Ce fameux 8 mai 1953
288 pages
Français

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Description

« En libérant notre pays des Allemands, nous perdions en quelque sorte notre liberté... Quel paradoxe lorsque l’on sait que pendant ces quatre longues années, nous nous étions battus pour la reconquérir... En effet, une fois cette liberté acquise, nous devions trouver rapidement d’autres désirs à assouvir aussi fort et aussi prenant, sinon nous sombrions rapidement dans la mélancolie, le souvenir de tous nos camarades morts et la peur d’être redevenus presque anonymes voire inutiles. »

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Informations

Publié par
Date de parution 06 février 2013
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748398779
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0071€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Ce fameux 8 mai 1953
Philippe Guérard
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Ce fameux 8 mai 1953
 
 
 
 
Introduction
 
 
 
Ce matin-là, il pleuvait comme très souvent, sur notre belle et paisible Normandie. Nous nous étions levés de bonne heure, car nous nous apprêtions tous les trois, Jean, Jane et moi, à aller commémorer notre victoire.
Toute la ville de l’Aigle était en effervescence, ce jour était d’une extrême importance. En effet, depuis le 8 mai 1945, c’était la première fois, que nous allions célébrer de façon officielle, la victoire des troupes alliées et aussi des résistants de tous les pays occupés qui avaient combattu, au péril de leur vie, les armées de l’Allemagne nazie.
Quand je dis, « pour la première fois », c’était bien sûr une façon de parler car depuis que la guerre était finie, avec les rescapés du maquis « Surcouf », nous nous étions très souvent revus, et ensemble nous faisions le tour de tous nos souvenirs, de tous les moments poignants de cet horrible conflit.
Nous parlions aussi de tous nos amis disparus qui aujourd’hui encore hantaient nos nuits. Leurs images nous permettaient de nous souvenir d’eux, car, ils nous manquaient tous énormément…
Comment oublier tous ceux qui étaient tombés pour nous permettre de vivre libres ?
La guerre était finie depuis maintenant huit ans, mais elle était toujours présente en nous, et rien ni personne ne pourrait nous enlever nos souvenirs, nos meurtrissures, nos morts, nos souffrances et nos peines. De plus, nous étions tous dévorés par une question lancinante qui malheureusement ne connaîtrait jamais de réponse : pourquoi avions-nous survécu, nous, et pas les autres ?
Aussi, comment oublier que cette guerre nous avait privés de notre jeunesse, de nos plus belles années et qu’elle nous avait contraints à cette vie dans la clandestinité. Mais, le plus tragique, c’était que nous avions fini par l’accepter, et cette part d’adrénaline, de peur, de tourment qu’elle dégageait, nous en avions réellement besoin. Cette guerre que nous rejetions de tout notre corps de toute notre âme, faisait partie intégrante de notre vie, de notre existence.
Toutes ces missions qui peuplaient nos journées et nos nuits finissaient par nous rendre plus forts, plus libres et plus sûrs de nous. Nous avions l’impression d’être indispensables dans cette quête de la liberté, et ce qui était le plus surprenant, c’est que nous nous étions fait à l’idée de mourir. Alors, aller en mission était devenu pour nous une chose normale voire une drogue, comme pour les sportifs qui ont besoin de s’entraîner pour se rassurer, et se sentir bien…
Il nous fallait notre dose quotidienne de peur, d’émotion, d’intrigue. Sentir la mort nous frôler, pour nous procurer l’impression d’être presque immortels. Nous étions tous devenus au fil des jours « accros » à la guerre et aux combats…
Nous avions l’impression d’être importants, utiles et regardés comme des héros, par les non combattants. Nous avions fini par nous prendre au jeu et nous sentir indispensables.
Alors lorsque la guerre a cessé, que nous sommes finalement retournés à la vie civile du jour au lendemain, et que l’on a dû rendre toutes nos armes, nous nous sommes sentis submergés par un sentiment étrange.
Nous passions du combattant, du libérateur à l’homme ordinaire ; de cette vie en groupe où l’on essayait de résoudre les problèmes tous ensemble où nous nous sentions soutenus, protégés, aimés, à devoir gérer nos problèmes seuls et au quotidien.
En libérant notre pays des Allemands, nous perdions en quelque sorte notre liberté…
Quel paradoxe lorsque l’on sait que pendant ces quatre longues années, nous nous étions battus pour la reconquérir…
En effet, une fois cette liberté conquise, nous devions trouver rapidement d’autres désirs à assouvir aussi forts et aussi prenants, sinon nous sombrions rapidement dans la mélancolie, le souvenir de tous nos camarades morts et la peur d’être redevenus presque anonymes voire inutiles.
Pourtant, le retour à la vie civile, nous en parlions tous les soirs lorsque nous nous retrouvions fatigués après le combat. Comme toujours, nous idéalisions totalement cette vie que nous n’avions connue en définitive qu’au travers de nos yeux d’enfants. Mais la guerre nous avait fait basculer rapidement de l’enfance au monde des adultes sans nous en donner les vraies règles.
