La Légende des siècles
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La Légende des siècles , livre ebook

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Description

Extrait : "LA TROMPETTE DU JUGEMENT - Je vis dans la nuée un clairon monstrueux. Et ce clairon semblait, au seuil profond des cieux, Calme, attendre le souffle immense de l'archange."

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Informations

Publié par
Nombre de lectures 45
EAN13 9782335004465
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0006€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

EAN : 9782335004465

 
©Ligaran 2015

XI L’Épopée du ver

Au fond de la poussière inévitable, un être
Rampe, et souffle un miasme ignoré qui pénètre
            L’homme de toutes parts,
Qui noircit l’aube, éteint le feu, sèche la tige,
Et qui suffit pour faire avorter le prodige
            Dans la nature épars.

Le monde est sur cet être et l’a dans sa racine,
Et cet être, c’est moi. Je suis. Tout m’avoisine.
            Dieu me paie un tribut.
Vivez. Rien ne fléchit le ver incorruptible.
Hommes, tendez vos arcs ; quelle que soit la cible,
            C’est moi qui suis le but.

Ô vivants, je l’avoue, on voit des hommes rire.
Plus d’une barque vogue avec un bruit de lyre ;
            On est prince et seigneur ;
Le lit nuptial brille, on s’aime, on se le jure,
L’enfant naît, les époux sont beaux ; – j’ai pour dorure
            Ce qu’on nomme bonheur.

Je mords Socrate, Eschyle, Homère, après l’envie.
Je mords l’aigle. Le bout visible de la vie
            Est à tous et partout,
Et quand au mois de mai le rouge-gorge chante,
Ce qui fait que Satan rit dans l’ombre méchante,
            C’est que j’ai l’autre bout.

Je suis l’Inconnu noir qui, plus bas que la bête,
Remplit tout ce qui marche au-dessus de sa tête
            D’angoisse et de terreur ;
La preuve d’Alecton pareille à Cléopâtre,
De la pourpre identique au haillon, et du pâtre
            Égal à l’empereur.

Je suis l’extinction du flambeau, toujours prête
Il suffit qu’un tyran pense à moi dans la fête
            Où les rois sont assis,
Pour que sa volupté, sa gaieté, sa débauche,
            Devienne on ne sait quoi de lugubre où s’ébauche
La pâle Némésis.

Je ne me laisse point oublier des satrapes ;
La nuit, lascifs, leur main touche à toutes les grappes
            Du plaisir hasardeux,
Et, pendant que leurs sens dans l’extase frémissent,
Des apparitions de méduses blêmissent
            La voûte au-dessus d’eux.

Je suis le créancier. L’échéance m’est due.
J’ai, comme l’araignée, une toile tendue.
            Tout l’univers, c’est peu.
Le fil imperceptible et noir que je dévide
Ferait l’aurore veuve et l’immensité vide
            S’il allait jusqu’à Dieu.

J’attends. L’obscurité sinistre me rend compte.
Le capitaine armé de son sceptre, l’archonte,
            Le grave amphictyon,
L’augure, le poète étoilé, le prophète,
Tristes, songent à moi, cette vie étant faite
            De disparition.

Le vizir sous son dais, le marchand sur son âne,
Familles et tribus, les seigneurs d’Ecbatane
            Et les chefs de l’Indus
Passent, et seul je sais dans quelle ombre est conduite
Cette prodigieuse et misérable fuite
            Des vivants éperdus.

Brillez, cieux. Vis, nature. Ô printemps, fais des roses.
Rayonnez, papillons, dans les métamorphoses.
            Que le matin est pur !
Et comme les chansons des oiseaux sont charmantes,
Au-dessus des amants, au-dessus des amantes,
            Dans le profond azur !
*

Quand, sous terre rampant, j’entre dans Babylone,
Dans Tyr qui porte Ammon sur son double pylone,
            Dans Suze où l’aube luit,
Lorsqu’entendant chanter les hommes, je me glisse,
Invisible, caché, muet, dans leur délice,
            Leur triomphe et leur bruit,

Quoique l’épaisseur vaste et pesante me couvre,
Quoique la profondeur, qui jamais ne s’entrouvre,
            Morne et sans mouvement,
Me cache à tous les yeux dans son horreur tranquille,
Tout, quel que soit le lieu, quelle que soit la ville,
            Quel que soit le moment,

Tout, Vesta comme Églé, Zénon comme Épicure,
A le tressaillement de ma présence obscure ;
            On a froid, on a peur ;
L’un frémit dans son faste et l’autre dans ses crimes,
Et l’on sent dans l’orgueil démesuré des cimes
            Une vague stupeur ;

Et le Vatican tremble avec le Capitole,
Et le roi sur le trône, et sur l’autel l’idole,
            Et Moloch et Sylla
Frissonnent, et le mage épouvanté contemple,
Sitôt que le palais a dit tout bas au temple :
            Le ver de terre est là !
*

Je suis le niveleur des frontons et des dômes ;
Le dernier lit où vont se coucher les Sodomes
            Est arrangé par moi ;
Je suis fourmillement et je suis solitude ;
Je suis sous le blasphème et sous la certitude,
            Et derrière Pourquoi.

Nul dogme n’oserait affronter ma réponse.
Laïs pour moi se frotte avec la pierre ponce.
            Je fais parler Pyrrhon,
La guerre crie, enrôle, ameute, hurle, vole,
Et je suis dans sa bouche alors que cette folle
            Souffle dans son clairon.

Je suis l’intérieur du prêtre en robe blanche,
Je bave dans cette âme où la vérité penche ;
            Quand il parle, je mens.
Le destin, labyrinthe, aboutit à ma fosse.
Je suis dans l’espérance et dans la femme grosse,
            Et, rois, dans vos serments.

Quel sommeil effrayant, la vie ! En proie, en butte
À des combinaisons de triomphe ou de chute,
            Passifs, engourdis, sourds,
Les hommes, occupés d’objets qui se transforment,
Sont hagards, et devraient s’apercevoir qu’ils dorment,
            Puisqu’ils rêvent toujours !

J’ai pour l’ambitieux les sept couleurs du prisme.
C’est moi que le tyran trouve en son despotisme
            Après qu’il l’a vomi.
Je l’éveille, sitôt sa colère rugie.
Qu’est la méchanceté ? C’est de la léthargie ;
            Dieu dans l’âme endormi.
*

Hommes, riez. La chute adhère à l’apogée.
L’écume manquerait à la nef submergée,
            L’éclat au diamant,
La neige à l’Athos, l’ombre aux loups, avant qu’on voie
Manquer la confiance et l’audace et la joie
   

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