Ombres d hommes
147 pages
Français

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Ombres d'hommes , livre ebook

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Description

À l’aube du XXe siècle qui sera celui des États-Unis, marginaux, ingouvernables et tous ceux qui n’entrent pas dans le jeu de la prospérité mènent une vie dangereuse. Ils sont harcelés par les policiers de toute sorte, expédiés en taule par les juges, lynchés par les bons citoyens. En prison, écroués pour avoir voyagé ou mangé sans payer, pour avoir trop bu ou pour avoir tué, les vagabonds du rail et autres délinquants devenus oiseaux en cage racontent leur vie pour ne pas se laisser engloutir par le silence, en attendant la liberté ou la mort.
Jim Tully, maître oublié des écrivains vagabonds, raconte ici les mois qu’il a passés en prison lorsqu’il était jeune hobo. Alliant humour noir, critique sociale et empathie, il relate les exploits de Nitro Dugan, le célèbre monte-en-l’air; la folie de Dippy, le pyromane; les hallucinations de Hypo Sleigh, l’héroïnomane; et les harangues du charlatan frère Jonathon, inventeur du Donneur de vie.
D’abord publié en français en 1931 dans une traduction un peu tronquée signée Titaÿna, le roman de Jim Tully est ici offert en français pour la première fois dans sa version intégrale

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 04 mai 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782895967149
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La collection «Orphée» est dirigée par Alexandre Sánchez
Dans la même collection:
Edward Bellamy, C’était demain
John Berger, La liberté de Corker
Lewis Carroll, La chasse au Snark
Richard Desjardins, Aliénor
Bernard Emond, 20 h 17 rue Darling
Eduardo Galeano, Le chasseur d’histoires
Eduardo Galeano, Les enfants des jours
Eduardo Galeano, Le livre des étreintes
Eduardo Galeano, Paroles vagabondes
Eduardo Galeano, Les voix du temps
Louis Hémon, Colin-Maillard
Louis Hémon, Maria Chapdelaine
Saint-Denys Garneau, Regards et jeux dans l’espace
Miguel Sanches Neto, La machine de bois
Rodolfo Walsh, Les métiers terrestres
Image de la couverture: Margaret Bourke-White / The LIFE Images Collection / Getty Images
© Lux Éditeur, 2017, pour la présente édition
www.luxediteur.com
Dépôt légal: 2 e  trimestre 2017
Bibliothèque et Archives Canada
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
ISBN (papier): 978-2-89596-243-4
ISBN (epub): 978-2-89596-714-9
À PROPOS DES ILLUSTRATIONS
L ES DESSINS QUI ILLUSTRENT ce livre ont été réalisés expressément pour son édition originale de 1930 par l’artiste, dessinateur, peintre, lithographe et muraliste William Gropper. Né à New York en 1897 de parents juifs ukrainiens et roumains, Gropper a consacré son œuvre et sa vie au combat du socialisme contre le fascisme et le capitalisme. Il a travaillé pour le New York Tribune et les magazines socialistes The Masses , The Liberator , The Revolutionary Age et The Rebel Worker , l’organe de presse des Industrial Workers of the World (IWW). Il a aussi illustré les couvertures des livres de ses amis John Steinbeck et Sinclair Lewis, avec lequel il a voyagé en URSS en 1927. En 1953, il a été assigné à comparaître devant la commission McCarthy sur les activités anti-américaines. Il est mort en 1977.
