Clair de bulle - Concours du développement personnel - Femme Actuelle
106 pages
Français

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Clair de bulle - Concours du développement personnel - Femme Actuelle , livre ebook

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Description

À ceux que j’aime d’amour et d’amitié. Macaron goût réglisse, parce qu’il est noir de chez noir, haute tension garantie ! 6 février, 19 e  semaine Bébé joue avec son cordon ombilical. Il dort dix-huit heures par jour.   J’adore ces vitrines où sont exposées des scénettes miniatures. Une cuisine à l’ancienne, un salon de thé, une bibliothèque, une chambre de bébé… Il y en avait une sur l’étagère au-dessus de mon bureau quand j’étais petite. J’avais déposé mes vieux chaussons de danse sur le dessus, une paire de pointes tout usée dont les cordons de satin pendaient joliment, et je pouvais les contempler (la vitrine et les chaussons) pendant de longs instants lorsque j’étais assise à mon bureau, c’était un moyen infaillible de ne plus être assise sagement à mon bureau, mais ailleurs, en mouvement. Un moyen infaillible et sans danger car quand ma mère entrait dans ma chambre, elle me retrouvait bien telle qu’elle m’avait laissée. Mais dès qu’elle repartait, j’examinais à nouveau, sans jamais m’en lasser, la petite commode de bois blanc, le berceau et son tour de lit coloré, l’espace à langer, le tapis d’éveil, les peluches déposées de-ci de-là. Il n’y avait pas de bébé visible, mais l’on sentait sa présence en creux, telle une trace rose et délicatement parfumée, telle une invitation à rêver… J’adorais la regarder, cette vitrine ! J’adorais la perfection qui régnait dans cet espace hors de toute réalité, la profusion de détails, l’arrangement maîtrisé.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 09 janvier 2020
Nombre de lectures 10
EAN13 9782810428502
Langue Français
Poids de l'ouvrage 5 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

À ceux que j’aime d’amour et d’amitié.
Macaron goût réglisse, parce qu’il est noir de chez noir, haute tension garantie !

6 février, 19 e  semaine
Bébé joue avec son cordon ombilical. Il dort dix-huit heures par jour.
 
