À la poursuite de Roger
102 pages
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Description

Un jeune Irlandais, élevé dans un quartier mal famé de Limerick par une mère de substitution tyrannique, quitte son pays pour parcourir le monde, à la recherche de son vrai père. Il traverse de nombreux pays aux noms curieux : le pays des Familles, le pays de la Mobilité, le pays du Temps Jadis... Bientôt, le jeune homme s'aperçoit qu'il est lui-même poursuivi. Ce roman emporte le lecteur dans un monde surréaliste. Il se présente comme un conte pour adulte qui comporte dans chaque chapitre des clés, dont chacune ouvre sur une critique de la société occidentale.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 20 juillet 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342053807
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0056€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

À la poursuite de Roger
Philippe Laperrouse
Mon Petit Editeur

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Mon Petit Editeur
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
À la poursuite de Roger
 
1.
Il paraît que Robber Street, une rue qui traversait un quartier pauvre de Limerick, a été détruite, ce qui ne serait pas une grande perte. A-t-elle jamais existé ailleurs que dans mon imagination ? C’est tellement loin, tout ça.
L’artère était bornée d’un côté par l’église et la cure du père Flaherty, et à l’autre extrémité par le poste de police du principal Lawson. Deux endroits où il fallait rendre des comptes. Entre les deux, on ne rendait pas de comptes, on les réglait.
Le décor ne supportait aucun élément d’esthétisme : des trottoirs défoncés ou pas de trottoir ; des maisons de brique, aux façades défraîchies dans le meilleur des cas, carrément disloquées pour beaucoup d’autres. Le tout dans une atmosphère sombre, car le soleil pénétrait rarement dans la rue, ou alors de biais, lorsque la brume nous oubliait.
Dans les foyers, des « affaires »… On faisait des « affaires » de toutes sortes. Plus ou moins légales, bien entendu. Personne ne se sentait concerné par le concept d’emploi régulier. Le taux de chômage était incalculable. Il valait d’ailleurs mieux ne pas se risquer à le quantifier. Le comptable aurait découvert que le nombre de bénéficiaires d’allocations sociales était nettement supérieur aux personnes en âge de travailler.
J’y ai passé les dix-huit premières années de ma vie sous la coupe de Margaret Callaghan qui gouvernait en maîtresse sur le côté impair de la rue avec la bénédiction du révérend Flaherty. Quelqu’un m’apprendra plus tard que l’Église incline toujours vers celui qui fait régner l’ordre.
Traverser la chaussée, c’était prendre le risque de se confronter aux « bandes ». Ce qu’on appelait les « bandes », c’étaient divers groupes de malfrats, aux compositions incertaines et mouvantes, qui s’occupaient, eux aussi, « d’affaires », mais d’une manière complètement désordonnée, alors que les nôtres, sous la férule de Margaret, ne toléraient pas l’improvisation.
Margaret était ma mère. Enfin, c’est ce qu’elle disait puisqu’elle prétendait m’avoir élevé grâce à une éducation dont j’ai encore du mal à percevoir les fondements.
Sa silhouette plus que ronde et sa voix puissante terrorisaient la moitié enfantine de la population, tandis que les adultes ne l’approchaient qu’avec respect et déférence. Elle dirigeait sans partage son réseau d’hommes de main (qui pouvaient être des femmes) : les uns étaient spécialisés dans le vol à la tire, les autres dans l’importation de contrefaçons. Lorsqu’un « équipier » atteignait une expérience suffisante, il pouvait envisager de trafiquer dans l’immobilier et même, pour certains – les seigneurs –, passer au braquage de banques.
J’ai un peu chapardé. Pas beaucoup. Margaret n’était pas contente de moi. Plutôt que de parcourir les boulevards à la recherche d’un sac à arracher, je préférais aller à l’école. Margaret Callaghan en était outrée.
— Non, mais d’où il vient, celui-là ?
Il n’était pas question d’interroger Margaret sur le début de ma vie, et encore moins sur l’identité de mon géniteur. J’ai dû me débrouiller par moi-même pour avoir un commencement d’idée de l’endroit et des personnes qui m’avaient vu naître.
La question de ma filiation me taraudait. Je ne pouvais pas admettre de ne rien connaître de mes parents. D’autant plus que rien n’indiquait qu’ils fussent décédés.
Je savais que la seule force institutionnelle capable de s’opposer à la dictature de Margaret était le père Flaherty, aussi m’étais-je inscrit dans les « petits papiers » de l’ecclésiastique, ne manquant pas une occasion de lui rendre service. Si une trace de ma naissance existait, j’avais acquis la certitude que le révérend Flaherty la détenait. Très assidu aux célébrations du prêtre, je bénéficiais de sa confiance et des clés de la cure. Un mercredi de mai, je profitai d’une de ses visites à l’évêché pour fouiller dans les tiroirs de la cure.
C’est là que je découvris Roger. J’étais décidé à tout entreprendre pour avoir mon père, un jour, en face de moi. Sachant que le temps viendrait de passer à l’action, j’avais mis de côté un peu d’argent mal gagné, sans en parler à ma « mère » qui s’était autoproclamée la seule et unique banquière de notre côté de la rue. Il était temps que ma cagnotte serve à quelque chose.
