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pages
Français
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2017
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Ebook
2017
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Publié par
Date de parution
01 janvier 2017
Nombre de lectures
0
EAN13
9791095453109
Langue
Français
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Date de parution
01 janvier 2017
Nombre de lectures
0
EAN13
9791095453109
Langue
Français
Devoirs de vacances
Du même auteur :
Aux franges de l’éveil. Pierre Chave, Vence, 1987
(Avec des lithographies de Théo Tobiasse)
Mort derrière le mur. Albin Michel, Paris, 1993
Songe noir. Laure Matarasso, Paris, 1994
(Avec des eaux fortes et des aquarelles
De Gérard Morot-Sire)
Ciel cassé. Editions Tipaza, Cannes, 1997
(Avec des lithographies de Gérard Eppelé)
L’Envers du monde. La pointe Badine, Nice, 1998
(Aves des eaux fortes de Michel Joyard)
Et si vous étiez Musset… Les Editions Varia
Montréal, 2000
Visages nus, Editions Mélis, Nice, 2000
(Préface d’André Verdet)
Sept heures d’absence. Les Editions Varia
Montréal, 2002
L’Homme de Berlin. Editions du Losange, Nice, 2006
Pour l’Amour de Chair. Editions du Losange, Nice, 2006
La femme clandestine. Editions du Losange, Nice, 2009
La mère de Pierre. Editions du Losange, Nice, 2010
Le Syndrome de Stockholm. Editions du Losange, Nice, 2011
Dance for love. Editions Sudarène, 2015
L’Homme de Berlin (réédition). Editions La Gauloise, Nice, 2016
Le Voilier Bleu. Editions La Gauloise, Nice, 2017
Mort derrière le mur (réédition). Editions La Gauloise, Nice, 2017
Marie-Agnès COUROUBLE
devoirs de vacances
Lettres singulières
Les Editions La Gauloise
Série La Gauloise rit
Maquette de couverture INNOVISION
Crédit photos FOTOLIA
Tous droits réservés pour tous pays
Copyright 2017 – Les éditions La Gauloise
2474 avenue Emile Hugues, 06140 Vence
ISBN : 979-10-95453-79-6
ISSN 2607-9666
Devoirs de vacances
Lettre à moi- même
Ma petite chérie,
C’est par ce trémolo que je me fouette le sang pour ne pas m’engluer dans la vie, ébouriffer les heures convenues : « Ma petite chérie, lève-toi et marche ! ».
Devant l’inamicale page blanche je me lance comme une toupie dans un salon de bienveillance et j’espère que les mots de ces lettres farfelues vont s’accrocher sans désigner, vont se perdre dans une sorte d’espace surprenant, ainsi la vie souterraine débouche-t-elle parfois sur une rivière nerveuse, elle coule entre des arbres vifs, elle les ragaillardit avec des perles d’eau en émoi.
Mon Dieu ! Voilà bien des mots pour avouer que cette première lettre je me l’écris à moi-même. J’avoue, oui Maître, j’avoue être la première correspondante de cet opuscule singulier, je me décide à extraire du silence certaines lettres inavouées dans le trouble du temps.
La correspondance m’a toujours enchantée, elle n’existe plus, et si je l’inventais ? Illustrer pour mon plaisir certains secrets de la vie, m’amuser peut-être en colorant les lettres les plus mornes, raviver les éteintes, espérer des rencontres sans importance d’où la vie pourrait jaillir.
La vie peut rebondir quand on la caresse dans le bon sens, quand on supprime les regards noirs, pétrifiés, outragés, ou les silences de procès.
Absolument, ils jugent !
Alors, ma petite chérie, courage à toi, tu écris encore tant pis ! C’est ta boussole d’espérance… « Lève-toi et marche » dans tes nuages exquis, ou dans les ombres qui menacent et s’effacent avec un piment neuf.
Tout à coup me vient une joie à l’idée de correspondre avec moi-même et d’inventer les autres, ils sont si réversibles !
C’est la folie de l’écriture, comme un lasso, tu lâche la corde ou les ficelles des mots, ils arrachent tout ce qui passe, des riens de tous les jours ils font un monde, ils se modèlent comme l’argile. Celui qui lira ou ne lira pas ne sera sans doute ni figé, ni transformé, ni réduit en poussière par ta pensée sublime, il regrettera peut-être ses silences.
Ou alors il sera avec toi dans ta chambre, ma petite chérie, l’amour se fait parfois sans qu’on le veuille, avec des mots justement, des idées, du saugrenu, du sage un peu, de la rage aussi, ou de la résistance qui tue, en tout cas un genre de nourriture qui assouvit tes faims et tes soifs.
Alors écoute les autres que tu fais semblant de vivre. C’est tout de même une histoire de correspondance.
C’est drôle d’inventer des lettres qui finiront par exister.
Moi
Deux lettres d’amour
Mademoiselle,
J’ai dix vaches, cinq tachetées et cinq rousses. Elles restent dans le pré comme de gentilles élèves. Quand je les rentre elles sont furieuses mais tout de même contentes de se coucher ailleurs.
J’ai un grand poulailler, mes poulettes courent dans tous les sens, elles deviennent folles quand je leur apporte le grain, tard le soir.
J’ai un âne, plus âne que tous les autres mais je l’aime bien. Il dresse les oreilles à mon appel. Il a de vrais yeux. J’ai aussi quelques cochons, ils sentent fort et adorent remuer dans leur boue comme si c’était propre d’être sale.
