DES HISTOIRES DE GRANDS
144 pages
Français

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DES HISTOIRES DE GRANDS , livre ebook

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Description

Elle a 23 ans, et lui pourrait être son père. Deux êtres que tout sépare mais qui décident, sans se connaître, de partir ensemble. Et ce qui devait être une fuite les rapproche d'eux-mêmes et de leur vérité. Dans un Maroc de tous les contrastes, chacun renoue avec un passé lourd de souvenirs et de secrets, et peu à peu, les plaies se referment...Des histoires de grands est un roman d'atmosphères qui relate la vie, fragile et précieuse, parfois absurde. Qui raconte l'absence, la douleur, et ces silences qui en disent parfois plus que les mots. Qui nous entraîne aussi vers un bonheur rose et bleu, vers l'insouciance et l'amour..

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2012
Nombre de lectures 5
EAN13 9789954212837
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0800€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

DES HISTOIRES DE GRANDSDES HISTOIRES DE GRANDS
Editions
© Marsam - 2012
Collection dirigée par Rachid Chraïbi
6, rue Mohamed Rifaï (Place Moulay Hassan ex. Pietri) Rabat
Tél. : (+212) 537 67 40 28 / 67 10 29 / Fax : (+212) 537 67 40 22
E-mail : marsamquadrichromie@yahoo.fr
Site web : www.marsam-editions.com
Compogravure flashage
Quadrichromie
Impression
Bouregreg - Salé
Dépôt légal : 1672/2012
I.S.B.N. : 9954-21-283-7Myriam Jebbor
DES HISTOIRES DE GRANDSDu même auteur
• Nouvelle : La femme, la fllette la poupée, éditée dans
le recueil collectif " lignes de vie", Editions le Fennec, 1998.
• Dans le cœur des hommes, Editions Trace du Présent, 2000.
• Il était là, Editions Marsam, 2004.
• Des histoires de grands, Editions l'Harmattan, 2010,
réédité aux Editions Marsam, 2012.
Couverture
Khalid Nadif
Femme, acrylique sur toile, 2012
Collection Meryem Jebbor5
A Ahmed, Fady et Chamsy,
avec mon amour de toute éternité… 7
Je lui ai dit : « On a parlé de tout mais pas de
l’essentiel. On n’a jamais parlé d’elle. Il n’y en a eu que
pour nous, mais que veux-tu, quelque part elle en fait
partie, de notre histoire ! »
Il a lancé avec un drôle de sourire :
— Parce qu’elle est l’essentiel, maintenant ?
Ça semblait l’amuser, ou alors il ne comprenait
pas, mais je n’ai pas aimé qu’il sourie à ce moment-là,
comme on se moque. Je l’ai regardé bien en face. Ses
yeux m’ont fxée, la prunelle s’est agrandie au milieu
des deux perles vertes, et il a essayé de voir plus loin, à
l’intérieur de moi.
— Je croyais que tu la détestais et que tu ne voulais
pas que je t’en parle, tu me l’avais bien dit : on fera
comme si elle n’existe pas.
Oui, je m’en souvenais, mais c’était lâche de ma part,
et c’était avant, au début, quand il était beau, parfait,
qu’on était les gentils et elle la méchante. Maintenant les
choses avaient changé, et je voulais savoir qui elle était.
Il a répété :
— Tu voulais qu’on fasse comme si elle n’existait
pas.
— Oui, mais elle existe. Elle est bien vivante,
et même si ça ne m’arrange pas, je suis obligée de le
reconnaître. Elle est bien vivante puisque tu la rejoins
tous les soirs, puisque tu dois lui rendre des comptes,
lui mentir et lui inventer des tas d’histoires auxquelles
même une gamine de douze ans ne croirait pas. Elle
est bien vivante puisqu’elle souffre. Moi je sais que je 8 Des histoires de grands
suis vivante quand je sens que j’ai mal, et elle, elle a
certainement mal tout le temps.
Il a reculé d’un pas. On est restés immobiles.
Il y avait deux mètres entre nous, et le silence… Et
ça fottait là comme quelque chose d’énorme qui ne
voulait pas s’éloigner. On continuait à s’observer avec
