Monseigneur Gaston Phoebus
94 pages
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Description

Alexandre Dumas (1802-1870)



"Le quinzième jour du mois d’août de l’an 1385, vers la huitième heure du soir, monseigneur Gaston III, vicomte de Béarn et comte de Foix, assis à une table et penché sur un parchemin, écrivait aux derniers rayons du soleil couchant, qui pénétraient dans l’appartement à travers les fenêtres armoriées de son château d’Orthez, le soixante-troisième chapitre de son ouvrage sur la chasse des bêtes sauvages et des oiseaux de proie. Celui qui l’eût revu alors, après une longue absence, aurait eu peine à reconnaître ce gentil chevalier que, quinze ans auparavant, on appelait le beau Phœbus : les uns disent parce qu’il avait les cheveux dorés comme ceux d’Apollon, les autres parce que, s’occupant incessamment d’astronomie, avait pris un soleil pour sa devise. C’est que, pendant l’espace de temps qui s’était écoulé entre sa jeunesse et l’âge mûr auquel il était parvenu, il avait éprouvé de rudes chagrins qui avaient argenté ses blonds cheveux et sillonné son front de rides. Or, quoique ces chagrins soient antérieurs à l’époque où commence cette histoire, comme ils sont lamentables et véridiques, je vais brièvement vous les raconter. Ils seront au récit qui va suivre ce que le cadre est au tableau."



Gaston III de Foix-Béarn, dit Gaston Phoebus, fut un personnage célèbre au XIVe siècle. Alexandre Dumas, autour de celui-ci, nous entraîne dans une série de chroniques historiques et parfois fantastiques...


Roman court.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 2
EAN13 9782374634906
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0015€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Monseigneur Gaston Phœbus
Chronique dans laquelle est racontée
l'histoire du démon familier du sire de Corasse
Alexandre Dumas
Octobre 2019
Stéphane le Mat
La Gibecière à Mots
ISBN : 978-2-37463-490-6
Couverture : pastel de STEPH'
lagibeciereamots@sfr.fr
N° 490
I
Le quinzième jour du mois d’août de l’an 1385, vers la huitième heure du soir, monseigneur Gaston III, vicomte de Béarn et comte d e Foix, assis à une table et penché sur un parchemin, écrivait aux derniers rayo ns du soleil couchant, qui pénétraient dans l’appartement à travers les fenêtr es armoriées de son château d’Orthez, le soixante-troisième chapitre de son ouv rage sur la chasse des bêtes sauvages et des oiseaux de proie. Celui qui l’eût r evu alors, après une longue absence, aurait eu peine à reconnaître ce gentil ch evalier que, quinze ans auparavant, on appelait le beau Phœbus : les uns di sent parce qu’il avait les cheveux dorés comme ceux d’Apollon, les autres parc e que, s’occupant incessamment d’astronomie, avait pris un soleil pou r sa devise. C’est que, pendant l’espace de temps qui s’était écoulé entre sa jeune sse et l’âge mûr auquel il était parvenu, il avait éprouvé de rudes chagrins qui ava ient argenté ses blonds cheveux et sillonné son front de rides. Or, quoique ces cha grins soient antérieurs à l’époque où commence cette histoire, comme ils sont lamentab les et véridiques, je vais brièvement vous les raconter. Ils seront au récit q ui va suivre ce que le cadre est au tableau.
Il existait depuis longtemps de vives contestations entre les comtes de Foix et les comtes d’Armagnac, à propos du pays de Béarn, sur l equel chacune des deux familles prétendait avoir des droits. Il n’est pas besoin de dire que les contestations du Moyen Âge se jugeaient en rase campagne et non d evant les tribunaux, par l’intermédiaire non pas d’avocats bavards et de jug es retors, mais de loyaux chevaliers et defrancs hommesd’armes. Or, toutes les fois que ceux du parti de Foix et du parti d’Armagnac se rencontraient, chacu n, sans plus tarder, mettait la lance en arrêt ou tirait son épée du fourreau, et frappait de l’une et de l’autre jusqu’à ce que la fortune se déclarât pour l’un des deux pa rtis. Maintenant, vous saurez que, grâce au courage et à la prudence du beau Gast on Phœbus, la victoire était presque toujours de son côté.
Par une nuit de Saint-Nicolas, pendant l’hiver de l ’an 1362, le comte de Foix avait pris, dans une de ces rencontres nocturnes, tout pr ès de Mont-de-Marsan, le comte d’Armagnac, aïeul de celui qui était comte à cette heure, et avec lui le seigneur d’Albret, son neveu, et tous les nobles qui les acc ompagnaient. – Joyeux et fier de cette prise, il avait emmené ses prisonniers à la t our de son château d’Orthez, d’où ils ne devaient sortir qu’en se rachetant pour la s omme d’un million ; ce qu’ils firent sans trop grande peine, tant ils étaient riches et puissants seigneurs.
