Daemonuis , livre ebook

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Annabellia et Julian, deux êtres différents et pourtant si semblables. Lors de leur première rencontre, cela fait des étincelles.


Les sentiments, elle les a rayés de sa vie comme le sexe, ce qui peut être étrange pour une succube. C'est plus qu'une lubie, c'est son salut. C'est ainsi depuis des siècles et ça ne changera pas.


Lui n'a qu'une obsession : la posséder. Quitte à mettre en péril son identité secrète ainsi que toute son existence.


Daemonuis et the Divide : deux organisations, un but commun.


Découvrez une autre facette de l'enfer, vous changerez alors d'idées sur les forces du mal...





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Publié par

Date de parution

23 septembre 2020

Nombre de lectures

35

EAN13

9782956938071

Langue

Français

Chapitre 1
Découverte
Installéessur la terrasse dans nos tenues d’entraînement, nous enchaînons les mouvements de tai-chi en silence. Chacune prise dans nos réflexions ou plus vraisemblablement nos souvenirs, vu les larmes qui viennent humidifier les cils de ma compagne.
Je ne dis rien, je ne suis pas beaucoup mieux, mais je continue. J’ai besoin de ces exercices pour me recentrer et peut-être garder le peu de raison qu’ilme reste. Seulement, les images saturent ma mémoire autant que la sienne. Lorsque nous avons un passé comme le nôtre, soit on devient fou, soit on apprend à le faire taire. Alors je serre les mâchoires et je poursuis les mouvements que
m’a enseignés Narumi. Je devrais être attentive et veillerà l’équilibre de mon esprit, mais àl’instant,c’est le sien qui m’inquiète. Je souffle de dépit, elle ouvre un œil et je suiscomme toujours saisie par la sagesse que je lis dans son regard. Qu’est-ce qui t’arrive, Anna? me demande-t-elle. Sa voix est si douce que j’ai l’impression d’entendre un tintement de carillon. Je me suis toujours interrogée sur sa délicatesse. Est-ce un trait de caractère hérité de son espèce? Oh minute! Je vous vois venir. Alors oui, mon amie est asiatique,mais pas un instant l’idée d’y faire référence m’aeffleurée. Au-delà de son ethnie, ma complice, qui peut vous paraître inoffensive avec sa petite taille, ses yeux en amande et son teint de miel, n’en reste pas moins létale. Sa voix est aussi douce qu’un chant d’oiseau, mais ses armes sontplus tranchantes que peuvent l’être ses mots.Narumi Sato est une kitsune. Je nel’aijamais vue sous sa forme de renard, pourtant, je suis persuadée que sa forces’avèreplus grande qu’ellele laisse figurer. Les roses ont des épines, celles de Narumi sont en plus vénéneuses.
Tu accouches? râle-t-elle. Pourquoi souffles-tu à mon oreille comme un hippopotame
en rut? Charmante, ta comparaison! rétorqué-je, sèchement. Tu es mal placée pour parler vu les petits nomsdont tu m’affubles constamment, me réplique-t-elle du tac au tac.
Je chéris cette fille et son répondant. Elle peut vous paraître sensible lorsque ses prunelles couleur chocolat se posent sur vous et elle vous désarçonne en deux secondes avec des blagues nulles au possible. Quoi, tun’apprécies pasque je t’appelleRox? Jene peux m’empêcher depouffer en la voyant me regarder fixement. Tu as encore osé! Tu sais que j’ai l’âge d’êtreta mère! Plutôt ma grand-mère. Allez, mamy, je te laisse passer devant, lui adressé-je en riant.
Je n’ai pas le temps de dire ouf que jesuis déjà sur le dos. Je me relève rapidement et nous nous tournons autour, à la recherche de la faille défensive chez l’uneet l’autre. Tu aurais dûme dire que tu voulais prendre une raclée, s’exclame-t-elle en me donnant
un coup de pied circulaire. De nature assez souple malgré un surpoids évident qui porte à croire le contraire, je m’élance puis saute pour évitersa jambe fine. Je la saisis et je la fais passer sur mon dos. Mais je n’ai pas le temps de la plaquer à terre, qu’elle m’a déjàsoulevée comme une plume et me balance en l’air. Ma colonne vertébrale rencontre le sol durement. J’expulsetout ce que contiennent mes poumonssous l’impact, tout en me remettant debout rapidement.
