La lecture à portée de main
232
pages
Français
Ebooks
2013
Écrit par
Marie-Hélène Micouin-Lefesvre
Publié par
Société des écrivains
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2013
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Publié par
Date de parution
21 mars 2013
Nombre de lectures
0
EAN13
9782342002843
Langue
Français
« Leurs mains se cherchent et se rejoignent ; leurs regards se pénètrent et se comprennent ; les mots sont inutiles. C’est toute leur aventure commune qui ressurgit avec violence. Ils savent très bien l’un et l’autre l’immense attirance qui les unit. Ils n’ont plus de mots pour le dire. Seul le même éclat extatique recouvre leurs visages. Cependant, les yeux de Francis sont voilés d’une indéfinissable tristesse. Yolanda décèle une certaine réserve dans la joie de son compagnon, elle surprend une douceur presque suave qu’elle ne reconnaît pas dans le timbre de sa voix. L’homme qui est à ses côtés a changé, profondément ; elle comprend alors qu’il a souffert, beaucoup vécu. — Que s’est-il passé ? Pourquoi ce silence que jamais je n’ai pu m’expliquer ? Francis, je t’ai attendu si longtemps ! — Plus tard, plus tard. Ce sera une longue confession. Effectivement, je ne suis plus le même. Et toi ? »
Publié par
Date de parution
21 mars 2013
Nombre de lectures
0
EAN13
9782342002843
Langue
Français
Yolanda Au bout du monde... au bout de la vie
Marie-Hélène Micouin-Lefesvre
Société des écrivains
Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Société des écrivains
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75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Yolanda Au bout du monde... au bout de la vie
Chapitre 1
Dans le grand silence du jour qui se lève, voici que les premiers rayons du soleil viennent s’engouffrer avec insolence dans la chambre de Yolanda. La lumière s’attarde sur le visage de la jeune femme, l’obligeant alors à entrouvrir les paupières.
À travers les carreaux, la chaleur sensuelle du soleil coule sur son corps, caresse ses seins et descend lentement jusqu’à son ventre.
Son rêve vient de s’enfuir, Yolanda se réveille enfin. La clarté matinale vient éclabousser sa couche, étalant une ombre dorée sur les draps.
La jeune femme se lève d’un bond malgré la nuit blanche qu’elle vient de passer et ressent avec délice la fraîcheur du carrelage qui remonte jusqu’à ses mollets. Elle frissonne et cherche du regard la paire de mules que, hier soir, elle a bousculée avant de s’écrouler sur son lit.
Sa journée promet d’être débordante ; elle ne peut s’attarder à savourer le plaisir de la légèreté de l’air qui se glisse par la fenêtre entrouverte. Elle doit s’activer : ce mercredi qui commence à peine s’annonce palpitant, dévorant, peut-être même angoissant.
Durant toute sa nuit d’insomnie, elle s’est demandé comment aborder sans s’évanouir cet homme dont, seul le nom, est pour elle un torrent d’amour et de douleur. Cet amour qu’elle espère retrouver depuis si longtemps. Cet homme, Francis Prévot, qu’elle a quitté voilà bientôt dix ans et dont l’arrivée a été annoncée pour aujourd’hui dans le département de recherches biologiques où elle a déjà consacré une partie de sa vie professionnelle.
Comment le sort peut-il les réunir, tous deux, après tant d’années, dans ces locaux situés à l’extrémité sud de la Grande Île malgache, loin du monde ; eux qui s’étaient follement aimés dans les rues du Quartier latin à Paris. À l’époque ils s’étaient alors juré de ne jamais se quitter ; en fait… hélas ! Ils ne s’étaient jamais plus revus !
L’espace d’un éclair, elle se revoit avec lui à l’angle de la rue Saint-Jacques et de la rue Gay-Lussac…
Elle revoit la scène si proche et si lointaine à la fois…
Ils étaient étudiants.
Il y avait eu des serments… des promesses… et encore des serments : « je te retrouverai… au bout du monde… au bout de la vie… » Et puis… l’absence.
Après cette séparation, il y avait eu la douleur insoutenable ; puis les larmes… le chagrin… le temps passant, elle s’était réfugiée dans une sorte d’amnésie.
Alors, la solitude s’était installée, traîtreusement, dans son quotidien. La brûlure était restée là, longtemps, dans un coin ; elle était devenue un rêve qui l’aidait à s’échapper de temps à autre de la monotonie de sa vie.
Yolanda s’était mariée sans folie.
Elle avait divorcé avec le même manque de folie.
Pas le moindre éclat de grand bonheur ou même de discorde ; tout était terne !
Puis, elle avait obtenu ce poste de recherche dans le sud de la Grande Île malgache, dans une station d’étude attachée au biotope. Elle travaillait sur une espèce céréalière, en l’occurrence le riz, dont elle cherchait, en vain, à développer une forme résistante aux insectes.
Entre son microscope, ses randonnées dans la brousse et ses éventuels compagnons de passage, elle avait mené une vie relativement intéressante. Mais que de fois n’avait-elle pas ressenti la vacuité de son existence face à l’agitation permanente de ses journées. Durant ses longues soirées solitaires, elle avait souvent eu recours au vieux piano déniché à Tananarive et faisait renaître pour elle seule les vibrations de Liszt ou de Chopin. Elle ne s’arrêtait qu’après avoir aperçu la tête crépue du boy Saïd qui lui annonçait avec une grande douceur que le repas était prêt.
Et voici que, brutalement, sans y être préparée, elle avait appris, trois jours auparavant, l’arrivée d’un spécialiste du cœlacanthe, ce très vieux poisson arraché aux profondeurs abyssales des côtes malgaches.
