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Français
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Delly
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La Gibecière à Mots
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Delly (1875-1947) et (1876-1949)
"La tempête s’acharnait depuis le matin sur le village de Morigny et ses alentours. Mais sa violence atteignait au paroxysme le long du chemin étroit, rocailleux, qui, en bordure de la combe des Ermites, menait à la Maison des Dames. Les hauts sapins, dressés en groupes compacts sur le roc sombre, au-dessus du sentier, se courbaient en gémissant, et par instants un craquement sourd s’entendait, plainte de l’arbre chancelant sous la fureur des vents acharnés à la destruction.
Courbé sous la rafale, retenant avec peine son chapeau d’une main et de l’autre serrant autour de lui sa douillette, le curé de Morigny avançait lentement, la poitrine haletante, les yeux pleins du fin gravier soulevé du sol, qui le frappait au visage. Il regrettait maintenant d’avoir pris ce chemin, qui raccourcissait la distance entre le village et la Maison des Dames. Connaissant encore mal le pays, car il venait d’être nommé à la cure de Morigny, voulant, en outre, se rendre le plus vite possible à l’appel d’une mourante, il s’était engagé là sans réfléchir que cette voie, déjà quelque peu rude en temps normal, devait être infiniment pénible et même dangereuse sous la tempête.
Aussi eut-il un soupir de soulagement quand il fut parvenu au terme de la difficile montée, non sans avoir plus d’une fois manqué d’être jeté par quelque furieuse rafale sur la pente raide, hérissée de rocs, qui descendait au fond de la sauvage combe des Ermites."
XIXe siècle. Du Mexique à la France, plusieurs personnes se disputent un hypothétique trésor indien.... Qui en est le véritable héritier ?
Romance et aventure.
La lune d’or
Delly
Juin 2022
Stéphane le Mat
La Gibecière à Mots
ISBN : 978-2-38442-076-6
Couverture : pastel de STEPH'
lagibeciereamots@sfr.fr
N° 1074
Prologue
La tempête s’acharnait depuis le matin sur le village de Morigny et ses alentours. Mais sa violence atteignait au paroxysme le long du chemin étroit, rocailleux, qui, en bordure de la combe des Ermites, menait à la Maison des Dames. Les hauts sapins, dressés en groupes compacts sur le roc sombre, au-dessus du sentier, se courbaient en gémissant, et par instants un craquement sourd s’entendait, plainte de l’arbre chancelant sous la fureur des vents acharnés à la destruction.
Courbé sous la rafale, retenant avec peine son chapeau d’une main et de l’autre serrant autour de lui sa douillette, le curé de Morigny avançait lentement, la poitrine haletante, les yeux pleins du fin gravier soulevé du sol, qui le frappait au visage. Il regrettait maintenant d’avoir pris ce chemin, qui raccourcissait la distance entre le village et la Maison des Dames. Connaissant encore mal le pays, car il venait d’être nommé à la cure de Morigny, voulant, en outre, se rendre le plus vite possible à l’appel d’une mourante, il s’était engagé là sans réfléchir que cette voie, déjà quelque peu rude en temps normal, devait être infiniment pénible et même dangereuse sous la tempête.
Aussi eut-il un soupir de soulagement quand il fut parvenu au terme de la difficile montée, non sans avoir plus d’une fois manqué d’être jeté par quelque furieuse rafale sur la pente raide, hérissée de rocs, qui descendait au fond de la sauvage combe des Ermites.
Maintenant, il foulait aux pieds le sol herbeux de la sombre forêt de pins au milieu de laquelle s’élevait la Maison des Dames. Là s’apaisait quelque peu la fureur de la tempête, brisée par l’écran solide, indestructible, que formaient les troncs serrés de ces arbres superbes, rempart dressé au pied de la demeure qui avait été pendant des siècles le refuge et le douaire des veuves, dans la famille des comtes de Chantelaure.
