L Amour comme un roman
303 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
303 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Cet ouvrage représente la première grande synthèse de l’histoire du roman sentimental au Québec.
Alors que le roman d’amour est un des genres les plus lus, il a été victime jusqu’ici du mépris des élites envers des textes écrits « à l’eau de rose ». Un tel désintérêt est regrettable, car, pour qui se délivre des préjugés entretenus à son encontre, la littérature sentimentale offre un portrait exceptionnellement riche des interdits et des fantasmes de la société québécoise.
Du roman de sensibilité à la chick lit, des fascicules populaires à la new adult, du roman de la victime à l’homoromance ou des photoromans aux sagas du viol, on s’étonne de la diversité des courants à l’intérieur d’un genre par ailleurs rigidement structuré. À travers les tribulations amoureuses des personnages se découvre ce qu’on peut appeler une « grammaire de l’amour », qui enseigne comment aimer et, peut-être plus encore, comment ne pas aimer.
L’analyse d’un vaste corpus permet d’aborder des questions captivantes. Quelle est la place du coup de foudre dans la rencontre ? Comment l’endogamie (de classe, de nation, de religion, de race) oriente-t-elle le choix des partenaires ? Quelles sont les règles du flirt ? Quelles sont les limites tracées à l’expression des désirs? Quelles sont les attentes face au mariage ?
Dans L’amour comme un roman, Marie-Pier Luneau et Jean- Philippe Warren se livrent à une analyse fine de la façon dont le roman sentimental a fait rêver les Québécoises et les Québécois à l’amour, et ce, pendant deux siècles.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 27 janvier 2022
Nombre de lectures 20
EAN13 9782760645301
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1250€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

MARIE-PIER LUNEAU et JEAN-PHILIPPE WARREN
L’amour comme un roman
Le roman sentimental au Québec d’hier à aujourd’hui
Les Presses de l’Université de Montréal



Mise en pages: Yolande Martel Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada Titre: L’amour comme un roman: le roman sentimental au Québec, d’hier à aujourd’hui / Marie-Pier Luneau, Jean-Philippe Warren. Noms: Luneau, Marie-Pier, 1973- auteur. | Warren, Jean-Philippe, 1970- auteur. Collections: Socius. Description: Mention de collection: Socius | Comprend des références ­bibliographiques. Identifiants: Canadiana (livre imprimé) 20210064986 | Canadiana (livre numérique) 20210064994 | ISBN 9782760645288 | ISBN 9782760645295 (PDF) | ISBN 9782760645301 (EPUB) Vedettes-matière: RVM: Roman sentimental—Histoire et critique. | RVM: Histoires d’amour québécoises—Histoire et critique. | RVM: Amour dans la littérature. | RVM: Amours dans la littérature. | RVM: Intimité dans la littérature. Classification: LCC PS8191.S46 L86 2021 | CDD C843/.085—dc23 Dépôt légal: 1 er trimestre 2022 Bibliothèque et Archives nationales du Québec Tous droits réservés © Les Presses de l’Université de Montréal, 2022 www.pum.umontreal.ca Les Presses de l’Université de Montréal remercient de leur soutien financier le Conseil des arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).





