Demain sera si belle
122 pages
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Demain sera si belle , livre ebook

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Description

« Sur le papier, Benjamin Valéri n’était qu’un simple aide-soignant. Rien de péjoratif dans cette affirmation ; il s’occupait des patients, leur apportait à manger, faisait la causette, s’assurait qu’ils avaient pris leurs médicaments ou changeait leur couche. Benjamin Valéri remplissait des tâches, parfois ingrates, parfois non. »
Benjamin a vingt-neuf ans, il est aide-soignant en gériatrie. Loin d’être exalté par son quotidien, le jeune homme cache sa sensibilité derrière une épaisse carapace de cynisme et se contente d’une vie fade.
Quand un nouveau service est créé, il est contraint de choisir : travailler avec les enfants malades ou prendre la porte.
Petit à petit, la carapace se fissure, chaque jour devient un nouveau défi.
Peut-on apprendre à vivre en étant confronté au pire ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 24 octobre 2022
Nombre de lectures 0
EAN13 9782312121703
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0200€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Demain sera si belle
Milena Bouchu
Demain sera si belle
LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
© Les Éditions du Net, 2022
ISBN : 978-2-312-12170-3
P REMIÈRE PARTIE : Obscurité
Chapitre 1
Sur le papier, Benjamin Valéri n’était qu’un simple aide-soignant. Rien de péjoratif dans cette affirmation ; il s’occupait des patients, leur apportait à manger, faisait la causette, s’assurait qu’ils avaient pris leurs médicaments ou changeait leur couche. Benjamin Valéri remplissait des tâches, parfois ingrates, parfois non. Sans se plaindre vraiment lorsque l’octogénaire du quatrième appelait pour la cinquième fois de la nuit, afin de vérifier si la sonnette fonctionnait, ou bien lorsque le père hypocondriaque du gamin de la 201 et ses grands discours moralisateurs l’empêchait d’arriver à temps pour emmener aux toilettes la mère Vichy avant qu’elle ne se fasse dessus. Il ne se plaignait pas plus si ses supérieurs lui supprimaient brusquement un week-end, ni s’ils le rappelaient un 31 décembre. Benjamin Valéri avait vingt-neuf ans et comme n’importe quel autre soignant, il s’occupait de ses patients. Avec un peu moins d’entrain peut-être. Et si ses collègues lui avaient posé la question, il aurait simplement répondu qu’il s’estimait bien heureux d’avoir un emploi et d’aider son prochain même si, au fond, les vieux lui donnaient la migraine, et ses supérieurs, la nausée.
– Encore à rêvasser Valéri ? Je vous signale que vos patients n’arrêtent pas d’appeler.
« Code Bleu en 403 »
– Secouez-vous un peu Valéri. Mais ne tuez personne !
Le supérieur en question semblait se trouver hilarant lorsqu’il partit pour le code bleu, les épaules secouées par des spasmes de rire. Ben soupira avant de se redresser et entra dans la première chambre d’où provenait une sonnerie stridente. Ce bruit le poursuivait jusque dans ses rêves, surtout dans ses cauchemars, ce qui rendait ses nuits insupportables. Mais il ne supportait plus grand-chose de toute façon.
– Eh bien enfin ! Savez-vous depuis combien de temps j’appuie sur ce fichu bouton ? J’aurais pu mourir d’un infarctus sans que personne ne réagisse !
– Bonjour madame Meunier , comment allez-vous aujourd’hui ? Je vous l’ai déjà répété, vous ne pouvez pas avoir de jus de fruit avant l’anesthésie. Peu importe le nombre de fois où vous m’appellerez.
L’aide-soignant aida sa patiente à s’asseoir, arrangea son oreiller et jeta un œil à la sonde. Il referma ensuite la porte sur ses talons sans écouter les jérémiades débitées à présent d’un ton mielleux par la vieille madame Meunier. Ils étaient tous pareils.
La porte à peine fermée, Ben sentit une main sur son épaule et sursauta.
– Valéri, le DRH te veut dans son bureau. Tout de suite.
Regard compatissant du collègue infirmier. Hochement de tête.
Alors ça y est, il allait se faire renvoyer ? Au fond, il ne pouvait pas dire qu’il était étonné. Sans jamais arriver en retard, Ben ne risquait pas de recevoir la médaille de l’employé du mois. Tout le personnel du service le pensait dépressif, et lui-même ne s’en défendait pas. Il s’isolait, ne parlait pas et n’était pas non plus apprécié des patients. Il effectuait seulement ses tâches, d’une manière quasi mécanique.
Surpris par un pincement au cœur, Ben pensa qu’il allait regretter son métier actuel. Compte tenu du marché du travail, le jeune homme allait certainement devoir manger un peu plus de pâtes et un peu moins de plats livrés les prochains mois. De toute manière, les gens continueraient de tomber malade, il retrouverait vite un emploi.
– Entrez monsieur Valéri.
Ton condescendant.
– Monsieur.
Pas vraiment une salutation non plus, à peine ironique, un geste de défiance assurément.
– Asseyez-vous s’il vous plaît. J’ai une ou deux petites choses à régler avec vous.
Ben le détailla à peine du regard. La trentaine, costume-cravate, tout juste sorti de son master de gestion des ressources humaines. Et aussi mal à l’aise qu’une gamine larguant son premier flirt de lycée. Il retint un sourire moqueur et prit place.
– Comme vous le savez, nos services font actuellement face à divers plans de restructuration. Vous savez ce que c’est…
Seule touche de décoration, un tableau agrémentait les murs nus aux blancs passés. Une coupe dessinée des ventricules du cœur et un gros plan sur une aorte. Malade l’aorte. Ben avait instantanément décroché. Ce n’était pas la première fois qu’il se faisait virer, il commençait à connaître la chanson. « Lent », « crise budgétaire », ou encore « mou », « manque d’enthousiasme manifeste » revenaient souvent. Tout un champ lexical.
