Émile l’ébéniste et le singe hurleur
266 pages
Français

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Émile l’ébéniste et le singe hurleur , livre ebook

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Description

Le monde peut être à ce point effrayant que l’on préférerait rester à jamais derrière les enceintes qui nous protègent. Pour Émile, abandonné dès après sa naissance, ce havre est formé par le couvent et les nonnes qui l’y ont recueilli, et l’enfant ne voit nulle raison valable de s’en éloigner. D’autant plus quand on a été raillé publiquement lors de sa toute première sortie en ville. Toutefois, parce qu’il grandit et doit se trouver une situation, parce que le feu a consumé sa seule maison, Émile est confié à un ébéniste qui décèle en lui l’art et le talent. Tout aurait pu alors être simple... Si seulement le jeune homme n’avait pas été condamné au bagne pour avoir blessé celui qui l’insultait encore... Et Émile de voir son horizon à la fois se bouleverser et s’élargir, car c’est en Amérique du Sud, en Guyane plus précisément, que l’attend désormais son existence. Charolles, Cayenne, Venezuela, Pérou, Russie... Elle est longue et sinueuse, la trajectoire parcourue par Émile. Interminable même, car à chaque fois le bonheur se dérobe au bout du chemin, là où l’on pense toucher enfin à la paix et au calme. D’une enfance monacale mais choyée aux jours caché dans un village reculé, de l’innocence perdue au cours d’une stupide bagarre au drame qui frappera les siens dans la forêt, Marie Monthiller nous place dans le sillage d’un homme au parcours tantôt aventureux, tantôt tragique. Et signe par là même une œuvre puissante et émouvante sur la marginalité.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 12 juillet 2012
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748384024
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0082€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Émile l’ébéniste et le singe hurleur
Marie Monthiller
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Émile l’ébéniste et le singe hurleur
 
 
 
À Juliette et Jean-Michel
 
 
 
Chapitre 1
 
 
 
Véronique remuait délicatement une fondue d’oignons dans une cocotte en fonte. Puis elle ajouta un à un les morceaux de porc, coupés en cubes épais. Tout en surveillant la cuisson de la viande et sa coloration, elle intégrait énergiquement la poudre de colombo au lait de coco. Quand l’émulsion fut homogène, Véronique la versa lentement sur la chair dorée et odorante. Elle saupoudra le tout de piment de Cayenne et termina par un jus de citron vert et quelques brins ciselés de ciboulette. Après avoir salé et poivré, elle mit en bouche la cuillère en bois nappée d’un peu de sauce. Elle goûta et appela son compagnon pour qu’il lui donne son avis.
 
— Didier, tu peux venir s’il te plaît, j’aimerais que tu goûtes le colombo de porc .
— J’arrive tout de suite, répondit le jeune homme gourmand.
 
Didier plongea un index avide dans la cocotte, puis lécha goulûment.
 
— Alors, demanda Véronique inquiète.
— Délicieux, peut-être une pincée de piment en plus.
 
D’accord, acquiesça Véronique en s’exécutant.
 
Puis elle ralentit le feu au minimum. Elle couvrit la cocotte et laissa mijoter. Il ne lui restait plus qu’à s’occuper de l’accompagnement avant l’arrivée de ses invités. Elle avait prévu du riz qu’elle cuirait dans un autocuiseur acheté quelques semaines auparavant. Elle avait acquis cet ustensile culinaire dans une épicerie chinoise du 13 e  arrondissement. La vendeuse asiatique lui avait affirmé que non seulement la cuisson de la céréale serait parfaite mais que la machine maintiendrait le riz au chaud jusqu’au moment de la dégustation.
 
Véronique se laissa séduire par de tels arguments et s’offrit le précieux objet, quitte à entamer sérieusement son faible budget d’étudiante. Mais l’heure n’était plus aux regrets. Elle apprendrait, ce soir même, si son achat était rentable ou non. Elle devait maintenant se dépêcher. Il lui fallait encore dresser le couvert et pour cela elle avait besoin de l’aide de Didier.
 
— Odile et Christian ne vont plus tarder, tu viens m’aider à déplacer la table, s’impatientait Véronique en s’adressant à son colocataire.
— J’arrive… pas de panique… on n’est pas aux pièces quand même, répondit Didier en traînant les pieds.
 
Véronique haussa les épaules, habituée à la nonchalance de son compagnon de cohabitation face aux corvées quotidiennes.
 
Didier et Véronique habitaient au cinquième étage d’un immeuble vétuste du quartier latin. Le studio meublé sobrement, était encombré de choses diverses et incongrues. Le couple avait entassé dans le hall d’entrée, livres et vêtements. Des affiches cinématographiques et des chaussettes tricotées en grosse laine chinée, débordaient d’une cagette en bois posée à même le sol. Après avoir enjambé une sarbacane, un traîneau d’enfant et deux bouillottes en plastique rose délavé, on accédait à l’unique pièce de l’appartement.
 
Une large fenêtre à guillotine éclairait cet espace de vie. Deux canapés-lits entouraient une vieille malle recouverte d’un batik africain. Une table en formica jaune pâle recevait suivant l’heure de la journée, les cours à étudier, les assiettes dépareillées, données par une grand-mère généreuse ou le plateau d’un jeu de société.
 
Didier rangeait ses appareils photographiques et ses pellicules dans de grands sacs marins suspendus à une patère. Véronique préférait entasser sa collection de revues culinaires et de guides touristiques dans des corbeilles en rotang.
 
Un étroit cabinet de toilette et une kitchenette se situaient à l’arrière du logement. Didier affectionnait particulièrement les toilettes. Il y stockait toutes ses bandes dessinées et s’enfermait volontiers avec ses héros pour quelques minutes de tranquillité. Véronique se réfugiait dans la cuisine quand elle avait besoin de s’isoler.
 
