Mathilda
60 pages
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Mathilda , livre ebook

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Description

Par l’auteur du célèbre Frankenstein, Mathilda est un roman mélancolique, romantique, et indéniablement d’inspiration autobiographique.
La mère de Mathilda meurt peu de temps après sa naissance, et son père, ne pouvant supporter son chagrin, abandonne l’enfant à une tante et s’enfuit. Mathilda sera élevée dans la lande écossaise, qui teinte le roman de magnifiques et poétiques descriptions. Quelques années plus tard, alors que Mathilda est presque adulte, son père réapparaît, ce qui la plonge dans un grand bonheur.
C’est un roman sur la mort, l’amour, et les drames qui traversent les existences. Un texte dramatiquement beau.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 20 janvier 2016
Nombre de lectures 1
EAN13 9782374532509
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0022€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Mathilda
Mary Shelley
Les classiques du 38
CHAPITRE PREMIER
Il n’est que quatre heures, mais c’est l’hiver et le soleil est déjà couché. Aucun nuage dans le ciel clair et glacé ne renvoie ses rayons obliques, mais l’air se colore d’une légère teinte rosée qui se reflète encore sur le sol couvert de neige. Je vis seule dans un cottage perdu sur une lande immense et solitaire. Aucun écho de vie ne parvient jusqu’à moi. Devant mes yeux, la plaine désolée est couverte de blanc, on aperçoit juste quelques plaques noires que le soleil de midi a fait fondre en haut de ces petites collines à pic d’où glisse la neige, plus rare ici qu’en terrain plat. Quelques oiseaux attaquent à coups de bec la glace dure qui recouvre les mares ; il a gelé sans discontinuer.
Étrange état d’esprit que le mien. Je suis seule, absolument seule au monde, le sort qui m’a frappée ayant tari ma vie. Je sais que je vais mourir et je me sens heureuse, joyeuse. Je sens mon pouls qui bat et je pose une main amaigrie sur ma joue brûlante. En moi se meut un esprit vif et léger qui émet ses dernières lueurs. Jamais plus je ne verrai les neiges d’un nouvel hiver, jamais plus je le sais, je ne sentirai la chaleur vivifiante d’un nouvel été, et c’est avec cette certitude que je commence à écrire ma tragique histoire. Sans doute une histoire comme la mienne ferait-elle mieux de disparaître avec moi, mais un sentiment indéfinissable me pousse et je suis trop faible de corps et d’esprit pour résister à la moindre impulsion. Lorsque la vie était vigoureuse en moi, je pensais à coup sûr que son horreur sacrilège rendrait cette histoire impossible à dire, mais puisque maintenant je meurs, je profane la terreur mystique qu’elle m’inspire. Tel est le bois des Euménides où seuls les mourants sont admis. Et maintenant Œdipe va mourir.
Mais que suis-je en train d’écrire ? Il me faut rassembler mes esprits. Je ne sais personne qui lira de bout en bout ces pages, hormis vous, mon ami, qui les recevrez à ma mort. Je ne les dédierai point à vous seul, car j’aurai plaisir à garder en mémoire notre amitié sur un mode qui n’aurait plus lieu d’être si vous étiez seul à lire ce que je vais écrire. Ainsi donc raconterai-je mon histoire comme si je l’adressais à tous.
Vous m’avez souvent demandé la cause de cette réclusion qui fut la mienne, de ces larmes et de ce silence surtout, impénétrable et si peu amical. Vivante, je n’ai pas osé, mourante je dévoile le mystère. D’aucuns tourneront distraitement ces pages, tandis qu’à vous, Woodville, mon cher et tendre ami, elles vous tiendront à cœur. Elles commémorent les précieux souvenirs d’une fille au cœur brisé, qu’à l’heure de sa mort, réchauffe encore la gratitude qu’elle vous porte. Oui, je le sais, vos larmes couleront sur ces mots qui vous relatent mes infortunes, et tant que je suis en vie, je vous sais gré de votre compassion. Mais il suffit ! Commençons ce récit. Ce sera mon ultime tâche : puissé-je avoir assez de force pour la mener à bien. Je n’ai point de crime à rapporter. Mes fautes seront aisément pardonnées qui ne procèdent point d’une intention maligne, mais bien plutôt d’un manque de discernement. Bien peu, je le crois, pourraient se targuer d’avoir su, par une autre conduite ou un jugement plus sûr, éviter les malheurs dont je suis la victime. La Nécessité, l’effroyable Nécessité a conduit mon destin. Il aurait fallu une autre poigne, plus forte que la mienne, plus puissante je pense qu’aucune force humaine, pour briser les chaînes invincibles qui me retenaient, moi qu’un jour la joie seule anima, moi qu’un ardent amour posséda à jamais et qu’enchanta le bien, me voici pour finir misérable et tout près de mourir. Mais assez parlé de moi, rien n’est encore écrit. Arrêtons un moment, séchons ces yeux ternis. Tâchons de laisser là ces pesants, obscurs et sombres sentiments pour nous pencher vers ceux plus intenses d’hier.
Je suis née en Angleterre. Mon père était un homme de qualité. Après avoir perdu son père de bonne heure, il fut élevé par une mère faible qui lui témoigna toute l’indulgence qu’elle croyait due à un gentilhomme. On l’envoya à Eton, puis à l’université. Très tôt il disposa de grosses sommes d’argent, ce qui lui permit de jouir dès son plus jeune âge d’une indépendance qu’un garçon aussi bien né acquiert toujours en ses années de collège.
