La Bastide Rouge , livre ebook
193
pages
Français
Ebooks
2014
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Publié par
Date de parution
01 septembre 2014
EAN13
9782812914140
Langue
Français
L'auteur : Après une période professionnelle intense consacrée au commerce international, Roger Royer fut repris par une passion de l'écriture datant de son adolescence. Très sensible à tout ce qui touche sa région, son patrimoine, sa culture, ses traditions, il traduit avec émotion et justesse cet environnement qu'il aime tant. Il signe son septième roman aux éditions De Borée.
Publié par
Date de parution
01 septembre 2014
EAN13
9782812914140
Langue
Français
Avril 1946.
LA GUERRE ÉTAIT FINIE. Partout où elle avait frappé on réapprenait à vivre sans la peur.
Du promontoire où il se trouvait, il n’y avait que deux à trois kilomètres de route en lacet jusqu’aux premières maisons du bourg. Il enfourcha sa bicyclette et se laissa rouler. Par endroits, des plaques d’asphalte avaient disparu, découvrant la terre nue, ravinée. Durant la guerre, de 40 à 45, l’entretien des routes avait été laissé de côté comme bien d’autres choses.
L’occupant avait outrageusement pompé matières premières et argent pour entretenir ses troupes.
Il avait rejoint les Forces françaises d’Afrique du Nord à Alger, après le débarquement allié du 8 novembre 1942, y avait passé son brevet de parachutisme. Aux combats menés en Tunisie avait succédé la campagne d’Italie. Avec son unité au sein de la Ve armée américaine, il avait participé à la bataille du Mont-Cassin en février 43 et à l’enfoncement de la ligne de défense allemande « Gustav ». Ensuite, remontant l’Italie, il embarqua pour se jeter sur les côtes varoises le 15 août 44 contre la XIXe armée allemande. Dans un dispositif américain de trois cent quatre-vingt mille soldats dont deux tiers français sous le commandement de De Lattre de Tassigny. Aux côtés des commandos d’Afrique du général Bouvet, chargé d’investir le secteur du Rayol au Lavandou, il débarqua à Cavalaire avec l’effectif du 1er D.F.L2. du général Brosset. Blessé dès la sortie de son L.C.A. 63, il fut transporté dans un premier temps à l’hôpital de Cuers-Pierrefeu.
La côte entièrement nettoyée, il fut, avec beaucoup d’autres, l’objet d’un transfert à Marseille. Il y était resté le temps de la réparation d’une jambe en compote et de sa rééducation. Dans l’attente d’être sur la liste des « libérables », il avait travaillé à l’intendance. Le colonel médecin-chef ne lui avait pas caché que des raideurs pourraient lui rester de cette aventure. Heureusement, cela ne l’empêchait pas de pédaler, ça lui avait même été conseillé par le chirurgien.
Il s’en serait cependant fallu de peu pour qu’il serre les freins de ce tas de ferraille sur roues et s’en retourne. Ayant bravé tous les dangers, sans trop crâner, il avait ricané au nez et à la barbe de la camarde. Malgré tout, il avait peur de revenir chez lui. Oserait-il parler de ce qu’il avait vécu, de ce qu’il avait souffert, oserait-il montrer ses décorations, ses citations, éloges de ses supérieurs sur sa conduite au feu ? Certains comprendraient, d’autres se foutraient peut-être de sa gueule. Il finirait par sentir le héros refroidi, qui n’enthousiasme plus les foules. Rien n’étant plus éphémère aux yeux des civils que la gloire militaire une fois le danger passé. Pourtant, ce que le C.E.F4. avait fait en Italie dans des conditions épouvantables était remarquable. Les soldats français avaient impressionné les Américains, qui, à la suite de la défaite de 1940, avaient une confiance limitée dans leur valeur au feu. Il ne savait pas si en rentrant il devait espérer trouver des gars dans la région, des types qui comme lui s’étaient engagés, étaient revenus sains et saufs après avoir fait la même guerre.
Ce fut plus fort que lui : arrivé dans le fond de la vallée, il s’arrêta. Il était en sueur et frissonnait. Après quatre ans d’absence, il ne pouvait chasser l’idée sinistre de revenir vers un village naguère coquet, animé, qu’il craignait de trouver déserté. Y trouverait-il encore des gens connus à qui parler ? Pour renforcer ce terrible tableau, il croiserait peut-être un chien famélique identique à ceux qu’il avait vus errer dans les ruines des villes dévastées, trop épuisé pour le regarder. Il roula encore jusqu’à une cerisaie en fleur précédant des pommiers qui avaient conservé quelques fruits ratatinés. Il profita d’un passage destiné aux charrettes pour y entrer. Il détacha d’un rameau, qui mettait déjà ses nouvelles feuilles, un fruit ayant passé l’hiver, ridé et confit. Il planta les dents dans la chair molle mais saine et sucrée lorsqu’une voix aigrelette au fort accent provençal l’interpella :