Dans cet étroit espace privé, les deux colocataires avaient pris soin d’accumuler tout le bric-à-brac rapporté de leurs nombreux voyages, ce qui leur posait un véritable casse-tête quand ils recevaient du monde.
 
Néanmoins, après avoir déplacé tant bien que mal les bibelots dans le cabinet de toilette et le hall, puis caché sous les canapés les livres et cahiers, ils arrivaient à déplier les rallonges de la table de cuisine et à la positionner au centre de la pièce.
 
— Tu vois bien, comme toujours on arrive à la mettre où tu veux ta fichue table. Je me demande pourquoi tu fais tant de chichi pour Odile et Christian, ils viennent surtout pour regarder mes photos.
— Oh tu veux bien te taire, quand nous allons chez eux tout est impeccable, c’est pas comme chez nous, il faut dire que tu laisses traîner ton bordel un peu partout.
— Ah ça y est, ça va être de ma faute maintenant si l’appartement ne fait que 25 mètres carrés. Je te rappelle que…
 
Mais Didier n’eut pas le temps de finir sa phrase, le carillon en forme de vache ramené d’une escapade à la montagne se fit entendre. Odile et Christian attendaient sur le palier que quelqu’un veuille bien leur ouvrir, n’appréciant guère le goût douteux des meuglements bovins de la sonnette d’entrée.
 
 
 
Chapitre 2
 
 
 
La Sorbonne, prestigieuse faculté parisienne, intégra Didier dans ses effectifs en octobre 1964. L’étudiant quitta donc sa ville provinciale à la fin de l’été, pour s’adonner à la philosophie, au grand soulagement de sa mère.
 
— Une bonne chose de faite, se dit-elle en le voyant préparer son bagage.
 
Depuis quelque temps déjà, elle avait hâte de voir s’éloigner ce fils à l’allure débraillée et aux idées bizarres. Elle ne le comprenait plus et ses boniments l’ennuyaient. Elle lui remit une terrine maison enveloppée dans du papier beurre, et l’embrassa rapidement. Dans cette famille d’épicier, on rechignait à se bisouiller pour un oui ou un non. On n’avait guère le temps pour de tels enfantillages. Et c’est en sortant de sa robe-tablier la dernière facture de son fournisseur pour vérification que la mère regarda son fils s’éloigner en direction de la gare.
 
Didier prit le train, une valise en carton en main et l’insouciance de son âge en tête. Il alluma une gitane maïs et profita des deux heures de trajet prévu jusqu’à Paris pour draguer sa voisine de compartiment.
 
Véronique, quant à elle s’appliquait à apprendre quelques langues orientales à Paris-Dauphine. C’est lors d’une conférence sur les civilisations anciennes que Didier écrasa malencontreusement les lunettes de la jeune femme.
Furibonde, Véronique chaussa sur son nez ses verres brisés pour mieux insulter le maladroit. Didier, au lieu de s’excuser, l’invita à dîner. Véronique accepta l’assiette de coquillettes au beurre, ainsi que les ébats amoureux et nocturnes qui suivirent. Au petit matin, la jeune femme se leva courbaturée mais satisfaite. Le couple se fréquenta pendant les deux années qui suivirent, puis décida de rompre, pour s’installer ensemble dans le même appartement en tant que colocataires.
 
Cette cohabitation fonctionnait bien. Ils avaient en commun ce goût prononcé pour les interminables discussions stériles et la passion des voyages. Ils soulageaient leur budget de boursier en partageant les charges locatives, avantages non négligeables. Il leur arrivait aussi de s’unir encore physiquement suite à une peine de cœur ou par manque de partenaires respectifs. Et nombre de leurs amis enviaient leur relation libertine, sans toutefois oser les suivre et imiter leur mode de vie.
 
Véronique avait installé le couple d’amis sur le canapé le moins fatigué, alors que son colocataire commentait les nombreuses vues prises au Pérou lors de leur dernier voyage.
Christian et Odile regardaient d’un œil furtif les photographies. Ce n’était pas la première fois qu’ils subissaient ces séances souvenirs en s’empiffrant de cacahuètes indigestes. Mais ce soir, Didier s’était surpassé, il tenait à leur montrer, tous les clichés sans exception, les bons et les mauvais. Et comme tous photographes amateurs ayant acquis juste avant de partir le dernier Canon sur le marché, ce fut avec boulimie et frénésie qu’il déclencha son objectif en Amérique du Sud, pour le plus grand malheur de ses invités.
Alors Christian et Odile regrettaient déjà d’être venus, en voyant le nombre d’albums entassés sur la table basse. Ils ne possédaient ni l’un ni l’autre une once d’esprit aventureux et commençaient franchement à s’ennuyer. Ils préféraient de loin une sortie théâtrale ou cinématographique. Ils appréciaient les galeries d’art. Ils flânaient volontiers en ville pour s’habiller ou se meubler, goûtant au confort des choses de qualité. Ils s’offraient les meilleurs restaurants de la capitale et traînaient avec plaisir dans les bars à cocktail à la mode. La vie citadine leur convenait parfaitement et ils songeaient même, depuis peu à investir dans un duplex chic sur les bords de Seine qui leur permettrait de paraître au mieux auprès du cercle d’amis qu’ils commençaient à fréquenter.
Ô combien Christian se sentait aujourd’hui éloigné de Didier. Leur chemin avait tellement bifurqué depuis l’enfance. Il ne leur restait en commun que ces quelques années de jeux devant l’épicerie de la mère de Didier. Mais était-ce suffisant pour conserver une amitié quand l’évolution de chacun s’avérait si différente ? Il avait vraiment réalisé toutes les di

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