Chronique d’un quartier
82 pages
Français

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Description

Marcel est bien vieux et sa santé est défaillante, mais il refuse de partir en maison de repos. Son épouse Isabelle est décédée et il se sent très seul. Sa vie est rythmée par les visites de sa jeune infirmière, fraîche et joyeuse, de sa voisine Mariette, une bienveillante institutrice à la retraite, de Sylvain le jardinier et de sa petite fille Erica. Devant sa maison se dresse un grand chêne que la municipalité a décidé d’abattre. Lorsque le vieil arbre tombe, Marcel expire son dernier souffle... C’est à travers la mort de ce vieil homme que les destins des personnes qui l’entouraient vont se croiser, afin de nous faire découvrir la vie du quartier des Trois Chênes. Des personnages solitaires, perdus ou désespérés qui s’unissent pour construire un avenir meilleur. Christophe Fassin signe ici un récit poignant, une réflexion sur la vieillesse, la mort, mais aussi la renaissance et l’éternel cycle de la vie, portée par une prose aux accents de mélancolie, mais toujours poétique et tendre.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 05 octobre 2012
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748379020
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Chronique d’un quartier
Christophe Fassin
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Chronique d’un quartier
 
 
 
Merci à Carine pour sa critique et sa relecture presque scientifique ;
 
à Véronique pour son avis estimé et son temps précieux ;
 
et à Maman tout simplement.
 
 
 
1. Une journée bien remplie
 
 
 