C’est pour restituer l’esprit du livre tel qu’il a été publié en 1930 que nous avons choisi d’inclure les dessins de Gropper, produits d’une époque, certes, mais aussi de l’esprit d’un homme qui a, comme en témoigne son parcours, lutté pour la liberté, la justice et l’égalité.
AVANT-PROPOS DE LA TRADUCTRICE
J E NE CONNAIS pas Jim Tully.
Un jour, je revenais en avion à New York, après un «vagabondage d’une côte à l’autre», lorsque Eddie Wassermann me fit parvenir Ombres d’hommes . Je l’ai lu, ayant encore dans les yeux la vision de ces petites villes américaines groupées autour d’un cinéma, d’un temple et d’une prison. J’ai songé que le public français connaissait la valeur d’un temple par Babbitt [1] , celle d’un cinéma par les périodiques d’Hollywood, et ignorait ceux que la justice américaine écrase ou détruit.
Voilà pourquoi j’ai voulu traduire ce livre.
Au fur et à mesure que j’avançais dans mon travail, je me suis prise à aimer ces hors-la-loi. Pour parler d’eux, il ne faut pas «se pencher sur leur misère», suivant l’expression consacrée. Il ne faut pas avoir de bagage littéraire ou philosophique. Il faut être des leurs.
Jim Tully est un enfant de l’assistance publique. Tour à tour chemineau, vagabond, journalier, aide-forgeron, homme de peine dans les cirques ambulants, pugiliste, j’en passe. La guerre le propulsa inspecteur de forges! Aujourd’hui reporter à Hollywood, et il finira sans doute dans la peau d’un bourgeois. Qu’importe. Ceci est un de ses premiers livres.
L’œuvre de Jim Tully est essentiellement primaire.
Ce qui, du point de vue littéraire, serait le défaut de ses ouvrages leur donne l’accent de la vérité.
Il ne redoute ni «le coucher de soleil grandiose» ni «le visage cadavérique» du condamné à mort, ni aucune des images chères au lyrisme populaire. Son style, lorsque c’est lui qui parle, est encore plus évocateur de la pègre américaine que lorsqu’un de ses personnages explique son crime en argot. Sa philosophie est de même ordre. Il fallait s’adresser à un public très peu évolué pour atteindre à tant de simplicité sans jamais toucher le ridicule. La fleur bleue croît dans les prisons sans avoir à se dissimuler. Le pyromane, la vieille tante ou l’assassin «aiment bien leur mère», aucun d’eux n’a honte d’avoir des sentiments du meilleur mélo.
C’est par ses défauts que Jim Tully est grand.
Je ne veux pas publier ces pages sans évoquer la mémoire de l’ami qui les traduisit avec moi. Il était, lui aussi, hors de toutes les lois, et peut-être à cause de cela, s’amusait-il de ces ratés de l’aventure, qui ont encore assez de foi pour pouvoir blasphémer.
Pendant que nous écrivions Ombres d’hommes , il a quitté la vie, par fantaisie, comme on descend d’un train avant la station d’arrivée.
C’est à sa mémoire, à ce que fut notre amitié, que je dédie ces pages.
Titaÿna, 1931

