Les trois villes: Lourdes
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Les trois villes: Lourdes , livre ebook

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Description

pubOne.info thank you for your continued support and wish to present you this new edition. Dans le train en marche, comme les pelerins et les malades, entasses sur les dures banquettes du wagon de troisieme classe, achevaient l'Ave maris stella, qu'ils venaient d'entonner au sortir de la gare d'Orleans, Marie, a demi soulevee de sa couche de misere, agitee d'une fievre d'impatience, apercut les fortifications. - Ah! les fortifications! cria-t-elle d'un ton joyeux, malgre sa souffrance. Nous voici hors de Paris, nous sommes partis enfin!

Informations

Publié par
Date de parution 23 octobre 2010
Nombre de lectures 13
EAN13 9782819913740
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0100€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

PREMIÈRE JOURNÉE
I
Dans le train en marche, comme les pèlerins et lesmalades, entassés sur les dures banquettes du wagon de troisièmeclasse, achevaient l' Ave maris stella , qu'ils venaientd'entonner au sortir de la gare d'Orléans, Marie, à demi soulevéede sa couche de misère, agitée d'une fièvre d'impatience, aperçutles fortifications. – Ah ! les fortifications !cria-t-elle d'un ton joyeux, malgré sa souffrance. Nous voici horsde Paris, nous sommes partis enfin !
Devant elle, son père, M. de Guersaint, sourit de sajoie; tandis que l'abbé Pierre Froment, qui la regardait avec unetendresse fraternelle, s'oublia à dire tout haut, dans sa pitiéinquiète: – En voilà pour jusqu'à demain matin, nous ne serons àLourdes qu'à trois heures quarante. Plus de vingt-deux heures devoyage !
Il était cinq heures et demie, le soleil venait dese lever, radieux, dans la pureté d'une admirable matinée. C'étaitun vendredi, le 19 août. Mais déjà, à l'horizon, de petits nuageslourds annonçaient une terrible journée de chaleur orageuse. Et lesrayons obliques enfilaient les compartiments du wagon, qu'ilsemplissaient d'une poussière d'or dansante.
Marie, retombée à son angoisse, murmura: – Oui,vingt-deux heures. Mon Dieu ! que c'est long encore !
Et son père l'aida à se recoucher dans l'étroitecaisse, la sorte de gouttière, où elle vivait depuis sept ans. Onavait consenti à prendre exceptionnellement, aux bagages, les deuxpaires de roues qui se démontaient et s'y adaptaient, pour lapromener. Serrée entre les planches de ce cercueil roulant, elleoccupait trois places de la banquette; et elle demeura un instantles paupières closes, la face amaigrie et terreuse, restée d'unedélicate enfance pour ses vingt-trois ans, charmante quand même aumilieu de ses merveilleux cheveux blonds, des cheveux de reine quela maladie respectait. Vêtue très simplement d'une robe de petitelaine noire, elle avait, pendue au cou, la carte quil'hospitalisait, portant son nom et son numéro d'ordre. Elle-mêmeavait exigé cette humilité, ne voulant d'ailleurs rien coûter auxsiens, peu à peu tombés à une grande gêne. Et c'était ainsi qu'ellese trouvait là, en troisième classe, dans le train blanc, le traindes grands malades, le plus douloureux des quatorze trains qui serendaient à Lourdes, ce jour-là, celui où s'entassaient, outre lescinq cents pèlerins valides, près de trois cents misérables,épuisés de faiblesse, tordus de souffrance, charriés à toute vapeurd'un bout de la France à l'autre.
