Bélhazar
124 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

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Description

Février 2013 : Bélhazar, un jeune homme sans histoire, décède lors d’un contrôle de police. Accident? Bavure ? Suicide, comme l’avance le rapport officiel ? L’affaire en reste là. Passée sous silence, elle tombe dans l’oubli.
Jusqu’à ce que Jérôme Chantreau décide de mener l’enquête. Professeur de français et de latin, il avait eu pour élève le jeune Bélhazar. L’auteur se plonge dans le passé, interroge les souvenirs.
Mais se heurte à la malédiction qui semble entourer ce drame. Que s’est-il vraiment passé ce soir d’hiver ?
Et par-dessus tout, qui était Bélhazar ? Adolescent hypnotique ? Artiste précoce ? Dandy poète laissant derrière lui un jeu de piste digne d’Alice au pays des merveilles ?
Jérôme Chantreau écrit contre l’oubli, et pour la vérité. Le crime est-il vraiment là où l’on croit ?
Les faits sont réels, mais ils ne disent pas le vrai. Pour comprendre enfin, l’histoire de Bélhazar exige une mise à nu totale : celle de l’auteur. Son engagement inconditionnel emporte le lecteur dans un labyrinthe d’indices et d’émotions.
Jérôme Chantreau a passé son enfance entre Paris et la forêt mayennaise. Après ses études littéraires, il crée un centre équestre et suit une formation en sylviculture. Il enseigne aujourd’hui le français et vit au Pays basque.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 19 août 2021
Nombre de lectures 14
EAN13 9782752912381
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0400€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

JÉRÔME CHANTREAU
BÉLHAZAR
roman
   
 
En 2013, Bélhazar Jaouen meurt à 18 ans lors d’une interpellation de police. Accident ? Bavure ? Suicide, comme l’avance le rapport judiciaire ? Passée sous silence, l’affaire tombe dans l’oubli. Jusqu’à ce que Jérôme Chantreau, l’un des anciens professeurs de Bélhazar, décide de mener l’enquête. Hanté par le souvenir de ce garçon à l’intelligence et à la sensibilité hors norme, il explore son passé mais fait face à la malédiction qui semble entourer ce drame. Artiste prolifique, l’adolescent a laissé derrière lui un troublant jeu de piste. Pour découvrir la vérité, Jérôme Chantreau va devoir accepter de perdre pied avec le réel et d’entrer dans un monde imaginaire.

Jérôme Chantreau est l’auteur de deux romans très remarqués : Avant que naisse la forêt (Les Escales, 2016 ; Pocket, 2018 ; Prix Cultura/Femme actuelle, Prix de la Plume d’or du premier roman, etc.) et Les Enfants de ma mère (Les Escales, 2018 ; Pocket, 2019). Aujourd’hui, il enseigne le français et vit au Pays basque.
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ISBN : 978-2-7529-1238-1
Aux enfants disparus.
« … en ses douloureuses et sombres entrailles un étranger avait été porté à la vie, nourri d’éternité par des messages perdus, un étranger qui serait à lui-même son propre fantôme, qui hanterait sa propre demeure ; seul dans son âme, seul au monde. Ô perdu ! »
Thomas Wolfe, L’Ange exilé
AVERTISSEMENT AU LECTEUR
Cette histoire est inspirée de faits réels. Afin de respecter la tranquillité des protagonistes, les noms propres et les noms de lieux ont été modifiés.
 
