Apaches
286 pages
Français

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Description

« Le jeune guerrier, joignant le geste à la parole, ouvre le sac, se saisit du rapace par les cuisseaux des pattes, enlève le lien, le redresse et le décapuchonne. L’assistance est sidérée, personne ne dit mot. Natchèse, médusé, totalement pris au dépourvu, assiste simplement à la scène. Le Seigneur du Vent tourne la tête de tous les côtés, les plumes hérissées, l’œil étincelant et le bec largement ouvert, puis sentant les mains du garçon desserrer l’étreinte, l’aigle déploie ses ailes, brasse l’air, s’envole en sifflant de rage. »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 06 février 2013
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342000856
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0082€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Apaches
Norbert Jakob
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Apaches
 
 
 
« Qu’est-ce que la vie ?
 
C’est l’éclat d’une luciole dans la nuit.
C’est le souffle d’un bison en hiver.
C’est la petite ombre qui court dans l’herbe et se perd au coucher du soleil. »
Crowfoot
 
 
 
L’auteur s’empresse de rappeler qu’il a écrit une histoire issue d’une imagination romanesque.
 
 
 
 
La vallée perdue
 
 
 
L’oiseau prend son envol en quelques coups d’ailes, il s’élève impérial au-dessus de son nid accroché dans l’anfractuosité d’un pic. Le rapace plane un instant sur place, domine toute la vallée, avant de plonger brusquement en contrebas chercher des courants ascendants. L’air chaud qui monte du sol l’enveloppe immédiatement, le propulse plus haut, toujours plus haut. En seigneur des lieux, l’aigle Pygargues porte un symbole de liberté, il est en fait le lien avec « Wacondah » le Grand Esprit, parce qu’il vole le plus haut dans le ciel et qu’il communique nos pensées au Créateur.
L’oiseau de proie doté d’une vue perçante scrute son territoire, sa vigilance ne peut être prise en défaut, rien ne lui échappe. Opportuniste en diable, il n’a pas de rival, les courants sont ses aires de jeux, il en joue en acrobate du ciel, capable de danser avec la lumière. Si tel est son plaisir, il peut planer pendant des heures porté par l’envergure de ses ailes, les plumes sifflantes, tendues, il passe au-dessus des montagnes, des vallées, des forêts. Sous ses serres, la rivière n’est plus qu’un fil argenté qui sinue au fond d’un canyon, façonné au gré de l’imagination du Grand Esprit, assisté par la rigueur des saisons, le soleil, la pluie, le vent et l’érosion. L’eau, source de vie, a poli la roche créant de véritables sculptures artistiques, parfois monumentales, laissant sans voix le commun des mortels. La couverture forestière s’étend à perte de vue dans un patchwork de couleurs. Elle est composée dans ses grandes essences de sapins de Virginie aux rameaux vert émeraude, de hêtres touffus et chênes centenaires qui s’érigent en cathédrales de la forêt. Ils veillent sans restriction sur les bêtes sauvages telles que le loup, l’ours, le grand cerf de Virginie ou encore le puma. Les arbres garnis de feuilles ou d’aiguilles offrent sans restriction la protection de leurs branches charnues, où se réfugie toute une faune qui vit sous sa foliation.
Le rapace survole l’orée de la forêt, de temps en temps, il rappelle aux autres sa présence par un cri territorial, aigu, qui peut être ressenti comme une menace d’intimidation pour les intrus qui vivent dans la plaine.
 
