Ceux qui sont partis
259 pages
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Ceux qui sont partis , livre ebook

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Description

Ceux qui sont partis est le deuxième volet d’une trilogie annoncée avec Le pagne de ma grand-mère. Dans ce roman, la poétesse et universitaire camerounaise Yvette Balana pose le problème du retour au pays natal des migrants, en promenant le lecteur des États-Unis à la France, en passant par le Brésil et les pays d’Afrique sub-saharienne. C’est un récit captivant, à la pluralité de voix narratives, dont celle d’Ellia, petite-fille de Nana-Benz, héroïne du premier opus. Cette émigrée africaine vivant dans la ville américaine de San Diego est écartelée entre deux histoires d’amour, symboles de son double attachement à la fois à la terre d’accueil et au pays d’origine.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2023
Nombre de lectures 32
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Yvette Balana
Ceux qui sont partis Roman
Proximité, Janvier 2023
Du même auteur :
-Je suis la femme eurie, poésie, L’Harmattan, Paris (2006). -Quand la veuve danse sur la tombe de la patrie, poésie, L’Harmattan, Paris (2011). -Au bout de l’errance, poésie, Ifrikiya, Yaoundé (2014). -Le Pagne de ma grand-mère, roman, Proximité, Yaoundé (2020).
Éditions Proximité, Yaoundé, janvier 2023 République du Cameroun Tél : +237 6 99 85 95 94/ 6 72 72 19 03 Courriel : editionsproximite@gmail.com ISBN :
Àma mère Adoubé Boolo Sylvie Toi qui es partie si tôt !
Àtous les migrants africains qui n’ont pas pu atteindre le bout du voyage, engloutis par les mers et les déserts cannibales !
Prologue
San Diego. Je suis partie d’ici à la n de l’hiver ; et je reviens au tout début du printemps. Pourtant, le soleil est déjà là, bien présent et radieux. Depuis trois jours, le bulletin météo annonce des températures qui oscillent entre 28 et 29 degrésCelsius ; largement au-dessus des normales de saison. Ce qui pourrait laisser croire que l’été est en avance sur le calendrier. D’ordinaire, dans cette cité californienne au climat subtropicalaride, les hivers sont très doux, avec peu de pluie ; et les étés, chauds et hyper ensoleillés. Ce qu’il faut savoir et qui est peu banal, c’est que moi, Ellia, petite-lle de Nana-Benz née et ayant grandi à Mpoutou, je vis depuis vingt ans à San Diego, la plus belle des villes d’Amérique ; lieu par excellence où l’atmosphère et la chaleur du climat imprègnent les habitants d’une douce joie de vivre. Cette année en particulier, l’astre roi et ses braises de printemps donnent l’impression de se comporter en ogres ; avec pour mission d’avaler rapidement la saison en cours, pour imposer, deux mois à l’avance, l’été qui doit lui succéder. Plus tôt que de coutume, la ville défend donc déjà, à loisir, sa réputation de destination privilégiée pour des vacances ensoleillées. Malgré cette belle ambiance de printemps aux allures d’été, qui s’étale de part en part dans la huitième plus grande ville des Etats-Unis, je suis loin d’être euphorique. Il y a une semaine que je suis là, de retour à San Diego ; après avoir passé une quinzaine de jours à Mpoutou, ma ville natale, pour assister à
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l’enterrement de Mama Ina, ma grand-mère. Bien sûr, j’aime le soleil et, avec la même force, je déteste le froid. Cependant, depuis mon arrivée, alors qu’il fait un temps radieux, alors que nous sommes en pleine saison des amours, … je me terre dans mon appartement, seule, le cœur partagé entre deux hommes. Vers qui, parmi les deux, penche-t-il le plus ? Je suis incapable de répondre, ici et maintenant, à cette incommodante question. Oui !... cela fait une semaine que j’ai réintégré San Diego. Je n’ai mis le nez dehors qu’une fois, dans l’optique de me ravitailler en produits de première nécessité. De toutes mes emplettes, je n’ai pu ranger que les denrées périssables à court terme, dans le réfrigérateur de teinte rouge-bordeaux ; une couleur que ma grand-mère affectionnait tant. Les autres paquets, destinés aux placards de rangement de la même couleur que le frigo, sont restés pêle-mêle sur le plan de travail de la cuisine. Je n’ai le cœur ni à l’ouvrage ni à proter du beau temps. Je pense avec mélancolie aux activités printanières et estivales que John, mon bel amant américain, et moi, pratiquons depuis presque quinze ans : baignades, ballades le long des belles plages de San Diego, visites de parcs d’attractions mondialement célèbres, … et que sais-je encore ? Par moments, je me revois accompagnant John pratiquer son sport favori, lesurf-riding, qu’il m’a plusieurs fois invitée à apprendre ; mais j’ai trop peur des éléments. Devant mes réticences, une boutade m’est toujours revenue en plein visage, la même,
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légère et badine : « Qu’es-tu donc venue faire ici, dans la ville du surf et des couchers du soleil ? Ah ! C’était juste pour me rencontrer, moi, l’amour de ta vie ! » J’avoue avoir de l’admiration pour l’aisance qu’il a à affronter la nature sauvage. J’aime particulièrement aussi le voir aller à l’assaut des vagues d’une hauteur vertigineuse ; à la manière d’un sportif de haut niveau : debout sur la planche, grand, beau et … terriblement conquérant.