Mais, sitôt qu’ils furent dehors et qu’ils se furen t échappés des mains du comte de Foix, ils n’eurent plus qu’un désir, celui de se ve nger. Cependant, comme le comte était vieux, il confia le soin de cette vengeance, qu’il ne pouvait accomplir lui-même, à Jean d’Armagnac, son fils, qui se mit, avec le se igneur d’Albret, son cousin, à la tête d’une chevauchée de deux cents hommes ; puis t ous les deux s’en vinrent surprendre la ville de Casserès, qui appartenait au comte de Foix. Ils s’en approchèrent sans bruit, dressèrent des échelles co ntre les remparts, et, comme on ne se doutait pas de leurs projets, ils avaient, gr âce à l’obscurité, escaladé les murailles avant que la garnison soupçonnât même qu’ elle fût en danger d’être attaquée. Cette surprise les rendit donc facilement maîtres de la ville.
Aussitôt que Gaston Phœbus apprit ces nouvelles, il appela près de lui ses deux
frères bâtards, Arnauld Guillaume et Pierre de Béarn, qu’il avait faits ses capitaines, et, sachant leur bonne volonté et courage en fait d e guerre, il leur dit : – Chers frères et amis, vous saurez que le vicomte d’Armagnac et le seigneur d’Albret se sont emparés par échellade de ma bonne ville de Casserès. Prenez donc cent hommes d’armes, et chevauchez jour et nui t ; puis, par tous les pays et villes où vous passerez, prenez mes vassaux avec vo us, de manière à pouvoir bloquer nos ennemis dans la ville : arrivés devant ses murs, et aidés des gens du pays qui sont pour nous, fermez les portes avec des pierres et des poutres ; plantez tout autour de la ville des pieux et des palissades ; faites ouvrir et creuser derrière des fossés et des tranchées, de manière qu’aucun de ceux qui sont entrés dans la place n’en puissent sortir. Puis, au milieu de votr e besogne, et avant qu’il soit huit jours d’ici, je vous arriverai avec un renfort tel qu’ils seront trop heureux de nous venir à merci.
Les deux chevaliers partirent sur l’heure, et, comm e c’étaient deux braves et prudents capitaines, ils suivirent de point en poin t les instructions qui leur avaient été données. Ainsi que l’avait prévu le comte de Fo ix, tous les paysans et vilains qu’ils rencontrèrent les suivirent de grand cœur, d e sorte qu’ils arrivèrent devant la ville avec une troupe considérable. Cependant le vi comte d’Armagnac et le seigneur d’Albret, qui ne voyaient dans cette multitude qu’u ne centaine d’hommes armés, ne tinrent compte de leur présence et se contentèrent de fermer les portes, puis ils continuèrent à se partager leur butin. Le lendemain , ils se réveillèrent clos et enfermés. Cette multitude qu’ils avaient si fort mé prisée avait travaillé toute la nuit avec tant d’ardeur et de haine, que, le matin, elle avait achevé ses besognes. Alors les assiégés commencèrent à s’inquiéter sérieusemen t de cette manœuvre ; mais ce fut bien pis lorsque, le quatrième jour, ils virent arriver le comte de Foix avec cinq cents hommes. Sans se reposer, sans descendre de so n cheval, il fit aussitôt le tour du camp, visitant fossés et palissades, faisant éla rgir les uns et renforcer les autres aux endroits trop étroits et trop faibles ; puis, c ette inspection achevée, il fit dresser sa tente et s’y coucha tranquillement, disant que l es soins de la guerre ne le regardaient plus, et que c’était maintenant aux sei gneurs d’Albret et d’Armagnac de venir à lui lorsqu’ils seraient las de jeûner hors le temps de carême.
Quinze jours se passèrent ainsi pendant lesquels ce que le comte de Foix avait prévu arriva : ses ennemis, qui n’avaient pas eu le loisir d’approvisionner la ville, furent pris de famine. Sortir par terre, il n’y ava it aucun moyen ; sortir par eau, les Béarnais gardaient les deux rives du fleuve ; tarde r plus longtemps à se rendre était chose impossible, attendu que l’on mourrait de faim . Jean d’Armagnac et le seigneur d’Albret se décidèrent donc à envoyer des messagers à leur ennemi.
Le comte de Foix, qui voulait, non pas la vie des s eigneurs enfermés dans la ville, mais seulement leur bourse, reçut les envoyés avec courtoisie et traita avec eux ; mais pour rien au monde il ne voulut consentir que les assiégés sortissent par les portes : c’était un véritable caprice de sa part, m ais il était le plus fort, et il fallut bien le lui passer. Il fut donc convenu que l’on ferait une brèche au mur de la ville ; que les assiégés, Jean d’Armagnac et le seigneur d’Albr et à leur tête, en descendraient l’un après l’autre, en simple habit de ville et san s armes, tandis que l’armée victorieuse, rangée en bataille, le comte de Foix e n tête, à cheval, et armé de toutes pièces, les recevrait à la descente. Les vaincus n’ étaient pas en position de débattre les conditions, si dures qu’elles fussent. Ils les acceptèrent donc, et, au jour convenu pour la reddition de la place, ils qui ttèrent la ville de la manière
indiquée par le comte de Foix. Gaston Phœbus envoya les simples chevaliers et gens d’armes dans les châtellenies et sénéchaussées ; mais, quant à ses cousins, messire Jean d’Armagnac et messire Bernard d’Albret , il les fit conduire à la tour d’Orthez, d’où Jean d’Armagnac ne sortit qu’en s’en gageant à payer pour sa rançon deux cent cinquante mille livres. Quant à Bernard d ’Albret, soit que Gaston eût une inimitié personnelle contre lui, soit qu’il n’eût p as foi en sa parole, il le retint prisonnier jusqu’au moment où il aurait reçu les ci nquante mille livres auxquelles il était taxé pour sa part.
