À la folie
182 pages
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À la folie , livre ebook

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Description

Qui n'a pas rêvé un jour de quitter la « normalité » ? Un quotidien d'une banalité affligeante ? Pas vous ? Moi, si. Souvent. C'est presque pathologique à ce point-là. La folie des grandeurs. Mais obligations familiales et professionnelles oblige, je n'ai jamais osé. Alors, j'ai inventé des personnages pour le faire à ma place. C'est lâche me direz-vous... J'en conviens : j'ai fait avec les moyens du bord et je dois avouer que cela a un peu débordé, parfois, c'est même assez scatologique mais parfois, c'est tendre, c'est humain, c'est plein d'espoir et ça donne envie de se poser des questions et de ne pas tout accepter. Vous voyez ? Approchez-vous. Vous n'avez rien à perdre.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 10 décembre 2015
Nombre de lectures 5
EAN13 9782342046267
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0071€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

À la folie
Az in a L a d ra a
M o n P e t i t E d i t e u r
Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Mon Petit Editeur
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
À la fo lie
 Nous sommes tous obligés pour rendre la réalité supportable d’entretenir en nous quelques petites folies. »
Marcel Proust
 Les choses les plus belles sont celles que souffle la folie et qu’écrit la raison. Il faut demeurer entre les deux, tout près de la folie quand on rêve, tout près de la raison quand on écrit. »
André Gide
 C’est bien la pire folie que de vouloir être sage dans un monde de fous. »
 C’est une grande folie que de défier sans raison l’intelligence d’autrui. »
Erasme
Boccace
 Une question parfois me laisse perplexe : est-ce moi, ou les autres qui sont fous ? »
Etc., etc., ce sujet a intéressé tant d’illustres personnages, même moi.
Albert Einstein
«»Ps y c h o tiq u e Aujourd’hui, maman s’est énervée. D’habitude, elle est gentille. Surtout avec les gens qui ont des blouses blanches. Elle me dit souvent qu’il faut toujours respecter les gens qui ont fait des études parce qu’ils se sont cassé la tête plus que nous et que comme ils s’occupent des gens comme nous, il faut bien faire tout ce qu’ils veulent. Pour notre bien. Avaler ses médicaments sans faire semblant de glisser un comprimé sous la langue et de le recracher quand la personne part par exemple parce que ça, c’est pas du tout honnête et de toute façon c’est pour notre bien les remèdes parce qu’après je deviens comme maman n’aime pas et moi je veux qu’elle m’aime. Je n’ai plus qu’elle parce que papa, je l’ai trop énervé, alors il est parti. C’est pas maman qui me l’a dit ça. C’est Julie ma petite sœur, un soir que je lui avais tordu sans faire exprès sa poupée. Elle m’a dit que j’énervais tout le monde avec mon corps de grosse et mon ciboulot de pois chiche. Alors je me suis mise toute nue dans la chambre et là, Julie a eu peur de se faire gronder par maman alors elle m’a dit que c’était pas de ma faute et elle m’a demandé de m’habiller. Moi je savais plus quoi faire. Pourquoi elle me parlait de papa. « Le diagnostic est posé, madame, et je sais combien il est difficile de l’admettre : psychotique. Non, non, nous hésitions mais votre fille n’est pas maniaco-dépressive, pas schizophrène non plus… Non ce n’est pas génétique et l’état actuel de la science ne permet pas d’évaluer encore et elle ne pourra peut-être jamais affirmer quelle est la part du génétique dans cette affection… » « Et bla bla bla… » Ma parole, je n’avais jamais vu maman s’énerver comme ça. Le médecin, il ne savait plus quoi dire alors il l’a fermée et a marqué plein de médicaments sur son ordonnance. Alors là, j’ai rien compris : maman qui passait sa vie à vouloir que je prenne bien tous les remèdes… Là, elle hurlait que c’était les médecins qui étaient fous, qu’ils me donnaient des doses de cheval qui me zombifiaient, etc. J’ai pas tout entendu parce que j’avais mal à la tête. Le docteur est devenu tout rouge et j’ai bien vu qu’il allait s’énerver lui aussi. Ma mère a pris l’ordonnance rageusement. Elle a même plus cherché à comprendre ce à quoi ils servaient. Elle a quand même dit merci et au revoir parce qu’il faut toujours dire « merci » et « au revoir » sinon c’est