DE FÈS À KABOUL
144 pages
Français

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DE FÈS À KABOUL , livre ebook

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Description

En quittant le Maroc pour fuir une fiancée qu’il n’aimait pas, Brahim était loin d’imaginer que son escapade le mènerait jusqu’aux montagnes d’Afghanistan et plus loin encore : au bout de lui-même. Après s’être embarqué dans des aventures dont il ne se serait jamais cru capable (guerre contre les Russes, trafic d’opium…), il échoue à Kaboul en pleine guerre civile et y découvrira un petit coin de paradis qui s’avère être l’antichambre de l’enfer. L’histoire de Brahim est aussi une chronique des années quatre-vingt et quatre vingt-dix du siècle dernier, dans laquelle sont évoqués des évènements et des personnages mémorables.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2013
Nombre de lectures 3
EAN13 9789954213186
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

DE FÈS À KABOUL
romanEditions
© Marsam - 2013
Collection dirigée par Rachid Chraïbi
6, rue Mohamed Rifaï (Place Moulay Hassan ex. Pietri)
Rabat
Tél. : (+212) 537 67 40 28 / Fax : (+212) 537 67 40 22
E-mail : marsamquadrichromie@yahoo.fr
Site web : www.marsam-editions.com
Conception graphique
Quadrichromie
Impression
Bouregreg - Salé
Dépôt légal : 2013 MO 1469
I.S.B.N. : 978-9954-21-318-6
Couverture
oeuvre de Mohamed KrichEl Mostafa Bouignane
DE FÈS À KABOUL
romanJe dédie ce livre à mon frère Aziz.
Nul homme ne sait ce qu’il acquerra demain ;
Nul homme ne sait en quelle terre il mourra.
Coran, Luqman, XXXI.

