AVANT QU’IL NE SOIT QUATRE HEURES
96 pages
Français

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Description

Suzel Grié-Hazoumé AVANT QU’IL NE SOIT QUATRE HEURES Nouvelles CIV 3274 Avant qu’il ne soit quatre heures « Prudence est mère de sûreté » Culpabilité et Jalousie Bassam, 2012 Assis dans l’immense cour de sa maison, Cavally retraçait le cours de sa vie comme on rembobine une cassette VHS après l’avoir visionnée. Il se remémorait les choix de vie qui l’avaient mené jusqu’à cet instant précis. Comment avait-il pu en arriver là, lui qui s’était repenti et avait cherché à se racheter, coûte que coûte, tant la culpabilité le rongeait depuis de trop nombreuses années ? $EVRUEp GDQV OH WRXUPHQW TXH OXL LQÀLJHDLW VRQ HVSULW LO Q¶DYDLW pas entendu Dossou arriver. Ses pensées, aussi bruyantes qu’un FDUDPERODJH GH FDPLRQV UHWHQDLHQW WRXWH VRQ DWWHQWLRQ D¿Q GH mieux le torturer. Papa ? — Papa… un des rares mots que savait prononcer Dossou. Un mot que Cavally n’aurait jamais cru entendre, ou plutôt, il n’aurait jamais pensé qu’il lui serait adressé un jour. Toutes ces années, il avait décidé de ne jamais avoir d’enfant ; il ne le méritait pas. Puis, vint le jour où il changea d’avis. Il estima qu’adopter un enfant handicapé 5 Avant qu’il ne soit quatre heures lui permettrait de se racheter, ou de se punir. Mais, encore une fois, il en était là… Il se retrouvait dans l’obligation d’abandonner cet enfant.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2023
Nombre de lectures 54
EAN13 9782372232746
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Suzel Grié-Hazoumé
AVANT QU’IL NE SOIT QUATRE HEURES Nouvelles
CIV 3274
Avant qu’il ne soit quatre heures
« Prudence est mère de sûreté » Culpabilité et Jalousie
Bassam, 2012
Assis dans l’immense cour de sa maison, Cavally retraçait le cours de sa vie comme on rembobine une cassette VHS après l’avoir visionnée. Il se remémorait les choix de vie qui l’avaient mené jusqu’à cet instant précis. Comment avait-il pu en arriver là, lui qui s’était repenti et avait cherché à se racheter, coûte que coûte, tant la culpabilité le rongeait depuis de trop nombreuses années ?
Absorbé dans le tourment que lui inigeait son esprit, il n’avait pas entendu Dossou arriver. Ses pensées, aussi bruyantes qu’un carambolage de camions, retenaient toute son attention an de mieux le torturer.
 Papa ?
Papa… un des rares mots que savait prononcer Dossou. Un mot que Cavally n’aurait jamais cru entendre, ou plutôt, il n’aurait jamais pensé qu’il lui serait adressé un jour. Toutes ces années, il avait décidé de ne jamais avoir d’enfant ; il ne le méritait pas. Puis, vint le jour où il changea d’avis. Il estima qu’adopter un enfant handicapé
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lui permettrait de se racheter, ou de se punir. Mais, encore une fois, il en était là… Il se retrouvait dans l’obligation d’abandonner cet enfant. À cet instant précis, en plongeant son regard dans celui de Dossou, il se demanda si l’adopter n’avait pas été un choix purement égoïste. Peut-être l’avait-il fait, simplement, pour se réchauffer le cœur, pour recevoir cet amour que seul un enfant peut apporter ? Le méritait-il, lui qui avait abandonné son sang ? Sûrement que non… voilà pourquoi il en était là, désormais, à devoir tourner le dos, une nouvelle fois, à un enfant. C’était certainement la raison pour laquelle il se retrouvait avec cet enfant-meurtrier, sûrement sociopathe, sur les bras, lui qui ne recherchait que l’amour.
Cavally t signe à Dossou de monter dans la voiture. La tristesse dans son regard lui déchirait le cœur mais il n’avait pas le choix. Il devenait beaucoup trop dangereux et, maintenant qu’Iroko faisait partie de l’équation, il ne pouvait plus prendre de risque. « Prudence est mère de sûreté » dit-on. Pourtant un goût amer ne cessait de titiller ses papilles, comme si cette petite voix, somme toute, que tout le monde connaissait, avait décidé de contourner son mental an de lui envoyer des signaux physiques. Cavally était dévasté par ce qui se passait mais l’adulte qu’il était se devait de rester fort et d’assurer la protection d’Iroko, son ls biologique. Il l’avait déjà abandonné une fois, il ne pouvait pas se permettre de commettre cette erreur une seconde fois d’autant plus que sa vie pouvait être menacée alors qu’il avait déjà énormément souffert, beaucoup plus que ce qu’un enfant de cet âge devrait vivre.
Une fois installé, Cavally, torturé par ses pensées, démarra la voiture, direction l’orphelinat. Dossou assis à l’arrière, ceinture
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attachée, pleurait à chaudes larmes, nounours en main serré tout contre son cœur. Cette peluche lui avait été offerte par Cavally le jour de leur première rencontre à l’orphelinat. Un véritable coup de foudre s’était produit entre eux. Cavally avait vu en Dossou une chance de se racheter, d’anesthésier sa culpabilité et de combler son désir de paternité. Quant à Dossou, il avait vu en Cavally le père qu’il avait toujours rêvé d’avoir.