J’adore ces vitrines où sont exposées des scénettes miniatures. Une cuisine à l’ancienne, un salon de thé, une bibliothèque, une chambre de bébé… Il y en avait une sur l’étagère au-dessus de mon bureau quand j’étais petite. J’avais déposé mes vieux chaussons de danse sur le dessus, une paire de pointes tout usée dont les cordons de satin pendaient joliment, et je pouvais les contempler (la vitrine et les chaussons) pendant de longs instants lorsque j’étais assise à mon bureau, c’était un moyen infaillible de ne plus être assise sagement à mon bureau, mais ailleurs, en mouvement. Un moyen infaillible et sans danger car quand ma mère entrait dans ma chambre, elle me retrouvait bien telle qu’elle m’avait laissée. Mais dès qu’elle repartait, j’examinais à nouveau, sans jamais m’en lasser, la petite commode de bois blanc, le berceau et son tour de lit coloré, l’espace à langer, le tapis d’éveil, les peluches déposées de-ci de-là. Il n’y avait pas de bébé visible, mais l’on sentait sa présence en creux, telle une trace rose et délicatement parfumée, telle une invitation à rêver… J’adorais la regarder, cette vitrine ! J’adorais la perfection qui régnait dans cet espace hors de toute réalité, la profusion de détails, l’arrangement maîtrisé. Chaque chose y était à sa juste place. Chaque objet choisi dans le moindre de ses aspects. Tout cela m’apaisait.
Moi, c’est Claire et malgré tout ce que je viens de dire, je tiens à préciser que la grossesse n’était pas mon idée. Je ne dis pas ça pour me plaindre. Je le dis seulement parce que c’est la vérité. La grossesse était en fait une réponse au trop entendu : « Et le bébé alors, c’est pour quand ? » Pas un désir, pas un besoin, pas de chronobiologie impliquée. Seulement le fait qu’il voulait un bébé (Valentin, le père) et que ma mère trouvait qu’à mon âge (trente-six ans), il était grand temps. Donc je l’ai fait, parce que c’est aussi une chose qui me définit assez bien maintenant que j’y réfléchis : je fais ce qui se fait. Je suis un être hyperadapté. Voire suradapté. J’ai donc arrêté la pilule et ça a tout de suite pris. Aussi injuste cela soit-il.
J’ai donc prévenu qui de droit : mon chef de service a bien grimacé très légèrement, mais il l’a joué fair-play et m’a seulement demandé : « Tu es sûre que c’est le bon moment ? »
Non. Non, je n’en étais pas sûre. Mais honnêtement, ce ne serait pas non plus le bon moment l’année suivante. Ni l’année d’après. J’avais trente-six ans. Je n’étais pas vieille. Mais je n’étais plus si jeune non plus. Pas pour ces choses-là en tout cas.
Quoi qu’il en soit, le bébé était en route. Dans mon ventre. Et au début tout se passait bien, comme il fallait. J’avais eu quelques nausées, un peu de fatigue, mais rien de bien méchant et puis ça s’était résorbé et j’étais bien décidée à travailler le plus tard possible et à reprendre le plus tôt possible. Prouver que je maîtrisais la situation et que je restais la même et que je ne serais pas de ces mères qui, tout à coup, n’existent plus qu’à travers leur progéniture et en oublient leur vie, leur carrière, leur statut de femme à part entière.
Là, il faut m’imaginer tête haute, allure fière et décidée à ne pas me laisser faire !
Et puis il faut m’imaginer après la troisième alerte quand Valentin m’a traînée aux urgences et quand, après une batterie de tests, on m’a fait comprendre qu’à partir de ce jour-là (à dix-neuf semaines de grossesse exactement, soit à peine plus de quatre mois), je devrais rester allongée jusqu’au terme.
Je n’ai pas tout de suite compris. Je crois que mon esprit était comme embué. Ce qui est assez inhabituel chez moi et je ne le dis pas pour me vanter. Je suis plutôt futée (brillante même si vraiment on donne dans l’honnêteté) et, habituellement, je comprends ce que l’on m’explique. J’entends les sons, j’en tire les mots que j’arrange sous forme de phrases et chaque phrase fait sens, je comprends aussi bien les mathématiques (je travaille dans la finance), les sciences (on vit dans un monde régi par elles, c’est la moindre des choses que de s’y intéresser), l’économie, la littérature (qui me passionnait avant, quand j’avais encore le temps), les langues étrangères… Bref, je comprends les choses, je comprends le monde. Je ne suis pas de ces femmes qui s’appuient sur leur compagnon à la moindre difficulté, je gère moi-même toute notre vie, les factures, les impôts, l’organisation de la maison et des vacances. Je compte sur moi pour tout et c’est bien comme ça, j’ai été élevée comme ça et c’est ce qui explique que j’ai été étonnée de ne soudain plus rien comprendre à rien.
Je regardai autour de moi. La petite salle où nous étions installés. Le lit d’hôpital, la perfusion que l’on m’avait posée et le monitoring pour écouter le battement de cœur du bébé. Le médecin et sa blouse d’un vert d’eau que j’aurais peut-être trouvé joli (le vert, pas le médecin) en d’autres circonstances. Les murs plus si blancs. Les instruments métalliques, les poubelles pour déchets toxiques.