Ma trouvaille dans les archives de la paroisse eut lieu le 4 mai. Je quittais Robber Street dans la nuit du 11 au 12, avec mes économies, sans avertir personne.
2.
Le pays des Familles est coincé entre la mer et la montagne. D’après les documents du curé, c’était là que vivait Roger… ou qu’il avait vécu.
La géographie des lieux avait paru idéale aux premiers colons qui avaient vu dans cette disposition le moyen de faciliter les vacances des ménages. L’été sur la plage, l’hiver sur les pentes.
La vie familiale était ici la vie « normale », le célibat une anomalie. Et la vie « normale » se caractérisait par l’unicité de l’adresse postale des deux membres du couple qui devaient ne pas être du même sexe. Cette dernière condition avait profondément contrarié les services de l’ONU qui avaient mis le pays de la Famille dans sa liste noire des États qui comprenait les territoires hostiles au mariage des homosexuels, ainsi que – mais pour d’autres raisons – les refuges pour terroristes internationaux.
Dans le pays des Familles, le régime politique était d’une rigueur impitoyable. Toute déviance était détectée par un escadron d’enquêteurs spécialisés. Les fautifs étaient déférés devant les juges qui décidaient des sanctions pouvant aller jusqu’au bannissement.
Pour être admis, les immigrants devaient se présenter en couple et être suivis d’un enfant ou plus, ou encore avoir au moins l’espoir de donner le jour à un nourrisson prochainement.
Le franchissement de la frontière était sévèrement contrôlé. Dès mon arrivée, je fus dirigé vers un centre spécialisé où mes motivations furent examinées pendant trois semaines. Plusieurs formateurs se relayèrent pour m’inculquer le « credo » de l’État. Ils répétaient à l’envi la devise nationale : « Il n’est de richesses que d’hommes ». Certains attribuaient cet aphorisme au philosophe Jean Bodin, d’autres à Montesquieu. Je retins de ce bourrage de crâne que, selon les institutions de ce pays, le seul investissement qui vaille consiste à éduquer des enfants. Et pour avoir des enfants, il fallait disposer de couples féconds.
Introduire un célibataire représentait un risque pour les autorités. Laisser entrer un homme sans attache familiale, aux mœurs excentriques et joyeuses, susceptibles de mettre en évidence les avantages de la vie en solitaire, était tout bonnement inenvisageable pour les services de l’immigration.
Je dus passer devant plusieurs fonctionnaires sourcilleux qui détaillèrent longuement mon curriculum vitæ, mon apparence et ma tenue vestimentaire. J’avais compris qu’il fallait se comporter de manière polie et sobre et qu’il était préférable de s’habiller « classique » pour ne pas exciter la jalousie d’hommes ou de femmes qui auraient pu être attirés par les attributs d’une attitude « originale ».
Évidemment, je gardais pour moi les réflexions que m’inspirait cet ostracisme à l’égard des personnes sans conjoint. Décidément, le rejet des différences ne connaissait pas les latitudes.
L’officiel qui me remit enfin mon laissez-passer m’invita solennellement à ce qu’il appela une « modération comportementale ». Son nom : monsieur Chichinou. L’homme au visage rougeaud et à la moustache morveuse, commis à l’accueil des nouveaux venus, m’attribua de mauvais gré un visa d’entrée pour deux mois, avec une condition sine qua non de taille. Je dus accepter d’être accompagné dans tous mes déplacements de Josiane, une hôtesse chargée de veiller à mon attitude. Toute tentative de vanter les mérites de la solitude serait automatiquement synonyme de mise à la porte de ce petit « paradis ». De même, arborer un air satisfait que les familles pourraient interpréter comme un contentement de mon état de célibataire ferait également l’objet d’une sanction. La vie humaine est quelque chose de sérieux, c’est justement pour ça qu’il faut que chacun se consacre à sa reproduction.
Contrairement à ce que je craignais, Josiane ne se révéla pas d’un abord désagréable. Dans un autre monde, on aurait pu la confondre avec un mannequin de mode. Grande brune, elle avait des yeux d’un bleu à mourir. Mince et souple, elle avait réussi à faire trois enfants à Armand, l’homme qui l’attendait au foyer tous les soirs.
Ma « coach » me mit au courant des mœurs locales. La famille était la cellule de base, c’était un axiome indiscutable et indiscuté. Néanmoins, chaque adulte pouvait s’adonner à la bigamie ou à la bi-andrie. Les sociologues homologués par le gouvernement considéraient qu’il y avait là le moyen de consolider le lien conjugal, à la condition expresse que le « fautif » ne révèle pas son infidélité à son partenaire officiel. Selon leurs travaux, cultiver l’interdit et l’hypocrisie était une attitude qui permettait de pimenter la vie d’un ménage, ce qui était favorable au développement personnel de ses membres et donc au bien-être du couple.
Josiane conclut qu’il m’était possible et même recommandé de la draguer pour ne pas choquer les autochtones que nous allions rencontrer. Une attitude empressée mais respectueuse de ma part serait bien vue.
Je la remerciai de sa proposition, mais lui précisai que je préférais me concentrer s

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