52 hommes à cause d une femme
88 pages
Français

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52 hommes à cause d'une femme , livre ebook

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Description

« Ymer Gourra s'en retourne au village et réunit les hommes de sa famille dans la chambre d'amis. — Asseyez-vous ! leur dit-il, et il les regarde un à un, comme pour les compter. Ils sont vingt, y compris le vieux et ses deux neveux, jumeaux de treize ans, les fils de Bon, l'aîné d'Ymer Gourra. Le patriarche glisse le regard vers le mur en face de lui, où sont pendus des fusils, la plupart désuets. Enfin, quand les autres ont déjà entendu la raison de cette réunion, le vieux de Gourra dit : — Ils viendront en abondance, les Kryézis, cinquante ou soixante fusils. Nous ne sommes pas autant. Mais Shaqir Kryézis nous veut tous exterminés, il nous est obligatoire d'appeler en renfort nos amis et nos cousins, partout où ils se trouvent, à partir de la Grande Escale jusqu'à Gerbellèche. » Une femme, deux hommes. L'inconscience et l'arrogance. Un dramatique accident et le début de la guerre... 1912, alors que les Albanais s'apprêtent à se soulever contre les forces ottomanes, un petit coin de montagne va s'embraser lorsque deux familles s'engagent dans une vendetta sans pitié... S'appuyant sur un arrière-plan chargé d'histoire, Hysen Sinani nous replonge avec brio dans une époque violente régie par les liens du sang et où la poudre fait loi : une chronique sociale aux airs de western, sèche et tragique.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 24 juin 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342052800
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0049€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

52 hommes à cause d'une femme
Hysen Sinani
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
52 hommes à cause d'une femme
 
Toutes les recherches ont été entreprises afin d’identifier les ayants droit. Les erreurs ou omissions éventuelles signalées à l’éditeur seront rectifiées lors des prochaines éditions.
 
 
 
Retrouvez l’auteur sur son site Internet :
http://hysen-sinani.societedesecrivains.com
 
 
 
1.
 
 
 