Elle s’étendait, basse, un peu longue, au sommet de la hauteur le long de laquelle, en pente douce, montait la forêt noire. Un porche en plein centre, reste du couvent de la période romane qui l’avait précédée, ouvrait son arche décorée de lierre sur la cour aux pavés inégaux. Du lierre encore envahissait la façade grise du logis, dérobait en partie l’ogive des portes et des fenêtres... Et cette romantique parure ne contribuait pas peu à augmenter l’aspect sombre, mélancolique, abandonné, de la vieille demeure dont les fenêtres restaient closes, et d’où ne sortait aucun bruit.
Abandonnée, elle l’avait été pendant de longues années. Auparavant, les Chantelaure, obligés de quitter leur féodal château de Peyrouse, qui croulait de toutes parts, y avaient habité quelque temps. Puis le jeune comte Arnaud, devenu orphelin et dépourvu de fortune, avait quitté la sombre demeure pour rejoindre au Mexique un de ses parents. On n’avait plus entendu parler de lui pendant longtemps, dans le pays où sa bonne grâce avait laissé d’excellents souvenirs... Un jour, enfin, on avait appris qu’il était revenu en France, ayant fait fortune – ou plus exactement ayant épousé une jeune Mexicaine pourvue de grands biens. Six ans avaient passé encore, au cours desquels on ne l’avait pas revu dans la contrée. Les gens bien informés disaient qu’il menait grand train à Paris... et d’autres, mieux informés encore, assuraient qu’il jouait fort gros jeu, de telle sorte que la fortune de la jolie dona Paz, sa femme, fondait rapidement.
Puis un jour de printemps, le vieil homme qui gardait la Maison des Dames avait reçu l’ordre de l’ouvrir, de l’aérer, d’y faire exécuter les nettoyages et réparations indispensables. Après quoi, on avait vu arriver un soir Arnaud de Chantelaure, accompagné de sa femme, d’une cousine de celle-ci, dona Hermosa Barral, et de deux enfants, dont l’une, la petite Rosario, âgée de quatre ans, était la fille du comte et de la comtesse, et l’autre, Trinidad, un peu plus âgée, la fille de dona Hermosa, qui était veuve depuis trois ans.
Il y avait en outre deux domestiques : Ludovic, le valet de chambre du comte, et Oliva, la femme de chambre, une Mexicaine, comme dona Paz et dona Hermosa.
Tout ce monde s’installa aussitôt à la Maison des Dames. On prit une cuisinière dans le pays, et ce fut par elle que les habitants de Morigny connurent quelques détails sur les nouveaux venus.
Mme de Chantelaure était fort jolie, mais de santé très délicate. Elle venait le dimanche à la grand-messe, accompagnée de sa cousine, une belle femme mince et souple comme une liane, dont la physionomie sans réelle beauté possédait cependant une séduction étrange. Le sourire de ses lèvres fines et roses était une énigme troublante ; les yeux noirs, souvent demi cachés sous les paupières ambrées, savaient être selon les moments dominateurs ou pleins de caresses, brûlants ou câlins, très durs ou d’une douceur angélique. Fort intelligente, disait-on, d’esprit cultivé, dona Hermosa, après la mort de son mari, un ingénieur français qui l’avait laissée sans fortune, s’apprêtait à tirer parti de sa très belle voix, quand dona Paz lui avait offert de venir l’aider à tenir son intérieur et à élever la petite Rosario, double tâche trop forte pour son indolence naturelle encore augmentée par une santé frêle. Mme Barral ayant accepté, elle vivait depuis deux ans chez les Chantelaure, avec sa petite fille... Et elle les avait suivis dans le Jura quand le comte, presque complètement ruiné par le jeu, avait dû quitter Paris pour se retirer à la Maison des Dames.
La cuisinière, Martine Paget, assurait que dona Hermosa régentait tout, en cet intérieur, à commencer par M. de Chantelaure lui-même. Celui-ci, de caractère volontaire, obstiné, violent, et qui, tout en aimant sa femme, prenait volontiers à son égard une attitude despotique, pliait devant la jeune veuve qui, au dire de Martine, semblait exercer sur lui une influence fascinatrice.
À ce sujet, naturellement, les langues marchaient dans le pays, et l’on plaignait fort la jolie comtesse qui, de semaine en semaine, paraissait plus frêle, plus pâle, plus triste.
