Les deux nigauds
316 pages
Français

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Les deux nigauds , livre ebook

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Description

Comtesse de Ségur (1799-1874)



"M. et Mme Gargilier étaient seuls dans leur salon ; leurs enfants, Simplicie et Innocent, venaient de les quitter pour aller se coucher. M. Gargilier avait l’air impatienté ; Mme Gargilier était triste et silencieuse.


« Savez-vous, chère amie, dit enfin M. Gargilier, que j’ai presque envie de donner une leçon, cruelle peut-être, mais nécessaire, à cette petite sotte de Simplicie et à ce benêt d’Innocent ?


– Quoi ? Que voulez-vous faire ? répondit Mme Gargilier avec effroi.


– Tout bonnement contenter leur désir d’aller passer l’hiver à Paris.


– Mais vous savez, mon ami, que notre fortune ne nous permet pas cette dépense considérable ; et puis votre présence est indispensable ici pour tous vos travaux de ferme, de plantations.


– Aussi je compte bien rester ici avec vous.


– Mais comment alors les enfants pourront-ils y aller ?


– Je les enverrai avec la bonne et fidèle Prudence ; Simplicie ira chez ma sœur, Mme Bonbeck, à laquelle je vais demander de les recevoir chez elle en lui payant la pension de Simplicie et de Prudence, car elle n’est pas assez riche pour faire cette dépense. Quant à Innocent, je l’enverrai dans une maison d’éducation dont on m’a parlé, qui est tenue très sévèrement, et qui le dégoûtera des uniformes dont il a la tête tournée."



Innocent et Simplicie sont deux jeunes adolescents qui en ont marre de vivre à la campagne. Paris ! ils n'ont que cela à la bouche. M. et Mme Gargilier, leurs parents, n'en peuvent plus et décident d'envoyer les deux enfants à la capitale. Innocent ira en pension et Simplicie chez Mme Bonbeck, la soeur de M. Gargilier...

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 5
EAN13 9782384420322
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0015€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Les deux nigauds


Comtesse de Ségur


Février 2022
Stéphane le Mat
La Gibecière à Mots
ISBN : 978-2-38442-032-2
Couverture : pastel de STEPH'
lagibeciereamots@sfr.fr
N° 1030
À mon petit fils Armand Fresneau

Mon cher petit, c’est à toi, bon petit habitant de l’excellente Bretagne, que je dédie l’histoire de ces deux nigauds qui préfèrent Paris à la campagne. Tu ne feras pas comme eux, car déjà Paris t’ennuie et la Bretagne te plaît. Reste toujours brave et loyal Breton, et garde-toi de devenir un Parisien frivole, moqueur, vain et inconstant.

Ta grand-mère,

C OMTESSE DE S ÉGUR ,
née R OSTOPCHINE .
I
Paris ! Paris !

M. et Mme Gargilier étaient seuls dans leur salon ; leurs enfants, Simplicie et Innocent, venaient de les quitter pour aller se coucher. M. Gargilier avait l’air impatienté ; Mme Gargilier était triste et silencieuse.
« Savez-vous, chère amie, dit enfin M. Gargilier, que j’ai presque envie de donner une leçon, cruelle peut-être, mais nécessaire, à cette petite sotte de Simplicie et à ce benêt d’Innocent ?
– Quoi ? Que voulez-vous faire ? répondit Mme Gargilier avec effroi.
– Tout bonnement contenter leur désir d’aller passer l’hiver à Paris.
– Mais vous savez, mon ami, que notre fortune ne nous permet pas cette dépense considérable ; et puis votre présence est indispensable ici pour tous vos travaux de ferme, de plantations.
– Aussi je compte bien rester ici avec vous.
– Mais comment alors les enfants pourront-ils y aller ?
– Je les enverrai avec la bonne et fidèle Prudence ; Simplicie ira chez ma sœur, Mme Bonbeck, à laquelle je vais demander de les recevoir chez elle en lui payant la pension de Simplicie et de Prudence, car elle n’est pas assez riche pour faire cette dépense. Quant à Innocent, je l’enverrai dans une maison d’éducation dont on m’a parlé, qui est tenue très sévèrement, et qui le dégoûtera des uniformes dont il a la tête tournée.
– Mais, mon ami, votre sœur a un caractère si violent, si emporté ; elle a des idées si bizarres, que Simplicie sera très malheureuse, auprès d’elle.
– C’est précisément ce que je veux ; cela lui apprendra à aimer la vie douce et tranquille qu’elle mène près de nous, et ce sera une punition des bouderies, des pleurnicheries, des humeurs dont elle nous ennuie depuis un mois.
– Et le pauvre Innocent, quelle vie on lui fera mener dans cette pension !
– Ce sera pour le mieux. C’est lui qui pousse sa sœur à nous contraindre de les laisser aller à Paris, et il mérite d’être puni. On envoie dans cette pension les garçons indociles et incorrigibles : ils lui rendront la vie dure ; j’en serai bien aise. Quand il en aura assez, il saura bien nous l’écrire et se faire rappeler.
– Et Prudence ? Elle est bien bonne, bien dévouée, mais elle n’a jamais quitté la campagne, et je crains qu’elle ne sache pas comment s’y prendre pour arriver à Paris.
– Elle n’aura aucun embarras ; le conducteur de la diligence la connaît, prendra soin d’elle ainsi que des enfants ; une fois en chemin de fer, ils auront trois heures de route, et ma sœur ira les attendre à la gare pour les emmener chez elle. »
Mme Gargilier chercha encore à détourner son mari d’un projet qui l’effrayait pour ses enfants, mais il y persista, disant qu’il ne pouvait plus supporter l’ennui et l’irritation que lui donnaient les pleurs et les humeurs de Simplicie et d’Innocent. Il parla le soir même à Prudence, en lui recommandant de ne rien dire encore aux enfants. Elle fut très contrariée d’avoir à quitter ses maîtres, mais flattée en même temps, de la confiance qu’ils lui témoignaient. Elle détestait Paris sans le connaître, et elle comptait bien que les enfants s’en dégoûteraient promptement et que leur absence ne serait pas longue.
Quelques jours après Simplicie essuyait pour la vingtième fois ses petits yeux rouges et gonflés. Sa mère qui la regardait de temps en temps d’un air mécontent, leva les épaules et lui dit avec froideur :
« Voyons, Simplicie, finis tes pleurnicheries ; c’est ennuyeux, à la fin. Je t’ai déjà dit que je ne voulais pas aller passer l’hiver à Paris et que je n’irai pas. »