pas bien et on est rentré à la maison. Julie faisait ses devoirs sur la table de la cuisine. Je l’ai bien regardé en passant mais elle a même pas demandé ce que j’avais. Je lui ai dit que c’était pas grave d’être toute nue et que moi ça me faisait rien d’être toute nue. Elle m’a même pas regardé. Je suis allée lui faire un bisou de crapaud-princesse sur la joue et j’ai bien appuyé. J’aime pas quand Julie fait comme si elle ne me voyait pas. Maman ne lui a rien dit. Elle est montée dans la salle de bain. Je lui ai demandé si elle aussi c’était pas grave qu’elle se mette toute nue. Elle m’a dit « non » avec un sourire tout triste… D’habitude, maman est jamais énervée et jamais triste, elle rit beaucoup avec moi mais ces derniers temps, quelque chose a changé. Même Julie, elle joue moins avec moi. « Et on vous balance ça sans explication ». J’ai entendu derrière la porte maman qui parlait toute seule. Moi, alors, pour que maman ne soit pas trop triste, je suis redescendue et j’ai demandé à Julie de chercher sur Internet. Julie, elle est intelligente… Jeune et normale aussi. Elle a accepté, elle avait fini ses devoirs. J’ai pas bougé, j’ai bien attendu que le résultat s’affiche sur l’écran. Julie m’a bien expliqué que ça servait à rien de s’énerver devant un écran alors j’ai bien attendu bras croisés. Elle a cherché sur internet. Elle voulait comprendre sans poser des questions au psy. C’est marrant, c’est la même racine ! Julie, elle ne lui fait pas confiance, elle dit qu’il est bizarre. « À force de ces fréquentations. » Alors quand elle dit ça, on se paie un de ses fous rires et après on compte les steaks qu’on a mangés parce qu’un éclat de rire, c’est un bon steak avalé. J’adore l’idée et un végétarien qui rigole, ça fait
combien de touffes d’herbes et au mot « touffe », on rigole encore plus mais Julie cette fois a l’air bien sérieuse et me lit le résultat des psychotiques. Je ne sais pas si chercher des définitions me permettra de guérir. Je ne suis pas toute seule : 1,2 % de la population. Julie s’amuse et met ses mains en forme de haut-parleurs : « Attention. Attention. Votre voisin en est peut-être un, d’extraterrestre, mais la particularité de cet animal-là est qu’il sévit bien sur la planète Terre mais un peu à gauche, à côté, en bordure. J’en connais plein qui sont comme ma grande sœur. Je ne vois pas ce qu’il y a de choquant. » Elle continue comme une folle, maintenant, elle crie. Si maman l’entend. Je tends l’oreille mais elle prend toujours sa douche. « Bref, la classification des psychoses échappe paraît-il aux plus grands pontes et puisqu’il faut mettre les gens dans des tiroirs bien proprets qui rassurent, on trouve de nombreux signes cliniques et paranormaux. Donc, l’individu psychotique présente un certain nombre de symptômes et ne ressemble à aucun autre. C’est un être original qui fréquente quand même la vraie vie. Et parfois, il beugue. » Et là Julie me ressort quand je me suis mise toute nue et éclate de rire. Et elle continue à expliquer ce que je fais : « Et parfois, il parle trop, il entend des voix qui lui disent des trucs transcendants : il doit remplir une mission mais il ne peut pas la confier au commun des mortels. Parce que. Je ne peux pas vous dire si ma sœur est comme ça. Oui, elle fait des rêves mais tout le monde rêve ; sinon, on ne tiendrait pas le coup dans la vraie vie. Le rêve, c’est un peu le caca qui sort en sous-marin et quand c’est une grosse bouse, ça s’appelle un cauchemar et quelquefois, c’est comme un rêve éveillé. Question de frontières. Ça ne me plaît pas du tout d’entendre tout ça sur internet. Julie arrête le jeu parce que je répète le mot « caca » et maman ne veut pas que je dise n’importe quoi et ma petite sœur me dit que je suis tout à fait capable d’être gentille et de comprendre des choses. Sauf quand notre voisine elle fait du bruit. Elle a la manie de claquer les portes et je n’aime pas la façon qu’elle a de me regarder mais à part ça, pas grand-chose à dire de ma vie. Je pars dans ma chambre, j’en ai marre de Julie. Des fois, j’ai pas du tout envie de parler, je reste là, assise. Je fais rien. J’ai envie de rien. J’ai des pierres sous mon lit, j’en jette une. En parlant de Pierre, l’autre jour, je l’ai croisé qui partait à la pêche et je lui ai demandé des informations sur ce soi-disant sport : il