– … flagrant besoin de l’hôpital de ce nouveau service. J’espère que vous comprenez donc pourquoi nous vous transférons là-bas.
Décharge et retour à la réalité. Attendez , comment ça transféré ?
Ben tombait des nues. Et dire qu’il se voyait déjà chez lui dans une petite heure, affalé devant une série. Il en était presque déçu. Retour de l’air désapprobateur du DRH, il avait dû s’apercevoir que Ben ne suivait pas.
– Comme je vous le disais, vous serez affecté à notre nouveau service de suivi de nos jeunes patients les plus atteints. L’aménagement du nouveau bâtiment est terminé depuis un mois. Vous commencerez lundi.
C’était sans appel. Ben comprit ce que le DRH lui taisait, mais que les petits yeux perçants lui criaient : « Vous commencerez lundi, ou ne revenez pas ».
Gé-nial, c’était génial. Sa bouche s’assécha immédiatement. Il n’en revenait toujours pas. Il se faisait transférer. Avec des enfants. Très malades, les enfants.
Splendide.
En fait, il allait seulement échanger les vieux gâteux contre de jeunes légumes en sursis. Court, le sursis.
Est-ce qu’il avait le droit de préciser qu’il était allergique aux enfants ?
D’après le regard glacial qui le transperça, Ben opta pour un non.
Et encore, « allergique » faisait figure de doux euphémisme : il ne savait tout bonnement pas y faire avec les enfants. Devenir la baby-sitter attitrée des plus malades d’entre eux, se coltiner les proches en attente d’un miracle… non, vraiment, ce serait bien au-dessus de ses forces.
A l’instant où Ben ouvrait la bouche et s’apprêtait à prononcer les mots, le visage du DRH se fendit d’un sourire affable. Se levant, celui-ci lui tendit la main. Coupé dans son élan et plongé dans une sorte d’état second, Ben ne se vit même pas tendre la sienne en retour. Ce n’est qu’en sortant de la pièce en se massant le dos de la main qu’il s’aperçut de la vigueur du geste. Un broyage de main dans les règles de l’art, rien de moins qu’une mise en garde.
Bien sûr, il aurait pu démissionner, mais la perspective de la nouvelle recherche d’emploi ne lui parut plus si attrayante. Se confronter encore à l’administration française, les papiers, Pôle Emploi , tout cela le fatiguait d’avance. Et il fallait bien reconnaître que malgré ses aspects négatifs, sa situation présentait un confort non négligeable. Le jeune homme n’avait pas le choix, ce serait donc les enfants.
Chapitre 2
Déjà six semaines que Ben avait pris son nouveau poste. Le temps de connaître chacun des onze dossiers qu’on lui avait assignés sur le bout des doigts. Le temps de se créer une nouvelle routine, à peu de choses près, une nouvelle vie.
Pourtant rien n’avait changé au fond. Les malades étaient toujours plus malades, les repas toujours aussi fades et la vie, absurde. Un léger changement cependant, le service était neuf et l’organisation s’en révélait déplorable. Le personnel ne se composait que de vacataires qui ne restaient jamais plus de quelques jours avant de réintégrer le bâtiment principal. Ben n’avait même plus d’efforts à fournir pour simuler une entente cordiale entre collègues. Les enfants n’étaient pas aussi désagréables qu’il l’aurait cru, et apporter un livre ou un jeu vidéo à un gamin de dix ans s’avérait somme toute moins pénible que les jérémiades ou encore l’incontinence. Bien sûr, il y avait encore des accidents, des draps à changer et des pyjamas à laver, mais même l’odeur âcre de l’urine semblait un peu plus supportable ici. Il était sans doute malade, se dit-il un jour.
Ou alors, il allait bien.
Les enfants s’habituent vite aux nouveaux visages. Ces enfants-là restaient méfiants. Les premiers temps, ils n’accordèrent guère d’attention à leur nouveau soignant. Ceux qui pouvaient se mouvoir, à peine la moitié d’entre eux à vrai dire, préféraient s’occuper seuls en salle de jeux. L’autre moitié était trop faible et malade pour se déplacer, à peine assez consciente pour gémir de douleur entre deux prises de médicaments.
Les journées de Ben , bien que très remplies et nécessitant qu’il soit toujours par monts et par vaux pour vérifier que personne ne manque de rien, lui procurait une sorte de réconfort. La routine, en définitive, le soulageait. Le soignant se contentait d’enfiler sa blouse en arrivant le matin, il visitait ensuite ses patients durant plusieurs heures. Il réglait les petits problèmes courants et achevait bien souvent la matinée par un peu de paperasse. Il prenait ensuite son déjeuner dans le self, le parc ou à l’extérieur au gré de ses envies. Sa pause se terminait à l’instant même où débutait celle des infirmiers de bloc. Une grande agitation s’élevait alors des tables de la cantine du personnel. Les anesthésistes et autres assistants de chirurgiens s’approchaient avec leurs plateaux en plastique bleu et tentaient de s’installer dans l’espace déjà comble. Tout ce petit monde mangeait dans un état de fébrilité et de hâte que les activités respectives de chacun et le tableau des opérations, qui ne désemplissait pas, leur imposait.
Après le bal des internes clôturant la fac de médecine, le personnel hospitalier tout entier se livrait à présent à un autre genre de danse au rythme tout aussi effréné.
Les après-midi commençaient chaque jour sur les chapeaux de roue : il y avait les visites à superviser, les examens auxquels conduire les enfants, les rapports à rédiger, les traitements à préparer, ou encore les collations à di

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