Ce serait plus marrant avec del’équipement adéquat,m’écrié-je en faisant apparaître nos lames. Un sourire effleure son visage alors qu’elle se baisse pour me saluer. Je me mets en position et l’honoreà mon tour. Encore une fois, nous reprenons notre danse pour la victoire. Soudain, elle abat son arme sur la mienne avec une force qui aurait brisé le brasd’une femmemoins entraînée. Je souris à mon tour et nos lames claquent dans un bruit métallique. Chaque geste que nous avons effectué pendant nos exercicesse ressent dans notre combat. Les coups s’enchaînent à un rythme effréné et malgré
la sueur qui perle sur nos fronts, personne ne lâche. Ni elle ni moi, nous sommes aussi revanchardes l’unequel’autre. Nous sommes des démons après tout, et cela même dans nos joutes amicales. Je réussis à la pousser au bord de la falaise qui jouxte le terrain de notre nouvelle demeure. Loin d’être décontenancée, elle prend appui sur ses jambes, exécute un salto parfait dans les airs et arrive juste derrière moi. Je sens la pointe de son katana entre mes omoplates. Demande grâce, Anna,s’écrieune voix apeurée. Je lâche un soupir en me tournant silencieusement vers cette dernière. Sélène, nous nous amusons, détends-toi! bougonne Narumi. Je me dirige sourire aux lèvres vers notre coloc qui, au même titre que les autres, est devenue une amie.
Rassure-toi, mamy me montrait juste comment elle se battait dans sa jeunesse avec Attila, lui expliqué-je en riant.
Celle-ci lève les yeux au ciel et râle : On pourrait croire que ta double espèce te rendrait plus intelligente…Je fronce les sourcils. J’ai horreur qu’on me rabaisse àmon statut de bâtarde. Elle le sait.
Anna, attends, s’exclame-t-elle en se rendant compte de sa bévue.Ces mots m’ont échappé. Le mal est fait, je me renferme sur moi-même, je les plante sur place et me dirige vers la
maison pour descendre dans la salle de musculation. Frapper sur quelque chose me fera du bien et
si je peux éviter que cela soit sur mes amies, il vaut mieux que je les abandonne là. Furieuse et triste
à la fois, je surprends Sélène soupirante en plein murmure : Tu n’es pas responsable, ne t’en veux pas, nous avons toutes notre croix à porter.Sélène est une fée, et si elle dit cela,c’est qu’elle a surmontébien des épreuves. Ne la voyez pas comme une petite chose, car elle mesure un mètre soixante. Oui, nous sommes loin de la 1 minuscule pixie des dessins animés. L’unique phénomènequi pourrait choquer les humains repose sur sa chevelure verte, mais son caractère introverti la rend à peine visible aux yeux des gens. Pourtant, ils ratent quelque chose, ses yeux sont de la même couleur que ses cheveuxbien qu’ils aient une teinte plus claire. Son visage en pointe et ses traits fins fontd’elle une femme presque irréelle. Cependant,cette peur des autres, de l’inconnu, est bien présente, elle. Cette crainte, on la retrouve parfois chez Topaze,sa sœur. Ainsi qu’avecSky et Snow, ses frères,plus jeunes qu’elle.Je les ai sortis de la cellule où ils croupissaient dans les geôles de ma famille. Oh! Ne me voyez pas comme une héroïne, j’avais juste la trouille et j’espérais que ma fuitedes abysses passe inaperçue, noyée dans la masse. Seulement, voilà,même les plans que l’on pense parfaits comportent des exceptions et je me suis laissée prendre à mon propre piège, affubléed’amis tous aussi disparates qu’étranges et
tourmentés que moi. Ce tempérament solitaire, le démon que les enfers ont forgé, je me retrouve
à la tête d’une maison contenant une bonne quinzaine de personnes. Le pire, c’est que je ne l’ai pas
vu venir. En toute honnêteté, j’aime ça.
1 Lespixies(également appeléespiskiesetpigsiesCornouailles) sont des créatures légendairesdans les 2 du folklore britannique, censées être très répandues dans les landes du Devon1et des Cornouailles , doù lidée dune origine celtique pour le mot et la croyance. Selon la tradition, les pixies sont de petite taille et ont une apparence enfantine, ils aiment danser et se battre.