Sur ces entrefaites, le roi d’Angleterre, Édouard III, avait donné à son fils, le prince de Galles, en souvenir et en récompense de ses vict oires de Crécy et de Poitiers, la terre et le duché d’Aquitaine, où il y avait deux a rchevêchés et vingt-deux évêchés, le tout en fief et héritage.
Le prince Noir était donc parti d’Angleterre avec l a duchesse sa femme pour prendre possession de son gouvernement, et était ar rivé en la ville de Bordeaux, capitale de ses nouvelles possessions. Or, le comte Jean d’Armagnac ayant appris l’arrivée du prince, le fit prier de venir voir, av ec la duchesse, la comté de Bigorre, située entre le pays de Foix et le pays de Béarn. L e prince de Galles ne connaissait pas encore ce pays, quoique le château fort de Lour des, près de Pamiers, fût une des plus belles forteresses que le roi d’Angleterre possédât dans tous les pays qui lui avaient été cédés en rédemption du roi Jean de France. Le prince accepta l’invitation, se mit en route avec une suite riche et nombreuse, s’en vint en Bigorre, et se logea à Tarbes, qui était alors une belle cit é toute fermée de murs et de tours, et bâtie au milieu d’un pays fertile, parsemé d’oli viers et de vignes.
Pendant que le prince et la princesse étaient à Tar bes avec messire Jean d’Armagnac, Gaston de Foix, éloigné de six lieues s eulement, se tenait en la ville de Pau, où il se faisait ériger une forteresse. Le bruit parvint donc vitement jusqu’à lui que la ville de Tarbes avait reçu des hôtes roy aux, et comme sa comté de Foix relevait du duché d’Aquitaine, il se prépara à veni r rendre hommage à son seigneur suzerain. Il partit donc un jour, avec soixante che valiers et grande quantité d’écuyers et de gentilshommes, si bien que son asse mblée montait à six cents chevaux. Son arrivée fit grand plaisir au prince No ir et à sa femme, et en même temps à son vieil ennemi, Jean d’Armagnac, qui y vi t un moyen de se libérer de ses deux cent cinquante mille livres sans bourse délier.
En conséquence, un jour que le prince de Galles dev isait avec lui gentiment et gracieusement, comme il avait l’habitude de le fair e avec ceux qui l’approchaient, messire Jean d’Armagnac le pria de demander en son nom, et comme une faveur personnelle, au comte de Foix la libération de tout ou partie des deux cent cinquante mille livres qui lui étaient dues.
Aussitôt la figure du prince, de gaie et ouverte qu ’elle était, devint grave et sérieuse, car c’était chevalier loyal et esclave de sa parole que le fils du roi Édouard. Il répondit au comte d’Armagnac qu’une tel le demande lui semblait indiscrète, que son avis et son opinion, à lui, éta ient que le comte d’Armagnac avait été loyalement fait prisonnier, et devait loyalemen t payer sa rançon ; que, dans ce siège, le comte de Foix avait risqué son corps et s es gens, et que, par conséquent, la fortune ayant été bonne pour lui, nul, et son su zerain moins que tout autre, n’avait le droit de le dépouiller de ce qui lui était dû. – La chose, ajouta le duc, est la même que si l’on nous demandait, à mon père et à moi, de rendre à la France ce que la France nous a concédé pour prix de la
rançon du roi Jean, après notre victoire de Poitier s ; ce que nous ne ferions, certes, ni l’un ni l’autre, quelle que fût la personne qui nous le demandât. Ces raisons étaient trop plausibles pour que messir e d’Armagnac insistât ; mais il ne se tint pas pour battu et se retourna d’un autre côté. Il s’adressa à la duchesse, qui, moins experte que son mari en choses de guerre, et ne voyant qu’une occasion de rendre service au c omte d’Armagnac, se chargea d’obtenir la grâce qu’il demandait. Or, un jour qu’après le dîner, le beau Gaston Phœbu s lui donnait le bras, devisant et muguetant avec elle, elle s’arrêta, et, le regar dant avec des yeux comme les femmes en savent emprunter à Satan lorsqu’elles veu lent faire de nous à leur volonté :
– Comte de Foix, lui dit-elle, je vous requiers un don ; jurez-moi de me l’octroyer. – Madame, répondit Phœbus, qui se doutait de ce qu’ allait lui demander la duchesse, mon bras et ma vie sont à...
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