C est la vie !
170 pages
Français

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C'est la vie ! , livre ebook

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Description

« C'est la vie ! », nouvelles déclinées en deux temps. « On y passe tous ! » : mourir ne se passe pas forcément mal. Certains y aspirent, le décident ou sont surpris de ce qu'ils découvrent au-delà. « Vivre » : tendre vers ses rêves. Rencontrer l'autre, l'aimer – trop ou mal, parfois. Partir et revenir avec plus ou moins de bonheur et de réussite. Se souvenir... ou pas. Autant de situations explorées à travers des personnages hauts en couleur avec légèreté et humour. « C'est la vie ! », c'est aussi s'amuser !

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 12 octobre 2016
Nombre de lectures 3
EAN13 9782342056716
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

C'est la vie !
Martine Stof
Mon Petit Editeur

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Mon Petit Editeur
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
C'est la vie !

Première partie
On y passe tous   !
La dernière course
Cette année Germaine Lambert compte bien se distinguer. Les jeunes scouts qui participent aux vingt-quatre heures vélo peuvent espérer renouveler leur victoire, Germaine sait que c’est son heure.

Quand elle arrive au Bois de la Cambre avec son Jetfire, émue, elle découvre toutes les lueurs fluorescentes des tentes en plexiglas installées autour de l’étang Robinson. Foisonnement de couleurs et lasers jaillissant des eaux. D’un regard, un seul, Germaine distingue un emplacement où poser sa cyclofusée.

Elle a choisi, cette année encore, la sobriété. Sa roue unique, surmontée d’un pédalier aux crémaillères décuplées, n’est ornée que d’un tulle blanc, symbole de légèreté. Germaine se sent à cette image : fluide et légère. Illusion de langueur. C’est son atout ! Personne ne soupçonnera que, derrière tant de simplicité, une telle cyclofusée, qui plus est pilotée par une octogénaire, pourrait être une concurrente menaçante.

Terminant ses préparatifs, elle sent monter l’extase, cette victoire sera pour elle une fin en soi, elle le sait, elle le veut. La combinaison en Téflon enfilée, le casque goutte bien posé sur la tête, les chaussons-turbos solidement fixés aux propulseurs, Germaine attend le son strident qui annoncera l’ultime départ.
Elle n’a porté aucune attention aux autres concurrents. Rien ne l’a distraite de ces derniers instants vécus intensément. Elle sent monter calme et plénitude, le but approche. Encore quelques minutes de patience et de silence. Pesantes. Suspendues dans l’air avant le signal et…

TRIIIIIIIIIIIIIII…
C’est parti !
Germaine se lance dans un combat extrême.
Larguée au démarrage par quelques jeunes impétueux aux cyclofusées tapageuses, elle reprend vite le dessus, surprenant tout le monde sur sa machine aux allures désuètes.
Voile de tulle transformé en queue de météore, elle remonte un à un tous ses adversaires. Elle sent son corps s’adapter au rythme, l’osmose se fait avec son engin, la vitesse atteinte dépasse ses espérances. Germaine sait que, bientôt, se dessinera au loin l’étoile brillante et jaune, cette lumière intense… Elle en perçoit, déjà, comme une fine étincelle.

La lueur maintenant s’intensifie à toute allure. Germaine ne ressent plus l’effort. Seule la sensation d’être enfin au seuil du soulagement définitif l’habite.
Quelques secondes, millièmes de seconde… Voilà ! Germaine se perd dans la lumière. À quatre-vingts ans, heureuse d’avoir choisi sa manière.
Matriochka
Liba (1999)
Le soleil chauffe ma nuque, il n’est plus très chaud en cette fin d’été. Quelques feuilles, emportées par le vent, ont déjà rejoint le sol. J’aime la lumière du soleil quand il a la douceur jaune de ses rayons obliques. Il nous fait apprécier sa force chaude et dès qu’il se cache, un frisson s’installe. Il manque au corps. Sa caresse me sera douce un quart d’heure encore. L’ombre du clocher de l’église s’approche de l’angle du trottoir et viendra bientôt cogner le banc. Le frais s’installera pour laisser la place au froid. Les douleurs, un moment apaisées, reviendront. Il faudra, au prix de grands efforts, rejoindre l’espace confiné de l’appartement.

Carine se tait. Nous avons parlé, très peu. De tout et de rien. Elle me dit tout haut ce que je pense tout bas : que je dois mettre un pull, qu’il commence à faire frais, que nous allons prendre l’ascenseur ou marcher pour rejoindre le banc et profiter d’un peu de bon air, d’être attentive à la bordure du trottoir. Je sais tout cela.
Parfois, elle attire mon attention sur quelque chose d’inhabituel : des poubelles qui n’ont pas été enlevées et se dressent comme autant d’obstacles nauséabonds ; un enfant, perché sur son vélo aux roues grinçantes, précédant sa maman.
Nous avons aussi nos rencontres ordinaires : cette jeune femme pressée qui monte dans sa voiture et démarre comme si elle était en retard, sans un regard pour ce qui l’entoure ; le facteur qui termine sa tournée et s’arrête à la boulangerie pour siroter un café et qui fait rire la boulangère ; monsieur Blummenthal, chaque jour un peu plus voûté, charmant, quand il me dit « Bonjour Madame Schwartz, comment allez-vous aujourd’hui ? ».
C’est comme un rite. Les jours de beau temps, après m’avoir servi le dîner qui arrive chaud des services sociaux, Carine m’emmène pour quelques pas et un repos distrayant sur le banc face à la boulangerie.

