Paris et les Parisiens en 1835 , livre ebook

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Extrait : "Le plus beau sermon que j'aie entendu depuis que je suis à Paris, et le plus beau peut-être que j'aie jamais entendu prêcher, est celui que l'abbé Duguerry prononça hier à Saint-Roch. Il était fait pour profiter à toutes les âmes chrétiennes, de quelque secte ou dénomination que ce puisse être."

À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN

Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de qualité de grands livres de la littérature classique mais également des livres rares en partenariat avec la BNF. Beaucoup de soins sont apportés à ces versions ebook pour éviter les fautes que l'on trouve trop souvent dans des versions numériques de ces textes.

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Nombre de lectures

20

EAN13

9782335091854

Langue

Français

EAN : 9782335091854

 
©Ligaran 2015

Préface
Depuis que l’homme a commencé à écrire et à lire ; je dirai plus, depuis qu’il a commencé à parler, la VÉRITÉ, l’immortelle vérité a été l’objet d’un culte ostensible de la part de tous ceux qui ont lu et de tous ceux qui ont écouté ; elle est incontestablement révérée avec sincérité par tout le genre humain, et pourtant dans les détails de leur conduite journalière, la majorité des hommes souvent la prennent en haine et supportent la douleur physique, les contrariétés, les chagrins, avec plus de patience que sa respectable voix, du moment où elle ne répond point à leur propre opinion.
Les préventions s’emparent généralement de l’esprit avec plus de force que ne peut en acquérir le raisonnement le plus clair et le plus évident par lequel on cherche à les détruire, et quand il arrive que ces préventions s’unissent à un désir sincère d’avoir raison, on les prend pour des principes, et dans ce cas les tentatives que l’on fait pour les ébranler sont non seulement regardées comme une folie, mais encore comme un crime.
Fortement convaincue de ce que je viens de dire, il a fallu de ma part un certain courage moral pour publier ces volumes, car ils ne sont conformes à l’opinion de personne, et ce qu’il y a de pis, c’est qu’il s’y trouve bien des choses qui pourront être considérées comme en opposition même avec la mienne. Si avant d’aller à Paris j’avais écrit un livre pour défendre les opinions que j’avais sur l’état de la France, il aurait différé en bien des points de celui que je donne aujourd’hui au public ; mais en profitant des dernières occasions que j’ai eues de voir des personnes distinguées de toutes les classes, j’ai appris bien des choses que j’ignorais profondément, comme tant d’autres personnes les ignorent encore. J’ai trouvé le bien où je m’attendais à voir le mal ; la force où je croyais rencontrer la faiblesse, et la prévoyante sagesse de prudents législateurs, travaillant à la prospérité de leur pays, au lieu des indigestes théories d’un gouvernement révolutionnaire, ne montrant de l’activité que quand il s’agit de conduire en aveugle la populace trompée qui met en lui sa confiance.
Le résultat en a été chez moi d’abord de l’incertitude, et puis un changement d’opinion, non pas en ce qui concerne les lois immuables qui doivent régler la succession héréditaire ou le regret qu’il ait jamais été jugé nécessaire de violer ces lois ; mais sur la manière la plus sage de gouverner la nation française, telle qu’elle est maintenant située, afin de réparer les graves maux qui lui ont été causés par de précédentes convulsions, et empêcher qu’elle ne soit exposée au danger de les voir se renouveler dans l’avenir.
Il est impossible de douter que le gouvernement actuel de la France ne s’occupe avec constance, sagesse et courage, de ces objets ; et les personnes qui prennent le plus à cœur la cause sacrée d’une autorité bien réglée, chez toutes les nations de la terre, devraient être les premières à rendre témoignage de cette vérité.