L’ironie du sort, c’est la face cachée de notre destin.
Paul Guimard 5
PREMIERE PARTIE
1
Fès, octobre 1981
Le soleil couchant traînait ses rayons sur les
toits en tuiles rouges des vieux bâtiments de
l’université Mohamed Ibn Abdallah. Dans le
ciel, quelques nuages cotonneux s’efflochaient
en longs flaments teintés de rose. Des fots
d’étudiants débouchaient du portail du campus
et se dispersaient dans les rues avoisinantes
sous l’œil vigilant d’une cohorte de soldats
qui stationnaient depuis plusieurs jours devant
l’enceinte universitaire, casqués, matraque et
bouclier au poing, sur le qui-vive. La semaine
précédente, une manifestation d’étudiants
avait dégénéré en affrontements avec les forces
de l’ordre. Quelques traces de ces incidents
étaient encore visibles çà et là : des pierres
jonchant le sol, un arbre abattu, des restes de
pneus brûlés, des débris de verre, une carcasse
de voiture incendiée…
Brahim quitta le campus et se dirigea
lentement vers la station du bus. C’était un
jeune homme de grande taille, bien fait de sa De Fès à Kaboul6
personne. Le teint blanc, les yeux d’un noir de
jais et les cheveux épais, du même noir profond
que ses yeux. Il était beau, mais d’humeur un
peu mélancolique. Il portait en bandoulière une
vieille musette militaire qui contenait ses livres.
En voyant la foule massée devant l’arrêt
du bus, il décida de continuer à pied jusqu’au
centre-ville. Cela faisait une bonne trotte, mais
le temps conviait à la marche. Il avait envie de
se dégourdir les jambes après les deux heures
qu’il venait de passer à s’ennuyer à mourir en
écoutant le prof de littérature arabe disserter
sur les poètes d’avant l’Islam. Cette séance
lui avait paru interminable. Pourquoi diable
s’était-il inscrit en littérature ? Il se rendait
compte qu’il avait commis une énorme erreur
en choisissant cette branche.
Il longea le club des offciers, puis Douar
Laâskar, le bidonville militaire. Devant les
taudis aux toits en tôle ondulée, lestés de pierres,
de pneus, de morceaux de ferraille, des
soldats à la retraite jouaient aux cartes, assis en
petits cercles par terre. Dans un terrain vague,
quelques enfants déguenillés couraient
derrière un ballon de fortune et tapaient dedans en
soulevant des nuages de poussière.
Le pays était en pleine campagne pour
les élections municipales. Partout le sol était
jonché de tracts de toutes les couleurs. Partout,
les murs étaient couverts d’affches à l’effgie
des candidats. A tout bout de champ, on
croisait des essaims de gamins qui scandaient
des slogans.De Fès à Kaboul 7
La nuit tombait quand Brahim arriva place
de Florence. Les réverbères et les enseignes
des magasins s’allumaient. Une foule de
promeneurs se pressait sur les trottoirs. Il
faisait inhabituellement chaud pour la saison.
Bien qu’on fût au mois d’octobre, les gens
portaient encore leurs habits d’été. Une
terrible sécheresse avait sévi l’année d’avant
et la chaleur qu’il faisait en cet automne faisait
craindre une autre année sans pluie.
Brahim se dirigea vers la station où il prenait
le bus pour la Casbah. Au passage, il entra
dans une pharmacie et acheta un médicament
pour sa mère. Lorsque la vendeuse lui tendit
le ticket où elle avait marqué le prix, il eut un
choc. Cent cinquante dirhams ! Il paya, prit
le sachet contenant le médicament et sortit
en comptant mentalement l’argent qui lui
restait. Il fallait payer l’abonnement mensuel
du bus, les tickets du restaurant les jours où
il déjeunait à l’université, les polycopiés et le
bain maure hebdomadaire. Sans compter les
dépenses imprévues. Dans peu de temps, il
allait être à court d’argent. Et la bourse – la
dérisoire bourse trimestrielle —, ce n’était pas
pour bientôt !
Une foule bigarrée et impatiente attendait
le bus. Débordant du trottoir, elle occupait
une partie de la chaussée. Quand le bus arriva,
il y eut une rude bousculade où des coups et
des injures furent échangés. Brahim décida
d’attendre le suivant. Il se tint un peu à l’écart
et contempla tristement la scène en pensant : De Fès à Kaboul8
« Quand est-ce que les Marocains vont se
comporter comme des gens civilisés ? » En
moins de temps qu’il n’en faut pour le dire,
le bus fut plein à craquer et dut démarrer avec
des passagers agrippés aux rampes des portes.
Un vieil homme voûté qui n’avait pas réussi
à monter, se répandit en imprécations contre
ces w’houch, ces sauvages, et ces hiouch,
ces monstres, qui n’avaient d’égard ni pour
les femmes, ni pour les enfants, ni pour les
vieillards. « Il n’y a plus de musulmans dans
ce fchu pays. », répétait-il à qui voulait
l’entendre. Le bus suivant tarda tant à arriver
