Flambeaux noirs , livre ebook
20
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Français
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EAN : 9782335122329
©Ligaran 2015
À Edmond Picard .
Départ
La mer choque ses blocs de flots contre les rocs
Et les granits du quai, la mer spumante
Et ruisselante & détonnante en la tourmente
De ses houles montantes .
Les baraques & les hangars comme arrachés ;
Et les grands ponts noués de fer et cravachés
De vent ; les ponts, les baraques, les gares
Et les feux étagés des fanaux & des phares
Oscillent aux cyclones
Avec leurs toits, leurs tours & leurs colonnes .
Et ses hauts mats craquants & ses voiles claquantes ,
Mon navire d’à travers tout casse ses ancres ,
Et, cap sur le zénith ,
Il hennit de toute sa tête
Vers la tempête .
Et part, bête d’éclairs, parmi la mer .
Dites, vers quel inconnu fou
Et vers quels somnambuliques réveils
Et vers quels au-delà & vers quels n’importe où
Convulsionnaires soleils ?
Vers quelles démences & quels effrois
Et quels écueils, cabrés en palefrois ,
Vers quel cassement d’or
De proue & de sabord ,
Dites, vers quels mirages & quel rire
S’en part le mors aux dents de mon navire ,
Bête d’éclairs parmi la mer ?
Tandis qu’hélas celle qui fut ma raison ,
La main tendant ses pâles lampadaires ,
Le regarde cingler à l’horizon ,
Du haut de grands débarcadères .
Un soir
Des yeux de pierre & des bouches désertes
Taisent immensément les mystères inertes
De ce minuit, dallé d’ennui .
En des cirques d’éther & d’or, feules & feules
Les constellations tournent comme les meules
De ce minuit, dallé d’ennui .
Des monuments silencieux & des étages
Se devinent par au-delà des grands nuages
De ce minuit, dallé d’ennui .
Sais-je ? Sait-on ? Quels imminents sépulcres sombres ,
Scellés de fer, vont éclater parmi les ombres
De ce minuit, dallé d’ennui .
Quels pas sonnant la mort & quelles cohortes
Viendront casser l’éternité des heures mortes
De ce minuit, dallé d’ennui ,
Et clore, à tout jamais, ces yeux de pierre ,
Cristaux mystérieux & ors, dans la paupière
De ce minuit, dallé d’ennui .
Les lois
Un paysage noir, ligné d’architectures
Qui découpent l’éternité ,
De leurs parallèles & fatales structures ,
Impose à mes yeux clos son immobilité .
Murs de Justice & tours de Sapience ,
Toute l’humanité, qui s’est dardée en lois ,
Se définit en ces rectilignes effrois
De souverain granit & de lourde science .
L’orgueil des blocs de bronze & des plaques d’airain ,
Brutal & solennel de haut en bas, décide :
Ce qu’il faut de justice & de bonheur serein
À tout cerveau, docte & placide .
Indestructible & clair, peréternel & froid ,
Plus haut que tout sommet arquant sa vastitude ,
Le dôme immensément lève la certitude :
La tour de l’Évidence & le glaive du Droit .
Et c’est au fond d’un soir de cataclysme ,
Où des couchants de rocs écrasent des soleils ,
Que ces piliers & ces beffrois du dogmatisme ,
Sous un ciel d’encre & d’or semblent tenir conseil .
Sans voir si l’œil de leur Dieu vague, ouvert la nuit ,
Et vers lequel s’en va l’élan du monument ,
Ne s’est point refermé lui-même au firmament ,
Par usure peut-être – ou peut-être d’ennui .
La révolte
Vers une ville au loin d’émeute et de tocsin ,
Avec, sur soi, le fer au clair des guillotines ,
En tout à coup de fou désir, s’en va mon cœur .
Les sourds tambours de tant de jours
D’à bout de tout & de tempête
Battent la charge dans les têtes .
Le cadran noir du beffroi noir
Darde son disque au fond du joir ,
Contre un ciel d’étoiles rouges .
Des glas de pas sont entendus
Et de grands feux de toits tordus
Échevèlent les capitales .
Ceux qui ne peuvent plus avoir
D’espoir que dans leur désespoir
Sont descendus de leur silence .
Dites, quoi donc s’entend venir ,
Sur les chemins de l’avenir ,
De si terriblement tranquille ?
La haine du monde est dans l’air
Et des poings pour saisir l’éclair