Aux temps du mofwazé ou “Istwa an tan a dyab”
186 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Aux temps du mofwazé ou “Istwa an tan a dyab” , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
186 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Originaire de Guadeloupe, Sarkis Gopy donne vie à quelques-uns des personnages hauts en couleur qui peuplent l'imaginaire antillais. Le narrateur s'approprie ces récits traditionnels créoles qu'il tient pour la plupart de son père, pour y glisser un peu de lui-même. Chaque récit met en scène des événements teintés de surnaturel et de merveilleux qui captent l'attention du lecteur dès la première ligne. Le conteur excelle dans l'art des descriptions de rêves et de cauchemars – visions qui ne manqueront pas d'envoûter les esprits même les plus rationnels. Entre sorcellerie nocturne et séance d'exorcisme, la frontière entre fiction et réalité est bien mince...




Photos de couverture: Isabelle Gopy.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 10 avril 2018
Nombre de lectures 1
EAN13 9782414161713
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
194 avenue du Président Wilson – 93210 La Plaine Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-16169-0

© Edilivre, 2020
Dédicace
Pour mon Ti Boug « Rafaël »
Préface de l’auteur
Si vous êtes adepte de merveilleux et de surnaturel du pays de Guadeloupe, alors ce livre est susceptible de capter votre intérêt. Il ne s’agit point de ce qui se voit dans certains films d’aujourd’hui et traitant de ce thème. Tous les ingrédients de nos tréfonds mystiques et de nos imaginaires y sont réunis. Ce qui constitue en fait une des trames de nos identités, à mi-chemin entre rationalité et mysticisme.
Précisons ici, que tous les personnages ont réellement existé. Soit parce que le narrateur les a connus soit parce qu’il raconte des faits qu’il a entendus de la bouche d’informateurs, qui sont tout à fait dignes de confiance. Ils sont faiseurs ou victimes de l’invisible, quelle que soit d’ailleurs leur origine ethnique ou culturelle.
Les esprits, les zombis*, les mofwazé*, les volans* ou soukounyan* ne sont pas seulement des vocables. Ils ont exercé et exercent encore une véritable fascination dans l’âme antillaise.
Ils sont imprévisibles. Ils peuvent apparaître là où on les attend le moins. Notamment dans nos conversations, dès qu’on leur laisse cette possibilité. Quand on aborde la question de l’irrationnel, tous, nous avons une histoire vécue, ou une anecdote concernant un proche, un parent à faire entendre avec passion et vivacité.
À cet égard, je ne remercierai jamais assez mes informateurs, et essentiellement mon père Basile, à qui je rends encore hommage dans ce livre, pour sa culture créole vivante et impressionnante, puisque je fais de lui mon narrateur.
Chaque histoire, excepté la dernière, est campée autour d’un personnage charismatique, énigmatique, voire inquiétant dans ses pratiques. Chacun d’eux est livré au lecteur dans un contexte magico-religieux où baignent toutes les couches de nos sociétés semi-traditionnelles. Les recettes ne sont pas abordées, ni les savoir-faire. Cela reste de l’ordre de nos mystères.
Les histoires qui sont narrées dans ce livre sont contées avec la verve et l’allure de nos contes d’autrefois. Il ne s’agit pas d’impressionner les esprits, mais de se laisser porter par l’atmosphère de ces temps d’après l’esclavage, et de la première moitié du dernier siècle.
Ainsi que Jean-Paul Sartre le formulait dans Qu’est-ce que la littérature, il appartient au lecteur de créer son propre merveilleux au contact de tous ces personnages récurrents, typiques de nos campagnes d’antan.
« Ram le Sage, Lovensi », sont directement issus de mon dernier livre, paru en 2015. “ Man Dédé, Sidney, Polo, Maléaltan, Gopal, Baba ” et les autres, auraient très bien pu figurer aux côtés de ces derniers dans Baya entre cannes et marées.
Le narrateur raconte naturellement des histoires tout en brossant le portrait de ses personnages. Mais en même temps c’est lui-même qu’il raconte. Il pointe les hauts et les bas de son enfance. Sa formation sur le tas et bien sûr son appétit de vivre et de s’en sortir face aux aléas de son destin.
C’est l’auteur, c’est-à-dire son fils qui lui prête sa voix et ses qualités d’expression dans la langue de Molière.
Cette identification entre le père et le fils se poursuit jusqu’au milieu du « Cinquième Pas » où le dédoublement se fait à la lueur du récit. L’auteur, à savoir le petit-fils de Baya reprend les rênes de la narration au moment où il se fait lui aussi attraper par les forces de l’au-delà.
Ce qui nous est conté, c’est une histoire personnelle qui s’imbrique dans des histoires qu’on pourrait qualifier d’intemporelles.
Au-delà de l’anecdotique, c’est une leçon de vie que nous prenons dans ce livre.
Premier pas : Man Dédé et Sidney
Nous vivions loin du monde, dit civilisé. Dans le mitan* des années 1930.
Le seul univers connu de l’époque était le domaine de l’habitation. De pauvres hères, à longueur de vie y cultivaient leur misère. Victimes de l’ignorance, et des séquelles d’une condition bestiale depuis tant, et tant de générations déjà.
Là-bas en France de la Patrie, quelques esprits turbulents et bien nés s’essayaient de leur côté, à découvrir leur négritude. Mais dans notre colonie de Guadeloupe, presque rien n’avait encore changé, en dépit de ce fameux décret d’abolition de « Dix huit cent quarante huit 1  ». Seule la turpitude de la canne, se présentait à un enfant de notre région, qui venait à naître, là où il ne fallait pas.
Je l’ai dit plus tôt 2 mon frère et moi-même fûmes sevrés du lait de la connaissance des mots et des chiffres.
Mon père nous garda simplement à la maison. Il voulait certainement nous éviter l’impasse de l’habitation. Une vie de jeunes parias martyrisés par les griffes de géreurs, conducteurs et commandeurs liés corps et âme, à des volontés peu soucieuses du sang des faibles.
Je n’avais pas conscience de ce qui se tramait, pendant ce temps troublé par le bruit des bottes guerrières, en France. A contrario de mes petits camarades, dont très peu eurent la chance de s’asseoir sur un banc d’école, je portais en moi la soif inextinguible d’apprendre dans le grand spectacle de la vie.
Apprendre, toujours apprendre…
Je crois avoir indiqué que j’habitais un coin de pêcheurs, petites gens vivant aux crochets de la rame et de la voile. C’était aussi, le métier de mon père qu’il partageait avec une activité sporadique, de faucheur entre les champs de canne de l’habitation. Autour de notre maison, il organisait des coups de main* destinés à tailler les nasses qui en bambou, qui en grillage, ou à en préparer la fabrication. Les hommes travaillaient toute la journée en plaisantant et prenaient un repas en commun dont l’essentiel se réduisait à un bon blaff de poissons, que mon père avait conservés de sa sortie en mer de la veille, accompagné d’ignames, de madères ou de fruits à pain.
J’étais très attentif à tout ce qui survenait sous mes yeux pétillants de finesse juvénile.
Il ne me fallut pas un long temps, pour me mettre à la réalisation des nasses à un ou deux goulots. Je les vendais ou je leur faisais pêcher de bonnes quantités de poissons. Ce qui rapportait très tôt déjà, des sous en prévision de la poisse.
Sous l’œil approbateur de Lovensi 3 , je me lançai dans la fabrication de paniers en bambou, armaturés avec de la liane rouge prélevée à la lisière de la mangrove. J’aidais Charleville, un autre de nos voisins, à poser des manches en bois travaillé sur des lames de sabres, usés par le travail de la terre. C’est une technique exigeante de dextérité et de précision.
Récemment, je me suis souvenu de cet apprentissage, et de nouveau malgré mes quatre-vingt douze ans révolus, je redonne vie à de vieux coutelas rouillés, esquintés par des années de labeur.
Il me suffit de sortir mon vieux vélo tout terrain, de rouler jusqu’aux petits bois de mangrove. Là, je choisis des échantillons de bambou, de calebassier, de kalpata* et je m’en retourne chez moi muni de ces trésors. Alors, je coupe, je scie, je taille, je rabote, je martèle, je perce, je forge, je chauffe, je ponce, je rivète, j’ajuste, je burine, je ligature, j’aiguise, je façonne… Je fatigue. Je me sens l’âme de mon arrière-grand-père Roy Palan, derrière ses fourneaux à rhum ou dans ses travaux d’orfèvrerie.
Ceux qui font appel à mes services sont toujours ravis de repartir avec leur outil tranchant et fiable en toute circonstance, le manche bien en main, ouvragé par mes soins.
Rien à voir avec ce qui se vend dans les supermarchés de la place.
Je donne le fruit de l’effort, de la patience et du bien faire hérités du savoir de Lovensi et de Charleville. Je suis le dernier de cette génération. Je le fais volontiers contre une modeste rétribution.
C’est normal. La tradition se révèle bien plus fiable et solide que les instruments factices de la modernité. En ce qui me concerne en tout cas.
Apprendre, toujours apprendre, c’était mon seul credo, à part celui qu’on nous forçait à étudier le jeudi et le dimanche à l’école de l’église du Vieux-Bourg, en allant sur Grippon. A croire que le salut de l’âme était plus important que la formation de l’esprit. Mon père tenait à ce que nous fussions de bons catholiques pour ne pas subir le sort de mon grand-père venu d’Inde. Il n’avait pas eu droit à un enterrement décent, dans son indignité de païen d’outre-mer.
Les moments de catéchisme étaient bien pénibles. Surtout que, le long de la route, nous étions pris à partie, par une population qui apparemment n’avait jamais vu de petits « malabars* » de leur vie. Il fallait apprendre les leçons du dogme et les restituer par cœur en français de France et de Navarre. Nous n’y comprenions pas grand-chose. Le sens échappant pour toujours à notre entendement formé à la parole créole.
Je me hâtais d’oublier les « Je crois en Dieu », les « Je vous salue Marie pleine de grâce », et « Acte de contrition », les « Je m’accuse d’avoir », en enrichissant jour après jour, la palette de mes expériences empiriques. Mes mains surent tour à tour donner naissance à des pipes, des dés, des toupies, et une foultitude d’objets les plus divers. Cela me valut la visite de deux policiers, car il était formellement interdit de fabriquer des dés à cette époque, à fortiori d’en jouer.
J’offris deux paires de l’objet illicite aux deux représentants de l’ordre qui heureusement pour moi étaient de grands joueurs, et l’affaire fut classée.
Je ne m’arrêtai pas en si bon chemin. J’observai Lagou, un ami de mon père en train de tailler les cheveux de gens de notre entourage. Je voulus m’essayer aussi à la coupe des tignasses. Plus tard, je devins un peu le coiffeur du quartier. Certains après-midis, il m’arrivai

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents