Dans ma tête
84 pages
Français

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Dans ma tête , livre ebook

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Description

Arnaud Roussel Dans ma tête   Roman   Roman finaliste de prix du roman de l’été 2010   Éditions Les Nouveaux Auteurs 16, rue d’Orchampt 75018 Paris www.lesnouveauxauteurs.com     PRISMA ÉDITION 13, rue Henri Barbusse 92624 Gennevilliers Cedex www.editions-prisma.com     © 2010 Editions Les Nouveaux Auteurs – Prisma Presse Tous droits réservés ISBN : 978-2-81950-131-2 J’ai toujours rêvé d’être un héros. Mais pas n’importe quel héros. Un héros qui a peur et qui affronte quand même ses ennemis. Comme dans les histoires que ma mère me lisait. Le comte de Monte-Cristo. Le capitaine Nemo. Et le plus grand de tous, Arsène Lupin. Voler aux riches, donner aux pauvres et vivre selon ses règles. Mais je n’ai jamais pu vivre selon mes règles. Du héros je n’ai eu que la peur. La peur de ne pas être aimé. La peur d’être un fardeau. La peur d’être abandonné. La peur de vivre. La plus grande selon moi. Je m’appelle Alexandre. J’ai vingt-trois ans. Je suis handicapé mental et physique. Je suis un gros caillou de soixante-cinq kilos. On me déplace, on me lève, on m’assoit, on me couche, on me nourrit, on me nettoie. J’ai besoin qu’on m’aide pour tout. Même pour faire caca ! C’est humiliant au début mais on s’y fait. On se fait à tout. Je ne peux pas parler. Je ne peux pas bouger. Je ne peux pas communiquer avec le monde extérieur. Je vis dans ma tête. Seul avec moi-même. Avec mes questions. Avec mes doutes. C’est suffisamment compliqué comme ça.

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Date de parution 29 octobre 2015
Nombre de lectures 0
EAN13 9782819501312
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

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Extrait

Arnaud Roussel
Dans ma tête
 
Roman
 
Roman finaliste de prix

du roman de l’été 2010
 
Éditions Les Nouveaux Auteurs
16, rue d’Orchampt 75018 Paris
www.lesnouveauxauteurs.com
 
 
PRISMA ÉDITION
13, rue Henri Barbusse 92624 Gennevilliers Cedex
www.editions-prisma.com
 
