Cruels mirages
386 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
386 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

« Le soir tombait, sa permission s'achevait et il devait se rendre au bureau militaire. Elle le remercia à nouveau d'avoir sauvé Philippe. “Je n'oublierai jamais, François ! Vous êtes mon ami pour toujours, je vous le redis. — C'était un geste normal. J'étais là au bon moment. Un autre à ma place l'aurait fait. Et je pense que l'amitié qui nous lie est maintenant fondée sur d'autres bases.” Elle posa sur lui ce regard dont l'intensité l'impressionnait et approuva de la tête. Quand ils s'embrassèrent sur les deux joues, qu'il sentit son corps contre le sien, il n'y fut pas insensible. Il repartit à pied, troublé... »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 18 octobre 2013
Nombre de lectures 1
EAN13 9782342013665
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0082€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Cruels mirages
Bernard Tisné
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Cruels mirages
 
 
 
De 1954 à 1962, la France fut confrontée à ce qu’on appela alors les évènements d’Algérie.
 
L’armée française fut contrainte de poursuivre sur des terrains difficiles des bandes rebelles pratiquant la guérilla, de mener des opérations de police pour lutter contre le terrorisme, de protéger et prendre en charge la population civile qu’elle devait aussi rassurer.
On parla de pacification.
 
Des contingents d’appelés furent envoyés en renfort des troupes d’actives.
 
Certains traversèrent cette période complexe sans se poser trop de questions, sans chercher à comprendre le sens de leur séjour, sans s’impliquer, en attendant le retour.
 
D’autres, plus idéalistes, plus naïfs peut-être, qui crurent aux déclarations des Gouvernements successifs et aux affirmations des responsables politiques, s’investirent personnellement pour la réussite de leur mission…
 
Le souvenir des renoncements, des promesses non tenues, des trahisons et de tous ces hommes morts pour rien resta gravé dans leur cœur.
 
Leur vie continua cependant…
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Première partie
 
 
 
1
 
 
 
« Ces grandes manœuvres, à quoi veux-tu que ça serve ? Ils nous entendent venir de loin.
On a beau rouler tous feux éteints, on fait du bruit.
Et on avance très lentement sur ces pistes cahoteuses, poussiéreuses, étroites.
Eux, ils ont des schoufs, ils nous observent de loin ; ils connaissent tout, l’heure de départ, la direction que prend le convoi ; ils savent où l’on va.
Alors il n’y a jamais de surprise ; ils n’attendent pas l’Armée Française pour un combat à la loyale.
Le bouclage, le ratissage, la nasse… de belles théories sur le papier mais totalement inefficaces ».
 
François Valois connaissait l’état d’esprit de son ami Râteau qui, depuis longtemps en Algérie, blasé et septique, critiquait tout.
Aussi n’attachait-il plus qu’une attention distraite à ses déclarations.
 
Pourtant ce troisième jour d’opération semblait lui donner raison.
Depuis trois heures du matin, des unités mobiles censées rabattre des fellaghas vers celles qui étaient à l’arrêt, en bouclage, n’avaient rabattu personne ; il ne s’était rien passé.
Chacun attendait donc le démantèlement de l’opération et se réjouissait déjà à la perspective d’un retour au cantonnement, de la douche et du rasage.
 
Le soleil n’était pas encore levé et, en hiver sur les Hauts Plateaux, on l’attend avec impatience.
La section que commandait François était chargée de la protection du PC, mission plutôt statique qui ne l’enchantait pas. Ses hommes s’étiraient, s’ébrouaient.
Avec Râteau, il avait dormi par terre au milieu d’eux. Une fraîcheur humide les enveloppait.
Ils supportaient une barbe de trois jours et les vêtements leur collaient à la peau.
 
On était sur un faux plat, au pied d’une petite colline entourée de ravins assez profonds d’où montait le bruissement de l’eau qui, à cette saison, s’écoulait dans l’oued.
Pour se réchauffer, ils gravirent la pente et, d’en haut, aperçurent le commandant qui conversait avec le sous-lieutenant d’artillerie. Ils contemplaient également ces soldats censés protéger le P.C.
« Ce sont de jeunes recrues. Aucun n’a l’expérience du combat. Ils n’ont reçu qu’une instruction minimale, un entraînement sommaire et ne connaissent que rarement l’épreuve du feu ; ils ignorent la guerre. »
Râteau persévérait dans ses considérations pessimistes… Ils revinrent tous deux pensifs vers le PC.
 
Leur rêverie fut interrompue car des coups de feu retentirent dans le talweg.
Ils redescendirent rapidement et rejoignirent le Commandant qui, au téléphone, s’informait auprès des compagnies ; un groupe de rebelles avait été surpris et cherchait à s’échapper.
Marmonnant « Ça alors ! Ça alors ! » Râteau, chargé des transmissions, courut retrouver ses hommes qui assuraient les liaisons radios.
 
Les tirs étaient nourris et proches ; les rebelles se dirigeaient vers eux.
François déploya sa section pour protéger le PC, soucieux car il ignorait comment elle allait réagir.
 
Deux vieux avions T6, qui avaient sûrement beaucoup servi et depuis longtemps, surgirent vrombissant assez bas dans le ciel. Leur appui avait probablement été demandé.
 