J’administredorénavant une organisation qui se compose de petites auberges. Quelle que soit votre origine, ici, vous aurez la paix. Ce sont des sites sanctifiés comme toutes les demeures de : the Divide. La fracture, un nom bien trouvé pour celle qui se bat contre les siens. Je suis entrée comme un automate dans notre salle réservée aux entraînements, j’ai posé mes affaires et me suis dirigée vers la partie que nous prédestinons aux sports de combat. Je suis
perduedans mes pensées et comme d’habitude, mes poings malmènent le sac de frappes sans que j’y prête garde. De la poussière commence à tomber doucement, encore un que jedevrai changer. Vous devez vous demander qui je suis. Le souci, c’est que je ne suis pas capable de vous
l’expliquer, ne le sachant pas moi-même. La seule chose dont je suis certaine en revanche, c’estque l’on ne veut surtout pas me croiser dans une ruelle sombre au risque que cela soit votre dernière vision. Impossible d’admirer notre reflet dans cette pièce dédiée au sport. Notre apparence s’avère être un réel problème pour chacun de nous. D’ailleurs, vous n’y trouverez aucun miroir hormis ceux cachés dans des meubles ou ceux apparents dans les salles de bains. Nous savons à quoi nous ressemblons, pas la peine de nous le renvoyer au visage (si je puis dire) toutes les cinq minutes. Enfin, ça,c’était avant la lubie de Nicholas…Diantre, qu’a-t-il fait, le pauvre, pour subir ainsi ton ire? déclame une voix masculine proche de moi. Tiens ! quand on parle du loup, on en voit la queue comme dit le dicton. Sans lui répondre, je change mon poing de trajectoire pour le lui écraser sur la mâchoire, mais il se décale au dernier
moment sans se départir de sa mine insolente.
Tu triches, m’écrié-je. Non, je me préserve, gente dame. Parbleu! Je n’ai jamais levé la main sur une damoiselle, et cela depuis des siècles. Je ne me vois pas commencer ce jour. Nicholas! Sale lâche! Et arrête de me snober avec tes mots, tu ne peux pas dire merde
comme tout le monde! Oui,je sais, c’est stupide, mais je n’aipas prétendu avoir la palmede l’intelligence. Sinon, je ne serais pas en train de défier les enferscomme je le fais en cachant les gens qui s’enéchappent ou qui fuient leurs conditions. Avant que mon adversaire ne réalise mon geste, je lui décoche un coup de pied censé le faire valser, seulement c’est à peine s’il cille.Essayer de vous battre avec un suppôt de Satan ou tout être supérieur commecertains aiment à s’appelerrevient à donner des coups de pied dans un mur en titane. Lui n’a aucune égratignure et vous vousdemandez ce qui a pu se passer dans votre
petite tête pour réagir comme ça.
Je l’examine alors qu’il lève un sourcil interrogateur tout en gardant ses bras croisés sur son énorme torse. Je dois avouer qu’il n’est pas moche àcontempler, comme tous les démonsd’ailleurs, c’est bien ce qui fait de nous le mal absolu, non? Ses longs cheveux noirs sont retenus en tresse libre sur sondos. Son regard d’un bleu
profond ne lâche aucun de mes mouvements. Sa haute stature impressionne toujours et il en joue
beaucoup. Ses muscles puissants et déliés font tomber les femmes en pâmoison. Combien de fois s’est-il vu proposer de devenir chippendale? Je ne compte même plus. Il ne porte qu’un cyclistesombre, qui ne laisse aucune place à l’imagination. Pourtant, il n’éveille rien chez moi.Je sais qu’il en est de même pour lui.Cette partie de nous est morte il y a
longtemps. Et même si pour le moment il semble être au repos, je suis sûreque c’est uneruse. Je
l’ai souvent vu se battre avec les hommes qui habitent ou passent ici, et sa force n’est pas feinte, loin de là. Sorti grâce à moi de la prison dans laquelle ma famille le retenait,j’ai parfaitement connaissance dece qu’on lui reprochait. Alors que j’essaie d’endiguer le flot de souvenirs qui afflue
dans mon cerveau, Nicholas La Croix devine le fond de ma pensée. Ses yeux se voilent de douleur instantanément. Pour lui, mais aussi pour moi, ilest un des rares à savoir ce que j’ai fait, mais surtout qui je suis.
Chapitre 2
Délivrance