 
© 2010 Editions Les Nouveaux Auteurs – Prisma Presse
Tous droits réservés
ISBN : 978-2-81950-131-2
J’ai toujours rêvé d’être un héros. Mais pas n’importe quel héros.
Un héros qui a peur et qui affronte quand même ses ennemis.
Comme dans les histoires que ma mère me lisait. Le comte de Monte-Cristo. Le capitaine Nemo. Et le plus grand de tous, Arsène Lupin. Voler aux riches, donner aux pauvres et vivre selon ses règles.
Mais je n’ai jamais pu vivre selon mes règles. Du héros je n’ai eu que la peur.
La peur de ne pas être aimé. La peur d’être un fardeau. La peur d’être abandonné. La peur de vivre. La plus grande selon moi.
Je m’appelle Alexandre. J’ai vingt-trois ans. Je suis handicapé mental et physique. Je suis un gros caillou de soixante-cinq kilos. On me déplace, on me lève, on m’assoit, on me couche, on me nourrit, on me nettoie. J’ai besoin qu’on m’aide pour tout. Même pour faire caca ! C’est humiliant au début mais on s’y fait. On se fait à tout.
Je ne peux pas parler. Je ne peux pas bouger. Je ne peux pas communiquer avec le monde extérieur. Je vis dans ma tête. Seul avec moi-même. Avec mes questions. Avec mes doutes.
C’est suffisamment compliqué comme ça.
Je ne veux surtout pas de pitié. La pitié c’est tout ce qui reste quand les gens ne savent pas quoi faire pour venir en aide aux autres. À ceux qui souffrent. À ceux qui sont moins chanceux qu’eux. La pitié est dangereuse si on l’éprouve pour étouffer sa conscience.
Ce que je suis n’est la faute de personne. Ni la mienne ni celle du médecin qui a accouché ma mère, même si elle aimerait bien.
Je vis allongé la plupart du temps. Soit dans mon lit, soit dans un fauteuil roulant. Mon fauteuil est adapté à mon handicap. Je ne peux pas être en position assise. Pas complètement. Alors mon fauteuil est équipé d’une coquille qui a la forme de mon corps. Je me retrouve à moitié assis, à moitié allongé, comme un poussin qui n’aurait pas pu quitter la coquille dans laquelle il est né.
Cette coquille a grandi en même temps que mon corps. Vaisseau fantomatique dont les commandes me sont inaccessibles.
Je suis arrivé dans ce foyer pour personnes handicapées, parce que j’avais fait une bêtise. On fait tous des bêtises. Ma bêtise à moi m’a amené ici. Les bêtises entraînent toujours dans leur sillage les punitions.
Moi j’ai toujours payé le prix fort quand je fais une bêtise. Ça a commencé dès ma naissance. Quand j’ai cessé de respirer. Ma punition a été de me retrouver coincé dans ce corps. Pour le reste de ma vie.
C’est injuste. Mais c’est comme ça.
Ma mère avait mis au monde un bébé normal. Sans raison mon cœur s’est arrêté de battre. Mon cerveau n’était plus irrigué. J’aurais pu partir comme ça. Sans bruit.
Mais le médecin qui venait d’accoucher ma mère en avait décidé autrement.
Pour lui je devais vivre, un point c’est tout.
D’après ma mère c’était un orgueilleux. Ma mère m’a tout raconté. Elle me raconte toujours tout ! Il était jeune et son ego n’aurait pas supporté de me perdre. Alors il a massé mon cœur. Il appuyait tellement fort sur ma poitrine que ma mère a cru qu’il allait m’écrabouiller !
Mais il a réussi à le faire repartir. Elle m’a expliqué que mon cerveau a été irrigué de nouveau. Mais définitivement endommagé. Et ça les médecins ont dit que c’était normal. Quand le cerveau n’a pas d’oxygène pendant une longue période il s’abîme. Par contre ils ne savent pas ce qui se passe à l’intérieur du cerveau. Donc ils ne peuvent pas réparer.
Ma mère déteste les médecins !
« Ce sont des incompétents et des charlatans ! Ils seraient incapables de reconnaître le cul de leur mère s’il le voyait ! »
Je sais c’est bizarre d’entendre sa mère parler comme ça. C’est ma mère. Elle dit ce que les autres pensent.
Moi j’ai une théorie pour cette histoire de cœur qui s’arrête.
Lorsque je suis sorti du ventre de ma mère je n’ai pas dû aimer ce monde. Alors je pense que je me suis arrêté volontairement de respirer.
Pour prouver ma théorie il faudrait que mon cœur s’arrête à nouveau de battre. Que mon cerveau se remette à l’endroit.
Alors de temps en temps quand ça ne va pas fort j’arrête de respirer. C’est la seule chose que j’arrive à commander dans mon corps. Je n’ai jamais réussi à remettre mon cerveau à l’endroit.
Mon cœur est bien accroché.
Je me souviens du premier jour où je suis arrivé ici, dans ce foyer. C’était une fin d’après-midi très chaude.
L’été, certains parents prenaient leurs enfants pour les vacances. Le personnel organisait un pot pour leur départ. Nous étions tous dehors dans le parc. Les parents venus chercher leurs enfants, le personnel et tous les résidents étaient présents. Mes parents et moi étions un peu perdus parmi cette foule. Nous ne connaissions personne.
Les gens parlaient fort. En particulier les parents qui essayaient de discuter avec les camarades de leurs enfants. La peur de ne pas se faire comprendre leur faisait monter le volume de leur voix. Comme si cela pouvait aider les handicapés à mieux les comprendre.