Dans ma grand’ pièce il y a une vraie cheminée sans carreau devant comme maintenant, je fais du feu tous les jours parce qu’il fait froid tous les jours. Je regarde les flammes.
Dans ma maison il y a plein d’armoires des grand-mères, ça ne se vend plus même si elles sont belles. J’y entasse toute la vaisselle des baptêmes et des enterrements, dans les plus grandes j’entasse les vêtements fichus que je n’arrive pas à jeter.
Au grenier il y a des souris, je les entends de mon lit, c’est un drôle de tintamarre, une sorte de concert qui grignote la nuit. Un concert je ne sais pas ce que c’est depuis longtemps, j’aimais bien quand il y avait des violons partout et que ma mère pleurait. C’était de la grande musique.
Mon lit est très haut et ancien, il appartenait à une des grand-mères qui est tombée plusieurs fois elle s’est cassé les fémurs, le nez, …
J’ai aussi une très vieille voiture, elle fait un bruit infernal mais quand on la chipote elle obéit. Elle est toute noire, ça fait deuil mais ici on est souvent en deuil. Et aussi deux tracteurs, ça c’est la gloire pour retourner les champs, les entretenir sans me tuer le dos.
J’oublie de vous parler du petit pécule hérité de la grande tante qui m’aimait bien, celle qui se mouchait toute la journée comme si le monde lui en voulait, elle m’aimait malgré mes mains de batteur, comme elle disait, mon air balourd et les moustaches que je cultive comme les carottes.
Ah oui ! Mon potager est plaisant, j’y ai mis un banc pour contempler tout ce qui bouge, les tomates ça monte, les haricots verts aussi ce qui n’est pas le cas des salades mais elles ont un frisson léger dans le vent. Les carottes décidément des immobiles même quand elles poussent comme ma moustache.
Mais moi aussi je suis un immobile.
Je vous ai aperçue plusieurs fois sur la place du village, vous sortiez du car pour aller où et venant d’où, je suis tout de même curieux. Vous portiez un petit chapeau violet drôle comme tout, faut le faire, et vous teniez votre sac comme un trésor, vous aviez des petites joues fraîches et bien portantes, une bonne allure générale.
Alors j’ai demandé de vos nouvelles au bistrot. On m’a dit que vous étiez jeune, pas riche et disponible.
J’ai pris mon courage à mille mains pour retrouver l’aplomb que j’ai appris de la meilleure grand-mère, j’ai un peu cherché les mots mais tout de même ça reste, c’est comme le vélo. Donc je vous invite à venir boire un coup sur mes platebandes qui bougent un peu.
Votre chapeau ne me dérange pas du tout. Peut-être finirez-vous par l’enlever.
A bientôt peut-être, Mademoiselle, cela me fera prendre le frais de vous voir beaucoup mieux devant mes alcools préférés.
Quelqu’un. Un admirateur.
2 ème lettre d’amour.
Chère inconnue,
Je suis d’une absurde sentimentalité et j’ose prendre la plume pour vous dire avec audace mon admiration silencieuse sur ce quai où vous attendez tous les jours le même train que moi.
Farouchement seule vous semblez épier le ciel, la gare et ses multiples bruits, les non pressés qui s’embrassent éperdument sous la dernière portière où vous allez entrer comme une reine, à la dernière minute.
Je vous surveille de ma fenêtre avec un instant de faiblesse quand vous montez et disparaissez évidemment jamais dans mon compartiment, je n’ai pas cette chance, je n’ai que celle d’un quai stupide où je vous contemple et vous perds dans l’adversité des trains.
Je vous suis comme un amoureux qui bafouillerait des mots flatteurs à chaque escale, et content de les avoir épelés s’enfuirait avec une légèreté coupable. Que n’ai-je une audace plus grande en vous abordant comme par hasard - ne vous manque-t-il pas un parapluie ? - Avez-vous perdu un objet indispensable ?
Vous m’êtes devenue comme l’horaire de l’aube, avec les aiguilles, et les minutes tournent, je vous attends, le quai est interminable, inéluctable, quand vous apparaissez de loin, si fluide, si gracieuse, si précieuse, je frémis, très préoccupé par l’ordinateur que je porte et mon imperméable sur le bras, toujours seule et comme absorbée par des pensées si intimes que mon cœur en palpite, vous me faites sortir de la nuit, des limbes de la monotonie, des dîners où on fabrique des affaires, où la vie est un problème.
Vous apparaissez et les grilles s’effondrent, les unes déjà ébréchées par le quotidien se fondent en de silencieuses bornes d’espoir, mais je suis timide, chère, je reste impavide, l’œil alourdi par la journée stupide qui s’annonce, l’attente d’un train qui ne déviera pas de sa route alors que vous, telle une aurore boréale, vous illuminez ce quai, ponctuelle mais languide, nonchalante même, comme si les jours, les heures, ne vous atteignaient pas avec leur mortelle ressemblance.
Je vous regarde sans vous regarder, je vous surveille sans vous surveiller, hier vous avez ouvert votre sac de cuir souple, ni trop grand ni trop petit, alliez-vous sortir un téléphone portable, non, de grâce ! Un mouchoir peut-être, mais non ! Le comble de l’espoir un livre, je ne rêve pas vous avez lu debout, les pages tournées très lentement, ce devait être un écrivain fastu