162
pages
Français
Ebooks
2017
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Ebook
2017
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Publié par
Date de parution
05 avril 2017
Nombre de lectures
23
EAN13
9782764433065
Langue
Français
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Date de parution
05 avril 2017
Nombre de lectures
23
EAN13
9782764433065
Langue
Français
De la même auteure
Mademoiselle Tic Tac, Tome 3 – Les Jeux d’adresse , Éditions Québec Amérique, 2014.
Miroirs , collectif, VLB éditeur, 2013.
Les charmes de l’impossible , Éditions Druide, 2012.
Mademoiselle Tic Tac, Tome 2 – Les Montagnes russes , Éditions Québec Amérique, 2010.
Mademoiselle Tic Tac, Tome 1 – Le Manège amoureux , Éditions Québec Amérique, 2009.
Projet dirigé par Marie-Noëlle Gagnon, éditrice
Conception graphique : Claudia Mc Arthur
Mise en pages : Pige communication
Révision linguistique : Isabelle Pauzé
En couverture : © Linh Buitrong
Conversion en ePub : Nicolas Ménard
Québec Amérique 7240, rue Saint-Hubert
Montréal (Québec) H2R 2N1
Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010
Nous reconnaissons l'aide financière du gouvernement du Canada par l'entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d'édition.
Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien. L'an dernier, le Conseil a investi 157 millions de dollars pour mettre de l'art dans la vie des Canadiennes et des Canadiens de tout le pays.
Nous tenons également à remercier la SODEC pour son appui financier. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d'impôt pour l'édition de livres – Gestion SODEC.
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Glorieux, Karine Tuer la poule (Tous continents)
ISBN 978-2-7644-3304-1 (Version imprimée)
ISBN 978-2-7644-3305-8 (PDF)
ISBN 978-2-7644-3306-5 (ePub)
I. Titre. II. Collection : Tous continents.
PS8613.L67T83 2017 C843’.6 C2016-942113-9 PS9613.L67T83 2017
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2017
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives du Canada, 2017
Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés
© Éditions Québec Amérique inc., 2017.
quebec-amerique.com
À ma complice et première lectrice, ma sœur Véro.
« Je refuse de me transformer en personnage de fiction. »
Stephen King, Misery
PROLOGUE
Sept heures et demie du matin, dans un chalet au fond des bois. Une femme en tenue sport ouvre la porte patio donnant sur une grande terrasse. Elle fait quelques pas dehors, s’étire, esquisse un ou deux exercices de réchauffement, comme si elle se préparait à une expédition de plein air. Mais les apparences sont manifestement trompeuses puisqu’elle attrape une bouteille de vin et se remplit un grand verre, peu soucieuse des gouttes rouges qui viennent tacher son t-shirt lorsqu’elle avale le contenu à longues rasades assoiffées. Elle essuie la commissure de ses lèvres du revers de la main en observant avec défi le lac, les arbres, la montagne, sans aucune étincelle de communion avec la nature dans le regard. Puis, elle s’empare de la paire de lunettes de soleil roses accrochée à une bouteille vide sur la table recouverte d’autres bouteilles tout aussi vides – syrah, bordeaux, chardonnay, les cadavres sont d’origines variées et d’appellations contrôlées. Elle se tape la cuisse pour écraser un insecte, lâche un Fuck ! bien senti et reprend une gorgée de vin. Elle dépose son verre et lève sa belle jambe bronzée, où la piqûre du moustique a fait une bosse à peine visible, qui la démange horriblement. Un moment, elle semble sur le point de rentrer se mettre à l’abri des bêtes sauvages dans le chalet. Mais elle n’en fait rien. À la place, elle prend une longue inspiration, rejette la tête vers l’arrière, dans une position qui n’est pas sans rappeler celle de la louve. Et elle se met à hurler.
PREMIÈRE PARTIE
Poule aux œufs d’or
1.
Katia de Luca avait une vision très personnelle de la réussite. Enfant, par exemple, elle tenait absolument à montrer qu’elle courait plus vite que les autres – tous les autres. Elle avait ainsi fait suer ses parents, sa sœur et tous ceux qui se croyaient capables de la dépasser. Elle était frêle, mais avait de très longues jambes, une volonté de fer et, si elle perdait l’avantage, n’hésitait pas à se ruer sur ses adversaires qui, à force, lui laissaient le champ libre, ce qui avait fini par la convaincre qu’elle possédait un super pouvoir la rendant invincible.
Cette conviction aurait pu disparaître à l’adolescence, moment dramatique où son super pouvoir fut remplacé par un principe de réalité simple et cruel, mieux connu sous le nom de puberté. Résultat : à treize ans, une force d’apathie supérieure à toute la volonté de son esprit s’empara de son corps, et courir devint quelque chose de très exigeant. Elle réussit tout de même à s’astreindre à un régime minimal d’exercice : vingt tours quotidiens du split-level familial, rue Brodeur à Boucherville, terrain plat, gazon dru. Ça pouvait avoir l’air de rien, deux kilomètres, peut-être trois, sauf que dans son état, avec toutes ces hormones qui la faisaient passer sans transition d’hyper émotive à hyper amorphe, ça relevait de l’exploit. Un peu l’équivalent d’un marathon au soleil sans crème solaire, une espèce de torture auto-infligée – la preuve éclatante que se battre contre soi-même est toujours le combat le plus douloureux.