Dossou avait quinze ans, ou plus précisément, son corps en avait quinze car, mentalement, il n’en avait que cinq ou six. Il souffrait d’un décit intellectuel profond. Lorsque Cavally arriva pour la première fois à l’orphelinat et qu’il expliqua son désir d’adopter un enfant handicapé, on lui présenta Dossou. À chaque visite, Cavally le stimulait avec des jeux. Il s’était renseigné auprès d’auxiliaires scolaires spécialisés pour savoir comment l’aider au mieux. Au bout de quelques mois, Dossou commença à utiliser correctement quelques mots. Lorsque Cavally fut autorisé à l’emmener à son domicile, ils furent les plus heureux du monde. Il se souvenait encore parfaitement de cette journée magique.
Sur le chemin de l’orphelinat, ils passèrent devant des lieux emplis de souvenirs heureux avec Dossou : ce restaurant en bordure de mer où il l’avait emmené le premier jour de sa sortie de l’orphelinat, par exemple… Quelle belle journée, pensa Cavally. Ce jour-là, il prit Dossou par la main, èrement, mit son petit sac dans la voiture, installa l’enfant et lui attacha la ceinture. Mais, une fois en chemin, il eut envie de lui faire plaisir ; il voulait que cette journée soit inoubliable.
Tu es déjà allé à la plage ? La mer, tu connais ?
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Dossou ne semblait pas comprendre. Alors, Cavally s’arrêta sur le bas-côté et t une recherche rapide sur internet pour lui montrer la photo d’une plage. Dossou ouvrit de grands yeux émerveillés :
Non, non, non, répétait-il de sa voix étouffée. Ok Dossou, alors direction la plage ! En route, mauvaise troupe ! clama-t-il. Sur ces mots, il démarra et alluma la radio. Une de ses chansons préférées passait :Amoudjoude Gadji Celi. Il se mit à pousser la chansonnette tandis que Dossou tapait des mains, à rythme décalé, mais cela n’avait aucune importance. Tout ce qui comptait, c’était cet instant précis, ce bonheur parfait, l’arc-en-ciel après la pluie. Nul n’était plus heureux que ces deux-là.
Tandis que Cavally se remémorait ces bons souvenirs, cette chanson passa à la radio.
Décidément, Dieu avait vraiment le sens de l’humour. Quel message l’univers essayait-il de lui faire passer ? Était-ce du sadisme ou espérait-on réellement lui faire comprendre quelque chose ?
Cette chanson de Gadji Celi ne lui évoquait pas que ce merveilleux souvenir. Elle lui rappelait aussi Imany. Imany… Comme il l’avait aimée… Ou, plutôt, comme il l’aime ! En parler au passé serait mentir parce que, même seize ans après sa mort, son amour était toujours aussi fort, voire encore plus vivace, tant son trépas fut brutal et soudain. Jamais il n’aurait pensé la perdre et, jusqu’ici, il n’avait toujours pas fait son deuil. Il ressentait un tel sentiment de culpabilité qu’il lui était impossible de passer à autre chose. Seul Dossou lui avait permis de retrouver un peu de joie depuis
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sa mort. Toute sa vie n’était que culpabilité. Quiconque avait l’œil pour distinguer l’aura des gens ne verrait que culpabilité en lui. Culpabilité et beaucoup d’amour à donner.
Cavally et Imany s’étaient rencontrés lorsqu’ils étaient encore au lycée. Ils avaient tous les deux seize ans à cette époque. C’était en 1996. Imany fréquentait à Notre Dame du Plateau et Cavallly à Saint Paul. Leurs écoles n’étant pas loin l’une de l’autre, ils se rencontrèrent un jour à la n des cours alors qu’ils allaient chez un ami commun qui habitait le même quartier. En réalité, la meilleure amie d’Imany sortait avec le meilleur ami de Cavally. Le couple était persuadé qu’Imany et Cavally étaient faits l’un pour l’autre et ils avaient vu juste car, très vite, ils tombèrent amoureux. Ils devinrent inséparables. C’est cette même année que Gadji Celi chantaAmoudjou. Imany l’adorait. Cavally se remémore souvent ces après-midi où, allongés sur une natte, Imany glissait la cassette dans son lecteur et, en chœur, ils entonnaient un karaoké digne des plus grands cantateurs. La vie était belle, encore plus belle lorsqu’ils étaient tous les deux ; rien ne pouvait les séparer. Mais, un jour, Imany lui annonça qu’elle était enceinte. Ils étaient jeunes et en furent effrayés. Ils avaient tellement de projets ! Auraient-ils pu les réaliser avec un enfant sur les bras ? Jusqu’à présent, cette question demeurait sans réponse pour Cavally. Cependant, il n’était pas question qu’Imany avorte, elle le refusait catégoriquement et Cavally la soutenait dans toutes ses décisions. Tout le long de sa grossesse, il resta à ses côtés et elle la mena à terme. Malheureusement, le jour de l’accouchement, rien ne se passa comme prévu ; elle mourut en couche. Cavally fut dévasté et il culpabilisa. Dans son esprit, tout cela était sa faute ; il était le
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