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Je dois reprendre le travail, en principe, dès l’entame de la semaine prochaine. Ce sera l’occasion pour moi, d’annoncer à Janet mon intention de quitter l’entreprise ; au motif que les circonstances m’imposent de rentrer dénitivement dans mon pays natal. Pour l’instant, je tourne en rond dans l’appartement, seule ; avec pour hôtes, des pensées attristantes et … les voix qui m’accompagnent toujours. Quand je ne grignote pas des friandises salées ou sucrées, avachie dans mon canapé couleur pourpre, je m’étends sur le lit, les yeux rivés sur le faux plafond blanc immaculé, et je cogite. Mes idées vont et viennent entre John et Tino ; entre San Diego et Mpoutou. Je suis ici, et en même temps là-bas, au pays de mes racines, niché au cœur de l’Afrique sub-saharienne ; contrée qu’au demeurant, j’ai toujours considérée comme étant la plus belle au monde, avec
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ses paysages majestueux et pourtant, … si souvent méconnus. Je tourne en rond parce que je ne sais plus où j’en suis. Toute l’assurance que j’avais en quittant Mpoutou, quant à mon projet de rentrer au pays, s’est évaporée dès mon retour à San Diego, aussi vite qu’une goutte d’eau oubliée sur le feu. Il n’en reste que des doutes, des peurs, des remises en question, des comparaisons. J’ai cru qu’il serait facile de quitter, du jour au lendemain, les USA où j’ai déjà passé vingt ans de ma vie, pour retourner dénitivement dans le pays qui m’a vu naître. J’ai imaginé qu’il eût pu être aisé de choisir entre John, avec qui je vis une relation ardente depuis quatorze ans, et Tino, mon amour d’adolescence, que je n’ai pas pu oublier durant toutes ces années d’exil. Au lendemain de mon retour en terre californienne, les choses se sont donc révélées plus compliquées que je ne le croyais. John n’a pas cessé d’appeler. Il veut qu’on se voie. Il ne peut accepter cette rupture brutale. Sa supplique à l’autre bout du l me parvient, tantôt molle et touchante, tantôt ferme et agaçante. Quant aux mots d’amour lâchés à mon endroit, et au chagrin qu’il exprime sans détour, … ceux-ci ne me laissent pas indifférente. Et puis, sa voix ! Oh oui, … cette voix ! Avec son timbre si particulier !... je l’ai aimée dès le premier jour. Elle a toujours eu le don de m’apaiser, quelle que soit la nature de mon tourment ; de réveiller mes sens aussi, … tous mes sens. Tel fut encore le cas il y a cinq jours ; lorsqu’on
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s’est retrouvés dans mon appartement ; de retour de l’aéroport où John est venu me chercher. Si ce soir-là, mon bel amant est parti précipitamment, frustré d’avoir été privé de nos ébats sexuels d’ordinaire si fréquents et fougueux, c’est parce que bien malgré moi, à mon corps défendant, … j’ai fui l’effet de sa voix sur mes sens. Et, agissant ainsi, j’exorcisais sans doute le sentiment de culpabilité mêlé d’effroi, qui m’étreignit soudain à l’idée d’expérimenter quelque chose d’inédit, d’impensable, de répréhensible même, … sitôt qu’on eut considéré l’éducation puritaine reçue de Mama Ina : se donner à son amant, alors qu’on sort à peine des bras d’un autre homme, … fût-il le premier amour. Devant John en effet, j’avais subitement eu honte d’être retombée aussi facilement dans les bras de Tino. Ce d’autant que, quittant San Diego pour me rendre aux obsèques de ma grand-mère, il n’y avait aucune ombre au tableau de notre relation.
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John. Je crois que je l’ai encore dans la peau. Et dans le cœur aussi, … assurément. Quatorze ans d’une relation passionnelle ne s’effacent pas en un tour de main. Aujourd’hui, mes quelques nuits d’amour avec Tino me semblent curieusement lointaines et indécentes. Sans avoir jamais été mariée à John, je me sens dans la posture d’une épouse
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indèle qui tient à son mariage, tout en continuant pourtant, à fréquenter son amant. Je me remémore tous ces articles de presse traitant de la montée de l’indélité féminine. Il paraît que c’est devenu la panacée. Du coup, j’ai une pensée pour ma grand-mère. Elle aurait certainement crié au scandale ! A l’évocation de Mama Ina, le sentiment de culpabilité, semblable à celui d’une femme qui a trompé un mari aimant et attentionné, s’installe profondément en moi. Que dois-je faire ? Que vais-je faire ? Comment choisir entre John et Tino ? Entre ici et là-bas ? Bien que je sache depuis fort longtemps que je pourrais être plus utile à ma terre natale qu’ici, je ne cesse de m’interroger, de tergiverser et d’angoisser. Pour trouver une issue à ce dilemme persistant qui m’habite sans cesse à présent, je me livre à un arbitrage introspectif : une sorte d’analyse froide et sans complaisance des avantages et inconvénients de ma vie ici, en comparaison de celle que je pourrais avoir une fois rentrée à Mpoutou. Ici, à San Diego, j’ai un emploi bien rémunéré, un bel appartement, la mobilité urbaine assurée, l’accès à des soins de santé de qualité, et … John ! Un homme qui m’aime éperdument, et ce, depuis près d’une quinzaine d’années. Mon frère Tintin a raison : j’ai eu beaucoup de chance dans la vie. « Ellia ! Tu as été gâtée par la vie !... » … a-t-il l’habitude de me répéter. « … Tu n’as rencontré que des gentils : Tino, John, … Même Brigitte est, malgré tout, une lle bien. Il faut cependant que tu saches que les choses ne sont
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