une espèce de méfance. Il a dit : « Mais enfn c’est
ridicule… Pourquoi veux-tu parler d’elle ? Pourquoi
maintenant ? Pourquoi ce soir ? Qu’est-ce qui s’est
passé ?
J’ai répété après lui : « Ce qui s’est passé ? » 9
La fuite
« La vie devient une chose délicieuse,
aussit ôt qu ’ on décide de ne plus la pr endr e au sérieux »
Henry de Montherlant.
Extraits des Carnets.
On ne pourra jamais dire exactement ce qui s’est
passé ce mercredi. C’était il y a trois mois. Ce n’était
pas la première fois que je voyais Nassim B. parce qu’ici
nous avons grandi avec son visage sur le petit écran et
sa photo dans les journaux. Et quand ce jour-là je l’ai
rejoint dans le petit café, quand j’ai serré sa main et vu
son regard plein de soleil, je n’étais pas impressionnée.
Je lui ai même dit : « Vous avez quelque chose de
familier ».
Je me suis assise en face de lui et j’ai sorti le bloc-notes
de mon sac, l’ai posé sur la table. J’ai tourné les pages
jusqu’à trouver les questions que j’avais rédigées au stylo
rouge. Il a bougé un peu puis a lâché en souriant :
— Maintenant, je vous vois mieux. Dites, vous
écrivez avec des stylos de toutes les couleurs, n’est-ce
pas ? Et avant, vous étiez première de la classe, toujours
assise au premier rang.
— Non, jamais première, et jamais au premier rang.
Ça déconcentre quand on rêve.
J’ai relevé la tête en lâchant ces mots. Il a souri et j’ai
trouvé qu’il était beau.10 Des histoires de grands
J’aurais aimé parler de cette première fois d’une autre
manière. J’aurais aimé dire qu’en voyant Nassim ce
jourlà, j’ai senti dans mon cœur quelque chose bouger et
qu’à partir de là, tout a été bouleversé. Cela aurait justifé
la suite : notre histoire, mon égoïsme, mon attitude…
mais je l’ai juste trouvé beau. Et pendant qu’il parlait,
je regardais ses mains larges, les doigts fns, la bague
à l’annulaire, la chaîne à son cou, la petite cicatrice au
coin de son œil, et je riais parce qu’il ne me parlait plus
du tout de ce pourquoi j’étais venue. Parce qu’il disait :
« Vous êtes belle, pas seulement belle, en fait vous avez
quelque chose de différent des autres flles. Vous n’êtes
pas maquillée, n’est-ce pas ? Vous relevez toujours vos
cheveux comme ça, avec un crayon à papier ? Et puis
vous n’êtes pas impressionnée. Les gens, quand ils me
voient, sont souvent impressionnés et ils s’excusent de
me retenir, de prendre un peu de mon temps. Ils disent
excusez-moi, excusez-moi tout le temps, et tant qu’ils
ne disent pas excusez-moi, ils ne me gênent pas. C’est
après que je les trouve franchement lourds… »
Me voir rire l’amusait, et il riait avec moi. Il a tenu à
régler le café et le chocolat chaud, et quand il a ouvert
son portefeuille, il me l’a tendu pour que je voie la flle
et le petit garçon qui souriaient. Il a dit :
- Voilà mon petit prince, et elle, elle a déjà treize ans.
Elle les a eus hier, ça m’a fait une drôle de sensation. Je
me suis vu très vieux, et puis ce matin, les choses sont
revenues à leur place et ça allait mieux…
Le serveur est venu, reparti. Puis Nassim s’est levé.
Je l’ai imité. Il a dit : « Demain je pars pour trois jours,
peut-être quatre dans un endroit où il n’y a que du vent
et de la mer. On pourrait prendre la route très tôt, à
six heures. Il faudra emporter avec vous une grosse
veste parce que les nuits sont fraîches, rien à voir avec
Casablanca. » Il a dit ça et puis il s’est tu. On s’est La fuite 11
observés un instant en silence puis il a ajouté : « On
pourrait se retrouver ici demain à six heures… » J’ai
regardé encore ses yeux qui attendaient. J’ai fait oui avec
la tête. Il a tendu vers moi sa main, avec l’alliance à son
doigt, et il a lancé : « A demain ».