S IMPLICIE
Et c’est pour cela que je pleure. Croyez-vous que ce soit amusant pour moi, qui vais avoir douze ans, de passer l’hiver à la campagne dans la neige et dans la boue ?

M ADAME G ARGILIER
Est-ce que tu crois qu’à Paris il n’y a ni neige ni boue ?

S IMPLICIE
Non, certainement ; ces demoiselles m’ont dit qu’on balayait les rues tous les jours.

M ADAME G ARGILIER
Mais on a beau balayer, la neige tombe et la boue revient comme sur les grandes routes.

S IMPLICIE
Ça m’est égal, je veux aller à Paris.

M ADAME G ARGILIER
Ce n’est pas moi qui t’y mènerai, ma chère amie.

Simplicie recommence à verser des larmes amères ; elle y ajoute de petits cris aigus qui impatientent sa mère et qui attirent son père occupé à lire dans la chambre à côté.

M. G ARGILIER ,
avec impatience.
Eh bien ! qu’y a-t-il donc ? Simplicie pleure et crie ?

M ADAME G ARGILIER
Toujours sa même chanson : « Je veux aller à Paris. »

M. G ARGILIER
Petite sotte, va ! Tu fais comme ton frère dont je ne peux plus rien obtenir. Monsieur a dans la tête d’entrer dans une pension à Paris, et il ne travaille plus, il ne fait plus rien.

M ADAME G ARGILIER
Il serait bien attrapé d’être en pension ; mal nourri, mal couché, accablé de travail, rudoyé par les maîtres, tourmenté par les camarades, souffrant du froid l’hiver, de la chaleur l’été ; ce serait une vie bien agréable pour Innocent, qui est paresseux, gourmand et indocile. Ah ! le voilà qui arrive avec un visage long d’une aune. »

Innocent entre sans regarder personne ; il va s’asseoir près de Simplicie ; tous deux boudent et tiennent les yeux baissés vers la terre.

M ADAME G ARGILIER
Qu’as-tu, Innocent ? Pourquoi boudes-tu ?

I NNOCENT
Je veux aller à Paris.

M. G ARGILIER
Petit drôle ! toute la journée le même refrain : « Je veux aller à Paris... » Ah ! tu veux aller à Paris ! Eh bien ! mon garçon, tu iras à Paris et tu y resteras, quand même tu y serais malheureux comme un âne.

– Et moi, et moi ? s’écria Simplicie en s’élançant de sa chaise vers son père.
– Toi, nigaude ?... tu mériterais bien d’y aller, pour te punir de ton entêtement maussade.
– Je veux y aller avec Innocent ! Je ne veux pas rester seule à m’ennuyer.
– Sotte fille ! Tu le veux, eh bien ! soit ; mais réfléchis bien avant d’accepter ce que je te propose. J’écrirai à ta tante, Mme Bonbeck, pour qu’elle te reçoive et te garde jusqu’à l’été ; une fois que tu seras là, tu y resteras malgré prières et supplications.
– J’accepte, j’accepte, s’écria Simplicie avec joie.

M ADAME G ARGILIER
Tu n’as jamais vu ta tante, mais tu sais qu’elle n’est pas d’un caractère aimable, qu’elle ne supporte pas la contradiction.

– Je sais, je sais, j’accepte », s’empressa de dire Simplicie.
Le père regarda Innocent et Simplicie, dont la joie était visible ; il leva encore les épaules, et quitta la chambre suivi de sa femme.
Quand ils furent partis, les enfants restèrent un instant silencieux, se regardant avec un sourire de triomphe ; lorsqu’ils se furent assurés qu’ils étaient seuls, qu’on ne pouvait les entendre, ils laissèrent éclater leur joie par des battements de mains, des cris d’allégresse, des gambades extravagantes.

I NNOCENT
Je t’avais bien dit que nous l’emporterions à force de tristesse et de pleurs. Je sais comment il faut prendre papa et maman. En les ennuyant on obtient tout.

S IMPLICIE
Il était temps que cela finisse, tout de même ; je n’y pouvais plus tenir ; c’est si ennuyeux de toujours bouder et pleurnicher ! Et puis, je voyais que cela faisait de la peine à maman : je commençais à avoir des remords.

I NNOCENT
Que tu es bête ! Remords de quoi ? Est-ce qu’il y a du mal à vouloir connaître Paris ? Tout le monde y va ; il n’y a que nous dans le pays qui nR

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