INTRODUCTION
Tous vos beaux discours
L’opinion générale consacre l’amour comme aspiration absolue et universelle, tous les individus pouvant être soumis à son empire. Présenté comme un phénomène à la fois naturel et irrésistible, le sentiment amoureux jaillit, croit-on, de manière mystérieuse. On fait comme si on tombait en amour sans que n’entre dans cet événement (qui prend, dans sa manifestation idéale, la forme d’un coup de foudre) aucun calcul. Le dicton populaire traduit bien cette indomptabilité: si, comme on le répète, «on ne peut pas empêcher un cœur d’aimer», c’est que les institutions, les règles du bon sens, l’intérêt propre et la volonté des amoureux transis, qui cherchent parfois désespérément à se défendre contre leurs propres penchants, ne pourraient résister à cette passion dévorante, irréfléchie, qui surgit en soi à l’improviste, souvent au moment où on s’y attend le moins.
La démarche de ce livre repose sur le postulat selon lequel «l’idéal amoureux» n’est pas aussi spontané et libre qu’on cherche à le faire croire. Certes, l’amour existe dans toutes les communautés humaines; cependant, toutes n’aiment pas de la même manière. Il est facile de constater, pour peu qu’on ouvre un livre d’anthropologie ou d’histoire, comment les sociétés attribuent chacune une place précise aux élans amoureux, codifient leurs manifestations, structurent leurs rapports et déterminent leurs finalités. Elles choisissent, pour parler d’amour, des mots qui tout à la fois révèlent et censurent, informent et subliment, canalisent et répriment les mouvements du cœur selon des normes qu’il importe de saisir à partir de situations propres 1 .
On a souvent tendance à découper l’histoire de l’intime sur l’horizon d’une graduelle libération des mœurs: on serait passé d’un intime refoulé ou feutré à un intime exhibé 2 . Si notre analyse ne dément pas cette évolution générale, une telle présentation ne devrait pas être reçue comme une confirmation de la progression foncièrement émancipatrice de la place de l’intime dans la société. Cette interprétation devrait être davantage vue comme une évolution dans l’aménagement de l’intimité, ce qui suppose à la fois acceptation et contrainte. La société moderne s’ouvre lentement au sentiment amoureux, elle permet de plus en plus les démonstrations affectives, elle désenclave l’amour des étreintes morales de jadis, mais, en même temps, elle dépense une masse colossale d’énergie – encore maintenant – à montrer ce qu’est l’amour et ce qu’il n’est pas. Elle ne cesse de formuler en quelque sorte une grammaire de l’amour.
Cette grammaire de l’amour se retrouve dans de multiples productions culturelles (cinéma, télévision, chanson, etc.) qui énoncent de manière plus ou moins contraignante les règles des rencontres, des déclarations et des fréquentations. Pour raconter les modulations de la passion dans la société canadienne-française, puis québécoise 3 , nous avons choisi pour notre part d’étudier l’histoire du roman sentimental. Ce genre littéraire se prête particulièrement bien à une analyse historique des discours régulateurs et des représentations fantasmées, puisqu’il se lit dans un même souffle comme un récit à la fois lourdement codifié (jusqu’à adopter le format sériel) et potentiellement subversif (jusqu’à être banni des bibliothèques 4 ). Loin de ne correspondre qu’à un simple délassement, à une innocente distraction qui meuble indifféremment les heures de détente, il facilite l’intériorisation de modèles qui balisent les étapes menant de la cour à l’union. En donnant entre autres des détails sur l’envoi de missives, les sorties en ville, l’étiquette des rapprochements physiques ou les recettes d’un mariage réussi, il fournit les «codes de l’amour 5 ». Il conjugue ainsi, dans une forme singulière, évasion (en tant que loisir), apprentissage (en tant qu’école des sentiments) et aliénation (en tant qu’instrument de contrôle des consciences), et c’est par conséquent en fonction de ces trois dimensions qu’il doit être appréhendé.
Parmi les productions de la culture populaire, le roman sentimental québécois n’a jamais fait l’objet d’une synthèse et n’a suscité jusqu’ici que très peu de travaux. Il faut dire qu’arborant rarement les qualités qui font la «bonne» et la «grande» littérature, il souffre depuis le XIX e siècle d’un double déclassement: rattaché à la culture de masse et s’adressant principalement aux femmes, il est présumé n’être qu’un produit médiocre, puéril, voire débilitant 6 . Alors qu’il n’appartient pas, par essence, à la paralittérature (pensons seulement à La princesse de Clèves , classique parmi les classiques), il est plus souvent méprisé que circonscrit avec méthode. Un tel désintérêt est regrettable, car en reprenant paresseusement les préjugés à son encontre, les critiques se sont privés d’en saisir les fondements et d’en explorer les thèmes. Comblant ce vide important, le présent ouvrage permet de jeter un regard rétrospectif sur une littérature populaire largement dévaluée et de favoriser, ce faisant, une meilleure intelligence des métamorphoses des passions amoureuses dans le roman, depuis le lointain XIX e siècle jusqu’à nos jours 7 .
Dans le présent survol, nous nous en tenons à une histoire des représentations amoureuses à travers le roman sentimental, même si nous nous sommes permis, quand cela semblait pertinent, de référer à certains bouleversements sociaux et culturels qui éclairent les mutations enregistrées par la fiction au fil du temps. Bien que la majorité des études qui abordent ce sujet l’aient fait de biais, à travers notamment des monographies sur le mariage 8 ou la sexualité 9 , il existe quelques travaux utiles qui peuvent servir d’arrière-plan historique et sociologique à notre propre recherche 10 . Par exemple, nous évoquerons brièvement les taux de nuptialité, de natalité ou de divorce, lorsque de telles données aident à saisir les évolutions de l’imaginaire sentimental. Sans entrer dans le débat complexe sur les rapports entre réalité et fiction, débat sur lequel de très nombreux spécialistes se sont déjà prononcés 11 , qu’il nous suffise d’énoncer un parti pris: nous croyons que, tout en étant lié à son contexte de production, le roman sentimental ne peut s’empêcher de suivre ses propres logiques. Aussi, la prétention de la passion amoureuse à échapper à la raison (exprimée par les adages sur l’amour aveugle, l’amour fou ou l’amour comme maladie et fièvre) et à ne se justifier que par elle-même (étant à elle-même sa propre loi) se trouve renforcée par une littérature qui exprime autant de descriptions objectives que de rêves irréels, oscillant entre programme de vie et utopie. Cette confusion atteint son paroxysme dans les passages de certains récits où les personnages, transportés par le bonheur d’aimer et d’être aimés, avouent vivre, dans une intéressante mise en abîme, un «vrai roman d’amour».
La volonté de braquer notre regard sur la représentation de l’amour a aussi guidé notre approche dans l’étude des ouvrages eux-mêmes. C’est l’expression de la passion qui constitue le nœud de notre propos. Il est évident que même les romans d’amour les moins bien esquissés comportent toujours une part de digressions, d’histoires parallèles, de considérations périphériques qui auraient pu se retrouver dans notre analyse, n’eût été que cela nous aurait obligés à passer beaucoup trop de temps sur chaque œuvre. Nous avons porté principalement attention à la trame narrative sentimentale centrale de chaque roman, renonçant à multiplier les interprétations possibles. Nous avons en particulier laissé de côté l’étude de l’apparence physique, des vêtements, des occupations et des métiers des personnages, sauf là où cela était nécessaire à la compréhension de la dynamique du roman sentimental. Bien qu’il puisse être instructif de relever, par exemple, que l’héroïne aux yeux noirs du XIX e siècle est remplacée par une héroïne aux yeux bleus un siècle plus tard, une telle information n’affecte pas le déploiement des rapports amoureux fondés, dans les deux cas, sur l’incommensurable beauté de la femme adulée.
Une dernière balise doit être soulignée. Dans le présent ouvrage, nous ne nous sommes pas arrêtés, sinon superficiellement, au contexte de réception des œuvres. D’une part, nous avons pris soin de considérer de manière générale le marché dans lequel s’inscrit le roman d’amour, sans y insister. Le genre sent

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents