ADOPTE UN CHOMEUR
173 pages
Français

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ADOPTE UN CHOMEUR , livre ebook

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Description

Adopte un Chômeur se déroule dans l’univers du roman Des Coquelicots en Décembre. On y retrouve son principal protagoniste, Paul, et sa double quête d’un amour durable et d’un travail épanouissant.Cette plongée loufoque dans les eaux troubles de Pôle Emploi a pour toile de fond différents évènements qui ont marqué l’actualité récente de la Côte d’Azur, comme les inondations meurtrières d'octobre, les manifestations contre Marineland, les attentats du 14 juillet à Nice, la mode végane, et bien sûr les tentatives désespérées du gouvernement pour inverser la courbe du chômage cannois.

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2018
Nombre de lectures 0
EAN13 9791095453161
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Franck Petruzzelli
ADOPTE UN CHÔMEUR
Roman
Les Éditions La Gauloise
Série La Gauloise Noire
Maquette de couverture : INNOVISION
Crédit photos : Chiara LUONGO
Conception graphique couverture : copyright Adéline SAMSON

Copyright 2018 – Les éditions la Gauloise
2474 avenue Emile Hugues, 06140 Vence
ISBN : 979-10-95453-27-7

Tous droits réservés pour tous pays.

Ce livre numérique est livré avec la police Molengo, de Denis Jacquerye. Celle-ci est distribuée sous la licence Open Font License .
Saison 1






Retour vers le futur.

Dans le cadre de ses nouvelles fonctions, Paul devait animer les sacro-saintes réunions d’informations collectives. Les deux premières chômeuses se pointèrent un quart d’heure en avance et la secrétaire les fit patienter. Propres, jolies même selon les goûts de certains quoiqu’un peu fanées, avec leurs CV rangés dans des pochettes neuves avec élastiques fluos. À 9h05, cinq minutes après l’horaire imposé, ils étaient seulement cinq dans la salle de réunion. Paul ne pouvait donc pas encore commencer. En effet, chaque mardi, les chevaliers de la réinsertion lui envoyaient quatorze demandeurs d’emploi. Paul commercialisait alors la prestation proposée par Pôle Emploi, qu’ils avaient intérêt à accepter s’ils ne voulaient pas encourir le risque d’être radiés. Dans la réalité, et selon les calculs de l’Agence, la moyenne des gens présents à ce type de réunion tournait à cette époque plutôt aux alentours de huit. La Direction Régionale en était consciente et surbookait volontairement ce type de rendez-vous. Il était entendu dès le début que seuls 60% des demandeurs d’emploi invités seraient présents. Par conséquent, si Pôle Emploi avait les moyens de financer l’accompagnement de huit personnes, quatorze seraient convoquées. C’était du surbooking social.
Pour en revenir à ce mardi-là, ils étaient toujours et seulement cinq à 9h20, et Paul les faisait attendre tant bien que mal. Mais au bout du compte, il n’en pouvait plus de les entendre geindre et soupirer. Ils avaient finalement brisé la glace et échangeaient leurs griefs respectifs, se trouvaient des points communs et n’allaient pas tarder à organiser le lynchage du conseiller. Ce dernier rassembla donc son courage avant d’aller les affronter. Pour Paul, ces réunions relevaient de la défense de la Ligne Maginot. Le temps de resserrer sa cravate et de fumer une cigarette, il alla les saluer avec le sourire, afin de les désarmer, et leur tint le discours habituel dans ces circonstances.

« Mesdames (elles étaient quatre, une grande brune de vingt ans à l’air endormi, et trois quadragénaires pleines d’espoir), Monsieur (le monsieur en question n’avait plus beaucoup de dents mais souriait quand même à tout le monde), je vous remercie pour votre ponctualité. Malheureusement, on ne me permet pas d’ouvrir une session de formation sans un minimum de six participants sur quatorze convocations. C’est une contrainte administrative, mais vous comprendrez que le quota imposé est motivé par des raisons budgétaires. Pôle Emploi paie par paquets de six demandeurs d’emploi, et on ne peut rien y faire… »


Évidemment, ce discours était tout à fait borderline , et si jamais il en revenait des bribes aux tout-puissants conseillers de l’Agence, Paul pouvait envisager une reconversion dans le BTP. Toutefois, il n’en pouvait plus de déguiser la vérité. Pendant qu’il reprenait sa respiration, il observait leurs réactions.
Le sans-dent [1] tentait de donner son opinion à sa voisine la plus proche qui penchait du côté opposé en fronçant les sourcils. On sentait bien que cet homme-là devait avoir une vie sociale proche de celle des flétans. La jeune fille, qui avait une tête de vendeuse en prêt-à-porter, se permettait des grimaces et des soupirs destinés à faire savoir qu’elle avait déjà tout vu et s’attendait bien à ce genre de coup bas de la part de l’administration. Les deux dernières, qui étaient arrivées les premières et avaient donc déjà créé un embryon de complicité, se concertèrent et demandèrent à poser une question, comme à l’école, en levant un index. Paul hocha la tête en signe d’approbation.
« Alors qu’est-ce qu’on fait maintenant ? » dit la blonde au nom de la rousse, et prenant les autres à témoin.
« Vous remboursez le parking, au moins ? » ajouta celle qui essayait de se défaire du seul mâle du groupe.

Paul savait pertinemment que cette question serait posée, et sa réponse était toute prête, avec l’ironie que nécessitait ce genre de remarque : « Si vous apportez vos justificatifs de déplacement à Pôle Emploi, ils vous rembourseront certainement ! Vous gagnerez même une petite prime ! Plus sérieusement, je vais quand même vous expliquer en quoi consiste l’accompagnement, et vous pourrez ensuite demander à être réorientés si vous le souhaitez. Vous êtes en effet libres d’adhérer ou non à la prestation. Pour ce matin, comme le nombre requis n’est pas atteint, je ne vous prendrai qu’une demi-heure, vous demanderai de signer la feuille de présence, pour votre bien plutôt que pour le mien, et si vous en manifestez l’envie, alors nous nous reverrons dans un mois ou deux… »
La blonde laissa alors échapper un véritable cri du cœur, « Mais c’est incroyable que sur quatorze on soit à peine cinq ! Il n’y a donc personne qui cherche du boulot dans ce pays ? Moi je veux le faire cet accompagnement ! C’est vous qui nous trouvez du boulot, n’est-ce pas… ? »
What else ? pensa-t-il. Un nouveau membre rejoignait le fan-club. Paul leur sourit donc, avec un petit regard appuyé pour la blonde, expliquant rapidement l’objectif des entretiens pendant les trois mois de l’accompagnement. Il y aurait des ateliers de techniques de recherche d’emploi, un bilan de compétences ainsi que des tests psychotechniques. Le pied, selon les trois quadragénaires, conquises par les manières du conseiller. L’autre fille, par contre, s’en foutait royalement et attendait en grimaçant d’être libérée. Quant au sans-dent, il saisit l’occasion au vol pour leur raconter sa vie. Il était SDF depuis peu, au chômage depuis trois ans, vivait du RSA et n’avait qu’un désir, retravailler. Il était manifestement de bonne volonté, même s’il rêvait. Paul aurait bien voulu lui obtenir une participation à une émission de téléréalité sur le relooking, car dans l’état actuel des choses, il n’avait aucune chance de retrouver un emploi. Encore moins celui qu’il visait : réceptionniste d’hôtel. Il lui demanda d’ailleurs si l’État ne pouvait pas financer ses travaux dentaires, car il était conscient que la première compétence professionnelle du réceptionniste, c’était son sourire. Paul secoua la tête, admirant le courage de ce pauvre gars qui n’avait pas honte d’évoquer ses chicots devant les dames. Enfin, il ne devait pas non plus se faire trop d’illusions sur son sex-appeal, et devait certainement considérer n’avoir plus rien à perdre.
« Il faut que je m’en sorte, » leur confia-t-il, « j’ai même arrêté de boire… »
Heureusement pour le groupe, le flot des confidences fut stoppé net par la secrétaire, qui frappa à la porte avant de faire signe à Paul de la rejoindre. Elle lui murmura à l’oreille qu’une sixième personne venait de se présenter. 9h52. En général, Paul renvoyait les retardataires chez eux s’il atteignait son quota, mais là il n’avait pas le choix. Consigne de la direction d’ un job pour la vie : faire du chiffre, donc gonfler les flux. Il le fit donc entrer, et les visages s’éclairèrent dans la salle.
« On va pouvoir le faire ! » s’écria la rouquine, au comble de l’enthousiasme.
Ils en avaient même oublié le retard monstrueux de leur camarade, que Paul fit asseoir en le mettant à l’aise, avant de proposer de lui faire un rapide résumé de son précédent discours. S’il était d’accord pour participer à l’accompagnement, on serait bien six et on pourrait commencer à bosser. Les femmes rirent de la piteuse plaisanterie de Paul, pour attirer son attention. L’édenté aurait pu être Einstein, elles auraient continué à le snober.
Il récapitula donc son speech et le retardataire l’interrompit quand il en arriva à la durée de l’accompagnement.
« Il faut rester trois mois ? » lui demanda-t-il, soudain inquiet.
« Oui, » fut la réponse, « à moins que vous ne trouviez un emploi ou une formation avant le terme. »
« On peut pas faire ça en une journée ? » ajouta-t-il comme s’il marchandait un tapis.
Paul se permit un rire cynique. « Pôle Emploi me demande de vous suivre pendant trois mois, et croyez-moi, c’est ce qu’il faut pour un bilan de compétences. » Du grand n’importe quoi. Ce n’était en réalité ni plus ni moins que du flicage. Alors le dernier arrivé, sur lequel reposaient les espoirs du groupe, car même la plus jeune avait après réflexion décidé que ça ne pouvait pas lui faire du mal, tourna ses paumes vers le plafond. Bras écartés, mains ouvertes comme les plateaux d’une balance, il informa le groupe qu’il ne pouvait pas. Ses vacances étaient déjà prévues, et il ne pouvait pas changer les dates.
Paul lui proposa donc un compromis, comme souvent. S’il devait partir 15 jours, on pouvait toujours reporter la date d’un entretien, l’arranger et ainsi arranger tout le monde. Le chômeur répondit par une moue dubitative.

« Mais moi je pars au bled pendant deux mois, je ne peux pas faire votre truc ! C’est pas mieux si je reviens après ? »
Non. Non, Monsieur. Ils partirent donc sans qu’aucun contrat d’accompagnement ne soit conclu. La blonde s’en alla la dernière, car elle voulait toutefois faire remarquer à Paul que ce pays allait droit dans le mur. « Vous vous rendez compte qu’à cause de cet étranger-là, on est cinq personnes de lésées ! Et lui il part en vacances à nos frais ! Tous les mêmes ! Moi je vais leur dire à Pôle Emploi, qu’il y en a certains qui ne veulent pas travailler et simplement toucher le fric ! » Et elle secouait sa permanente et on ne voyait que ses racines noires et les rides derrière ses oreilles surchargées de bijoux clinquants. Son décolleté attira

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