Je me souviens du jour où j’ai aidé Nicholas comme si c’était hier.Àl’origine, mon intention était de le tuer au risque de me faire abattre, je ne suis plus trop sûre. J’étais librede me déplacer où bon me semblait dans les enfers.Enfin, c’est une façon de le dire. Je savais être épiée dans mes moindres faits et gestes pour qu’ils soient rapportés à mon
père.Finalement, j’étais moi aussi une prisonnière, mais avec des barreaux plus larges. Je dormais dans une chambre dont le lit, était un simple amas de paille. On ne m’octroyait que trop peu de linge que j’étais bien souvent contrainte dechiper à droite et à gauche. Mon plan prêt à être exécuté, tout s’imbriquaitdans ma tête, mais je repoussais toujours l’échéance.
Sa cage était mise à lécart. Pourtantl’odeur de sang dans la siennepersistait plus que dans celles des autres.J’en avais des haut-le-cœur, mais je savais que le déviantcomme les gardes l’appelaient était ici. Alors avecune potion mortelle, que j’avais dérobée à un des mages,je procédais à l’ouverture de sa cellule.
Je n’avais pas l’ombre d’une idée sur la façon dont il allait réagir.Ma seule certitude : cette attitude ne lui ressemblait pas.Il m’areconnue dès que je suis entrée et au lieu de se débattre, de tirer sur les chaînes qui le retenaient contre le murcomme je l’avais pensé, il a baissé la tête en implorant : De grâce, achevez-moi vite, ma dame! Ma main tremblait, alors que je tenais l’immense épéedont je m’étais emparée à la dernière minute afin de me protéger des gardes. Pas à cause de son poids, mais par la douleur qui se reflétait
dans les yeux de cet homme et qui produisait un écho dans mon âme. Quoi, les démons en sont
dépourvusd’après vous?
C’est ce que l’on aimerait vous faire croire, j’en suisle parfait exemple. Nous en avons une, on choisit juste de la réduire au silence. Enfin pour ceux qui y sont arrivés, car la mienne a une plus grande gueule que tousles suppliciés des enfers et elle a juré d’avoir ma peau.Au dernier moment, le choix de lui trancher la tête s’est révélé être une évidence pour moi. Plus simple que le poison, je soulève la lame et la rabaisse en fermant les yeux.Impossible. C’est trop difficile. Cela ne me ressemble pas.
Lève-toi et barre-toi! soufflé-je. Il redresse son visage vers moi, puisme scrute entre l’étonnement et l’inquiétude. Je ne te ferai aucun mal, m’écrié-je alors que je distingue son corps pris de tremblements incontrôlés. Je nel’ai pasvu bouger, comme je n’ai pas eu conscience de m’être suffisamment rapprochée de lui pour être à sa portée. Pourtant,la gifle qu’il m’a envoyée était bien réelle. Peut-être voulait-il me faire payer qui je suis, je l’ignore. Mais je suis restée, en toute évidence, un moment sans me défendre. Pourquoi a-t-il déversé autant de violence sur ma personne? Je ne saurais le formuler. Seulement, mes os qui craquaient sous ses coups ou mes organes encore une fois malmenés,
était tellement habituelle que je ne bronchaispas. Du moins, jusqu’à ce qu’il s’écrie: Pardieu, tu n’es que couardise, ils ont raison! Après tout,c’est limite si tu vaux lapaillasse sur laquelle je suis sûr que tu agonises. Une étincelle a échauffé un organe que je croyais mort, mais je l’ailaissém’insulter et me frapper. Si cela lui faisait plaisir,peu m’importait, je n’étais de toute façon qu’une coquille vide. Il
m’aplaquée contre la paroi rocheuse, ma colonne a craqué sèchement. Encore une vertèbre, probablement, car ce n’est pas la première fois que l’on me tabasse.C’était même assez régulier à tel point que je ne cherchais plus à me défendre. Subitement, les coups avaient cesséet il m’avaitdévisagéed’une étrangemanière. Sa bouche
a frôlé ma tempe. Mes mains sont remontées le long de son torse pour le repousser mollement dès l’instant où j’ai perçu l’éclatqui brillait dans son regard. Ventregris, c’est bien ce qu’ilme semblait, a-t-il lâché. Puis, il a dénoué le lacet de mon corset en plaçant ses immenses battoirs de partet d’autre de ma poitrine. Deuxième impulsion,mon cœurexistait-il finalement? Je ne veux pas, iln’a pas le droit! Il sortit mes seins de leur carcan de tissu.J’ai commencé à me débattre. Je compris ses intentions immondes. Mon corps tout entier se tétanisait. Il était si