Aujourd’hui, je n’ai pas apprécié le bœuf aux carottes. La viande filandreuse restait accrochée entre les dents. Les pommes de terre trop cuites étaient presque en purée, mouillées de jus de viande, brunes et pâteuses. J’ai l’estomac qui ballonne, la digestion difficile, c’est pourquoi je me tais.

Quand Carine et moi restons silencieuses, très vite, ma mémoire s’anime. J’ai dans la tête quatre-vingts ans de souvenirs qui, tous, cherchent à se faire reconnaître. Les images et les mots se bousculent, se mélangent. Je n’y comprends plus rien. Je sais qu’il y a un ordre dans tout cela. Chaque image, chaque mot a son instant, son époque. Il m’arrive parfois de retrouver la trame qui les relie, alors je raconte. Je parle à celui qui est là pour m’écouter ou je parle seule, pour le plaisir de revivre ces moments d’une vie qui fut la mienne.
Ma mémoire est une pelote de laine emmêlée. Les fils s’y croisent, s’y nouent. Un brin en entraîne un autre, certains reviennent. D’un souvenir, je passe au suivant. Je récupère ceux que j’ai abandonnés un moment, je me perds. La mémoire est une chose étrange.
Aujourd’hui, elle me fatigue. Je la laisse s’apaiser, je laisse les images se bousculer et partir comme elles sont venues. Je sais que cela n’a qu’un temps.

Je me concentre sur « ici et maintenant » : la chaleur du soleil sur ma nuque, mes cheveux ébouriffés par le vent, le poids de mon corps, les planches du banc qui écrasent mon dos, le sang qui s’accumule dans mes pieds, mes jambes qui n’atteignent pas le sol, ma canne posée entre elles, mes mains qui frôlent le tissu de ma jupe. Mon corps a trouvé son équilibre dans une oblique étrange. Carine, silencieuse à mes côtés, est une présence rassurante. J’entends son souffle, léger à côté des râles qui sifflent dans ma gorge.
Mon regard s’égare. Ma vue balaye le champ de vision restreint par ma nuque raide. Je cherche des yeux les jeux de lumière, je scrute toujours plus loin, j’élargis mon horizon, je voyage… Je remarque un petit point rouge sur la bordure du trottoir derrière l’église. C’est nouveau, j’en jurerais.
— Vous voyez là, le rouge ?
J’ai appris aux petites à ne pas le faire, mais je pointe le doigt. Mon bras tremble. Carine ne voit rien. Le silence retombe.
Mes yeux se plissent au maximum pour essayer de mieux distinguer le point rouge. Je ne vois que lui, énigmatique. Le regard fixe, je me persuade qu’il va disparaître, que ma tête me joue encore des tours. Jusqu’au moment où j’aperçois un merle sautillant : il semble examiner mon point rouge, n’osant s’en approcher. Je ne me trompe pas, il y a là quelque chose.

De la main droite, je saisis fermement ma canne et laisse glisser mon corps endolori par l’immobilité. Mes pieds touchent le sol.
— Attention Liba, vous glissez !
Carine tente de me retenir. Je me lève, je veux voir ce point rouge. Carine m’aide à me stabiliser. La tête me tourne, je sais : je dois respirer, attendre un instant avant de me déplacer.
Le parcours est long, mais la curiosité me donne la force de traverser les deux rues, de gravir les bordures de trottoir. Carine marmonne que ce n’est pas raisonnable. J’ai le souffle court et le cœur qui pompe.
Je fais une pause. Le regard toujours aussi concentré. Le point rouge n’est plus qu’à quelques mètres. La forme n’est pas ronde comme je l’avais supposé, ni seulement rouge. Elle est arrondie et allongée à la fois, rouge avec des éclats de jaune sur le dessus.
Encore quelques pas. J’y suis. Je discerne clairement une poupée russe sur la bordure du trottoir.
Elle n’a pas pu tomber et se stabiliser seule sur une aspérité du pavement, bien posée sur sa base. Quelqu’un a dû la mettre là, un enfant sans doute. Mais il n’y a personne. Personne d’autre que Carine, moi et la poupée abandonnée.
Je tente de la ramasser. Carine plus prompte la saisit et me la tend. La matriochka est adorable. La tenant à bout de bras, j’en découvre les détails. Intacte, luisante de vernis, éclatante de couleurs, légère entre mes doigts, elle n’a pas plus de cinq centimètres. Elle est joliment dessinée, habillée d’une robe rouge, d’un tablier à fleurs et d’un foulard jaune entourant ses cheveux noirs. Ses yeux peints, grands ouverts, me fixent.
— Voulez-vous l’ouvrir ? Elle a peut-être un petit dans son ventre.
Je tends l’objet à Carine.
— Oui, bien sûr, voyons. Elle fait du bruit quand je la secoue, vous devez avoir raison.
Carine ouvre délicatement la poupée, en extrait une deuxième plus petite qui, malgré sa taille, peut également s’ouvrir et donner naissance à une plus petite encore, ne mesurant plus que deux centimètres.
— Vous n’allez, pas me croire, il y en a une quatrième, regardez !
Le dernier bébé est entouré d’une délicate plume blanche, comme une minuscule fourrure.
J’examine les alentours, pensant découvrir, une petite fille qui crierait : « Maman, ma matriochka ! » La rue est déserte.
Carine a adroitement enroulé la plume autour de

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