que lorsqu’il fut là, il s’était formé une foule
plus dense que celle de tout à l’heure. Cette
fois, Brahim se résigna à se jeter dans la mêlée.
Mais avant de le faire, il prit la précaution de
tirer son portefeuille de la poche arrière de son
pantalon et de le fourrer dans sa ceinture qu’il
serra d’un cran.
A la station de la Casbah, les contrôleurs se
pointèrent. Comme d’habitude sur cette ligne,
ils tombèrent sur de nombreux resquilleurs.
Les uns payèrent la pénalité – quatre fois
le prix du billet – et flèrent, la tête basse ;
d’autres essayèrent vainement d’amadouer
les contrôleurs en invoquant le chômage et la
dèche. Quelques adolescents s’échappèrent par
les fenêtres avec une agilité simiesque ; une
fois hors d’atteinte, ils hélèrent les contrôleurs
et les gratifèrent d’un bras d’honneur. Au prix
d’un grand effort, Brahim se fraya un passage
parmi la masse compacte des passagers, montra De Fès à Kaboul 9
son titre de transport et descendit. Devant la
porte du bus, une jeune femme aux formes
potelées, victime d’un semmar, un frotteur,
pleurait et pestait en essuyant sa robe avec un
mouchoir en papier, la fgure tordue par une
grimace de dégoût : elle avait une large tâche
humide à hauteur de la croupe.
La voix du muezzin, amplifée par des
hautparleurs, lança l’appel à la prière d’al-maghrib.
Brahim jeta un coup d’œil à sa montre et hâta
le pas. Arrivé en vue de la maison, il aperçut
sa mère. Elle était assise sur un petit tabouret
en bois sur le pas de la porte et conversait avec
la voisine du dessous. Il remarqua de loin son
teint de cire et ses orbites creux. « Elle maigrit
à vue d’œil, elle n’a plus que la peau sur les
os. », pensa-t-il, le cœur serré.
— Bonsoir, M’mi, lui dit-il en se penchant
pour lui embrasser le front. Il lui remit son
médicament et salua la voisine, une petite
femme noiraude du nom de Rahma et du même
âge que sa mère. Les deux femmes étaient liées
par une vieille et solide amitié. « Qu’Allah te
bénisse ! » lui dit sa mère. « Amen. » ft Rahma
en écho, et elles reprirent leur conversation.
Il monta, ft rapidement ses ablutions, enfla
une gandoura qui avait appartenu à son père
et se dirigea vers la mosquée au pas de course
pour ne pas manquer le début de la prière. 11
2
Après l’offce, il s’assit parmi un groupe
de fdèles qui formaient un cercle autour d’un
prédicateur. C’était un homme d’âge mûr avec
une barbe qui lui arrivait à mi-poitrine. Ses
yeux étaient soulignés de khôl et il exhalait une
forte odeur de musc. Il prononça une causerie
sur la charia islamique. Il parlait d’une voix
calme et posée en promenant son regard à la
ronde. Brahim admira l’aisance avec laquelle
il maniait l’arabe classique. A la fn du prêche,
ses auditeurs lui posèrent quelques questions.
Brahim hésita un moment, puis prit la parole :
— Monsieur, en cette période de campagne
électorale, tous les candidats parlent de
démocratie. Or, nous savons que le concept
de démocratie est étranger à notre religion et à
notre culture. Pourriez-vous nous dire quel est
le point de vue de la charia à ce sujet ?
Le prédicateur passa sa main dans son épaisse
barbe et hocha la tête en signe d’approbation.
« Qu’Allah vous rétribue, jeune homme,
pour cette très bonne question ! En effet, cette
démocratie dont on ne cesse de nous rebattre les
oreilles est un régime politique né en Occident. De Fès à Kaboul12
Il autorise certes la liberté d’opinion, mais
également la liberté de conscience et la liberté
sexuelle, c’est-à-dire que chacun est libre de
croire ou de ne pas croire en Dieu, que chacun
peut vivre sa sexualité comme bon lui semble et
faire ce qu’il veut de son corps. C’est cet excès
de liberté qui a conduit les pays occidentaux
à la perte de toutes les valeurs religieuses et
morales, au nihilisme. La charia islamique ne
peut donc qu’être contre un régime politique
qui mène à une telle faillite. Nous autres
musulmans, nous avons notre propre système
politique, puisé dans le Saint Livre et dans
la conduite du meilleur des hommes, notre
Prophète bien-aimé, Mohammad, sur lui la
prière et le salut. C’est un système parfait
qui ne néglige aucun détail de la vie. Si nous
l’appliquions strictement, nous serions tels que
nous décrit le Coran, la meilleure communauté
qui ait jamais été créée parmi les hommes…
Au moment où Brahim se rechaussait sur
le seuil de la mosquée, il entendit une voix
derrière lui :
— Excellente, la question que tu as posée
au cheikh.
Regardant par-dessus son épaule, il vit un
homme brun, de forte corpulence, avec une
barbe parsemée et une calvitie naissante. Il
devait avoir une t

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