Ailleurs, le rêve
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Description

S’installer ailleurs pour se donner le droit de rêver, reconstruire sa vie, modeler ses principes, tout cela se veut être une évidence. Quand l’émigration est dictée par la conjoncture, l’opportunité de quitter son pays devient alors une convenance, où toute autre alternative est une mort à petit feu. Mokrane était confronté comme la plupart des jeunes algériens à la résignation irréversible de bâtir ailleurs, d’emprunter une autre vie, de justifier en permanence son identité, de passer sa culture au second plan et de s’intégrer. Entre ses études rythmées de déboires ou de succès, une nostalgie dévorante née des affres d’un éloignement prolongé, il évoluait aux côtés de compatriotes étudiants, sans-papiers... tous déterminés à réussir dans cette « immigration subie ». En toile de fond, l’amour inconditionnel d’une femme pourrait bien déterminer ses choix et ses destinations.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 28 février 2018
Nombre de lectures 6
EAN13 9782414166725
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0067€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Cet ouvrage a été composé par Edilivre
194 avenue du Président Wilson – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com
 
Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.
 
ISBN numérique : 978-2-414-16670-1
 
© Edilivre, 2019
Chapitre 1
Un soleil ardent sévissait sur le tarmac de l’aéroport d’Alger ; midi passé, le ciel céruléen semblait s’enthousiasmer devant ce spectacle qu’offrait cette poignée de quidams : bienheureux de quitter cette terre, naguère pourvue, devenue exsangue et surannée. Elle ne pouvait juguler les appétences effrénées d’une descendance en quête de rêveries à l’occidentale.
Ce Faubourg fardait de pied en cap la blancheur d’Alger : les gracieuses maisons laiteuses, laissaient place aux champs ambrés. L’horizon, pourtant lointain, brandissait les hauteurs de la ville qui s’achoppaient jusqu’à rejoindre la mer, cette grande bleue, qui circonscrit Alger et sa banlieue, semblait effervescente, laissant deviner un crachotement d’écume par un temps si placide.
Côté Est, un amoncellement de collines verdoyantes, surplombe le panorama, il s’agit de la grande kabylie, un relief montagneux pelliculé par une fourrure drue de maquis, dominé fastueusement par l’olivier, un arbre divinisé auquel on attribue tous les remèdes miracles. La montagne du Djurdjura aussi est érigée au rang de sentinelle, sacrée depuis des millénaires, son ubiquité dans la vie des kabyles a toujours été sans conteste, on jurait par elle, on vénérait son immensité, et sous sa tutelle, la culture ancestrale berbère a été préservée magistralement de toute invasion exotique. Aux confins de cette belle région, Alger semblait lui rendre grâce de faire partie de son voisinage ; cette contiguïté entre la capitale et la Kabylie s’est forgée par un exode rural économique après la guerre de libération, malgré le déferlement de nombreux villageois sur ses côtes, leur cœur n’a jamais cessé de battre pour les montagnes enchevêtrées, et les chemins cabossés de leurs bourgades.
En cette journée estivale, une nuée de véhicules bourlinguaient vers Alger et ses environs, telle une confluence d’abeilles regagnant son essaim. Ces artères étaient tellement bondées d’automobiles qu’emprunter les accotements de la route était devenu monnaie courante. A quelques encablures de l’aéroport, celui-ci n’avait jamais paru aussi loin !
A travers la vitre, Mokrane admirait une parade hâtive du décor méditerranéen, qui révélait sa plus belle livrée, comme s’il tenait à interpréter soucieusement son ultime musette, une œuvre suprasensible, une estampe ciselée et nichée dans les souvenirs aussi bien des excursionnistes que des riverains.
– Nous voilà arrivés mon fils ! dit Mohend, non sans cette ataraxie paternelle, extériorisée à la vue de leurs mômes quitter le cocon patriarcal. Un kabyle digne et auguste devait briguer d’autres desseins, braver divers avatars et mésaventures et tâter les revers de la vie pour en baqueter cette omnipotence et forcer le respect de son village.
Machinalement, Mokrane avait opté pour la cavalcade de l’exode et appartenir à la caste des conformistes ; un choix dicté par des conditions socio-économiques détériorées, un mode de vie désuet ne répondant plus à ses attentes, la mode était aussi de traverser la grande bleue, fouler le sol européen et de franchir enfin un cap dans sa vie fastidieuse.
A la vue de l’aéroport, Mokrane totalement embrumé, descendit de la voiture, un méli-mélo de sentiments l’envahit illico : partagé entre cette allégresse singulière qui embaume les cœurs lors d’un heureux événement, et ce tressaillement qui accompagne un bouleversement de nos repères, une interversion de nos jalons à la suite d’un revirement de situation. Pourtant, cette idée d’expatriation était pour lui si axiomatique, ses semblables diraient même qu’elle était proverbiale, tellement, il ne pouvait bavasser sans émettre un terme, une phrase rimant avec la France.
L’embarquement devint imminent, les cœurs des intimes se sanglèrent, Titem avait bien du mal à refréner sa tristesse, comment faire pour ne pas fondre en larmes, résister sobrement à l’envie d’étreindre son fils, et annihiler ses velléités de bourgeonnement avec cet exil tissé il y a belle lurette. Qui pourrait l’admonester, elle qui instinctivement espérait voir son rejeton répudier irrévocablement cette idée devenue déisme chez la plupart des jeunes kabyles. De son côté, le puiné de la famille Massin, rêvassait aussi indiscrètement du fameux jour où il emboiterait le pas du frère ainé. Rejoindre un pays de cocagne, s’enliser dans l’extrémisme religieux, ou bien tout simplement végéter et flâner en tant que chômeur même bondé de diplômes, étaient lugubrement l’assortiment affligeant dans lequel il fallait faire son choix. Dans une giration énergique bien que chancelante, Mokrane répudia une mère-patrie et s’en alla irréversiblement épouser une autre !
A bord de l’avion qu’il prenait pour la toute première fois de sa vie, confiné à l’avant, son stress atteignit son paroxysme en un temps record, prenant ainsi conscience de son départ imminent ; sa vie d’antan allait définitivement se ranger dans les tiroirs du passé, un avenir aussi inédit qu’énigmatique l’attendait au tournant ! Billet en classe affaire, apéritif de bienvenue, et presse française éparpillée sur la tablette, cette commodité inhabituelle n’avait pas suffi pourtant à dissiper ce bourdon naissant ; une déréliction brouillonne le saisit instantanément, un chagrin brumeux malgré ce temps ensoleillé, comme dépossédé de toute sa famille, ses guibolles flageolaient, son tronc vacillait, il domestiqua difficilement ses palpitations, des tremblements singuliers accentuèrent les ondulations du soda dans le verre qu’il s’efforçait de tenir. Dès lors, une cascade de souvenirs l’envahit fougueusement, il se mit alors à ruminer sa soutenance de mémoire ; alors qu’il était de coutume de convier sa famille et ses amis, lui avait éludé ce rituel et vulgarisé cette journée, tel un anar crânant abruptement l’ordre formel. Il se disait que c’était de la bigoterie que de solenniser le premier jour authentique et certifié d’un désœuvrement pérenne. Ou encore cette altercation avec son père une année auparavant ;
– T’as du courrier aujourd’hui, dit Mohend. Le père de famille s’inquiétait tellement sur l’avenir de son fils qu’il prenait une liberté consentie d’ouvrir son courrier venant de France.
– Quel genre ? reprit Mokrane d’un air interrogateur.
– Celui qui va réorienter tes objectifs liminaires !
–  Crache ta Valda ! insista Mokrane.
– J’aurais aimé être porteur d’une bonne nouvelle, mais tu ne vas pas pouvoir fouler le sol de l’hexagone cette année mon fils !
Cette nouvelle est tombée comme un couperet, sonnant le glas des rêves de Mokrane, tout semblait chimérique autour de lui, il était comme pris dans une torpeur l’obligeant à rester inerte. Mohend élagua cette scène apathique, et tenta désespérément de le rassurer :
– L’alternative du concours, c’est dans un mois, se relever après la chute est une vertu que tu dois prôner fiston.
– Quel concours ?
Exaspéré, l’infortuné déclencha une algarade tendue avec son père. Quant à Titem qui compatissait avec le désarroi de son fils, elle glissa sa main affectueuse sur la bajoue de Mokrane. Elle était gauche et grelottante ce jour là comme son fiston, qui fondit en larmes en catimini dans sa chambre ; tant il est impudique de voir un homme sangloter dans la province kabyle depuis des temps immémoriaux. Son seul remède dans ces cas là, était de se réfugier dans l’écriture, un monde qu’il affectionnait particulièrement. Sa plume se nourrissait bien du désespoir d’autrui : la détresse et l’infortune servaient de réceptacle à son imagination et ses écrits illimités. Mais ce jour-là, il confessait sa propre affliction sur un bout de papier, ses phrases imprécises et ses interrogations désolantes n’espéraient aucune réponse, elles témoignaient juste du langage de son cœur meurtri.
L’insigne Alger en miniature vue du ciel était l’image indélébile burinée dans la tête de Mokrane pour un sacré bout de temps. Il scrutait à travers le hublot toutes les broutilles, le moindre fragment de cette terre, conquise de hautes luttes jadis. La mer azuréenne dévoilait son infinitude, le soleil illuminait cette enchanteresse rive méditerranéenne. Mokrane semblait se délecter mielleusement de cet instant révérencieux.
Le petit roupillon de Mokrane consommé, l’Airbus survolait l’Ile de France, puis entama l’atterrissage vers Charles de Gaule. Mokrane ne pouvait conjecturer mieux que cette France comme terre d’accueil, tant l’allégorie bariolée vue du ciel était sublime, on distinguait bien la sagacité des rues et venelles parisiennes et le raffinement de l’architecture des constructions. Se remémorant Alger vue du ciel, il s’amusa à faire le parallèle pour tenter de trouver des analogies plausibles entre les deux métropoles.
« Nous arrivons à Paris, la température extérieure est de 15°C… », hostilement à cette séduisante toile de fond, le temps était morne une maussaderie régnait en maître, fusionnée avec un crachin discontinu. Le contraste était abyssal avec Alger. Aussitôt dehors, Mokrane enfila sa veste que Titem avait glissée judicieusement dans son sac.
À la sortie de l’aéroport Roissy Charles de Gaule, il fut surpris par l’affluence record, et le caractère cosmopolite des parisiens. Debout, médusé, malgré cet attroupement autour de lui, il s’évada aisément une ultime fois, promenant son esprit bien loin de cet endroit troublant, il regagnait le seul lieu où il pouvait s’accommoder sans gêne, son pays. Sorti de sa torpeur transitoire, Mokrane examina attentivement la foule dans l’espoir de débusquer promptement Juba. Ainsi, il découvrit un ensemble inédit de comportements singuliers, il discernait

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