Dans l’azur, une rémige se détache. La plume poussée par une autre plus jeune et plus vigoureuse tournoie dans les airs longuement. De gracieuses arabesques, en glissades, elle pique avant de se déposer avec grâce sur les genoux d’un garçon assis au centre du cercle sacré du grand conseil des quarante.
Impressionnés, des hommes aux visages tannés par la vie en plein air se regardent, gravement.
Natchèse, nom de totem, Lion des Montagnes, sachem incontesté des « êtres humains » (Indiens) de la tribu des Jicarilla, lève la main.
— L’Esprit du Vent vient de décider ! C’est un signe.
Le sachem reprend d’une voix grave.
— La plume de l’aigle représente un cadeau venant du Grand Esprit, mais aussi de l’oiseau qui offre une partie de son essence, elle symbolise la paix, disperse les énergies néfastes et attire l’énergie bénéfique dans le corps d’une personne. De plus, les plumes d’aigle poussent nos pensées et nos prières à s’envoler à la rencontre de Wacondah… Néanmoins !
Le chef pointe un doigt accusateur sur l’enfant.
— Sans-Nom, dans deux cycles complets de saisons, tu seras en âge d’être initié, alors nous t’appellerons Plume d’Aigle, mais avant que l’on ne te nomme ainsi, tu devras prouver que tu le mérites. Tu partiras seul dans la montagne, tu grimperas jusqu’au sommet du pic et tu ne reviendras parmi nous seulement quand tu auras réussi à voler au nid de l’aigle, deux plumes. La première pour la reconnaissance de ton totem, la deuxième pour te punir de ta mauvaise action. Ainsi par cet acte de courage, tu nous prouveras ta volonté de te racheter. Il n’y a pas de voleur au sein de notre clan. Telle est la volonté du cercle des quarante guerriers. J’ai parlé !
Un marmonnement d’approbation entérine cette décision.
D’un geste dédaigneux de la main, Natchèse fait comprendre au garçon qu’il peut disposer.
La rage au cœur, Sans-Nom se lève d’un bond et sort du cercle sans se retourner, il traverse le camp de wigwams, des femmes et des jeunes filles, penchées sur le tannage de peaux de bisons, qui l’ignorent, d’autres se redressent les mains sur les hanches pour mieux le dévisager ; il soutient sans effort leurs regards réprobateurs. Quelques paroles désobligeantes sont prononcées.
— Tu crois qu’il baisserait les yeux…
— On ne changera jamais un Chiricahua…
— Quelle honte !
Un seul regard l’indispose, celui d’une jeune fille aux yeux de biche portant des nattes d’un noir corbeau, qui n’est autre que Clair de Lune, la fille unique de Natchèse. Elle ne dit rien, mais affiche un air de profond mépris. Tout en se déplaçant, le garçon sans nom la fixe, glacial. Clair de Lune, en fille bien éduquée, baisse les yeux.
Bouillant d’une colère contenue, le Chiricahua prend le sentier qui mène à la forêt. Arrivé à l’orée, il se retourne et observe le village. La nuit va tomber, l’heure est au crépuscule, celle que les hommes appellent « entre chien et loup ». Au-delà des collines verdoyantes, l’astre de lumière achève sa course pour expirer dans un feu orangé, afin de renaître à l’aube d’un nouveau jour. Une cinquantaine de Wigwams sont dressés au bord de la rivière, des feux s’observent entre les tipis, les squaws vont et viennent, bruyantes. Le vent du nord est tombé, la fumée s’élève droit dans le ciel. Il entend les cris joyeux des papooses qui tentent de pêcher un dernier poisson. Les chiens excités par l’odeur du repas donnent de la voix. Certainement stimulés par les aboiements, les chevaux mustangs hennissent à leur tour. La poitrine du garçon se gonfle deux ou trois fois rapidement, la gorge serrée, il lutte contre les larmes, se bat contre un violent sentiment d’injustice. C’est le pire qu’il puisse arriver à l’être humain. « Être accusé à tort », le gosse passe son avant-bras sous son nez, avale sa salive. En aucun cas, son grand-père ne doit savoir qu’il a failli pleurer. Il doit épargner à Celui-Qui-Sait cette nouvelle humiliation.
 
Au bout du sentier dans une clairière est construite la hutte du chaman du village. Le garçon porte ses mains en claire-voie et pousse un cri qui surprendrait en bien une chouette. La carcasse dégingandée du vieux chaman se dessine sur le pas de la porte du mandant. Il est grand, maigre et il tire la jambe. Sans rien dire, l’homme s’assied sur une souche, sort de sa tunique fripée une longue vieille pipe rafistolée de partout. Elle aussi a son histoire, c’est un présent, transmis par son père, qui lui-même la tenait du sien. Tranquillement le vieux ouvre un sachet de cuir racorni, en extrait une pincée d’herbe et de feuilles odorantes séchées, bourre sa pipe d’un doigt orné d’un ongle gris. Le garçon s’assied à son tour en face du vieux, observant avec tout le sérieux du monde l’intéressante besogne. Chaque chose en son temps.
L’homme-médecine porte la flamme d’un tison à sa pipe, son visage émacié s’illumine en même temps que son calumet, il fume avec volupté, des cercles bleutés s’élèvent dans la douceur de la nuit. Enfin, l’homme lève sur lui un sourcil interrogateur :
— Parle ! dit-il enfin.
— Je suis mis à l’épreuve, je dois aller chercher deux des plumes de l’aigle, répond le gosse sobrement.
— Deux plumes, cela aurait pu être pire. Mais comprends-tu vraiment ce que cela veut dire ?
— Une ou deux, c’est la même chose, rétorque le garçon.
— Ne crois pas cela, une plume d’aigle peut être volée à un nid, deux signifient que tu devras certainement affronter le seigneur du vent.
Mestengo ne répond pas tout de suite, des images de combat défilent dans sa tête. Brusquement, il sent sur sa nuque le poids de l’intensité du regard du chaman.
— Ce n’est pas moi qui ai volé les provisions, Grand-père.
— Je le sais, Mestengo, ton cœur est pur.
— J’ai vu celui qui a…
— Je ne veux pas le savoir, ce problème, c’est toi qui dois le résoudre.
Contrit, le gosse ne répond rien, il feint de s’intéresser au cheminement d’une colonne de fourmis noires, attardées, qui disparaissent sous la souche.
Le vieux comprend que le garçon a besoin de réconfort.
— Tu es puni sévèrement, explique-t-il, parce que tu es le petit-fils d’un chaman étranger. Il faut comprendre, les Apaches Jicarilla (chasseurs de bisons) partagent le même sang, les mêmes territoires, la même langue et les mêmes coutumes. Nous, Apaches Chiricahua, nous ne faisons pas partie de cette tribu, nous sommes les survivants d’un autre clan.
Le vieux tend un bras décharné au-dessus de l’épaule du jeune homme, le doigt pointé dans une direction.
— Au-delà des grandes montagnes, reprend-il, quand les faces blanches ont envahi les terres des Chiricahua, les nôtres ont combattu avec rage et courage, avant d’être décimés jusqu’aux derniers… Une ombre de tristesse voile son visage buriné.
Enfin presque, tu étais encore un bébé quand tes parents m’ont confié ta vie. Et moi, Celui-Qui-Sait, Chaman Chiricahua, j’ai fait le serment de

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