Elle avait à peine entendu prononcer son nom, mais, tout de suite, elle avait su que c’était Lui. Elle en avait été immédiatement tout envahie : Francis Prévot arrivait !
Sa vie, brusquement, allait à nouveau basculer ; tout comme elle avait chaviré dix ans auparavant quand, jeune étudiante, elle avait rencontré cet homme.
C’était donc ce mercredi qu’elle devait réceptionner le docteur ès sciences Prévot, lui présenter le personnel, les locaux, les essais de mutation botanique, les espoirs, les déceptions, les difficultés à travailler dans ce bout du monde.
Elle avait, surtout, la secrète espérance de retrouver ce regard, cette petite tache qu’il avait là, sur le front, cette cicatrice qu’il portait à la main droite… tous ces détails qui ne s’étaient jamais effacés.
Lui non plus ne pouvait avoir oublié leur amour !
Elle veut chasser cette douleur qui lui vrille le creux de l’estomac et se précipite dans la cuisine à la recherche du café que Saïd sait si bien préparer. Elle grignote une tartine beurrée, épluche une orange avec les ongles comme le lui a appris « petit Rakoto », le fils de Saïd, rejette une longue mèche de cheveux noirs sur ses épaules, tourne le bouton de la radio pour tenter, mais en vain, de penser à autre chose.
« Francis ! Francis ! mon cœur bat la chamade avec cette même déraison qu’il y a dix ans, je m’égare, je divague, je me sens affolée ! »
Yolanda sourit, voilà qu’à présent, elle pense et rêve comme une midinette ! Eh bien, oui ! Elle n’en a pas honte et réalise qu’en amour on devient toujours tout bête en employant des mots de midinette.
La douche rudimentaire mais délicieusement fonctionnelle, tiède et bienfaisante, a tôt fait de défriper les marques du drap laissées sur son corps. La brosse enduite d’une mousse odorante fait renaître dans ses membres la force du bonheur de vivre, tandis que les essences parfumées d’ilang-ilang envahissent l’atmosphère de la salle de bains.
Yolanda se jette rapidement dans le choix de ses vêtements : « Attention à la couleur de ma robe !… voyons… voyons… ce bleu cobalt me sied particulièrement… je prends ! » Elle remonte ensuite ses cheveux en un lourd chignon qui lui donne un faux air de Néfertari. Le mascara de ses yeux sera sa seule fantaisie, elle sait fort bien qu’il lui donne un regard irrésistible avec cet allongement de l’œil à l’égyptienne.
Le soleil, lentement, a entamé son ascension, il grimpe avec sa majesté coutumière, sans hâte : pour lui c’est toujours la même ronde qu’il danse dans le ciel. Tout au loin quelques nuages légers font la nique ; crèvera ? crèvera pas ?… La sécheresse n’a pas encore cédé le pas aux pleurs du ciel ; Yolanda sait déjà que la journée sera chaude, très chaude. Pas le moindre espoir d’ondée à l’horizon, la brousse survit à ces assauts de chaleur sous lesquels flore et faune résistent tant bien que mal depuis des siècles.
Elle pense à Francis qui vient de quitter l’hiver parisien avec ses bourrasques de vent et ses fines perles de pluie qui glacent les membres à travers les mailles du pull-over, gèlent les mains et tuméfient le nez.
« Je lui ferai goûter les délices d’une tasse de thé sur la terrasse au coucher du soleil », se promet-elle.
Elle rêve et rêve encore, la midinette !
Comme c’est bon d’être amoureux ! C’est vraiment la plus belle des maladies.
Ayant enfilé des sandales aux fines lanières colorées, Yolanda empoigne son cartable où elle entrepose les différents documents nécessaires à sa journée de travail, se dirige rapidement vers la sortie et, tout à coup, se rappelant avoir oublié ses clefs de labo, elle revient dans sa chambre et entrevoit alors la tête de Saïd le Comorien qu’elle avait oublié de saluer avant son départ comme à l’ordinaire.
— Salut ! Saïd ! As-tu quelque chose à me dire ? Non. Ah ! Je croyais. Bon, à ce soir, je te ferai savoir si j’amène un ami à dîner. Tu nous ferais bien quelque chose de bon, n’est-ce pas ?
— Bien sûr ! Au revoir madame Yolanda, à ce soir !
Le chemin qui sépare son logement du centre de recherche n’est pas bien long. Yolanda aime prendre ce trajet chaque jour ; il serpente à travers le village indigène, où des cases sur pilotis, toutes identiques, ont poussé, semble-t-il, dans le plus grand désordre.
Des enfants à demi nus, le ventre rebondi pointant un nombril insolemment déplié, courent à sa rencontre, la morve au nez, tout en mâchonnant un bois de canne à sucre. Tel un rituel, elle extirpe du fond de sa serviette quelques bonbons acidulés qui semblent s’être mélangé les couleurs. Le rouge flamboyant a dégouliné sur le vert peppermint, tandis que le jaune citron colle au brun caramel, mais qu’importe cet embrouillamini de peintures, ces sucreries aux colorants chimiques font le délice des bambins.
C’est toujours le plus vieux qui avance le premier, c’est le père courage de la bande ; les benjamins, eux, un peu intimidés, ont encore quelque pudeur à venir réclamer leur « siramamy », en quelque sorte, leur bonbon quotidien.
Yolanda ne s’attarde pas aujourd’hui à bavarder avec les enfants, elle est bien trop pressée d’arriver au laboratoire. Elle se sent aérienne, légère. Son cœur déborde de tendresse.
Une fois le village dépassé, elle longe les bords de la rivière, où court un étroit sentier qui a pris naissance sous les pas de ces infatigables marcheurs que sont les natifs du pays. Encore quelques minutes à travers cette brousse bruissant de tous les insectes et bestioles de la fo