La lecture à portée de main
178
pages
Français
Ebooks
2012
Écrit par
Marie-France Luneau
Publié par
Société des écrivains
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Publié par
Date de parution
14 mai 2012
Nombre de lectures
0
EAN13
9782748373813
Langue
Français
Octogénaire fringant, Roger Mallinger est victime d’un accident de motocyclette pour le moins étrange. En effet, il ne semble pas avoir freiné et porte sous son casque une fort curieuse trace de coup... Chargée de l’enquête, Marie Monnot va découvrir que ce monsieur au caractère trempé s’apprêtait à s’offrir un train de vie pour le moins curieux à son âge... Un début d’intrigue policière qui lève le voile sur des intrigues amoureuses en jouant sur la palette des caractères humains. L’auteur, tel un peintre, créée une mosaïque de personnalités où s’entremêlent toutes les couleurs des sentiments. La dominante est le pouvoir exercé par celui qui, marqué par son histoire, bouscule ses proches et répudie sa maîtresse... Incontestablement un excellent tableau des relations sentimentales !
Publié par
Date de parution
14 mai 2012
Nombre de lectures
0
EAN13
9782748373813
Langue
Français
Un drame joyeux
Marie-France Luneau
Société des écrivains
Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Un drame joyeux
La moto avait quitté la route sans laisser de traces de freinage sur la chaussée. Personne n’avait rien vu. Les petites routes étaient désertes à cette époque de l’année. Avec le printemps, puis pendant l’interminable été, on verrait des touristes partout, cet accident ne passerait pas longtemps inaperçu, mais aujourd’hui tout était désert.
Depuis quand le motard se trouvait-il dans le fossé ? Personne pour répondre. L’ambulance chargea le blessé, sans connaissance, mais encore en vie. Ce fut, tous gyrophares tournoyants et sirènes hurlantes, qu’on le conduisit à l’hôpital le plus proche. La routine. Le pilote semblait avoir perdu le contrôle de sa machine et percuté un arbre sans qu’aucun autre véhicule ne soit impliqué. Pas de trace d’impact avant la chute, pas de trace de freinage, pas de témoin. Encore la routine. La gendarmerie locale n’avait pas grand-chose à mesurer. Il fallait faire un constat d’accident et retrouver l’identité du motard.
À l’hôpital, on enleva le casque avec beaucoup de précautions, le blessé étant toujours dans le coma. La blessure était étrange, comme si le crâne avait été frappé par-derrière. On ne pouvait pas être blessé de la sorte en tombant de moto avec un casque, il n’avait pas rempli son rôle protecteur. Un coup avait été porté à la tête. L’homme s’était peut-être arrêté, avait enlevé son casque pour parler à quelqu’un, puis avait probablement été frappé avant d’être poussé pour simuler un accident.
Le soir même, alors que le blessé se trouvait toujours dans un état critique, le procureur signait une demande d’enquête pour tentative d’homicide et nommait un juge d’instruction.
Quelques mois auparavant, Roger s’était réveillé d’un bond, avait couru en hurlant autour de son lit. Ses crampes nocturnes le reprenaient et cette fois, il avait beau se masser la jambe, rien n’y faisait.
La lune était pleine et rousse, les branches du platane se balançaient dans le vent. Tout en arpentant sa chambre pour tenter d’assouplir ses muscles, il repensa à sa vie actuelle : sept petits-enfants, tous des garçons qu’il connaissait à peine, un fils qui l’avait rejeté voilà des années, une fille qui lui téléphonait quand elle était ivre pour lui demander de l’argent ou l’insulter, et la dernière fille-mère – c’est le mot qu’on employait dans sa jeunesse – sans travail et qui n’en cherchait pas « il y a ceux qui travaillent et ceux qui ne travaillent pas » avait-elle dit un jour après l’avoir aidé à cueillir une dizaine d’olives, mais c’était trop fatigant, c’était tellement plus facile d’attendre son virement mensuel, comme une prestation compensatoire.
Et que faisait Constance ? Elle était repartie une fois de plus, parce qu’elle avait à faire dans sa maison. Il oubliait qu’elle avait aussi un travail ailleurs, qu’elle partageait sa vie et son temps entre deux mondes et qu’elle le rejoignait depuis bientôt vingt ans, dès qu’elle le pouvait.
Au réveil, il prit sa tondeuse et sa débroussailleuse et courut toute la matinée derrière ses machines, se prouvant à lui-même qu’il était encore vert et en bonne santé. Ensuite, il arrosa les arbres plantés, des cèdres de vingt centimètres qui seraient grands dans cinquante ans…
Vivement le printemps et le retour de la clientèle de ses chambres d’hôtes, car il était hors de question d’arrêter de travailler, même à quatre-vingts ans.
S’occuper pour tromper la mort qu’eux tous attendaient. Il n’était pas prêt à leur laisser ni sa maison ni le plaisir d’aller chez le notaire pour récolter le fruit de ses années de labeur… Il allait prendre des dispositions (cela étonnait tout le monde qu’à son âge, il n’y ait pas pensé plus tôt). Il était persuadé qu’il avait encore une vingtaine d’années à vivre.
Surtout, il allait leur faire une grosse surprise. Quand ils arriveraient chez lui en louchant sur ses biens pour en estimer la valeur, tout serait vendu. Il jubilait en imaginant leur tête déconfite quand ils apprendraient que le « vieux » avait tout vendu en viager.
