je me serais levé, lavé, préparé et je serais parti travailler. Mais après Gérard, Hervé et Martine, mon tour était venu de prendre ma retraite. Non que j’en eusse envie, j’y avais été contraint. À la prononciation du mot « retraite », j’imaginais mes grands-parents, disparus depuis des années : très âgés, dépendants, passant leurs journées devant le poste de télévision, la canne appuyée contre le fauteuil, le verre de vin sur la table basse aux côtés d’un bol de pistaches refermées sur elles-mêmes, un sous-bock sous chaque contenant, pour ne pas tacher le plateau de bois. C’était un cliché auquel je m’étais préparé. Pourtant à soixante-cinq ans, je me sentais tellement jeune. Je détestais ces phrases toutes faites « la jeunesse, c’est dans la tête », mais j’en étais désormais convaincu. J’avais mille et une envies : faire de la randonnée, explorer le monde, découvrir l’ornithologie, apprendre à jouer du piano, pourquoi pas monter un groupe de musique, lire… Oui, lire. J’aimais tant la lecture et n’avais pourtant plus eu le temps de me consacrer à un roman sans interruption depuis une éternité. Un message du patron, un coup de fil de ma fille, le repas à préparer, il y avait toujours une contrainte dans ma journée.
 
Mon premier jour de retraite débuta avec un mauvais café, mais je relativisai positivement face à cet événement. Avec le pain de la veille, je terminai le pot de confiture entamé que j’avais au réfrigérateur. Je pris le temps de me raser, je l’avais quotidiennement fait et, sous prétexte que je ne travaillais pas, je ne me serais pas laissé pousser une vulgaire barbe. Les jeunes agissaient ainsi désormais, je l’avais entendu à la télévision. Ils se nommaient hipsters . À mon époque, quand tu ne te rasais pas, tu étais juste chômeur. Les minots avaient le don d’inventer de nouveaux mots qui seraient facilement contestables sur un plateau de Scrabble. Voilà que je parlais de Scrabble, bientôt le napperon en dentelle sur le poste de télévision éteint.
Je m’habillai sans chichis, avec simplement le nécessaire : un pantalon en lin et un tee-shirt blanc. Je coiffai mes cheveux blancs sur mon crâne et tirai sur ma peau pour faire disparaître ces rides que le miroir reflétait. Hier encore, elles n’étaient pas là.
Il faisait beau dehors, je n’allais pas mettre mon costume. Je restai assis sur mon fauteuil à réfléchir à ce que je pourrais faire pendant de longues minutes. J’en avais des idées, mais les mettre en pratique, c’était une autre histoire. La plupart de mes amis travaillaient encore, je n’allais pas les déranger pour prendre de leurs nouvelles. Ce sentiment étrange d’être inutile aux autres m’envahissait. Je regardai l’écran de mon téléphone. Pas de message ni d’appel en absence. En bas de ma rue, j’entendis de la musique, alors je me penchai à la fenêtre de ma chambre pour voir le joueur sur le bitume en plein cagnard. Il grattait une guitare et chantait pour le sou. Je n’avais pas de pièce chez moi que j’aurais pu lui lancer, mais je restai à l’écouter, car il chantait vraiment bien. C’était un chant corse, ou italien peut-être. Je ne parlais ni l’un ni l’autre. La musique était partout désormais, c’était incroyable. Quand j’étais adolescent, on se rendait à des concerts, on payait pour voir nos artistes, on achetait des cassettes pour écouter leurs albums. Dorénavant, tout était en lecture aléatoire sur les téléphones des jeunes. Ils n’avaient même plus la patience de choisir avec soin l’artiste à qui ils allaient consacrer une heure de leur temps. C’était devenu une ambiance musicale, un bruit de fond, pour meubler les silences… Trouvez-moi un magasin, un restaurant, une église, où le silence est roi. Je m’étais même rendu dans une librairie près du Vieux-Port qui diffusait de la musique. J’en étais ressorti comme j’y étais rentré, une main devant, une main derrière. Je n’avais pas réussi à me concentrer pour choisir un livre. La vendeuse tapait du pied en rythme sur un morceau de rap en fond sonore derrière son comptoir, les yeux plongés dans son téléphone.
 