Mécontent de l'avoir attristée, Pierre continuait àla regarder, de son air de grand frère attendri. Il venait d'avoirtrente ans, pâle, mince, avec un large front. Après s'être occupédes moindres détails du voyage, il avait tenu à l'accompagner, ils'était fait recevoir membre auxiliaire de l'Hospitalité deNotre-Dame de Salut; et il portait, sur sa soutane, la croix rouge,lisérée d'orange, des brancardiers. M. de Guersaint, lui, n'avait,épinglée à son veston de drap gris, que la petite croix écarlate dupèlerinage. Il paraissait ravi de voyager, les yeux au dehors, nepouvant tenir en place sa tête d'oiseau aimable et distrait,d'aspect très jeune, bien qu'il eût dépassé la cinquantaine.
Mais, dans le compartiment voisin, malgré latrépidation violente qui arrachait des soupirs à Marie, sœurHyacinthe s'était levée. Elle remarqua que la jeune fille était enplein soleil. – Monsieur l'abbé, tirez donc le store... Voyons,voyons ! il faut nous installer et faire notre petitménage.
Dans sa robe noire de sœur de l'Assomption, égayéepar la coiffe blanche, la guimpe blanche, le grand tablier blanc,sœur Hyacinthe souriait, d'une activité vaillante. Sa jeunesseéclatait sur sa bouche petite et fraîche, au fond de ses beaux yeuxbleus, toujours tendres. Elle n'était peut-être pas jolie, maisadorable, fine, élancée, avec une poitrine de garçon sous labavette du tablier, de bon garçon au teint de neige, débordant desanté, de gaieté et d'innocence. – Mais il nous dévore déjà, cesoleil ! Je vous en prie, madame, tirez aussi votre store.
Occupant le coin, près de la sœur, madame deJonquière avait gardé son petit sac sur les genoux. Elle tiralentement le store. Brune et forte, elle était encore agréable,quoiqu'elle eût une fille de vingt-quatre ans, Raymonde, qu'elleavait fait monter, par convenance, avec deux dames hospitalières,madame Désagneaux et madame Volmar, dans un wagon de premièreclasse. Elle, directrice d'une salle de l'Hôpital de Notre-Dame desDouleurs, à Lourdes, ne quittait pas ses malades; et, à la porte ducompartiment, en dehors, se balançait la pancarte réglementaire, oùétaient inscrits, au-dessous de son nom, ceux des deux sœurs del'Assomption qui l'accompagnaient. Restée veuve d'un mari ruiné,vivant médiocrement, avec sa fille, de quatre à cinq mille francsde rentes, au fond d'une cour de la rue Vaneau, elle était d'unecharité inépuisable, elle donnait tout son temps à l'œuvre del'Hospitalité de Notre-Dame de Salut, dont elle portait, elleaussi, la croix rouge sur sa robe de popeline carmélite, et dontelle était une des zélatrices les plus actives. De tempérament unpeu fier, aimant à être flattée et aimée, elle se montrait heureusede ce voyage annuel, où elle contentait sa passion et son cœur. –Vous avez raison, ma sœur, nous allons nous organiser. Je ne saispas pourquoi je m'embarrasse de ce sac.
Et elle le mit près d'elle, sous la banquette. –Attendez, reprit sœur Hyacinthe, vous avez le broc d'eau dans lesjambes. Il vous gêne. – Mais non, je vous assure. Laissez-le donc.Il faut bien qu'il soit quelque part.
Alors, toutes deux firent, comme elles disaient,leur ménage, pour vivre là le plus commodément possible, un jour etune nuit, avec leurs malades. L'ennui était qu'elles n'avaient puprendre Marie dans leur compartiment, celle-ci ayant voulu garderprès d'elle Pierre et son père; mais, par-dessus la cloison basse,on communiquait, on voisinait à l'aise. Et, d'ailleurs, tout lewagon, les cinq compartiments de dix places ne formaient qu'unemême chambrée, comme une salle mouvante et commune, qu'on enfilaitd'un regard. C'était, entre les boiseries nues et jaunes desparois, sous le lambrissage peint en blanc du plafond, unevéritable salle d'hôpital, dans un désordre, dans un pêle-mêled'ambulance improvisée. À demi cachés sous la banquette, traînaientdes vases, des bassins, des balais, des éponges. Puis, le train neprenant pas de