s’est fâché et ne m’a pas répondu. C’est dingue, ça ! Pour une fois que je m’intéressais ! Ah oui, j’ai aussi lu « dysfonctionnement du système dopaminergique ascendant diffus ». Et bien, ce genre de phrase, moi, ça me rend folle comme Julie et maman. Je le sais parce qu’elles en ont discuté dans la cuisine et j’ai tout entendu. Des fois, je me cache pour jouer, pour qu’elles me cherchent mais des fois elles me trouvent pas alors elles continuent comme si j’étais pas là. Elles disent qu’elles n’en peuvent plus. Mais pourquoi ? Julie a un copain et elle veut pas, elle peut pas l’emmener à la maison et maman lui dit de patienter, qu’un jour, ça ira mieux, que le traitement devrait permettre de réguler mes honneurs non c’est pas ça, mes humeurs. Je connais ce mot, Julie a des sautes d’humeur, un peu comme Jean qui rit Jean qui pleure dit maman. Moi, je veux pas les voir malheureuses. Je veux vite vite guérir. Je veux ramener le copain de Julie et faire un bisou crapaud-princesse au docteur. Alors, j’attends que Julie parte à l’école et que maman parte au travail et je vais à la pharmacie de la maison. J’ouvre toutes les boîtes comme ça je vais guérir vite, et Julie et maman, elles seront contentes et elles seront gentilles avec moi. Je commence à manger des ronds de toutes les couleurs et j’entends la porte d’entrée : c’est Julie qui crie qu’elle a oublié ses clefs. J’ai mal à la tête, j’entends plein de bruit… Elle est où Julie ? Elle est où maman ? C’est quoi ses murs tout blancs ? Et le docteur ? Celui sur qui maman s’est énervée… Ils m’ont emmené dans un atelier. J’ai des crayons pour dessiner. Je vais faire un beau dessin mais je me rappelle plus pour qui.
«Vo tre ma ri v e u t v o u s tu e r » J’entends frapper à la porte d’entrée. Qui peut venir à une heure pareille ? Bon, j’arrive, voilà, voilà, je descends. Deux minutes. — Voilà monsieur le commissaire tout ce que je me suis dit en descendant ouvrir et là… — Je vous écoute — Un papier, tenez, voilà « Votre mari veut vous tuer. » Vous trouvez ce message normal ? D’accord, des fois, on se dispute mais de là à souhaiter ma mort, c’est un peu poussé, non ? — Quelle est la nature de vos disputes ? — Comment ?! Si tous les couples qui se disputent finissaient moitié en taule, moitié au cimetière, ce serait gai et… — La vie n’est pas gaie. — Parlez pour vous mais dites, vous avez des problèmes ? Vous n’avez pas quelqu’un de plus gai dans ce commissariat parce que ça m’a fichu un coup et ce n’est vraiment pas la peine d’en rajouter ! — Et vous d’être insolente, calmez-vous. — Non. Sérieusement, qu’en pensez-vous ? — Vous avez des ennemis ? — Non ! Enfin, je ne pense pas. Je n’ai jamais fait de mal à personne. J’essaie d’être correcte avec tout le monde, c’est pas toujours facile mais je m’y tiens, c’est un principe et… — Bon. Essayez de vous rappeler votre journée d’hier. — Rien de spécial. On a déposé les enfants chez sa mère. Il était comme d’habitude. — … — Comme d’habitude, il ne parlait pas, c’est toujours moi qui parle… — J’entends. — Oh vous croyez que c’est amusant, 17 ans de mariage pour en arriver là ? Vous accordez de l’importance à ce mot ou non ? Qu’est-ce qu’on fait ? Alors, vous le trouvez normal ? Qui pourrait s’amuser à ce jeu ? — Où êtes-vous allés ensuite ? — On devait aller au cinéma ensuite mais il avait du boulot, alors on est rentré. — Qu’avez-vous ressenti ? — Cette fois, je m’en fichais, je n’en avais pas tellement envie de son film, ça m’était égal. Un bon livre, un bon chocolat et au lit ! — Vous vous entendez bien ? — Quelle question ?! Pourquoi cette question ? Vous êtes marié ? Et vous, avec votre femme ? — Il ne s’agit pas de moi. Alors ? — Normal. Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ?! — Les statistiques montrent que c’est toujours dans l’entourage de la victime que l’on trouve le coupable et… — Quoi ?! Alors, vous pensez que c’est vrai. Comme ça, tuer quelqu’un pour rien. Pour des broutilles. — Quelles broutilles ? — Je ne pense pas que je mérite d’être tuée ! — Qui le mérite ? — J’en sais rien moi, les gros salopards, les tueurs d’enfants, les violeurs… Y’en a plein… Oh et puis, arrêtez de faire le philosophe. Allez, qu’est-ce qu’on fait ? Vous allez faire une analyse graphologique puisqu’il n’a même pas pris la peine de découper des lettres dans un journal.