Pour Albert Lewin et Paul Bern, pour avoir compris

Aucun des personnages de ce livre n’est complètement imaginaire.

Méfiez-vous de tous ceux en qui l’instinct de punir est puissant!
C’est une mauvaise engeance et de mauvaise ascendance; dans leur visage on voit parler le bourreau et le chien policier.
Méfiez-vous de tous ceux qui parlent beaucoup de leur justice! En vérité ce n’est pas seulement de miel que manque leur âme.
Et s’ils s’appellent eux-mêmes «les bons et les justes», n’oubliez pas que pour être des pharisiens il ne leur manque qu’une seule chose: le pouvoir!
Friedrich N IETZSCHE , Ainsi parlait Zarathoustra

JOUR DE SAIGNÉE
À LA DÉRIVE ET IMPASSIBLES comme l’aurore, nousavions échoué dans un patelin d’un État de l’Ouest. L’endroit était longé de montagnes dont les sommets couverts de neige se découpaient, grandioses, sur le ciel.
Blink Thomas – le Borgne – était avec moi. Il avait été connu autrefois sous le nom de Bright Eyes – Yeux vifs. Depuis, il avait perdu un œil et son surnom avait été changé pour Blink.
Nous avions depuis si longtemps perdu contact avec la civilisation que nous ne savions ni le jour de la semaine ni le quantième du mois, et aucun de nous ne s’en souciait.
Cette ville avait été pendant des années le quartier général d’un fameux inspecteur de la police des chemins de fer. Différents membres de la fraternité l’avaient menacé de mort à plusieurs reprises.
Nous arrivâmes trois jours après que cette menace eut été en fin de compte exécutée. À un âge où la plupart des garçons sont encore à l’école, l’histoire de la mort violente de cet homme fit sur nous une forte impression.
Depuis plus de vingt ans, il était impitoyable avec les gars du trimard pris en faute.
Quelques mois plus tôt, au cours d’un autre vagabondage d’un océan à l’autre, je me trouvais attablé au comptoir en fer à cheval du buffet de la gare de la ville où il avait ses quartiers. Un vagabond, plein d’alcool et de loquacité, était assis près de moi. Il se rendait charitable en me payant à dîner.
Un homme au visage sombre et contracté sous un grand chapeau s’assit juste à côté de mon bienfaiteur. Il portait en pendeloque une montre revêtue des insignes maçonniques et un diamant à son petit doigt. Mon cœur se mit à battre plus rapidement. J’avais compris, grâce à de nombreuses descriptions, que c’était Arizona Slim, l’inspecteur haï.
Mais mon ami, qui se trouvait dans une de ces dispositions d’esprit assez heureuses pour admettre jusqu’à la société d’un détective, s’épancha vers son voisin.
«Veux-tu bouffer avec nous, mon vieux? Et prends ta part de café avec. Dehors, c’est pire qu’au pôle Nord. C’est moi qui invite.»
Je le poussai du coude.
«Je peux payer ma propre bouffe, répondit l’inspecteur d’un ton coupant. Sais-tu à qui tu parles?
— Non, répondit mon philanthrope ami, et je m’en fous. Je suis Syracuse Jake.
— Lève-toi et fous le camp, commanda soudain l’inspecteur.
— Laisse-les manger, Slim. Dieu sait qu’ils ne font de mal à personne», dit la cabaretière.
Je jetai un coup d’œil au détective, aux plats et à la femme.
Elle était connue de tous les vagabonds d’Amérique pour être quelqu’un de réglo, comme pour compenser. Elle ne refusait jamais de leur donner à manger et, souvent, leur offrait de l’argent. Ils sont nombreux à lui avoir fait parvenir le montant de leurs dettes, d’endroits éloignés.
Arizona Slim montra la porte d’un geste et sortit son revolver de sa poche.
Il regarda durement la femme.
«C’est moi qui fais la loi ici. Je veux pas qu’ils viennent rôder autour de l’express. Qu’ils bossent et payent leur ticket.
— Laisse-les au moins manger, répliqua-t-elle.
— Moins ils mangeront, plus tôt ils travailleront.
— Eh bien, tu ne peux pas les empêcher de partir avec de quoi manger», dit-elle. Et, se tournant vers nous: «Attendez, les gars, j’vais vous faire un petit paquet de beignets.»
«Pas question», lança Arizona Slim. «En marche!» Il nous enfonça son revolver dans les côtes.
Quand la porte s’ouvrit, une rafale de vent nous souffla de la neige à la figure.
La voix de la femme nous suivit.
«Toi aussi, Slim... ton jour viendra.»
L’express devait arriver dans moins d’une heure.
Nous avançâmes sur plusieurs mètres devant le détective.
«Continuez de marcher. Vous arrêtez pas. Si vous vous retournez, je vous fiche une balle dans le citron.»
Nous poursuivîmes notre route droit devant nous, dans les tourbillons de neige. Mon ami loquace pesta sur l’ingratitude humaine.
«J’voulais lui offrir à bouffer et regarde ce qu’il fait.»
Je l’arrêtai d’un: «Oublie ça! Le plus important, c’est de monter à bord de l’express.»
Mon compagnon établit immédiatement son plan. Il tira de sa poche une montre Ingersoll bosselée.
«Il va battre en retraite au chaud, à coup sûr. Les poulets détestent le froid autant qu’ils nous détestent.»
Nous nous dirigeâmes rapidement vers un espace découvert le long de la voie.
«L’express va s’amener b

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