T OUT EST VRAI . Je n’aurais jamais quitté ma vie, à sept cents kilomètres de là, si cela n’avait été qu’une de ces légendes qu’on prête aux enfants singuliers. Je serais resté chez moi, au Pays basque, où j’étais professeur. Je n’aurais jamais eu l’idée de suivre un mort.
Ce soir, je réside à l’hôtel La Marine , à Dinan, dans les Côtes-d’Armor. Je peux voir par la fenêtre le petit port, et la nuit tomber. Des passants rentrent chez eux, d’autres boivent une bière en terrasse. Sur le quai, la carcasse d’un chalutier darde vers les étoiles les os de son squelette. Des talons dérapent sur les pavés inégaux. Les enfants jouent à longer le bord du quai, en équilibre au-dessus des eaux noires. C’est une soirée d’août, tiède et longue. Qui donne envie de monter dans la nuit en marche.
Juste au-dessus de la cime des arbres, sur l’autre rive de la Rance, la lune vibre comme une cymbale. J’évite de la regarder. Je connais les illusions dont elle est capable. Je sais qu’elle est la dernière demeure du lapin blanc.
Lors de mes premières visites, j’enquêtais. J’arpentais le port à la recherche d’indices. Je pensais pouvoir retrouver dans l’air des particules de souvenirs, comme de la poussière déposée sur les meubles. Je voulais respirer le vieux parfum du crime. Pendant des années j’ai cherché là où il n’y avait rien. C’était avant que tu m’apprennes à regarder. Je n’ai plus besoin de preuves à présent. J’ai vu palpiter ton monde sous le vernis de la réalité. J’en ai trouvé le passage.
Cette nuit, je n’irai pas me mêler aux noctambules. Je resterai dans ma chambre. Je n’ai plus de raisons d’en sortir. Car la porte est en dedans. Demain matin, j’entrerai dans le labyrinthe. Pour toute autre personne ce n’est qu’un champ dans la campagne bretonne. Ça l’était pour moi aussi. Ton père avait beau me répéter que Tout est jeu , je ne comprenais pas, je n’écoutais pas. Mais aujourd’hui, après des années de recherches et de découragement, après que tout autour de moi s’est écroulé et que tout s’est redressé, je touche au but.
Je vais venir vers toi, et cela veut dire que je ne sais pas où je serai le jour d’après. Ni s’il y aura un jour d’après.
Serai-je le prochain mort sur la liste macabre qui s’attache à ton histoire ? Cette question qui m’a tant effrayé, jusqu’à m’empêcher d’écrire, ne provoque plus chez moi aucun frisson. C’est étonnant comme la peur passe. J’ai laissé des pans de ma vie en chemin, j’ai fait ma mue et payé le prix du Regardeur de soleils. J’avance vers toi, tranquille, malgré les protestations de ceux qui m’ont dit que j’étais fou, que j’allais me perdre. Qu’importe. J’entrerai dans le labyrinthe, car tu m’y appelles.
 
 
Je t’ai connu, il y a une dizaine d’années, le temps de ton passage au Pays basque. Tu étais l’un de ces enfants dont l’acuité intellectuelle peut mettre mal à l’aise les adultes. Ta longue gabardine en cuir, ta collection de timbres que tu vendais sous le manteau, tes devoirs tapés à la Remington, tes inventions quotidiennes… Tout ce folklore était devenu célèbre.
Mais tu es bien autre chose.
Tu es le Regardeur de soleils, celui qui boit la lumière sans se brûler les yeux, le Petit Diderot, encyclopédiste de douze ans, sachant tout et ne répondant rien, tu es l’Arpenteur, qui trace en marchant la carte d’un monde invisible, le garçon aux cheveux de jais qui donne à ses amis le courage d’être eux-mêmes. Tu es l’adolescent qui ne dit pas bonjour, mais offre des fleurs, les mange et recrache par le pinceau des terres inconnues, le gamin à l’intérieur duquel survit l’âme d’un Poilu de 1914. Tu es le maître du lapin blanc, devant qui les mensonges s’effondrent. Tu es Bélhazar, qui ne tient pas dans les mains de la vie.
Je devais te raconter ton histoire. Laquelle ? Je ne savais rien de toi ou presque avant de commencer ce livre. J’avançais sans te connaître car j’étais, comme les autres, fasciné, ébloui. Parfois, tu cherchais à m’expliquer. Je ne voulais pas t’entendre. Écoute-t-on les enfants ? Écoute-t-on les morts ?
Cela m’a pris des années pour comprendre ce que je devais écrire. Ouvrir les yeux devant les soleils. Qu’importe la brûlure et la part du feu. Alors j’ai découvert que tu avais laissé derrière toi les traces d’un fabuleux jeu de piste. J’ai recomposé la carte de ton pays imaginaire. La mort y rôde. Il faudra bien que je la croise. Et c’est à cet instant que je saurai si je bénéficie d’un droit de passage. Quel orgueil, quand j’y pense ! Croire que tu me permettras d’avancer dans les méandres de ton monde, et que tu me guideras jusqu’à sa sortie.
 