François les vit piquer et lâcher leurs roquettes.
L’objectif parut atteint car les coups de feu cessèrent.
Mais une épaisse fumée sortait de la carlingue de l’un d’eux. Ce vieux modèle, qui évoluait très lentement, avait vraisemblablement été touché en remontant.
Entouré d’un nuage noir, il vira puis perdit de l’altitude et s’orienta vers la section de François, cherchant probablement une zone dépourvue d’arbres.
On le vit rentrer son train d’atterrissage pour ne pas capoter, les touffes d’alfa rendant la manœuvre périlleuse, et essayer de se poser sur le ventre.
Il heurta violemment le sol, rebondit, parut se retourner puis, se cassant en deux, dans un formidable bruit de ferraille, s’immobilisa à vingt mètres de la section.
 
Personne ne sortait.
François entraîna alors, au pas de course, l’infirmier et un autre homme vers l’appareil.
On entendait encore des coups de feu mais plus loin.
L’aviateur ne bougeait pas mais avait cependant ouvert le cockpit ; le moteur fumait.
« Ça va péter, s’inquiéta l’infirmier.
— Dépêchons-nous. »
 
Ils grimpèrent sur l’aile pour dégager le pilote évanoui mais peinèrent pour défaire sa ceinture et l’extraire ; le sang giclait de son bras, on voyait une tâche rouge sur la poitrine.
Le blessé se redressa brusquement.
« Sortez-moi de là, bordel ! ».
Se dégageant lui-même, il se leva mais chancela aussitôt et s’affala, sans connaissances, dans les bras de François.
Ils le descendirent de sa machine avec peine, le couchèrent sur un brancard puis l’emportèrent en s’éloignant rapidement car les flammes envahissaient l’avion.
« On a failli brûler » gémit l’infirmier.
 
François rejoignit le Commandant et lui demanda une évacuation en urgence mais cet homme, toujours calme et précis, qui dirigeait son bataillon avec une autorité tranquille, la jugeait impossible.
« Les Fels sont trop près de nous, ils allumeraient l’hélico. »
Puis après une pause.
« L’avion est un brasier. Vous avez agi à temps. »
 
Voyant le pilote entrouvrir les yeux, François chercha à le rassurer.
« On va vous en tirer.
Comprit-il ou non, il repartit dans les limbes.
 
L’infirmier avait posé un garrot mais le sang coulait toujours et, quand il coupa la manche, par giclées.
« C’est l’artère ! »
Il était dépassé.
François le savait ; les infirmiers affectés aux unités combattantes étaient des appelés qui ne connaissaient ce métier que par une formation sommaire, inculquée rapidement et insuffisante.
 
S’y sentant obligé, il examina cette blessure du bras, haut placée, près de l’épaule, plaie ouverte, chaire hachée. Le sang fusait au rythme du cœur. La compression n’était pas suffisante.
L’infirmier, tendu et blême, répétait :
« C’est l’artère ! C’est l’artère !
— Ne doit-on pas la pincer ? demanda François »
L’homme s’affolait, il n’avait pas appris.
« Je ne sais pas le faire !
— En somme, il faut pincer où ça saigne. »
Il opina d’un hochement de tête mais répéta.
« Je ne sais pas le faire ! ».
 
François comprit qu’il n’y avait rien à attendre de ce pseudo infirmier terrorisé.
Il n’avait jamais rien entrepris de pareil mais, voyant la pâleur de son faciès, le pilote comprit qu’il allait mourir devant eux, exsangue, et se décida.
« Passe-moi la pince, je vais essayer. »
Il agrippa avec sa pince le paquet de chaire d’où venait le sang et serra.
Opération douloureuse sans doute car le blessé réagit en grognant, sans reprendre toutefois connaissance. L’hémorragie s’arrêta.
François, étonné de sa réussite, se demanda malgré tout quelles seraient les conséquences de son initiative. Il conseilla alors à l’infirmier, toujours perdu, de ne pas toucher à la pince, de désinfecter et panser le bras ainsi que les autres plaies enfin de pratiquer des injections d’antibiotiques et d’antalgiques. Cela lui semblait du bon sens.
 
Le Commandant vint aux nouvelles.
« Il ne saigne plus. Mais c’est du bricolage.
— Que fait l’infirmier ?
— Il est plein de bonne volonté mais ce n’est pas un véritable infirmier ; il n’y connaît rien. Je ne sais si cet homme gardera son bras et il est aussi touché à la poitrine. Enfin il est dans le coma ; il faudrait mieux ne pas tarder.
— Les Fels s’enfuient vers le nord, on a pu appeler l’hélico qui arrive. »
 
Les coups de feu avaient cessé.
Trois morts chez les Français, sept chez les Fels. On les chargea dans des véhicules.
Les blessés furent transportés vers l’antenne chirurgicale la plus proche.
Le bataillon s’ébranla à la poursuite des rebelles ; le rasage et la douche étaient pour plus tard.
Le soleil s’était levé et, avec lui, la chaleur, agréable pendant une heure, séchant les vêtements et réchauffant les corps. Après elle incommoderait.
François interpella Râteau. « Alors, tu vois, mauvais sujet. On a rencontré les Fels. – Oui, mais ils se sont échappés et nous ne les rattraperons pas. » Il sourit ; cet homme-là ne changerait pas…
 
De retour au cantonnement, un peu inquiet des conséquences de son acte chirurgical improvisé, François sollicita un ordre de mission pour l’hôpital où l’aviateur avait été transporté.
Ce ne fut pas im

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents