Cruautés
96 pages
Français

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Description

Dans ces huit nouvelles qui mettent en scène la cruauté, les personnages se font écho d'un texte à l'autre. La cruauté, c'est l'esprit de vengeance, c'est le plaisir de faire mal. L'auteur s'attache cependant à saisir une certaine beauté dans l'obscur, une certaine grâce chez ces êtres qui, de victimes évidentes, peuvent passer au statut de bourreau machiavélique... et vice versa.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 09 janvier 2013
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748397383
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Cruautés
Sabrina Bardot
Mon Petit Editeur

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Mon Petit Editeur
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Cruautés
 
 
 
À Thibaut, qui saura lire entre les lignes
 
À tous ceux qui se taisent pour un semblant de paix.
Qu’ils trouvent la force de dire et de se libérer.
 
À Maurizio, le preux chevalier.
 
 
 
Merci à Marie Fontaine pour son travail rigoureux de relecture et ses encouragements.
 
 
 
Retrouvez l’auteur sur son site Internet :
http://www.sabrina-bardot.fr
 
 
 
Préface
 
 
 
Sans un élément de cruauté à la base de tout spectacle, le théâtre n’est pas possible.
Antonin Artaud, dans Le Théâtre et son double.
 
 
Après avoir exploré les possibilités du voyage, réel ou imaginaire, dynamique ou immobile, dans un premier recueil de nouvelles Les Voies détournées, Sabrina Bardot se lance avec ce nouvel opus sur les voies obscures de la cruauté.
La cruauté, comme le bien ou le mal, n’est qu’une question de point de vue : plaisir, coupable ou assumé, pour celui qui la commet, douleur pour celui qui en est le témoin ou la victime. Plaisir ? Oui, car certains des personnages qui habitent ces nouvelles n’ont plus que cette sensation-là, voir souffrir avec un certain plaisir ceux qui les ont fait souffrir, pour se sentir en vie. C’est le cas de la femme bafouée de Baila dulce, dont l’ombre malsaine plane tout au long de cette histoire forgée dans l’incandescence de la haine et du sang. C’est également le cas de cette fille qui ne veut plus être une poupée sans volonté entre les doigts de sa mère tyrannique. Elle coupera à sa façon, définitivement, sans même un Dernier regard, ses fils de marionnette. Les personnages féminins de ces deux nouvelles sont mus par une irrépressible soif de vengeance. Plat froid et méticuleux pour la première, brûlant et totalement improvisé, imprévisible, pour la seconde. Mais l’une comme l’autre font l’expérience du plaisir d’être cruelles, presque malgré elles.
La cruauté engendre la cruauté. Pour autant, l’on remarquera au fil du recueil qu’elle n’est pas innée. Elle s’allume souvent au contact d’une insupportable injustice ou d’une humiliation, tout aussi intolérable, comme celle infligée à Gaël, le propriétaire de La Masure . Elle est dans tous les cas la suite logique, voulue, assumée, d’un besoin de vengeance plus fort que tout.
Mais elle peut aussi être involontaire, montée de toutes pièces au nom du bien. Elle se matérialise alors sous les traits de Caroline , incarnation d’une petite fille faite perfection…
La cruauté peut enfin être une nécessité du corps, dont l’esprit de celui qui l’exerce n’a pas forcément conscience. De nombreux personnages de La Statue du Commandeur l’apprendront à leurs dépens.
D’autres nouvelles encore joueront de l’ambiguïté entre plaisir et douleur. Vers lequel de ces sentiments pencherez-vous, lecteurs ? Difficile de le prévoir car c’est tout l’art de la nouvelliste que de vous ballotter entre l’un et l’autre au gré de sa plume, porte-parole de sa propre cruauté, qui heureusement ne prendra vie que sur le papier. Quoique…
Marie Fontaine
 
 
 
Avant-propos
 
 
 
Je ne me lasserai pas d’écrire des nouvelles. La forme est brève, mais efficace, condensée et donc exigeante, finalement aussi belle qu’un beau diamant bien travaillé. Il apparaît, selon les éditeurs, que les nouvelles, « ça ne se vend pas ». Mais quand on fréquente les salons du livre, quand on discute avec des inconnus, on prend conscience que tout le monde lit des nouvelles, et que, derrière l’apparente facilité de cette pratique (besoin d’un laps de temps court, peu de pages à lire) se cache le long cheminement de la compréhension, le parcours personnel qui mène au plaisir, à la réflexion, et qui donne à la nouvelle une saveur différente selon le lecteur. Les nouvelles marquent les esprits, justement parce qu’elles sont brèves et donc intenses.
J’écris des nouvelles quand ce que j’ai à dire est si fortement imprégné en moi que je ne veux pas le délayer, que je ne veux pas le perdre à travers le défilement des pages. J’écris des nouvelles pour exprimer, sortir, quelque chose de moi de si imposant qu’il me faut agir en peu de temps et dans l’urgence, pour m’en délester et pouvoir le contempler à distance. J’écris des nouvelles sur ce que je vois, sur ce que je vis, sur ce que je ressens, avant tout, sur mes émotions.
Au premier abord, je suis une jeune femme joyeuse et délurée, qui aime les musiques latines et colorées, une personne qui aime rire avec ses amis. Et pourtant, j’ai écrit Cruautés . Déjà dans mon précédent recueil, Les voies détournées 1 , certains s’interrogeaient sur la noirceur de plusieurs histoires. Oui, il y a une part sombre en moi, un peu comme l’histoire réelle qu’une salsa peut raconter cachée sous les sonorités de la conga 2 qui transpirent le soleil. Il y a en moi, derrière le sourire, une part cachée, une part blessée, une part qui n’est due aucunement à l’imagination. Une part que je ne peux plus nier. On pourra bien crier de me taire, on pourra bien hurler que je suis une menteuse, jamais je ne me tairai plus. J’écris en m’inspirant de ce que j’ai vécu et non le contraire. J’ai besoin de sortir cela de moi. Et si j’en crois la réaction de nombreux lecteurs, je ne suis pas la seule à avoir maquillé mes blessures pour préserver la paix des familles. Je préfère la paix avec moi-même. Une fois écrit, cela s’en va en dehors de moi, et je respire.
Toutefois, tout n’est pas si noir dans Cruautés , car il y a une certaine jubilation à se voir venger dans l’imaginaire, il y a une certaine poésie dans la souffrance et les amours perdues. Il y a une beauté dans l’obscur, et une grâce chez ces personnages qui ne sont pas aussi victimes que l’on peut le croire, qui ne sont pas toujours les bourreaux que l’on s’est imaginés…
Antonin Artaud pensait que la cruauté, c’est la vie 3 , le principe même de la vie. Je vous invite donc dans mon petit théâtre de la cruauté où chaque personnage peut porter un masque et le laisser choir sans crier gare… pour vous laisser contempler votre propre visage.
Sabrina Bardot
 
 
 
Baila Dulce (Danse douce)
 
 
 
Elle était arrivée avec des certitudes et elle repartait avec des sentiments.
 
Sous ses mains, son corps existait d’une autre manière, comme façonné par ses caresses. Sa façon de la tenir contre lui, d’envelopper ses muscles sous sa paume, de dessiner sa peau sous ses ongles. Elle se sentait devenir flamme, bois braisé, chêne solide mais aussi roseau souple entre ses bras à lui et impassible dans sa passion pour lui. Elle était à lui chaque temps d’une danse, elle devenait l’arche qui portait ses désirs, leurs désirs vers l’absolu de la danse. La salsa ne s’apprenait pas. Elle se ressentait.
 
Ses paumes étaient patinées comme le bois qu’il travaillait, une peau de cuir, lisse et douce, foncée par le travail, comme teinte par le bois qu’il maniait avec délicatesse. Elles ne bénéficiaient pas des mêmes soins. Les ongles abîmés mais la pulpe des doigts douce, le mont de Vénus un peu rugueux, sculpté par tous ces bois qu’il avait tenus. Des mains en oxymore. Des mains qui portaient la contradiction qui le constituait. Elle se faisait bohémienne en retraçant dans ses paumes le fil de sa vie : ici les études, là le compagnonnage, plus loin la salsa. Et ce creux comme un pic vers un abîme brun, au milieu de la ligne de cœur : Carmen.
 
Au premier abord, il lui avait apparu séduisant, le corps bien proportionné, les épaules larges, avec cette sorte d’aisance qui ouvrait la poitrine et faisait briller les yeux. Des yeux clairs, verts, d’un éclat de jade. Il avait les cheveux châtains, mesurait un mètre quatre-vingts. Mais il avait cette arrogance des gens trop sûrs d’eux. Quand il l’entraîna sur la piste de danse, elle sentit tout de suite sa détermination de danseur émérite à travers sa main ferme. Ses doigts se posaient précisément sur sa paume, il avait positionné son pouce entre ses doigts, et entreprit un enchaînement de passes avec une fluidité déconcertante. Il s’instaura dès lors une complicité imprévue entre eux, qui faisait jour dans leur façon de se rapprocher, poitrine contre torse, en position fermée, bien plus près qu’il ne le faut pour danser la salsa. Elle posait son front contre sa tempe, et se laissait bercer, les yeux clos, se laissant tanguer par le mouvement souple et déterminé de ses hanches masculines. La musique était pourtant énergique, et très rythmée, une timba 4 de Calle Real, qui appelait des pas rapides et francs. Mais rien n’aurait séparé ce front de cette tempe, où le flux sanguin ponctuait l’échange à un rythme érotique. Il y avait du monde autour d’eux, tous ces autres couples qui dansaient, ces paires d’yeux, qui du bord de la piste, les fixaient. Il y avait Carmen. Il y avait son ancien amour, jalouse et acharnée comme une érotomane. Persuadée qu’il n’avait dans son cœur que son cœur à elle, persuadée qu’il serait à elle pour l’éternité même s’il avait été clair avec elle, même s’il lui avait fortement dit qu’elle ne serait jamais la femme de sa vie, elle ne démordait pas de sa proie. Ses pupilles cerclées de bleu se faisaient sang rouge, fer chauffé pour marquer sa victime. Et sa victime c’était Ella dont le seul crime avait été de plaire à cet homme qui ignorait son prénom.
 
La salsa a d’autres lois que ceux de l’état civil, et on en apprend bien davantage sur son partenaire à travers ses passes de prédilection, sa façon de maintenir la position fermée, la texture de ses paumes,

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