fort, et jen’étais qu’un monstredont la faiblesse était de notoriété publique
Je vais te faire hurler, avait-il souffléen essayant d’ôter mon pantalon de cuir.
Troisième bond, plus fort celui-ci. Oui,j’étaisvivante!Hors de question d’être un jouet pour des mains masculines. Je lui ai décoché un coup dans la mâchoire quil’aprojeté sur la paroi en face de moi. Le bras levé, il est revenu à la charge, maisj’airéussi à lesquiver en lui balançant mon pied dans le dos. Arrachant dans le même temps ses chaînes et envoyant sa tête claquer dans le mur opposé.
Il s’est retourné doucement, mais son regard avait changé. J’étais entrée dans un cachot où je suis tombée sur une loque qui peinait à respirer. Et là, son aura semblait emplir toute la cavité.
Son regard, un mélange de sagesse et de douceur, contrastait avec le claquement qu’il émettait en
crispant sa mâchoire. 2 Parfait, vous ne pensiez pas que j’allais m’accointer avec un pleutre? Je ne comprenaispas un mot de ce qu’ilbaragouinait. Hein? soupiré-je, les yeux ronds, en refermant prestement mon corset. Putain! Mais parlez français, bon sang! Je n’y suis pour rien, jeune damoiselle, si votre langage estsi piètre. Nonobstant, je ferai 3 des efforts, si de votre côté, vous mecoventezde ne plus laisser périr votre flamme?
À cet instant, je ressemblais à une parfaite sotte à le regarder l’air béat, mais d’où sortait-il? Il soupirait et avec une tension apparente, il a repris : Promets-moi de te battre.J’ai penché la tête d’un côté puis de l’autre. Pourquoi passait-il soudainement au tutoiement? En quoi se sentait-il concerné par mon envie d’en finir? Un tempo régulier. Un cœur battait-il finalement en moi? Pourtant, depuis ma création, on m’a toujours assuré que j’en étais dépourvue. —Je ne saisis pas... Convaincue de ne pas l’avoir évoqué, je m’aperçus avoir émis cette réflexion à haute voix. Tu comprendras un jour, haleta-t-il. En attendant, nous devons partir et emmener le plus de monde dans notre fuite.
En réalité, je n’ai pas été honnête avec vous. Me sauver avec les prisonniers s’avérait, de
loin, être ma première idée. Je voulais juste en finir et j’ai compris que la solution était à ses côtés. Ma vie ici tenait du véritable calvaire. On me battait, m’affamait. Certains s’imaginaient que je profitais d’avantages au titre de mon statut de fille dumaître des lieux. Le réel problème, c’est qu’on me jalousait. Pour les habitants, je devais souffrir pour justifier l’interdiction qu’ils avaient de me tuer.Cependant, mon plan ne s’est pasdéroulé comme prévu.
Les images nous reviennent. J’en suis certaine, car les larmes ne sont pas loin de couler. Il contracte son visage comme la toute première fois où je l’ai vu. Impossible d’envisager qu’un inconnu puisse m’occire. J’avais conscience de ce qu’il représentait pour moi, que c’était réciproque.
Mes souvenirs me ramènent à notre horrible première rencontre. Nicholas retenu par les gardes royaux avec à ses pieds gisant au sol, le corps d’une femme ainsi que d’une petite fille. Leur sang abreuvait des tas de démons mineurs alors que lui hurlait qu’il allaitles pourfendre jusqu’au dernier.
2 Accointer: Mettre en relation, lier ensemble. 3 Coventer: promettre, garantir.
Mon regard s’est posé sur la fillette à peine plus âgée quemoi. Je les ai observés sur leur trône, rire des tourments qu’ils luiinfligeaient.
Le roi a déclaméd’une voix caverneuse: Dommage que tu aiestué l’enfant. J’aurais aimé vérifier si elle criait autant que sa mère,murmura-t-il en caressant son sexe. Il était nu comme à son habitude. La reine, le regard fixé en sa direction, le sourire absent
et le ton hautain, lui avait répondu : Jetez-moi ça dans une geôle! Onverra s’il a la langue aussi pendue une fois que je lui aurai arrachée. En attendant, coupez sa femme et sa fille en morceaux et balancez-les dans sa cellule. Qu’il les contempleà foison se faire dévorer, avait-elle lâché avec un éclat de rire aux lèvres. Le cri, poussé par Nicholas,a hanté mes rêves allant jusqu’à les changer en cauchemars.