bagages, les colis s'entassaient un peu partout, desvalises, des boîtes en bois blanc, des cartons à chapeaux, dessacs, un amas lamentable de pauvres choses usées, raccommodées avecdes ficelles; et l'encombrement recommençait en l'air, desvêtements, des paquets, des paniers, pendus à des patères decuivre, et qui se balançaient sans repos. Au milieu de cettefriperie, les grands malades, sur leurs étroits matelas, occupantplusieurs places, oscillaient, emportés par les secoussesgrondantes des roues; tandis que ceux qui pouvaient rester assis,s'adossaient aux cloisons, s'appuyaient à des oreillers, la faceblême. Réglementairement, il devait y avoir par compartiment unedame hospitalière. À l'autre bout, se trouvait une deuxième sœur del'Assomption, sœur Claire des Anges. Des pèlerins valides selevaient, buvaient et mangeaient déjà. Même, au fond, il y avait uncompartiment entier de femmes, dix pèlerines serrées les unescontre les autres, des jeunes, des vieilles, toutes de la mêmelaideur pitoyable et triste. Et, comme on n'osait baisser lesglaces, à cause des phtisiques qui étaient là, la chaleurcommençait, une odeur insupportable que peu à peu semblaientdégager les cahots de la marche, à toute vitesse. À Juvisy, onavait dit le chapelet. Et six heures sonnaient, on passait devantla gare de Brétigny, en tempête, lorsque sœur Hyacinthe se leva.C'était elle qui dirigeait les exercices de piété, dont la plupartdes pèlerins suivaient le programme, dans un petit livre àcouverture bleue. – L'Angélus, mes enfants, dit-elle avec sonsourire, de son air de maternité, que sa grande jeunesse rendait sicharmant et si doux.
De nouveau, les Ave se succédèrent. Et, commeils finissaient, Pierre et Marie s'intéressèrent à deux femmes quioccupaient les deux autres coins de leur compartiment. L'une, cellequi se trouvait aux pieds de Marie, était une blonde mince,d'apparence bourgeoise, âgée de trente et quelques années, fanéeavant l'âge. Elle s'effaçait, ne tenait pas de place, avec sa robesombre, ses cheveux décolorés, sa figure longue et douloureuse, quirespirait un abandon sans bornes, une infinie tristesse. En faced'elle, l'autre, celle qui était sur la banquette de Pierre, uneouvrière du même âge, en bonnet noir, le visage ravagé de misère etd'inquiétude, tenait sur ses genoux une fillette de sept ans, sipâle, si diminuée, qu'elle en paraissait à peine quatre. Le nezpincé, les paupières bleuies, fermées dans sa face de cire,l'enfant ne pouvait parler; et elle n'avait qu'une petite plainte,un gémissement doux, qui chaque fois déchirait le cœur de la mère,penchée sur elle. – Mangerait-elle un peu de raisin ? offrittimidement la dame, muette jusque-là. J'en ai, dans mon panier. –Merci, madame, répondit l'ouvrière. Elle ne prend que du lait, etencore... J'ai eu soin d'en emporter une bouteille.
Et, cédant au besoin de confidence des misérables,elle dit son histoire. Elle s'appelait madame Vincent, elle avaitperdu son mari, doreur de son état, emporté par la phtisie. Restéeseule avec sa petite Rose, qui était sa passion, elle avaittravaillé jour et nuit de son métier de couturière, pour l'élever.Mais la maladie était venue. Depuis quatorze mois, elle la gardaitainsi sur les bras, de plus en plus douloureuse et réduite, tombéeà rien. Un jour, elle qui n'allait jamais à la messe, était entréedans une église, poussée par le désespoir, implorant la guérison desa fille; et, là, elle avait entendu une voix qui lui disait del'emmener à Lourdes, où la sainte Vierge la prendrait en pitié. Neconnaissant personne, ne sachant même pas comment s'organisaientles pèlerinages, elle

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