Ses terres d’Alsace, héritage paternel, il les donnerait à une nièce qui était la dernière agricultrice de la famille ; ses sœurs en seraient vertes de rage.
Bien terminer sa vie, disposer d’un tas d’argent pour faire ce qu’il voudrait, le dépenser dans des voyages avec hôtels et restaurants de luxe, il profiterait encore longtemps de sa verdeur, de sa belle santé, de ses capacités de charme.
Son seul regret serait de ne pas pouvoir assister à la pagaille que cela allait provoquer.
Marie Monnot n’est plus repassée par ici depuis plus de vingt ans et elle découvre un autre village, dans cette région transformée par des années de notoriété. Loin d’elle, l’époque des ruelles envahies de roses trémières poussant entre les pavés disjoints, et les innombrables maisons à l’abandon. Tout est net et minéral. Les maisons de la rue Haute, maintenant caladée, appartiennent, à quelques exceptions près, à une école d’art américaine, dont la secrétaire expliquait à un visiteur qu’ils se trouvaient en ce moment sur le campus de Provence. Derrière elle, Marie se croyait pourtant dans une rue communale, comme à l’époque où elle y était venue en vacances.
Les maisons de la rue Basse avaient été rachetées une à une par un businessman entiché du village et des souvenirs sulfureux qu’il évoquait à travers ses illustres habitants de l’ancien régime. Il drainait chaque été le temps d’un festival, une clientèle « people » pour spectacles de prestige, parfois de qualité. Les derniers habitants savaient que leurs héritiers ne résisteraient pas aux chants des euros, multipliant par deux, trois, ou même plus la valeur de leurs biens.
La maison de la victime, qui avait été identifiée comme Roger Mallinger, se trouve à une extrémité du village. C’est une belle propriété acquise au moment où tout était encore à un prix accessible.
Au cours de l’été 68, quand le Festival d’Avignon résonnait encore des évènements de mai, un universitaire faisant partie d’un groupe d’amis qui avait eu des velléités de vivre en communauté avait acheté une vieille maison dans ce village. Roger était venu travailler avec les autres pendant de longs week-ends. Il avait reconnu l’endroit où, à la fin de son adolescence, alors qu’il sillonnait la France à vélo, l’arrivée par la route de la combe l’avait émerveillé. Il s’était dit, des années auparavant, qu’il voudrait finir sa vie dans cette région.
Le Festival d’Avignon commençait à y attirer des artistes et intellectuels trouvant très élégant d’habiter ce coin de Provence, pas encore à la mode, mais qui allait le devenir très rapidement, le nom magique faisant son effet.
Au début des années 70, Roger y avait également acheté une maison abandonnée. Quadragénaire portant beau, mari arrivant en célibataire pour le week-end, costume clair ajusté et ronflement de moteur d’Alfa, il ne passait pas inaperçu. La porte de sa garçonnière était toujours ouverte, invitant les filles de passage à entrer. Il en était entré un certain nombre. Leur comportement avait suscité des querelles de voisinage et des jalousies. On se plaignait de voir de la rue des filles seins nus sur sa terrasse. On lui faisait des crasses. Le voisin d’en face s’en était pris à son chien, lui avait pissé sur le dos du haut de sa fenêtre. Roger, découvrant son visage hilare, en était venu aux mains avec ce poète de village. Par vengeance et de manière un peu puérile, le « poète » avait ensuite fait de Roger le sujet d’un pamphlet intitulé « Superman ».
Le texte se trouvait encore dans les papiers des anciens qui, à cette époque, s’étaient emballés pour les querelles de ces deux « étrangers » qui ne savaient pas se tenir.
Chargée de l’affaire du motard accidenté, Marie rencontre l’ancien maire du village qui connaît bien cet octogénaire. Ici, on n’aime pas trop ses sarcasmes, on redoute ses accès de colère. « Il y a vingt ans, il a demandé l’abattage sur la voie publique des platanes qui abîmaient son mur. C’est ce qu’il disait. On a fait une enquête. Ces arbres ne gênaient pas et le conseil municipal de l’époque a rejeté sa demande. Il a sorti sa tronçonneuse et tout coupé et écopé d’une amende. Il s’en fichait, l’essentiel pour lui c’était que les arbres ne cachent plus la vue sur le mont Ventoux. Le journal local a relaté ce fait divers concernant un “sexagénaire irascible et imprévisible”. »
Marie apprend au hasard de ses conversations avec des habitants du village que Roger vivait en concubinage non déclaré, mais connu avec une femme plus jeune que lui d’une vingtaine d’années. Elle travaillait jusqu’à sa récente retraite à l’autre bout de la France et venait et repartait selon son travail, ses congés et ses humeurs.
De deux mariages successifs terminés par des divorces, Roger avait trois enfants et sept petits-enfants qui ne rendaient guère visite à leur grand-père. Il semble même qu’il ne les connaissait pas tous. Il avait peu d’amis, mais des relations commerciales avec ses clients les plus fidèles, des Allemands pour la plupart, qu’il accompagnait parfois dans les restaurants du village.
Il semble qu’il ait vendu sa maison en viager ou qu’il était sur le point de le faire. Il allait peut-être chez le notaire pour signer définitivement l’acte ou la promesse de