— Il ? — Oui. Forcément. — … — Quoi ?! — Vous regardez trop la télévision, il n’y aura pas d’analyse graphologique. Madame, ce n’est que l’œuvre d’un plaisantin. Calmez-vous. Rentrez chez vous et tout ira bien… — Bravo ! Vous aurez ma mort sur la conscience ! J’ai donc pris congé de ce commissaire bizarre qui attendait que je crève pour réagir. J’avais encore plein de choses à faire dans la vie et je n’avais pas l’intention de me laisser faire. Que ce tordu essaye donc de m’approcher ! Je suis arrivée à la maison bien contente que les enfants n’y soient pas. Ma belle-mère les prenait une semaine en vacances, une aubaine ! J’avais décidé de faire bonne figure et je concoctai à mon cher époux son plat préféré et au dessert : une crème catalane et quelques chocolats « caramel et beurre salé », de quoi assouvir ses pulsions. Je ne voulais pas me mettre en frais pour le reste, cela m’aurait donné l’impression de faire entrer le loup dans la bergerie. Je l’ai donc regardé manger. Je suis devenue une experte dans l’art de ne rien laisser paraître. Il a semblé apprécié le repas – il a quand même fallu que je lui demande si c’était bon – il n’avait pas l’air d’être plus terrible que d’habitude. Lui, il avait le don de l’impassibilité. Cigarette, café. Comme d’habitude. Des devis devaient être bouclés. J’ai regardé la télé seule. Je ne me souviens plus du film mais à un moment, il a reçu un coup de fil, est allé sur le balcon et ça a duré, allez, au moins une demi-heure. Et j’aurais juré qu’au moment où je l’ai rejoint, il a fait exprès d’éteindre son portable. Il y a quinze jours, il a mis un code d’accès. Je n’avais pas trouvé cette manœuvre suspecte. Cet homme que j’aimais ne m’a pas embrassé en repassant par la cuisine. Il le fait presque toujours d’habitude. Cette nuit-là, j’ai décidé de tenir un journal où je consignerai tous les détails. Des preuves à charge, on ne sait jamais. J’avais un peu honte d’en arriver là mais je suppose que c’est par instinct de survie. J’avais mal à la tête, je ne comprenais pas pourquoi mon mari se comportait comme ça. Qui pouvait bien lui téléphoner aussi longtemps ? Pourquoi avoir changé son code d’accès ? J’avais si confiance… Je regardais la phrase, chaque mot de cette phrase : « votre mari veut vous tuer ». Il y avait un secret, un code à déchiffrer. « Votre mari veut vous tuer ». Analyse grammaticale : c’est un homme… Ou une femme, je ne sais pas pourquoi je focalise sur un homme. Une femme aurait peut-être rajouté « Attention, méfiez-vous » et signé « quelqu’un qui vous veut du bien. » Admettons. C’est un homme qui a de l’éducation. Il vouvoie. Il est un minimum lettré : phrase déclarative, ponctuée, sans faute d’orthographe. Il emploie l’indicatif, le mode de la réalité mais il utilise aussi un verbe de volonté et non un futur prophétique : « Votre mari vous tuera ». Il me reste une chance ! Il est concis. Une femme aurait été plus bavarde mais toutes les femmes ne me ressemblent pas. Non décidément, j’opte pour un homme. Peut-être qu’il en veut à mon mari. Qu’il veut se venger. Un rival au travail ? C’est probablement quelqu’un qui m’aime depuis longtemps et qui n’a jamais osé me le dire… Alors, il sème le doute, fragilise le couple… C’est ça, encore des films. Avec trois gosses, on va loin… ET SI C’ÉTAIT LUI… Mon propre mari qui – dans un accès de lucidité – me préviendrait que sa part sombre ne rêve que de me buter ! Je déteste ce mot « buter » : on a l’impression qu’on va s’écraser contre une butte en béton armé et que
rien ni personne ne viendra nous sauver. Je ne retournerai pas au commissariat avant d’avoir réuni des preuves. Si j’y retourne sans rien, je vais passer pour une pauvre fille. Pas question ! « – Ce soir, 1/11/2012 : annulation du cinéma. Coup de fil un peu trop long. Pas de baiser du soir. A raccroché ? – Le 2/11 : au matin, RAS. Ne prend pas la peine de manger, est à la bourre. Parle au téléphone en descendant les marches. Avec qui ? Est vêtu de noir. – Le 3/11 : je reçois des copines, ça me change les idées. Elles me demandent si ça va. On rigole sur les couples qui se prennent la tête. – Le 4/11 : C’est lui qui va chercher les enfants, je fais un gros goûter. Ils sont tous contents en arrivant. Pas de lueur criminelle dans ses yeux. – Le 5/11 : Il laisse traîner ses affaires, il ne fait pas la vaisselle. Il a l’air nerveux. – Le 6/11 : Je corrige toute la journée. Le père sort avec les enfants. – Le 7/11 : Le responsable légal ramasse le petit parce qu’il se tient mal à table… J’interviens pour minimiser l’affaire, il me ramasse aussi, il a le gros couteau pour découper le rôti. Il semble y prendre un malin plaisir et dit en rigolant qu’il va zigouiller tout le monde si on l’énerve. Les enfants se marrent. Mon cher époux a plein d’humour… – Le 9/11 : il faut que je me change les idées. Je fais du sport. Il me dit que je n’en ai pas besoin et il me propose autre chose pour perdre des calories. J’hallucine. Toute tentative de rapprochement n’est pour l’instant pas conseillée. Il ne manquerait plus que d’accepter d’être touchée par un homme qui plaisante avec un couteau. Je vais continuer à noter. Je dois continuer. – Le 10/11 : il ne m’adresse quasiment pas la parole. Je ne lui ai rien fait. – Le 11/11 : jour férié. Je lui propose d’aller faire un tour avec les enfants. Il refuse, me dit d’y aller toute seule. Il n’a pas le temps, il attend des coups de fils importants. La balade a été crevante. Les enfants n’arrêtaient pas de se chamailler. J’espère qu’ils ne se rendent pas compte que leur père change. Un moment, j’ai cherché à les embrasser, ils ont fui. – 12/11 : j’ai fait la cuisine toute la journée pour leur faire plaisir. Il m’a dit que mon pot-au-feu était trop salé. Je me suis couchée en larmes. Il a encore regardé un film très tard. – 13/11 : RAS. Je suis très fatiguée. Les enfants font trop de bruit. – 14/11 : j’en ai marre de ce journal. J’y comprends rien. Un moment, il est normal et tout de suite après, il dit n’importe quoi. Au boulot, ils parlent d’une grosse blague. – 15/11 : j’attends qu’il parte au travail et je téléphone au commissariat. Je tombe sur un gars qui met trois heures pour trouver le commissaire. Enfin, je lui explique tout au téléphone. Il a l’air de me croire cette fois. » Pourquoi ce revirement soudain ? Le commissaire voulait m’annoncer quelque chose de terrible. Alors il se radoucit comme pour parler à une enfant… Mais je ne suis pas une enfant. Je suis mariée, j’ai deux enfants. Tout va bien. Il faut que je comprenne, que je trouve des indices. Dans sa chambre… dans sa commode… ou alors dans la panière à linge sale. Il aura oublié un papier. Peut-être le même. D’autres papiers qui précisent comment… Pourquoi ? J’ai mal à la tête. J’ai chaud. Mais comment on en est arrivé là. Je ne lui ai rien fait. Je veux pas… Arrête… Je dois arrêter. En bas, la porte d’ouvre. Une voix : « Chérie, tu es là ? J’ai oublié ma sacoche. » Des pas qui montent l’escalier. « Qu’est-ce que tu fais ? Tu peux regarder si… » Le mari n’eut pas le temps d’achever sa phrase.
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