* * *
Le lendemain, il pleuvait. C’était une pluie fne qui
hésitait. Nassim conduisait, et de temps en temps je
tournais la tête de son côté pour le regarder. J’aimais
son profl, son sourire quand nos yeux se croisaient, et
puis nos longs silences, le sommeil qui m’enveloppait.
Il avait pris ma main dans la sienne et j’avais gardé
mes doigts immobiles sur la douceur de cette étrange
matinée.
— Comment avez-vous fait ? a-t-il interrogé. A qui
avez-vous menti pour prendre ces quelques jours ? Mais
peut-être que vous n’avez pas menti. Et puis qu’est-ce
que vous faites, qu’est-ce que vous faites dans la vie,
comme ils disent tous ? Vous êtes journaliste à plein
temps, ou seulement quand un sujet vous tente ?
C’est vous qui proposez ou on vous impose les gens
à rencontrer ? Vous travaillez chez vous ou dans un
bureau avec d’autres personnes ? Vous aimez ce que
vous faites ou vous faites ça pour gagner votre vie ?...
Oh, et puis non, ne répondez pas, je ne suis pas sûr que
ça soit important, pas sûr non plus que ça m’apprendra
quelque chose sur vous. On ne fait pas toujours ce qu’on
aime dans la vie, n’est-ce pas ? Si je vous disais que
j’anime une émission chaque semaine à la télé mais que
ça ne me plaît pas du tout : l’écran, ce maquillage, ces
textes tout préparés et les gens qui vous regardent chez 12 Des histoires de grands
eux, analysant chacun de vos gestes, qui vous suivent
régulièrement ou zappent dès qu’ils voient votre visage.
Et vous, vous ne savez même pas si ça les intéresse ou
si au contraire... Non, moi ce que j’aime, c’est écrire.
Bien plus que tout le reste. C’est la seule chose que je
ne fais pas trop mal, mais les mots ne traduisent rien,
en fn de compte ! Et même si vous me racontiez ce
que vous faites dans la vie, ce que vous faites de vos
journées, je ne comprendrais pas vraiment parce qu’il se
passe tellement de choses chaque jour, chaque minute,
et vous ne m’en raconteriez que des bribes, des petits
bouts… Non, laissez, ne dites rien.
J’aimais l’entendre parler comme on pense, comme
on fait quand on est seul face à son image dans le miroir
et qu’il est tôt… le matin… pas bien réveillé… avec
encore du dentifrice au coin des lèvres, et on essaie en
même temps de se souvenir des images de la nuit.
— J’ai rêvé de vous, ai-je dit. Pardon, je vous ai coupé
la parole mais j’ai rêvé de vous.
— Et c’était comment ?
— Je ne me rappelle pas bien, ni du lieu, ni de… Je
ne sais pas s’il faisait beau, je ne sais plus… Je ne me
souviens que de vous, et vous étiez d’une telle présence !
Vous savez, un peu comme ceux qui nous manquent et
qu’on retrouve après de longues recherches : les
grandsoncles, les vieilles tantes, les amis d’enfance. C’est
étrange, mais vous étiez comme ça dans mon rêve.
J’avais les pensées confuses, les mots maladroits. J’ai
murmuré :
— Vous avez raison, ils ne traduisent rien, les mots.
Ça m’a fait un peu de peine, bêtement, de ne
pas pouvoir traduire ce que je ressentais, mais il a
demandé :
— Vous voulez dire que c’était un peu comme si je
remplissais un grand vide ?La fuite 13
— Oui, ça ressemblait à ça, mais vous savez je n’ai
jamais cru à ce que je voyais dans mes rêves. Et puis il
n’y a pas de grand vide à remplir dans ma vie.
Je mentais. Depuis longtemps déjà, j’avais un
grand vide à l’intérieur, qui prenait toute la place et
m’empêchait d’aimer. J’ai toujours été fascinée par les
gens qui s’aiment. Je n’aurais pas osé le dire à Nassim, à
ce moment-là, mais les gens qui s’aiment me fascinent
vraiment. Ils marchent deux par deux, i

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