J’essayai de ne pas me concentrer sur les odeurs caractéristiques de ces endroits-là. Je ne les aimais pas et mes hormones n’y prenaient pas un plaisir fou non plus, si bien que les nausées s’en revenaient. Par vagues inconfortables.
Valentin avait sans doute reconnu quelque chose comme de la panique dans mes yeux car il demanda :
– C’est-à-dire, docteur, vous voulez dire qu’elle devra s’allonger le plus possible ? En rentrant du travail ?
J’écoutai les gens passer dans le couloir, pressés, les chariots que l’on poussait, les brancards, les gémissements de certains malades, les cris de certains autres et le grand silence dans lequel la plupart attendaient qu’on leur porte assistance. Mais la voix du médecin m’empêchait de me concentrer sur ce qui se passait ailleurs.
– Non, ce n’est pas ce que je veux dire et ce n’est d’ailleurs pas du tout ce que j’ai dit ! J’ai dit que si vous voulez avoir une chance de mener cette grossesse à terme et si vous voulez donner naissance à un bébé qui aura eu le temps nécessaire pour se préparer, alors, elle va devoir, à partir d’aujourd’hui, rester allongée matin, midi et soir.
– Vous plaisantez !
Ça, c’était moi. Je ne suis pas comme ça d’habitude, je n’interjette pas à tout-va ! Je ne remets pas en question les médecins dans l’exercice de leur fonction ! Mais là ! Là !
– Non, madame, je ne plaisante pas ! Mais vous pouvez aller demander un autre avis, je ne le prendrai pas mal. Je suis seulement certain que mes confrères seront d’accord avec moi. Il n’y a malheureusement pas d’autre solution !
– Mais mon travail ?
– Il vous attendra !
Et j’ai éclaté de rire au nez du pauvre homme. Et je sais bien ce qu’il a dû penser de moi ! Du genre de mère que j’allais être pour ce bébé innocent qui n’avait rien demandé et se retrouvait coincé dans un utérus inhospitalier. Rien que son expression m’a donné envie d’être la meilleure mère de la terre, juste pour lui prouver qu’il se trompait. Et je sais, c’est pathétique !
Nous sommes rentrés à la maison et Valentin m’a installée au lit. Je n’en menais pas large. Je me sentais épuisée, mais l’idée de me recoucher m’était insupportable. Je l’ai fait tout de même. Par devoir, j’imagine, et je l’ai écouté remuer des choses en bas dans la cuisine. Il me préparait une infusion. Il allait me la monter sur un petit plateau avec quelques biscuits à l’avoine et au chocolat noir. Il allait le déposer devant moi ce plateau, me regarder timidement, je lui sourirais et je savais très bien qu’après ça, il ne saurait plus quoi faire.
Il n’oserait pas plaisanter : « Eh ben, veinarde ! Tu vas passer cinq mois au lit tous frais payés ! » Il n’oserait pas parler business : « Merde ! Comment tu vas faire pour le boulot ? Ils vont flipper ! » Il n’oserait pas non plus parler de son business : « Ça tombe mal, je pars la semaine prochaine ! Tu crois que je devrais voir si je peux… s’il serait possible de… »
Oui, parce que le truc c’est qu’il s’apprêtait à partir en République tchèque. Dans un bled paumé de chez paumé. Au milieu de rien et loin d’absolument tout. Et on s’était mis d’accord : c’était pour seulement quelques mois. C’est vrai que ça tombait mal avec le bébé en route, mais en même temps c’était une super opportunité et s’il la refusait, ça mettrait un sacré coup de frein à son avancement. Ça montrerait qu’il n’était pas à cent pour cent et celui qui accepterait à sa place lui passerait devant pour à peu près tout tandis que s’il acceptait, avec un bébé en route en plus, ça montrerait à tout le monde à quel point il était investi et solide. Et on lui avait bien fait comprendre qu’à son retour, un autre poste l’attendrait avec plus de responsabilités et le salaire qui irait avec. Je n’avais pas hésité alors que lui n’était pas sûr, je lui avais dit de foncer et, maintenant, il devait partir, je le savais et il le savait. J’allais me retrouver seule au monde avec ce bébé dans mon ventre qu’il allait me falloir protéger et plus rien d’autre à faire que rester couchée toute la journée et plus rien d’autre à voir que ma chambre et plus rien d’autre à entendre que le silence et plus rien d’autre à sentir que mes draps sur ma peau distendue et plus rien d’autre à goûter que l’amertume de la solitude. Intense, je sais !
Mais non, il n’oserait pas.
Il déposerait le plateau, il disparaîtrait et je resterais là. Il fallait bien que je m’habitue de toute façon. Je regardai autour de moi. Ma chambre était telle que je l’avais toujours rêvée. Plafonds, moulures, meubles blancs. Murs et rideaux gris perle. Le couvre-lit et les nombreux coussins, blancs, gris et bleu doux, les cadres épurés, baguette blanche, passe-partout blanc, motifs esquissés en bleu ou vert, une lampe sur pied et à l’abat-jour blanc sur la commode blanc

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