Cette nuit, c’est la veillée d’armes. Je la passerai à reprendre une dernière fois les pièces du puzzle.
Les bars du port ferment un à un. Des grappes de buveurs s’éloignent. Je tire les rideaux et me place devant le mur de ma chambre. Je vais d’abord raconter ton histoire, la vraie, et tu seras sur mon épaule comme un geai perché sur la branche d’un chêne. Il faudra que tu me guides. Qui d’autre que toi pourrait connaître le chemin ? Qui d’autre pourrait me précéder dans ce labyrinthe qui nous conduit de l’autre côté du monde ? Dans ce royaume que tu as offert aux enfants disparus.
Quand j’en aurai fini, j’exécuterai le rituel.
Je placerai devant mes yeux la photo de toi que je préfère, celle où tu marches sur la plage de Poé. « Arpentes » serait le mot juste, car tu la mesures de tes pas, accaparé par une tâche invisible. J’y ajouterai la photo d’un panneau que tu avais disposé dans le champ imaginaire et qui pour moi – sans doute pour moi seul – représente le plan de ton labyrinthe. Je la disposerai sous ma chaise, comme une trappe prête à s’ouvrir. J’allumerai une bougie.
Vois, je range dans mon sac de voyage ma tourmaline noire et mon œil-de-tigre. La flamme vacille.
Pour la dernière fois, nous avons rendez-vous.
Ton histoire commence au lendemain de cet événement qu’ils appellent ta mort.
COMMENCER

Je peux faire de la voile sans vent
Je peux ramer sans rame
Mais je ne peux pas quitter mon ami
Sans verser une larme.
Chanson des chemins de Compostelle
J E NE SAIS PAS OÙ NOUS ALLONS . Je ne me souviens plus. Je sais que nous roulons en direction de la piscine de Saint-Jean-de-Luz, celle aux toboggans, ce qui peut expliquer la présence de ma fille de onze ans à l’arrière de la voiture, avec la petite dernière dans le siège auto. À moins que l’on ne soit sur la route du lycée de Pierre, juste en face de la piscine.
Pierre est au milieu de ses sœurs, pour une fois il se tient tranquille. Il a seize ans. Il n’est pas retourné au lycée depuis trois mois. Si c’est là que nous allons, alors c’est la première fois depuis l’accident, et cela explique le silence.
Je conduis, ma femme est sur le siège passager. Tendue. Son téléphone sonne, elle décroche. Dès les premières secondes, je la vois qui blêmit. Elle répond par onomatopées.
– Arrête-toi, me dit-elle.
Il y a un champ qui longe la Nivelle. Je peux facilement garer la voiture. Elle se retourne vers Pierre.
– Descends. Viens avec moi.
Il me lance un coup d’œil : « Qu’est-ce qu’il lui prend encore ? »
Je reste dans la voiture. C’est le mois de février. Pierre est en tee-shirt malgré le froid. Il est grand, au moins un mètre quatre-vingt-dix. Bien plus grand que moi. C’est mon beau-fils. Par le pare-brise, je vois son corps se courber pour mieux écouter sa mère. Il a un moment de stupeur. Ma fille, à l’arrière, me pose une question à laquelle j’oublie de répondre. J’essaie de suivre la conversation sur leurs lèvres.
Le visage de Pierre est devenu aussi blanc que celui de sa mère. Il la regarde comme si elle avait dit une chose terrifiante. Comme si c’était sa faute. Puis il la quitte. S’en va seul au bout du champ qui descend vers le cours d’eau.
Elle reste dans ce

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