Le début de son adolescence remontait à près de deux décennies, Dieu merci, et Katia avait depuis longtemps abandonné le nid familial, troqué les pelouses vertes de la Rive-Sud contre la frénésie des grandes villes, ces lieux où l’ambition de chacun pouvait trouver son chemin. Elle avait aussi réussi à polir cet aspect rugueux de sa personnalité qui l’avait laissée sans véritables amis intimes et, en société, elle passait désormais pour une jeune femme aussi agréable que jolie, plutôt drôle, surtout après quelques verres. Par contre, elle avait gardé certaines habitudes : elle courait encore, tous les jours, trente minutes. Beau temps, mauvais temps, été comme hiver.
Ce matin-là, l’esprit occupé par toutes sortes de tracas professionnels et amoureux, elle ne regarda pas le ciel avant de partir et ne remarqua donc pas la grosse bande de nuages gris, à l’horizon. Elle s’empara d’un manteau léger, y glissa son téléphone et partit au petit trot, frissonnant dans le printemps montréalais.
Dix minutes plus tard, une pluie violente et glacée s’abattait sur ses minces épaules.
Katia fit encore quelques enjambées en se demandant par quelle logique absurde elle avait décidé, après deux ans passés à New York, de revenir vivre à Montréal, au lieu d’aller à Rome ou à Barcelone, capitales ensoleillées où il aurait été si simple d’oublier ses problèmes. Trempée et frustrée, elle augmenta la cadence mais, comme pour lui montrer qui était le plus fort, l’orage redoubla d’ardeur. Elle lâcha quelques jurons avant de se réfugier sous le premier porche croisé, hésita un instant en remarquant qu’il s’agissait de la bibliothèque locale, jeta un coup d’œil rapide autour d’elle sans apercevoir d’asile plus accueillant. Alors, sans plus se questionner, elle ouvrit la porte et pénétra à l’intérieur.
Dans le hall d’entrée, Katia se retrouva nez à nez avec une affiche suspendue au-dessus de deux chariots à roulettes garnis de livres, placés bien en évidence entre la poubelle et le bac de recyclage, où l’on annonçait, en gros caractères « LIQUIDATION, 2 POUR 1 $ ». Des romans qui ne trouvaient plus lecteurs avaient été placés là dans une ultime tentative pour leur éviter de finir, à droite ou à gauche, du côté des déchets. La première pensée peu charitable de Katia fut que ces livres ressemblaient à de vieilles putes, condamnées à travailler dans les rues périphériques du Red Light. Dans les allées de la bibliothèque, bien classées, bien traitées : les belles putains, attirantes, jeunes. Dans les chariots à rabais : les oubliées, laides ou syphilitiques, qu’on pouvait s’offrir pour presque rien, mais qu’on ne prenait même pas la peine de regarder. Valait mieux mourir que finir là, se dit la jeune femme en ébouriffant ses cheveux détrempés.
Katia n’avait pas mis les pieds dans une bibliothèque depuis un bon moment, n’étant pas de ces auteurs qui se plaisent à rencontrer des lecteurs sans-le-sou attirés par la possibilité d’un tirage ou d’un café gratuit. Elle n’aimait pas non plus feuilleter des livres publics . Pas qu’elle soit particulièrement dédaigneuse, mais elle avait lu Le Nom de la rose et, de cette lecture qui l’avait ennuyée beaucoup plus que le film, elle avait surtout retenu la fin, où l’on découvre que les moines scripteurs meurent à cause d’un poison répandu sur les pages des manuscrits qu’ils feuillettent toute la journée. Ça l’avait perturbée et, depuis, elle évitait de toucher des œuvres qui avaient été en contact avec la salive d’inconnus – on n’est jamais trop prudent. Quand elle avait envie d’un bon roman, elle le téléchargeait sur sa liseuse ou passait à la librairie, en profitant pour vérifier l’emplacement de ses propres livres, payant toujours comptant pour ne pas devoir présenter sa carte de crédit et risquer d’entendre le caissier demander :
— Excusez-moi mais… Êtes-vous Katia de Luca ? L’écrivaine ?
Katia entretenait une relation ambiguë avec le succès, le cherchant autant qu’elle le craignait – et les dernières années l’avaient forcée à développer des mécanismes de défense pour protéger autant que possible son intimité. C’est pourquoi son premier réflexe, une fois dans la bibliothèque, fut de rabattre la capuche de son manteau sur sa tête. Ainsi dissimulée au regard des curieux, elle se mit à chercher des yeux la section débutant par la lettre D. Puisqu’elle était bloquée là par l’averse, valait aussi bien s’assurer qu’aucun de ses livres ne reposait sur les tablettes. Constater leur absence la rassurerait. Ce serait le signe, réconfortant, que quelqu’un les avait empruntés, les lisait. Que ses personnages vivaient. Elle fit trois pas en direction de la section « Adulte, fiction », mais une tache rose dans le deuxième chariot de liquid