Le soleil tarde à se lever sur ce quartier tranquille. Pourtant, les oiseaux les plus audacieux chantent l’aube naissante dans ce froid matinal d’un début de mois de février. Les couleurs ne demandent qu’à naître ; viendra un temps où elles pourront donner la plénitude de leur pouvoir de séduction. Les bourgeons apparaissent déjà sur les arbres, sous l’effet des quelques rayons qui ont déjà su réchauffer la terre et le cœur des hommes.
Des journées différentes pour chacun se succèdent. Se déroulent des histoires plus ou moins gaies, plus ou moins tristes. Vous ne les avez jamais entendues, car elles ne se racontent pas. Elles ne font qu’être vécues ! Sont-elles trop ternes ou trop semblables ? Ne sont-elles pas assez aventureuses ou trop ennuyantes ? C’est pourtant votre histoire ou celle de votre voisin.
Cette aube est aussi la vôtre. L’arbre au milieu du parc pourrait être l’arbre de votre enfance. Peut-être est-ce le quartier où vous avez joué et vécu cette époque.
C’est par une de ces matinées que débouche dans la rue, une voiture blanche. Est-ce bien une voiture blanche après tout ? L’opacité nous empêche de bien l’identifier. C’est vers cette heure-ci qu’elle arrive tous les jours, la même voiture avec la même conductrice, une infirmière. Il y a là, dans cette rue, une maison où habite un vieil homme qui l’attend, comme chaque matin. Il patiente, espère qu’elle vienne le tirer du lit et l’aider à faire sa toilette matinale.
Pour elle, c’est le troisième patient de sa tournée quotidienne, le plus âgé. Ici, elle s’arrête pour l’une ou l’autre piqûre, là pour l’un ou l’autre soin. C’est sa vocation, prendre soin de ses semblables.
Le décor, lui, ne change pas. Il rayonne la luminosité du moment et se transforme en même temps que l’homme évolue.
***
L’infirmière vient de le quitter. Elle l’avait aidé pour la toilette du matin. Les habituels : « Comment vas-tu Marcel ? As-tu passé une bonne nuit ? Je t’ai mis un gros pull pour que tu n’aies pas trop froid. N’oublie pas de beaucoup boire… » sont finis. Elle se permet de le tutoyer car un certain niveau de confiance s’est installé entre eux. Elle l’a installé confortablement dans son fauteuil, un grand verre d’eau à portée de main, la manette de la télévision sur la petite table, à sa gauche.
Il fait encore venir le journal le matin, même s’il ne le lit plus. Ses yeux ne sont plus très bons et lire le fatigue rapidement. Il lui arrive encore parfois d’allumer la télévision, mais cela fait trop de bruit.
Sur le téléviseur, une petite pendule indique la progression des heures. Il ne voit plus jusque-là. Cependant, cela le réconforte d’entendre le tic-tac régulier de la pendulette. L’ouïe est la seule chose qui fonctionne encore plus ou moins bien chez lui. Il faudrait qu’il demande à l’infirmière ou à sa petite-fille qui viendra tout à l’heure, de mettre la pendule plus près de lui pour qu’il puisse à nouveau lire l’heure. Ce n’est pas la première fois qu’il se dit cela, il en est certain. Mais il finit toujours par oublier ce qu’il a demandé. De toute façon, ce n’est pas maintenant, en début de journée qu’il a besoin de connaître l’heure.
La mémoire… Il oublie jusqu’aux prénoms de ses propres petits-enfants. Il a deux enfants : un garçon et une fille. Le garçon s’appelle René, la fille Géraldine. Géraldine a une fille, Erica, en laquelle Marcel revoit toujours sa femme.
Là-bas, sur le mur opposé sont accrochées des photos de famille. Ensemble, elles forment un arbre généalogique. Isabelle, son épouse défunte et lui en sont le sommet. Suivent les enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants. Sa petite-fille a dessiné un tronc sous les photos. Celui-ci est caché par les meubles à côté de la télévision. La dernière feuille de l’arbre s’appelle Nicolas, le fils unique d’Erica et son mari.
Erica… Marcel l’appelle toujours Isabelle, du nom de son épouse, tant les visages et les manières se confondent dans son esprit. Son épouse est morte à quarante-deux ans d’un cancer du sein. Il paraît qu’aujourd’hui, cette maladie se guérit presqu’à tous les coups. Pas en son temps. Elle avait beaucoup souffert.
Lui aussi ! Il a continué tout seul à élever ses deux enfants. Ils ne viennent pas souvent le visiter. Trop de choses à faire. La vie moderne a ses exigences. Par contre… Isabelle vient deux à trois fois par semaine lui tenir compagnie.
― Papy, je ne m’appelle pas Isabelle mais… et elle lui dit son véritable nom qu’il n’emploierait pas l’instant d’après.
Quand elle est là, il oublie tout, trop heureux de sa venue ! L’opposition de la jeunesse à la vieillesse a ce quelque chose d’unique. Elles sont néanmoins complémentaires ! La jeunesse a cette fraîcheur, cette fougue irréfléchie avec laquelle elle accomplit les tâches que les vieilles personnes ne peuvent plus accomplir. La vieillesse a cette sagesse de la vie, ces actes posés qui manquent tant aux jeunes. Nous savons bien que les âmes n’ont pas d’âge, mais le corps, lui, en a un. L’âme est enfermée dans cette usine de chair et d’os et elle se défend pour survivre dans cette enveloppe vieillissante qu’on ne peut remplacer.
À la droite de Marcel, il y a une fenêtre par laquelle il voit le ciel changeant et la nature verdoyante. C’est son endroit préféré : le fauteuil entre la petite table et la fenêtre. D’ici, il voit un arbre. Cet arbre faisait jadis partie d’un bosquet. Celui-ci était encerclé par une route qui s’appelle encore aujourd’hui « Le Chemin du Petit Bois ». C’est dans cette rue que Marcel habite. Quand il était jeune, ce n’était qu’un chemin de terre qui s’enfonçait dans les bois. Une route sombre qui n’encourageait pas à la promenade. Mais beaucoup de bâtiments ont été construits depuis.
Les uns après les autres, ces arbres ont dû disparaître pour laisser place à l’urbanisation. Un arbre pour une maison, cela semblait être un échange équitable !
Maintenant, Marcel voit cet unique exemplaire, dernier survivant de sa race, de son peuple. Il se souvient précisément de cet arbre ; il lui apporte beaucoup de souvenirs. C’est l’arbre de son enfance, de son adolescence et du début de sa vie d’adulte.
Quand il était enfant, le bosquet était enchanté ! Il y avait des princesses à sauver, des dragons à combattre, des monstres cachés… Au milieu du petit bois se dressait un château où il y avait des chevaliers en armure, des charlatans qui vendaient des potions au chewing-gum ou autres sucreries pour faire disparaître vos pires ennemis, des acrobates cracheurs de feu, des dompteurs d’ours bruns fort dangereux et des fées armées de baguettes magiques qui amélioraient votre existence.
Sous cet arbre, l’enfant devint un adolescent. Le bosquet avait déjà commencé à se réduire. Les jeux s’étaient transformés. Ils avaient perdu en imagination pour gagner en intensité. Ils étaient devenus moqueries, sarcasmes et parfois cruauté. Il faut bien que l’enfant devienne adulte, non ? Il suit donc le chemin qui lui est tracé. Certains appellent cela la destinée. Peut-on devenir adulte sans avoir été ce gamin boutonneux, grincheux, maussade, jamais heureux, toujours contrarié, qui ne maîtrise pas encore totalement sa taille, ses membres, sa force, ni son caractère ? Tout est injustice à cet âge ingrat et incommodant.
Marcel boit une première gorgée rafraîchissante. Il préférerait une bonne tasse de café bien fort à cette heure matinale mais la machine se trouve en bas. Maintenant qu’il ne peut plus lire l’heure, la journée au lieu d’avancer au rythme de secondes et de minutes, avance au rythme de verre d’eau ou de café bu ou pas. Il demandera à la première visite de la journée, si elle ne veut pas aller lui en préparer une bonne tasse.
Il se fait la réflexion qu’il y a un bulldozer de plus près de l’arbre. Des hommes débutent leur journée de travail. Ils sortent des machines qui n’existaient pas du temps où il était gamin. Ils sont habillés chaudement pour affronter le froid. Quand ils respirent, un nuage se forme devant leur bouche. Que vont-ils faire ? se demande Marcel quand il entend du bruit en bas ? Ce bruit le ramène à la réalité, au temps présent. C’est sûrement sa voisine qui remet deux ou trois petites choses en ordre, puis elle montera pour sa visite quotidienne.
***
En entrant dans la maison de Marcel, Mariette ouvre les fenêtres malgré le froid. Il faut bien aérer, non ? Le ciel est dégagé, la journée se présente bien. Les ouvriers sont encore bien emmitouflés et font beaucoup de bruits. Ils se préparent à couper le vieux chêne. C’est le dernier arbre sur cette plaine.
Elle est contente que l’on enlève enfin ce feuillu. Le matin en été, il empêche la lumière d’entrer chez elle ; il rend sa maison sombre et froide, il se trouve juste en face de son habitation et pour le moment, il y a un bruit infernal !
Elle se dirige vers la cuisine et allume la lumière pour pouvoir préparer un thermos de café. Mariette sait que c’est la première chose que Marcel lui demandera quand elle entrera dans la chambre. Au lieu de lui dire bonjour, il l’accueillera avec un grand sourire en lui disant « Je vois que tu n’as pas oublié mon café » et il l’invitera à le boire avec lui. Pour

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