Pendant des années, ma faiblesse et ma couardise m’ontpoursuivie, car je suis restée immobile, sans rien tenter. Je n’ai pas cherchéà défendre l’enfant ou samère, je les ai observées en pleine torture et vuesmourir sous d’atroces souffrances, sansmême m’opposer à cela.Je doutais qu’il soit le même homme avant d’entrer dans cet endroit où ils le retenaient en captivité.Les informations glanées ici et là laissaient pourtant entendre le contraire. Une larme glissait le long de ma joue au moment où je l’ai reconnu. Il a juste saisi mon épaule un soupir aux lèvres.Tu ne pouvais rien faire, tu n’étais qu’une enfant, et moi, un pauvre fou. Un jour, ils payeront! Un jour, si Dieu leveut…
Qu’est-ce qu’il vient foutrelà-dedans lui? avais-je alors pensé. S’il existe, cela faisait belle lurette qu’il nous avait oubliés. Sans autre avertissement,j’ai planté ma lame danslecœurde Nicholasjusqu’à la garde.Personne ne devait découvrir mon identité. Encore moins comprendre que j’étais toujours vivante.Toutefois, au lieu de le voir souffrir ou même passer à trépas, il m’avait souri en enlevant monépée comme s’il retirait uncure-dents.
Tu ne m’élimineras pas ainsi, je le crains. Alors comment? lui avais-je demandé les yeux dans les yeux. D’abord, il afficha un rictus moqueur puis éclata de rire alors que le sang écarlate maculait son torse. Lorsque je le saurai, promis, tu seras la premièreà avoir l’information. En attendant, nous
devons bouger. Et c’est ce que nous avons fait, emportant avec nous bon nombre de prisonniers du couple royal des enfers.
Je n’ai pas besoin de vous expliquer quele contrat qui a été posé sur ma tête est mirobolant comme celui de Nicholas, ou de ceux que j’ai amenés à ma suite. Aprèstout, nul n’estcensé s’échapper des enfers. Retour au moment présent. Nos prunelles se croisent. Le soupir que nous lâchons mutuellement est bien plus parlant que n’importe quel discours.Ils t’ontretrouvée,c’est ça? murmure-t-il. Comme si de le prononcer à voix haute risquait de les faire apparaître sur le pas de la porte. Je colle mon front contre le cuir de ce qui reste du sac de frappes. Je ferme les yeux un instant. Je tente de calmer les battements erratiquesde mon cœur lorsque mon regard se pose sur lui. Il s’est rapproché. J’en aibien peur. C’est l’uniquechose que j’arrive à prononcer alors qu’une boule fait barrage dans ma gorge.
Tu n’es plus seule à présent, observe-t-il.
Il a raison, mais ai-je le droit de les entraîner avec moi? Ce n’est pasjustealors qu’ils commencent àà me faire confiance. Nous rions peine ensemble, mais je sens souvent une réserve.J’ignore tout deleur vie. Bien que mes amies se soient confiées à plusieurs reprises, je respecte leur jardin secret. Je refuse d’user demes dons pour leur
soutirer des confidences.
Écoute, tu préfèresqu’ils l’apprennent par eux ou de ta bouche? rétorque-t-il. Son vieux français a laissé place à des phrases résolument plus modernes,signe qu’il est anxieux lui aussi.J’en suis consciente, je croisd’ailleursque Narumi se doute de quelque chose. Il éclate de rire, se tapant même la cuisse du plat de la main. Euh! Il se moque de moi là?
Oh! Je ne pourraijamais me passer de toi, c’est certain,ajoute-t-il en me frottant le haut du crâne,comme si je n’étais qu’un petit chiot.Vexée, j’attrape son bras et je lenvoie valser avec sa carcasse contre le mur du fond! Plutôt que de calmer son fou rire, cela l’intensifieà tel point qu’il n’arrive plus à se lever.Il reste immobile, sans un bruit. Alors que je m’apprêtais à sortir de la pièce, le silence m’oppresse. Je cours vers lui. Inerte, il est étendu sur le sol, yeux fermés. Je le pousse de la pointe des pieds, en vain.
Il n’est quand même pas mort de rire? À moins qu’il se soit rompu le cou en tombant? Après tout ce que nous avons vécu, cette façon de mourir se révèlerait bien stupide! Alors que je me baisse pour vérifier sa respiration, il m’attrape et commence à me chatouiller. Je me tortille sous son assaut tel un chat infesté de puces.Avoue, tu tinquiètes pour moi, argue-t-il,
les yeux brillants de bonheur.
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