Il y avait cette femme qui parlait à un homme. Elle parlait plus fort que les autres. J’ai compris en l’écoutant que c’était sa mère. Le fils l’écoutait la tête baissée, comme un petit garçon qu’on a puni. Elle parlait toute seule. Elle lui posait des questions sans attendre les réponses. Elle n’était plus qu’un flot de paroles.
Et puis son fils a relevé la tête. Très lentement. Comme s’il voulait laisser une chance à sa mère de se taire. Avant que tout n’explose. J’ai croisé son regard à ce moment. Il était vide, sans vie, comme si le propriétaire était absent. Il s’est mis à hurler très fort pour couvrir la voix de sa mère. Elle s’est arrêtée net. Elle a fait un pas en arrière. Elle avait peur, comme souvent les parents ont peur dans ces situations, parce que ce n’est plus leur enfant qu’ils ont en face d’eux. C’est un étranger.
Son fils s’est pris la tête entre les mains. Il s’est mis à courir dans le parc. Il s’arrachait les cheveux. Des poignées entières. Il s’est dirigé vers les autres parents. Plus personne ne parlait. Il s’est mis à courir en rond en plein milieu du groupe qu’ils formaient. Il hurlait. Son cri était horrible. Il souffrait. J’avais envie de pleurer tellement c’était horrible de le voir souffrir comme ça.
La mère avait reculé en voyant son fils devenir fou. Elle avait les mains tendues dans sa direction et elle reculait. Elle était arrivée à côté de moi. J’entendais qu’elle pleurait. En silence. Secouée par des hoquets. Quelques bulles de salive sortaient de sa bouche de temps en temps. Je les entendais éclater au milieu des hurlements de son fils.
Les éducateurs et le personnel du foyer ont réagi immédiatement. Ils ont commencé à prendre tranquillement les résidents pour les ramener dans leur pavillon respectif, pour ne pas les affoler. Pendant ce temps un éducateur et une éducatrice du pavillon de l’homme devenu fou tentaient de le calmer. Leur but était que cela ne dégénère pas. Mais c’était trop tard. La peur et la panique s’étaient déjà emparées de deux ou trois autres résidents. Ils se sont mis à crier à leur tour. Leurs hurlements se mélangeaient à ceux du premier. On aurait dit une meute de loups qui communiquaient entre eux dans la souffrance. D’autres résidents ont eu des absences. Face à la peur chacun réagissait à sa manière. Ceux qui hurlaient tentaient de sortir leur peur et la souffrance qu’elle engendrait en l’expulsant par des cris. Et d’autres disparaissaient complètement. Ils allaient ailleurs. Ils se réfugiaient dans leur tête pour fuir cette peur et ne pas être atteints par la souffrance.
Les éducateurs étaient dépassés. Les mères pleuraient presque toutes. Les pères les consolaient et les éloignaient de ce tableau désolant.
Finalement le personnel a dû employer la manière forte pour venir à bout de cette crise. Les résidents qui avaient pété les plombs se sont retrouvés à terre. Les bras dans le dos pour être maîtrisés. Les autres résidents se sont vu raccompagner à leur pavillon sans délicatesse.
Le directeur du foyer a demandé aux parents de partir tout de suite et leur a promis qu’il les contacterait personnellement dès le lendemain.
La fête était finie.
C’était mon premier jour. Ça commençait mal.
Je n’avais aucune idée de la durée de mon séjour ici. Les gens qui s’occuperaient de moi décideraient de mon retour à la maison.
La séparation avec mes parents a été horrible. J’avais l’impression qu’on coupait un bras ou une jambe à ma mère. Même mon père était en larmes. J’imagine que ça a dû être pénible pour lui de devoir forcer ma mère à m’abandonner. J’espérais qu’ils allaient s’en remettre. J’espérais que cette séparation ferait du bien à tout le monde.
À partir de cet instant j’étais seul. Complètement seul.
C’était la première fois.
Ma mère n’avait jamais voulu recevoir d’aide d’aucune sorte. Elle avait toujours refusé de me placer dans un foyer spécialisé comme celui-ci. On le lui avait pourtant suggéré à plusieurs reprises. Une fois nous étions allés chez un spécialiste qu’on lui avait recommandé. La consultation a duré cinq minutes. Nous sommes sortis de son bureau avec ma mère qui hurlait sur le médecin. Tout ça parce qu’il avait osé lui proposer de me mettre dans un foyer qu’il connaissait. Elle l’a même menacé de le dénoncer à la police !
Les gens dans la salle d’attente se demandaient qui était cette femme qui hurlait comme une folle. C’était ma mère.
Elle avait décidé que je serais la chose la plus importante dans sa vie.
 
Quand j’étais enfant mes parents m’emmenaient souvent avec ma sœur et mon frère dans un parc près de chez nous. On se baladait en famille. La balade pour moi consistait à rester à l’abri du soleil, dans mon fauteuil roula

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