C’est ainsi que ses passions trouvèrent un sol riche où prendre racine et croître, quoi qu’elles dussent devenir, bonnes ou mauvaises herbes. Libre d’agir à sa guise, il se forgea bientôt un caractère fort et affirmé dont les diverses facettes pouvaient révéler, à qui avait l’œil vif, en germe, des vertus comme des infortunes. Insouciant et prodigue, il dilapidait d’énormes sommes pour satisfaire des toquades qu’il honorait du nom de passions au vu de leur vigueur, et, souvent, faisait montre d’une générosité sans borne. Mais tandis qu’il s’inquiétait sans relâche des besoins d’autrui, ses désirs à lui n’en étaient pas moins satisfaits dans leur plus large mesure, qu’il fit don de son argent ne le laissait en rien sacrifier ses propres désirs. Ainsi en allait-il de son temps, qu’il donnait sans compter, et de son amitié, qu’il était heureux de mettre à l’épreuve en toutes circonstances.
Loin de moi de prétendre que ses propres désirs avaient été mis en concurrence avec ceux des autres, il aurait fait preuve d’un égoïsme indu : nul ne lui fit jamais tel procès. Nourri dans la prospérité, il fut servi par tous ses bienfaits, chacun l’aimait et souhaitait son bien. S’il s’attacha sans cesse à favoriser les plaisirs de ses amis, c’est que ceux-là étaient les siens. S’il accorda plus d’attention aux sentiments des autres qu’il n’est d’usage de le voir chez les écoliers, c’est que son caractère sociable ne savait prendre de plaisir si tous les fronts qui l’entouraient n’étaient aussi libres de soucis que le sien. Par émulation autant que par disposition naturelle, il tint à l’école une place en vue parmi ses pairs. À l’université, il se garda des livres, tant il était persuadé qu’il avait d’autres leçons à apprendre que celles qu’ils pouvaient lui enseigner. Au moment d’aborder la vie, il était assez jeune encore pour ne considérer les études que comme une entrave pour écoliers, tout juste bonne à les protéger des torts de l’insoumission, mais sans aucun rapport avec la vie réelle, pour laquelle lui semblaient infiniment préférables des talents de cavalier ou de joueur. Très vite il mena donc la folle vie estudiantine sans que son cœur, qui était trop bien formé déjà, en fût contaminé : il pouvait être léger, mais jamais il n’était insensible. Ami sincère et compatissant, il ne rencontra cependant jamais personne d’égal ou de supérieur à lui-même qui pût l’aider à dévoiler son âme ou à dépasser ses anciennes façons de penser pour en aller découvrir de nouvelles. II se jugeait d’un entendement plus prompt que celui de son entourage, ses talents, son rang et ses biens le plaçant à la tête de sa société : ainsi se trouvait-il non seulement satisfait, mais empli de fierté et ne voyait-il en cet état que l’unique ambition qui fût digne de lui. Par une étrange étroitesse d’esprit, il ne considérait l’univers que dans la stricte mesure où il était accointé ou non à son petit monde. Que son cercle d’intimes discréditât une opinion, aussitôt il la trouvait suspecte et passée de mode, et s’il lui arrivait d’être dogmatique, il craignait en même temps de ne pas être en accord avec les seuls sentiments qu’il jugeât orthodoxes. Aux yeux de tous il semblait fort peu soucieux de la censure et dédaignait de s’encombrer des préjugés du vulgaire, mais tandis qu’il marchait d’un pas triomphant au-dessus du reste du monde, il se faisait tout petit avec une humilité qu’il ne s’avouait pas devant cette société dont il était le chef, et jamais il n’osait exprimer une opinion ou un sentiment s’il n’était assuré que ses camarades ne les eussent approuvés.
Et pourtant, il avait un secret qu’il tenait caché à ses chers amis, un secret qu’il entretenait depuis son plus jeune âge, et qu’il n’aurait, bien qu’il les aimât, jamais confié à la discrétion ou à l’amitié d’aucun d’entre eux. II aimait. II craignait que l’intensité de sa passion ne devînt pour eux sujet de moqueries et ne pouvait souffrir qu’ils tinssent pour une affaire triviale ou une passade ce qu’il considérait comme sa vie même.
Près du château de sa famille vivait un gentilhomme de petite fortune, qui avait trois filles charmantes. L’aînée était la plus belle, mais sa beauté ne faisait que rehausser ses autres qualités : d’une intelligence vive et pénétrante, elle avait la douceur d’un ange. Dès sa petite enfance, Diana fut la compagne de jeu de mon père, dont la mère prit aussi la petite en extrême affection. Ce sentiment ne fit que croître lorsque grandit cette superbe jeune fille pleine de vie. Aussi ne se quittèrent-ils point pendant toute la durée des vacances scolaires, de la petite école au collège.
Il avait été, lui qui était si sensible à toutes sortes d’influences, particulièrement marqué par les romans et par tous les autres expédients qui permettent à la jeunesse de notre monde civilisé de se figurer les passions, avant de les éprouver réellement. À l’âge de onze ans, Diana était sa compagne de jeu préférée, mais lui parlait déjà le langage de l’amour. Bien qu’elle fût son aînée de presque deux ans, le mode d’éducation qu’elle recevait l’avait laissée plus enfant, du moins en ce qui concernait l’analyse et l’expression des sentiments. Elle recevait ses déclarations avec innocence et les lui retournait sans savoir ce qu’elles voulaient dire : elle qui n’avait lu aucun roman et n’avait vécu qu’en compagnie de ses plus jeunes sœurs, que pouvait-elle savoir de la différence entre l’amour et l’amitié ? Mais lorsqu’en se développant, sa conscience lui révéla la vraie nature de leurs relations, ses sentiments étaient déjà engagés envers son ami, et tout ce qu’elle put craindre fut que l’inconstance, ou d’autres

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