Nous étions totalement en dehors d’un ordre social, nous avions établi d’autres lois et d’autres codes pendant ces quatre années de combats, tuer faisait partie de notre quotidien et aussi de notre survie.
En réalité, nous ne nous étions pas préparés à retourner dans cette vie civile, trop confortable et finalement sans émotions fortes. L’alcool avait donc fini par venir au secours de certains de nos camarades, souvent les plus courageux au combat, mais les moins bien préparés à la vie civile.
Il faisait des ravages parmi ceux qui ne savaient plus vraiment où ils en étaient, et surtout qui se sentaient trahis dans leurs rêves de liberté. De plus, depuis la fin du conflit, aucun de nos responsables politiques ne nous avait réellement aidés à trouver notre place dans cette société pour laquelle, nous avions été prêts à sacrifier notre vie.
J’avais eu plus de chance qu’eux en rencontrant Jean et en retrouvant ma place d’institutrice dans mon école reconstruite après la guerre, et surtout avec notre petite Jane qui me donnait tant d’amour, de réconfort et de bonheur.
Mes rêves, mes désirs étaient presque toujours en relation avec le futur de Jane, avec son avenir. Je rêvais d’un monde sans violence et sans haine pour qu’elle ne connaisse jamais ce que j’avais connu, à savoir la guerre et la mort…
Aujourd’hui, certains d’entre nous avaient le sentiment d’être devenus inutiles, délaissés, abandonnés et surtout prisonniers de lois et de règles qui n’avaient jamais été les leurs pendant ces quatre années de conflit. Alors, je les aidais de mon mieux à surmonter cette déprime en les invitant le plus souvent possible à la maison pour reparler avec eux du maquis, de leur peur, de la mort afin qu’ils cessent d’idéaliser ce passé.
Je mettais en place toutes ces démarches, pour les aider à se reconstruire et à trouver leur place dans la société. De ce fait, j’ai eu l’idée d’écrire au ministère de la Guerre, afin qu’il fasse enfin de cette journée du 8 mai, le moment où tous les résistants, et tous les combattants puissent se retrouver, pour parler et montrer au monde entier qu’ils avaient choisi de combattre et de mourir en hommes libres, les armes à la main.
Depuis la fin de la guerre, nous étions tous dans l’attente que notre gouvernement fasse du 8 mai un jour férié, placé sous le signe de la commémoration et du souvenir. Mais, pour cela, il nous avait fallu attendre le 20 mars 1953, pour que cette décision soit enfin adoptée…
Nous, anciens résistants, nous ne pouvions pas oublier cette date du 8 mai 1945 qui a permis à toute l’Europe de pouvoir enfin vivre loin des tourments, des souffrances, et des morts.
Ce 8 mai 1945, quand les représentants du haut commandement allemand emmenés par Wilhelm Keitel signèrent l’acte de capitulation sans condition dans cette villa de Karlshorst dans la banlieue de Berlin, ce furent des millions d’hommes, de femmes et d’enfants qui retrouvèrent leur liberté et arrêtèrent de trembler… Fini le bruit des bottes des soldats de la Wehrmacht ou des SS, qui martelaient les rues de toutes les villes et villages de France et d’Europe.
Mais, pour nous les survivants de cette impitoyable guerre, une lourde tâche nous incombait. En effet, il nous fallait tout reconstruire, essayer d’effacer rapidement toutes les traces et les ruines laissées par la guerre, afin de pouvoir repartir sur de nouvelles bases.
Malheureusement au lendemain des combats, les priorités n’étaient pas les mêmes pour nous tous. Les souffrances et les privations de ces quatre années de guerre ne réclamaient pas forcément le pardon. Alors, certains résistants aidés par une population souvent déchaînée, s’en prenaient aux collaborateurs en tout genre.
Aujourd’hui encore j’ai du mal à accepter toutes les exactions qui se sont déroulées. Mais j’étais enceinte, et il m’était souvent difficile d’intervenir physiquement pour empêcher les lynchages qui se multipliaient un peu partout.
À peine les Allemands partis, qu’une forme d’épuration prenait place, le désir de vengeance était si fort que des règlements de compte avaient lieu un peu partout dans les zones libérées. Les résistants et la population qui pendant quatre longues années avaient dû réprimer ces actes de violences, se lâchaient, se déchaînaient…
Durant l’occupation, des collaborateurs furent assassinés par le maquis « Surcouf » mais cette décision était prise en conseil, elle émanait le plus souvent d’une « cour martiale », ou d’un « tribunal » que nous nous efforcions de mettre en place pour éviter toutes dérives.
Jamais durant ou même après l’occupation nous n’aurions pu assassiner sans peser au préalable le pour ou le contre d’un tel acte.
Mais pendant cette période très courte de l’épuration sauvage, des collaborateurs avérés ou supposés subirent la vindicte populaire, sans que les forces de l’ordre n’interviennent, ce fut près de dix milles exécutions sommaires ou légales. On fusilla très vite les gestapistes, les miliciens, les waffen SS français, les journalistes et les intellectuels les plus virulents et les plus antisémites.
Toute cette violence a fini

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