Lettres complices
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Lettres complices , livre ebook

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Description

Les mots, et plus précisément les lettres qui les composent, sont en colère. Celles-ci sont en général oubliées, alors que l’alphabet est souvent considéré comme la plus importante des conquêtes humaines.


Chaque lettre se déploie, témoigne, révèle sa personnalité pour montrer que nous avons tout à gagner à mieux les connaître. D’autant plus que leur avenir est incertain si l’oral ou l’image se développent au détriment de l’écrit. Que se passera-t-il si les lettres disparaissent ?


Comme toujours avec recul, sourire, sans omettre un clin d’œil à Baudelaire, Montaigne Balzac, Sartre ou Shakespeare, l’auteur trace une vue confiante en l’avenir à condition que chacun assume sa responsabilité d’apprendre et de transmettre.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 25 octobre 2022
Nombre de lectures 1
EAN13 9782383512219
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Lettres complices
 
La SAS 2C4L — NOMBRE7, ainsi que tous les prestataires de production participant à la réalisation de cet ouvrage ne sauraient être tenus pour responsables de quelque manière que ce soit, du contenu en général, de la portée du contenu du texte, ni de la teneur de certains propos en particulier, contenus dans cet ouvrage ni dans quelque ouvrage qu’ils produisent à la demande et pour le compte d’un auteur ou d’un éditeur tiers, qui en endosse la pleine et entière responsabilité.