Des chiens de chasse poursuivent un lièvre à travers les broussailles d’un terrain accidenté à demi montagneux. Le chasseur, Tal Gourra, un jeune homme de vingt-cinq ans, suit la bête à la mire de son fusil. Le lièvre s’arrête un instant, haletant, comme pour décider de la direction qu’il faut prendre. Les chiens s’approchent de lui et il tombe dans leur jeu qui va l’amener au sentier où l’attend une mort sûre. Le chasseur tire et le lièvre se précipite sur une pente, poursuivi par les chiens qui se jettent sur lui.
Soule Gourra, le cousin de Tal, s’approche d’eux et prend le lièvre par les oreilles. Il le lève à sa hauteur et il serre les lèvres avec regret. Il le montre de loin à son cousin et, quand celui s’approche aussi, il lui dit :
— C’est hase et grosse. Il ne faut plus chasser jusqu’en automne.
— Je sais, avoue Tal. J’ai vu qu’elle était grosse avant de tirer. Mais le père dit que les lapines grosses ont la meilleure graisse pour les plaies de fusil.
Soule Gourra se tait. Il met la bête sur le tas de cinq ou six autres lièvres et s’essuie le cou avec son mouchoir.
Quelque part, derrière leurs dos, s’entend un trot de chevaux. Ils se retournent tous les deux et ils voient venir vers eux une vingtaine de jeunes chevaliers armés de longs fusils et vêtus du costume caractéristique de la ville d’Elbassan et de ses alentours. Devant eux se tient un homme d’une quarantaine, moustachu et avec un pistolet dans la ceinture, le fusil sur la selle du cheval. Il s’arrête en face d’eux et demande :
— Salut, les gars ! Pour aller à Tirana, c’est mieux de passer sur la rivière ou plus bas au sentier ?
— C’est mieux au sentier, répond Soule. Là-bas, maintenant, est plus facile pour les chevaux et ça prend très court.
— Merci, mon fils, dit l’homme qui regarde le tas de lièvres. Il sourit et il ajoute : Oui, je vois que vous êtes de bons chasseurs, mais ce n’est pas un peu tard pour continuer à chasser ?
Les chasseurs se trouvent un peu embarrassés, mais après un moment d’hésitation, Tal lève les yeux vers l’homme et lui dit :
— Monsieur, nous ne les tuons pas pour la viande ni pour la peau, mais pour notre père.
L’homme s’étonne :
— Pour votre père ? Et à quoi servent tant de lièvres à votre père ?
— Ils servent à soigner les plaies, répond Tal. Il fait des remèdes avec leur graisse, mon père, et il dit qu’à cette saison, ils sont très bons.
— Ah, oui ! fait l’homme. Mais qui est-il, votre père ?
— Il s’appelle Ymer Gourra, dit Tal. Il est toubib et, peut-être, vous avez entendu parler de lui…
— Mais si, mais si ! l’interrompt l’homme. Nous sommes de vieux amis et je me doutais que c’était bien lui… Mais qu’est-ce qu’il fait ? Il se tient fort, comme toujours ?
— Oui, il se tient fort, dit Tal souriant. Toute la journée sur son cheval, d’Elbassan à Shkodra, là où l’on cherche à soigner de graves plaies et de profondes blessures.
L’homme hoche la tête :
— Je sais, je sais. Je le connais bien et il me connaît aussi. Toi, quand tu seras de retour chez toi, tu lui diras que tu as vu Quiamil Vuchka et que Quiamil, avec ses gens, ses amis et d’autres patriotes, est parti pour Shkodra. Dis à ton père que l’on fait la guerre là-haut et que nous devons y aller… Fils d’Ymer Gourra, salut à ton père !
Il part, suivi des autres, mais Soule, prenant quatre lièvres par les oreilles, court devant et lui dit :
— Quiamil Vuchka, vous avez un long chemin à parcourir et vous devez vous reposer quelque part, acceptez ces lièvres !
L’autre remercie de la tête et fait signe au garçon à son côté de les prendre.
Ils s’en vont. Tal et Soule les regardent s’éloigner derrière les arbres le long de la rivière. Par terre, du tas des lièvres, reste seulement la hase. Tal la regarde, pensif, puis il lève les yeux sur son cousin et il dit :
— Soule, il est encore le temps de chasser un peu. Qu’est-ce que tu en dis ?
Sans parler, Soule arme son fusil. Les chiens qui sont réunis auprès d’eux lèvent leurs oreilles, comme s’ils avaient compris que leur repos avait été provisoire.
— Allez, vite ! leur crie Tal et ils se jettent bruyamment à travers les broussailles.
 
 
 
2.
 
 
 