London, décembre 1835.
Lettre LVI

L’abbé Duguerry. – La Prédication impromptu. – Simplicité du culte à Paris, en comparaison de la Belgique. – Bibliothèque de Sainte-Geneviève. – Les copies d’écriture du grand Dauphin. – La prétendue fille de Marie-Stuart. – Saint-Étienne-du-Mont.
Le plus beau sermon que j’aie entendu depuis que je suis à Paris, et le plus beau peut-être que j’aie jamais entendu prêcher, est celui que l’abbé Duguerry prononça hier à Saint-Roch. Il était fait pour profiter à toutes les âmes chrétiennes, de quelque secte ou dénomination que ce puisse être. Il ne s’y trouvait pas la moindre allusion aux doctrines particulières de l’Église, et il serait à désirer qu’un soi-disant incrédule pût être forcé d’écouter un pareil sermon pendant que les yeux d’une assemblée chrétienne seraient fixés sur lui. Il serait profitable de voir un tel être se replier et se débattre dans son arrogante impuissance et d’observer comme le mot le plus simple peut l’humilier.
L’abbé Duguerry est un jeune homme qui ne paraît pas avoir trente ans, mais qui a reçu de la nature un talent que de longues années peuvent seules, d’ordinaire, porter à la perfection. Son éloquence est précisément ce qu’elle doit être, car elle a pour but d’être utile à ceux qui l’écoutent, plutôt que d’augmenter la réputation de l’orateur. Quelque nombreuses que fussent ses périodes, j’étais certaine, en l’écoutant, que leur rythme harmonieux n’était nullement le résultat de l’étude, mais l’effet d’une oreille parfaitement juste et d’une connaissance approfondie que l’orateur déployait même sans s’en douter. Il avait étudié la matière de son discours, il avait étudié et profondément pesé ses arguments ; mais quant à son style, c’était un pur don du ciel.
Les prédications impromptues m’ont toujours paru des entreprises terriblement présomptueuses. Toute assemblée de fidèles a le droit d’exiger qu’on lui présente des pensées bien digérées, des expressions choisies avec soin, et des arguments consciencieusement examinés, quand on l’entretient de sujets d’une si haute importance, avec l’autorité d’un ministre de l’église ; et il est bien rare que l’on puisse remplir toutes ces conditions sans une étude spéciale. Cependant, en écoutant l’abbé Duguerry, je me suis convaincu que, quand un homme possède un talent vaste et d’une nature toute particulière, et qu’il y joint de bonne heure une pratique constante, il lui devient possible de parler à ses frères sans être coupable de présomption, même quand il n’aurait pas d’avance écrit son sermon ; mais peut-être parlerais-je plus correctement si je disais : sans le lire, car il est difficile de croire qu’une si belle composition fut absolument impromptu.
Il ne perdit pas un instant de vue son but, qui était de prouver la faiblesse et l’insuffisance de l’homme, privé de la révélation et de la foi religieuse. Pour le démontrer il n’employa pas de grands mots vides de sens, pas de répétitions, pas de fleurs de rhétorique depuis longtemps usées : sa voix était celle de la vérité, parlant le langage d’éloquence universelle que toutes les nations, toutes les croyances, doivent sentir ; et elle coula avec la même beauté, la même clarté et la même vigueur, depuis le commencement jusqu’à la fin.
Arrivée depuis peu de la Flandre où tout ce qui a rapport au culte catholique présente une noble magnificence dont l’origine est évidemment espagnole, je suis ici dans une surprise perpétuelle à la vue de la simplicité des habits des prêtres et de l’absence de toute ostentation dans les églises de Paris. À la cathédrale de Notre-Dame, rien ne manque, à la vérité, pour mettre dans tout son jour la dignité archiépiscopale ; partout ailleurs, il y a beaucoup moins de pompe et d’éclat que je ne croyais en trouver. Mais où le relâchement de la dignité ecclésiastique est le plus remarquable chez le clergé de Paris, c’est dans l’apparence qu’offrent les jeunes prêtres que l’on rencontre parfois dans les rues. Les boucles ondoyantes, le chapeau rond, le pantalon, et quelquefois aussi les bottes, leur ôtent absolument toute ressemblance avec leurs graves prédécesseurs. Cependant ils paraissent tous florissants et contents d’eux-mêmes et du monde qui les entoure. Rien dans leurs traits n’indique l’abstinence ou les mortifications, et si réellement ils jeûnent certains jours de la semaine, ils peuvent bien dire avec le père Philippe que ce qu’ils prennent leur réussit admirablement.
Nous avons fait ce matin une excursion de l’autre côté de la Seine, ce qui me semble toujours être un voyage ; et je ne sais pourquoi, car la rivière n’est, pas très large et les ponts ne sont pas très longs, ce qui n’empêche pas que si ce n’était pas l’Abbaye-aux-Bois, qui est pour nous comme un aimant, il nous arriverait fort rarement de nous trouver sur la rive gauche de la Seine.
Dans cette occasion nous avions pour but

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