Pierre Tabarin
Lettres complices



 
L’alphabet, cette fenêtre sur le monde
Dany Laferrière, de l’Académie française
 
Prologue
On écrit parce qu’on aime les mots.
Mais est-ce à dire que l’on aime les lettres qui les composent, les sons qu’ils évoquent lorsqu’on les écrit, ou que l’on entend lorsqu’on les prononce, ou encore les idées qu’ils expriment. Ou seulement certains de ces éléments en priorité, quitte à n’en point aimer d’autres ? Le mot « mot » a d’ailleurs une origine bizarre, car, historiquement en latin, il a à la fois signifié un grognement inarticulé soit un son (muttum) puis la parole. En outre personne n’a inventé les mots qui sont apparus au fil du temps dans le langage des hommes. Ils ont été la simple traduction de sons et apparurent il n’y a guère plus de trois mille ans avec la naissance des premiers alphabets. Ceci dit il est clair que le mot a une existence en dehors de la parole, comme l’a montré Richelet dans son Dictionnaire français au XVIIe siècle, en distinguant bien les deux notions. Ce qui ne signifie pas qu’un mot écrit est un mot muet puisqu’il parle à chacun de nous lorsqu’on le lit. Et chacun peut témoigner que beaucoup de mots écrits l’ont plus touché que bien des mots prononcés. Un mot est donc un être bizarre, que l’on écrit et que l’on prononce, alors que la parole ne s’écrit pas même si on peut la transcrire. Le mot avec lequel l’écrivain ou plus modestement l’auteur s’exprime est donc un partenaire indispensable et redoutable. À vrai dire c’est sans doute aussi le cas de celui qui veut s’exprimer avec comme partenaire une image, peinte ou filmée, ou qui souhaite partager son émotion avec une gamme de notes. Sauf que l’image, le film ou l’air sont des notions ponctuelles, alors que le mot a ceci de particulier d’être englobant, d’avoir une histoire. Englobant, car le mot musique prend en compte toutes les compositions passées présentes et futures. Comme les mots peinture et cinéma intègrent tous les tableaux et tous les films de toutes les époques. Avec une histoire, car un mot un jour est né, a vécu, prospéré et parfois disparu. C’est donc un défi que d’écrire avec des mots. D’une part, car l’auteur, s’il a le choix des mots, n’a pas le choix de l’absence de mots. Même si la page blanche peut être une forme d’expression momentanée et fugace. D’autre part, car l’expression passe par l’utilisation d’une succession de mots qui se complètent, se renforcent et conduisent à un but. C’est sans doute ce qui explique que le mot « mot » a fait l’objet d’une multitude de réflexions, d’expressions, de conseils de la part des auteurs les plus réputés. Sans oublier que le mot « mot » a fait florès dans un grand nombre d’expressions courantes. Ce qui traduit qu’il sait être à la fois précieux et populaire, savant et utilisé par tous. Soit :
- Il ne faut jamais disputer des mots mais tâcher de les entendre (Bossuet)
- Et dès qu’un mot plaisant vient luire à mon esprit, je n’ai point de repos qu’il ne soit en écrit (Boileau)
- Dieu ne créa que pour les sots, les méchants diseurs de bons mots (La Fontaine).
- Il est un heureux choix de mots harmonieux. Fuyez des mauvais sons le concours odieux (Boileau).
- C’est un mérite non commun, ni facile, de clore en peu de mots beaucoup de sens. (Paul Louis Courier)
- J’ai une certaine tendresse pour tous ces beaux mots que je vois ainsi mourir, opprimés par la tyrannie de l’usage qui ne nous en donne point d’autres en leur place (Vaugelas).
- Notez que la naissance d’un mot est pour l’ordinaire la mort d’un autre (Pierre Bayle)
- N’employez jamais un mot nouveau, à moins qu’il n’ait ces trois qualités : être nécessaire, intelligible et sonore (Voltaire).
Quant aux expressions populaires, le mot « mot » y tient une place éminente : les grands mots, les gros mots, les bons mots, le fin mot, le mot d’ordre, à demi-mot, à mots couverts, mot à mot, manger ses mots, compter ses mots, prendre un mot pour l’autre, dire deux mots, avoir des mots, placer un mot, le mot pour rire, toucher un mot, le dernier mot…
Mais n’oublions pas que : « les mots sont des termes moyens entre les idées et les objets ; l’idée doit produire le mot, et le mot doit rappeler l’idée ; mais le sens des mots n’est pas toujours tellement déterminé qu’il amène cet effet » (Sennebier). Ce qui, à l’évidence, complique la compréhension des mots, génère tant de conflits du fait de l’écart bien connu entre ce que l’on a voulu exprimer, ce que l’on a dit ou écrit, ce qui a été perçu et ce qui a été compris… ce qui peut amener à une réflexion complémentaire sur la fabrication du mot. À savoir sur les lettres qui le composent. On oublie en effet trop souvent que le mot est un assemblage de lettres et que celles-ci sont donc au cœur du langage, de l’écrit, de l’expression humaine. Et pourtant on les néglige, on les limite à l’alphabet que l’on utilise tous les jours, alors qu’il existe divers alphabets, alors qu’elles ont évolué au fil du temps et que deux notions s’opposent souvent : la lettre et l’esprit. Notions qui ont constitué depuis toujours un débat aux connotations juridiques ou religieuses fortes. La question étant, dans tel ou tel domaine, faut-il privilégier ce qui est écrit, au plus près du texte ou faut-il en référer à la raison d’être du texte, au but qu’il poursuit ? D’où tous les débats autour de l’interprétation, du contexte dans lequel a été écrit le texte, des connaissances historiques, techniques ou autres qui changent la donne. Sans entrer dans les débats religieux qui opposent l’apôtre Paul : « la lettre tue, mais l’Esprit vivifie » à ceux qui estiment que le texte est un cadre indépassable. Sans oublier d’autres qui considèrent que tout texte doit être périodiquement réétudié. La préoccupation est identique dans le domaine juridique au niveau du respect de la loi ou du règlement. La jurisprudence, les circonstances atténuantes, l’évolution de la technologie ou des mœurs, le vide juridique, constituent autant d’occasions d’interpréter la loi. N’est-ce pas d’ailleurs la fonction première d’un procès juste que d’examiner toutes les composantes d’un acte contrevenant à la loi. À défaut, une application automatique pourrait suffire… peut-être même d’ailleurs que l’utilisation de l’intelligence artificielle dans les décisions de justice y conduira peu à peu ? Alors faut-il prendre en compte l’esprit de la loi, sans oublier les recommandations de Montesquieu à cet égard ? Doit-on mettre en avant les notions de morale ou de bien qui la sous-tendent, ou se limiter à son rapport aux simples faits ? Faut-il, comme le dit joliment le philosophe Gilles Troger : « prendre le mot au mot ? » Débats toujours d’actualité entre juristes, théologiens, parlementaires, constitutionnalistes, mais débats qui mettent bien en évidence la notion de lettre. S’agit-il d’un simple signe ? Est-ce un mot qui a plusieurs significations : signe, texte, écrit sous enveloppe ? Un tel mot mérite donc que l’on s’y intéresse et, en particulier puisqu’un texte est une succession de lettres que l’on se préoccupe de chacune d’elles. Non pas dans une approche grammaticale ou orthographique mais simplement pour prendre le temps de passer un moment avec chacune d’elles. Elles nous entourent depuis toujours et nous ne leur portons aucune attention. Pourquoi ? Nous les apprenons dès l’enfance et, le plus souvent, nous en mettons quelques-unes sur nos tombes. Lesquelles, moins périssables que les fleurs, durent des siècles. Aussi, au moment où on les utilise davantage de plus en plus comme des mots, mais indépendamment des mots existants, tels LGBTQ, XML, IA, LOL, WEB, SMS… le temps n’est-il pas venu de leur rendre hommage ?
Prenons donc en compte ces lettres, cet alphabet qui est à la base de tout d’autant plus que, comme le disait Céline : « Tout homme qui possède son alphabet est un écrivain qui s’ignore ». Ou encore : « l’alphabet que l’enfant avec son doigt épelle contient en chaque lettre une vertu » selon Victor Hugo. Oui les lettres ont de l’esprit et des vertus. Comme en témoigne un vieux proverbe français : « la colère passe en disant l’alphabet ». Raison de plus pour rendre visite à chacune des lettres de l’alphabet, pour les découvrir, les écouter, comprendre leur message. Et, par exemple, se demander pourquoi les lettres m, o et t ont donné le mot « mot » ? Pourquoi certaines se limitent-elles à composer un acronyme et d’autres un sigle alors que d’autres encore forment un mot ? Mystères de l’histoire du langage ? Aussi tentons de leur donner vie, car il n’y a aucune raison de penser qu’elles n’ont rien à dire, qu’elles sont muettes, que lettre est le néant. En effet il est prouvé que chaque lettre a son histoire. En outre, dans un alphabet donné, par exemple celui de la langue française, les lettres n’y jouent pas toutes le même rôle. Il est donc logique d’en déduire que chaque lettre a une personnalité puisqu’elle a une histoire, un corps ou existence physique et une mission. Et c’est cette idée qui a amené les lettres à prendre conscience de leur importance et les a incitées à en parler, conscientes soudain qu’elles étaient restées pendant des millénaires, silencieuses, en retrait, figées, quelque peu schizophréniques, à la fois bien rangées dans un alphabet et très mobiles au sein d’une multitude de mots. Aussi est-ce pour sortir de cette situation que la lettre A prit un jour l’initiative d’adresser un message à toutes ses collègues. Elle en avait l’idée d

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