Les deux autres domestiques conservaient une discrétion invincible. Ludovic, le valet de chambre, était un homme d’une quarantaine d’années, grand et sec, figure osseuse et physionomie renfermée, passablement revêche. Il semblait fort dévoué à son maître, qui avait en lui la plus grande confiance. La femme de chambre mexicaine, de race indienne, était la sœur de lait de dona Hermosa, qui, au moment de son veuvage, l’avait cédée à sa cousine, elle-même ne conservant à son service que son ancienne nourrice, morte depuis lors... Oliva se montrait une servante active et intelligente, très soumise au moindre désir de dona Hermosa qu’elle semblait toujours considérer comme sa véritable maîtresse. Elle parlait fort mal le français et paraissait, d’ailleurs, de nature assez taciturne.
Martine ajoutait que Mme Barral et Oliva entouraient de soins Mme de Chantelaure, et que le comte ne manquait pas d’attentions à l’égard de sa femme. Mais celle-ci allait perdant le peu de santé qu’elle possédait, de jour en jour. En même temps, elle devenait plus triste, plus nerveuse, avec, dans ses beaux yeux noirs, des lueurs d’angoisse et de soupçon, quand son regard se portait sur dona Hermosa.
À la fin d’août, sa faiblesse devint si grande qu’elle ne put continuer de se rendre en voiture à la messe dominicale, ainsi qu’elle le faisait jusque-là. Puis, un matin, elle fut prise d’une syncope si longue que Ludovic courut à la recherche du comte, parti pour la chasse une heure auparavant.
Le médecin réussit pourtant à l’en sortir. Il parla de grande faiblesse du cœur, d’état très sérieux, mais non désespéré. De fait, la jeune femme parut se remettre un peu. Mais elle avait demandé un prêtre et reçu les sacrements par le ministère du curé de Morigny.
Une dizaine de jours s’étaient écoulés, depuis lors. L’amélioration persistait, disait-on. L’abbé Vandal s’était présenté un après-midi pour prendre des nouvelles de la malade et avait été reçu par Mme Barral, qui s’était excusée de ne pas l’introduire près de sa cousine, celle-ci dormant à ce moment-là... Mais voilà qu’aujourd’hui le domestique du comte était accouru, disant que Mme la comtesse se trouvait plus mal et demandait à voir M. le curé. Celui-ci était parti aussitôt... Et après cette course pénible dans la tempête, il arrivait enfin au but, en se demandant s’il trouverait la jeune comtesse encore en vie.
Traversant la cour, il alla soulever le marteau de la porte principale, qui s’élevait au-dessus de trois marches de pierres rongées par la mousse.
Elle fut ouverte par une jeune fille de petite taille en correcte tenue de femme de chambre. Des yeux très noirs brillaient dans un mince visage au teint olivâtre, aux traits assez fins. C’était Oliva, la Mexicaine. Elle s’effaça devant l’arrivant, qui demandait :
– Eh bien ?... Madame la comtesse ?
Oliva répondit dans son mauvais français :
– Madame est mal... très mal.
– Enfin, elle vit encore ?
– Oui, encore.
Précédé par la femme de chambre, l’abbé Vandal monta l’escalier de chêne usé, à la rampe massive, et fut introduit dans la chambre où se mourait Mme de Chantelaure.
Le comte se trouvait près de sa femme. Assis au pied du lit, un coude appuyé contre celui-ci, il considérait avec une émotion douloureuse la pâle petite figure entourée d’admirables cheveux noirs. Dona Paz tenait les yeux clos, et ses longs cils noirs faisaient une ombre légère sur ses joues livides. Habitué à la vue des mourants, l’abbé Vandal comprit aussitôt que la jeune femme avait bien peu de temps à vivre.
Au bruit de la porte qui s’ouvrait, M. de Chantelaure tourna la tête et se leva en voyant apparaître le prêtre.
Il dit à voix basse :
– Ma femme désirait vous voir, monsieur le curé...
Sa taille vigoureuse, son visage aux traits accentués, au front volontaire et à la bo