Les cousins Gourra s’arrêtent dans un lieu où tout est verdure, fraîcheur et arôme. Le gazouillement des oiseaux résonne sur les branches d’un très grand chêne comme une compétition infinie. Tal laisse par terre le sac de chasse, laisse aussi son fusil contre un tronc de chêne et s’étend sur l’herbe encore humide. Il s’appuie sur un coude et regarde la végétation peinte composée de taches blanches et jaunes par les fleurs abondantes. Il lève les yeux et leur couleur devient bleue comme le ciel qui se voit parmi les branches de l’arbre.
Soule ne s’assoit pas, il reste debout et semble avoir distingué quelque chose là-bas, sur le ruisseau qui coule en gargouillant :
— Tu vois ? dit-il. Les Kryézis ont construit une fontaine !
Tal reste indifférent à ces mots. Il est attiré par les miracles de la nature, par la fraîcheur de l’ombre qui caresse sa poitrine nue et son cou musclé.
— Nous ne sommes pas bien ici, continue Soule en tapant sur l’épaule du cousin pour attirer son attention. S’ils nous voient auprès de leur fontaine, ça peut mal tourner.
Tal le regarde étonné :
— Mal tourner ? Pourquoi ?
Mais Soule n’a pas le temps de s’expliquer. Aux miracles de la nature vient de s’ajouter un autre miracle, mêlant un rouge très fort aux couleurs des fleurs. C’est une jeune femme portante un foulard rouge avec des taches noires, un gilet rouge avec des taches jaunes, des dimits rouges avec des taches blanches et aussi deux cruches rouges avec des lignes d’or au col. Elle est belle, toute rouge, parsemée d’autres couleurs, comme la végétation de la prairie au-dessus du torrent.
Tal Gourra se lève d’un bond et regarde, enchanté, la jeune femme. Si bien que Soule le prend par le bras et lui parle. Mais Tal sourit et lui fait signe de le laisser faire. Il suit curieusement les mouvements de la femme qui s’arrête à la fontaine. Elle se courbe et remplit une cruche ; elle se courbe de nouveau et remplit l’autre cruche. Elle se dresse, elle en prend une qu’elle met sur son épaule ; elle prend l’autre cruche et la met sur son autre épaule. Elle se retourne et elle s’éloigne en basculant légèrement à travers les touffes d’herbes.
Tal se tourne vers son cousin :
— Qui est-elle, Soule ?
Mais Soule ne répond pas tout de suite. Il semble hésiter. Enfin, il soupire, il lève les yeux sur son cousin et il dit :
— Cette femme a été ta fiancée, ton sort…
— Mon sort ?
Tal semble plutôt amusé que surpris. Soule est triste, il ne plaisante pas. Il soupire encore une fois et il dit :
— Eh bien, elle a été… Aujourd’hui elle est à autrui…
— Comment ça, elle est à autrui  ?
— Oui, elle est l’épouse du fils de Shaqir Kryézis.
— De Mourat ?
— Non, du cadet, de Nouri.
— De Nouri !
Soule hoche la tête en signe d’affirmation.
— Mais c’est vraiment un criminel et un sale type !
Ils se taisent tous les deux. Quelques tourterelles entrent, bruyantes, dans les branches du chêne. Soule hausse les épaules comme pour dire « que faire ? », puis il parle des Kryézis à son cousin :
— Ils ont fait beaucoup d’argent, une vraie fortune, dit-il. Quand elle, la fille des Alibègue, s’était promise à toi, les Kryézis n’étaient pas une famille nombreuse et pas riche comme aujourd’hui. Ils se sont multipliés comme des mouches. Ils ont acheté pour cinq sous les terres des Aliméhmète et, se sentant bien puissants, ils se sont jetés sur les Alibègue et ils se sont emparés de leur petite fille à la force des armes. La guerre entre nos familles a failli exploser, mais ton père et notre oncle, le sage Ymer, nous ont dit qu’il ne s’agissait pas d’une vendetta ; il s’agissait d’une mauvaise affaire que nous étions obligés d’oublier le plus tôt possible… Mais on ne peut pas oublier le mal causé par la honte… Et, tu vois, la plus grande honte maintenant retombe sur moi, qui n’ai pas su tenir la parole de l’oncle Ymer, de ne jamais te dire ce qui s’était passé… Eh bien, toi… tu es un homme, et un vrai homme comme toi sait bien se retenir…
Tal Gourra n’écoute plus. Son visage devient sombre et il se perd dans des souvenirs lointains. Il se rappelle vaguement les mouvements de son frère aîné Bon et des cousins qui cherchent à prendre leurs fusils et à descendre là-bas, parce qu’ils ont vu passer au sentier de la rivière leur ennemi que le petit Tal ne connaît pas. Il se souvient que Bon entre dans l’écurie et en sort furieusement, mais devant lui surgissent Ber, son frère, et aussi Soule avec le père Ymer qui lui dit : « Descends de cheval et retiens-toi comme un homme ! Est-ce que tu ne vois pas les enfants ? » Et il lui montre d’un signe de tête Tal qui n’a pas encore douze ans et les autres enfants qui regardent, curieux, sans savoir ce qui se passe. Le vieux de Gourra monte ensuite l’escalier vers la chambre des hommes et les autres le suivent. Les enfants, restés seuls, commencent à discuter :
— Mon Lale s’est fâché parce que l’on a chanté...

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