Chez les libraires, je pratiquais un rituel particulier, que certains jugeaient spécial. J’aimais prendre mon temps, souvent j’y allais le matin, à l’ouverture de la grille de fer, le samedi de préférence. C’était le moment le plus calme et j’y passais une heure, en général. J’aimais caresser les couvertures des romans sur les étalages, feuilleter les pages, lire une phrase au hasard, sentir l’encre imprimée. Je choisissais alors un livre au petit bonheur, en fermant les yeux, sur une étagère dont je n’avais encore rien lu, ni la catégorie, ni les auteurs vedettes. Je regardais le titre et s’il contenait la lettre a , je le prenais. C’était un rendez-vous à l’aveugle. Un livre avec un a détenait forcément une histoire d’amour. Tout a n’était qu’amour : amitié, accoucher, admirer, adopter, adoucir, aduler… Alors que les h étaient plus hostiles, moins accueillants : haine, horreur, hallucination, hanter, harceler, hideux, hipster bien sûr… Je préférais les a aux h , c’était ainsi. Quelque chose de cyclique s’instaurait dans le a . C’était un début, une interrogation, une surprise, un soulagement, un cri de plaisir, un rire. Dans un a , j’avais pu trouver toutes les émotions que je recherchais et n’avais jamais été déçu.
 
Ma femme s’appelait Amandine. Elle était infirmière. Elle était décédée depuis dix ans déjà. Le temps passait vite. J’avais une fille, Anaïs, de trente ans, qui habitait en Angleterre, la capitale de la couronne royale. Elle avait quitté le nid depuis longtemps, me laissant à ma solitude. C’était ainsi avec les enfants de nos jours. Vous les nourrissiez, les aimiez, les chérissiez et, à la moindre occasion, moyennant le plus ridicule des prétextes, ils vous abandonnaient. En voilà un mot qui commence par a que je n’appréciais guère. Abandon. C’était le sentiment ressenti quand mon Amandine nous quitta. Elle ne l’avait pas prévu, ce cancer, personne ne prévoit jamais un cancer, mais il lui était tombé dessus comme une araignée tissant sa toile.
 
Revenons-en à nos moutons. Une fois après m’être assuré que le titre du livre comportait bien un a et que je ne l’avais pas déjà lu, je demandais au libraire son avis. S’il me disait qu’il avait a-do-ré, en détachant les syllabes, je l’achetais. Pareillement s’il l’avait dé-tes-té. Mais les libraires étaient avant tout des marchands et avouaient rarement ce qu’ils pensaient. Pour tout dire, je doutais que la vendeuse du Vieux-Port sache lire. Lorsque je lui avais parlé de Madame Bovary (trois a , un vainqueur dans ma bibliothèque personnelle), elle m’avait assuré que c’était une guerrière remarquable, relevant à peine les yeux de son écran. J’avais trouvé la métaphore de bon goût, mais plus j’y songeais, plus je restais persuadé qu’elle l’avait prise pour une déesse de la Rome antique.
 
Toute cette réflexion sur la lecture m’avait donné envie d’acheter un nouveau roman et je réalisai, non sans surprise, que le lundi matin était encore plus calme et plus silencieux que le samedi. Je me levai du fauteuil dans lequel je m’étais engoncé, comme mon grand-père l’aurait fait, et je quittai mon appartement.
 
Je remontai l’avenue du Prado en direction de l’avenue de Mazargues. J’aimais tant ce quartier. Depuis plus de trente ans que j’y étais installé, je n’aurais déménagé pour rien au monde. Mon logement se trouvait à quelques minutes en métro du centre-ville, deux stations à peine. J’avais la mer à disponibilité à l’ouest, à cent mètres de mon immeuble, derrière la statue de David qui montrait ses fesses à tous les Marseillais depuis 1949. Alors oui, c’était un carrefour et une artère majeure de circulation dans notre belle cité, mais les bruits des voitures se mêlant aux mouvements de foule et aux ressacs des vagues me rassuraient désormais.
 
Arrivé devant la librairie du Paradis, j’en poussai la porte. J’y étais allé plusieurs fois, en dehors de mes habitudes dans le commerce du Vieux-Port, je venais ici pour le sourire de la vendeuse. C’était une jeune fille également, la vingtaine tout au plus, mais qui parlait des livres avec amour, en opposition complète avec la cagole au téléphone. Vous auriez dû la voir. Elle s’extasiait pour chacune des histoires, décuplant le bonheur des diffuseurs et services presse. Elle était capable de vous transformer le pire des romans de gare en épopée mythologique. Elle me sourit dès mon entrée dans la boutique et me laissa déambuler tranquillement entre les rayons à ma guise. Elle connaissait mon rituel, mon envie de quiétude et de calme. Je touchais les couvertures, choyais les pages d’encre.
 
Je rentrai trente minutes plus tard avec, sous le bras, Le Restaurant de l’amour retrouvé

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents