Le Talon de fer
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Description

Jack London (1876-1916)



"On ne peut pas dire que le Manuscrit Everhard soit un document historique important. Pour l’historien, il est truffé d’erreurs – pas des erreurs de faits, mais des erreurs d’interprétation. En étudiant les sept siècles qui se sont écoulés depuis qu’Avis Everhard a achevé son manuscrit, les événements, et les conséquences de ces événements, qui lui étaient confus et voilés, sont clairs pour nous. Elle manquait de recul. Elle était trop proche des événements sur lesquels elle a écrit. En fait, elle fusionnait avec les événements qu’elle a décrits.


Néanmoins, en tant que document personnel, le Manuscrit Everhard est d’une valeur inestimable. Mais là encore, entrent les erreurs de recul, et celles dues au travers de l’amour. Cependant nous en sourions, et pardonnons Avis Everhard pour les traits héroïques qu’elle a apportés à son époux. Nous savons, aujourd’hui, qu’il ne fut pas aussi important, et qu’il ne participa pas aux événements de son temps aussi largement que le Manuscrit voudrait nous faire croire.


Nous savons qu’Ernest Everhard fut un homme exceptionnellement fort, mais pas aussi exceptionnel que son épouse pensait qu’il fut. Il n’était, après tout, qu’un de ces nombreux héros, à travers le monde, qui consacrèrent leurs vies à la Révolution ; bien qu’il faille admettre qu’il ait réalisé un travail particulier, spécialement dans l’élaboration et l’interprétation de la philosophie de la classe ouvrière. « Science prolétarienne » et « Philosophie prolétarienne » furent ses expressions, et là il montrait le provincialisme de son esprit – un défaut, cependant, dû à l’époque et personne, en ces temps-là, ne pouvait y échapper. Mais revenons au Manuscrit..."



Roman d'anticipation politique écrit en 1908.


Avis Everhard, d'origine bourgeoise, raconte sa rencontre en 1912 avec Ernest Everhard, un meneur socialiste dont elle tombe amoureuse. Elle raconte également le violent combat mené contre l'oligarchie capitaliste, qu'Ernest a surnommée le "Talon de Fer", ainsi que les terribles représailles contre les révolutionnaires et le peuple. Le manuscrit d'Avis est annoté par un historien sept siècles plus tard, alors que l'oligarchie capitaliste n'existe plus.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 3
EAN13 9782374634012
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0019€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le Talon de Fer
(The Iron Heel) Jack London Traduit de l’Américain par Louis Postif et Stéphane le Mat (pour l’avant-propos) Juin 2019 Stéphane le Mat
La Gibecière à Mots
ISBN : 978-2-37463-401-2
Couverture : pastel de STEPH'
lagibeciereamots@sfr.fr N° 402
Avant-propos
On ne peut pas dire que le Manuscrit Everhard soit un document historique important. Pour l’historien, il est truffé d’erreurs – pas des erreurs de faits, mais des erreurs d’interprétation. En étudiant les sept siècles qui se sont écoulés depuis qu’Avis Everhard a achevé son manuscrit, les événements, et les conséquences de ces événements, qui lui étaient confus et voilés, sont clairs pour nous. Elle manquait de recul. Elle était trop proche des événements sur lesquels elle a écrit. En fait, elle fusionnait avec les événements qu’elle a décrits. Néanmoins, en tant que document personnel, le Manus crit Everhard est d’une valeur inestimable. Mais là encore, entrent les erreurs de recul, et celles dues au travers de l’amour. Cependant nous en sourions, et pardonnons Avis Ever hard pour les traits héroïques qu’elle a apportés à son époux. Nous savons, aujourd’hui, qu’ il ne fut pas aussi important, et qu’il ne participa pas aux événements de son temps aussi largement que le Manuscrit voudrait nous faire croire. Nous savons qu’Ernest Everhard fut un homme excepti onnellement fort, mais pas aussi exceptionnel que son épouse pensait qu’il fut. Il n’était, après tout, qu’un de ces nombreux héros, à travers le monde, qui consacrèrent leurs vies à la Révolution ; bien qu’il faille admettre qu’il ait réalisé un travail particulier, spécialement dans l’élaboration et l’interprétation de la philosophie de la classe ouvrière. « Science prolétarienne » et « Philosophie prolétarienne » furent ses expressions, et là il montrait le provincialisme de son esprit – un défaut, cependant, dû à l’époque et personne, en ces temps-là, ne pouvait y échapper. Mais revenons au Manuscrit. Sa valeur particulière est de nous communiquer l’atmosphère de cette terrible époque. Nulle part, nous ne trouvons de descriptions aussi vivantes de la psychologie des personnes ayant vécu pendant cette période agitée, entre 1912 et 1932 – leurs erreurs et leur ignorance, leurs doutes, leurs craintes et leurs désappointements, leurs illusions morales, leurs violentes passions, leur inconcevabl e sordidité et égoïsme. Ce sont toutes ces choses qui sont difficiles à comprendre, pour nous qui sommes d’un âge de lumière. L’Histoire nous dit que ces choses ont existé ; mais l’Histoire, la biologie et la psychologie ne rendent pas ces choses vivantes. Nous les acceptons comme faits mais nous ne les comprenons pas avec sensibilité. Cette sensibilité nous parvient, cependant, lorsque nous parcourons le Manuscrit Everhard. Nous pénétrons dans les esprits des acteurs de ce drame mondial d’il y a longtemps, et à ce moment leurs processus mentaux deviennent nos processus mentaux. Nous ne comprenons pas seulement l’amour d’Avis Everhard pour son mari héroïque, mais nous ressentons, comme il l’a ressenti, en ces premiers jours, la vague et terrible menace de l’Oligarchie. Le Talon de Fer (bien nommé), nous le sentons descendre et écraser l’humanité. Et en passant, nous notons que cette appellation historique, le Talon de Fer, a son origine dans l’esprit d’Ernest Everhard. C’est, nous pouvons dir e, la seule interrogation discutée que ce document récent éclaircit. Auparavant, la plus ancienne utilisation de cette expression se trouvait dans la brochure, « Vous Esclaves », écrite par Geo rge Milford et publiée en décembre 1912. Ce George Milford était un obscur agitateur à propos d uquel rien n’est connu, excepté le peu d’informations tiré du Manuscrit qui mentionne qu’il fut abattu dans la Commune de Chicago. Évidemment il a entendu Ernest Everhard utiliser cette expression dans quelque discours, plus probablement lorsqu’il se présenta au Congrés à l’a utomne 1912. Grâce au Manuscrit, nous apprenons qu’Everhard utilisa cette expression lors d’un dîner privé au printemps 1912. C’est, sans discution, la première fois où l’Oligarchie fut désignée ainsi. La montée de l’Oligarchie restera toujours une source de secret étonnement pour l’historien et le philosophe. D’autres grands événements historiqu es ont leur place dans l’évolution sociale. C’était inévitable. Leur arrivée aurait pu être prédite avec la même certitude que les astronomes d’aujourd’hui prédisent les conséquences du mouvement des étoiles. Sans ces autres grands événements historiques, l’évolution sociale n’aurai t pas pu se poursuivre. Le communisme primitif, l’exploitation des biens immobliers, l’exploitation de la main d’œuvre, et l’esclavage
salarial furent des étapes indispensables dans l’évolution de la société. Mais il est ridicule d’affirmer que le Talon de Fer fut un tremplin nécessaire. Aujourd’hui, on le considère plutôt comme un pas de côté, ou un pas en arrière, des tyrannies sociales qui ont fait du monde un enfer. Mais c’était aussi nécessaire que le Talon de Fer était inutile. Aussi noir que fut le féodalisme, sa venue était inévitable. Quoi d’autre que le féodalisme pouvait succéder à la chute de cette immense machine centraliste gouvernementale connue sous le nom d’Empire Romain ? Ce n’est pas la même chose pour le Talon de Fer. Dans le mécanisme ordonné de l’évolution social, il n’y a pas de place pour lui. Il n’était pas nécessaire, et il n’était pas inévitable. Cela doit toujours rester la grande singularité de l’Histoire : un caprice, une fantaisie, une apparition, une chose inattendue et insoupçonnée ; et cela devrait servir comme avertissement à ces téméraires théoriciens politiques d’aujourd’hui qui parlent avec certitude des processus sociaux. Le capitalisme fut considéré par les sociologues de l’époque comme l’aboutissement de la domination bourgeoise, le fruit mûr de la révolutio n bourgeoise. Et nous, aujourd’hui, nous ne pouvons qu’applaudir ce jugement. À la suite du Capitalisme, il fut admis, même par des géants intellectuels et antagonistes tel que Herbert Spencer, que le Socialisme arriverait. La décadence du capitalisme égoïste aurait permis la naissance d e cette fleur de l’âge, la Fraternité des Hommes. Au lieu de cela, chose consternante pour nous qui regardons en arrière et pour ceux qui vivaient à l’époque, le capitalisme, complètement pourri, envoya en avant ce monstrueux rejeton, l’Oligarchie. Le mouvement socialiste du début du XXe siècle comprit trop tard l’arrivée de l’Oligarchie. Quand ils comprirent, l’Oligarchie était déjà là – un fait instauré dans le sang, une incroyable et horrible réalité. Et même alors, comme le montre bi en le Manuscrit Everhard, on n’attribuait aucune pérennité au Talon de Fer. Son renversement ne durerait que quelques années, selon l’avis des révolutionnaires. Il est vrai qu’ils s’aperçurent que la Révolte Paysanne n’était pas prévue, et que la Première Révolte était prématurée ; mais ils se rendirent très peu compte que la Seconde Révolte, organisée et murie, était condamnée à une inutilité identique et à une répression plus terrible. Il est évident qu’Avis Everhard a terminé le Manuscrit pendant les derniers jours de préparation de la Seconde Révolte ; d’où le fait qu’il n’y ait pas de mention de la désastreuse issue de la Seconde Révolte. Il est clair qu’elle avait l’intention de publier le manuscrit immédiatement après que le Talon de Fer fut renversé, afin que son mari, récemment décédé, puisse recevoir tous les mérites pour ce qu’il avait risqué et accompli. Sur vint alors l’épouvantable écrasement de la Seconde Révolte, et c’est vraisemblable, lors de ce moment de danger, avant de fuir ou d’être capturée par les Mercenaires qu’elle cacha le Manuscrit dans le chêne creux à Wake Robin Lodge. Il n’existe pas d’autres documents sur Avis Everhar d. Sans doute, elle fut exécutée par les Mercenaires ; et comme chacun sait, aucun procès-ve rbal pour de telles exécutions ne fut conservé par le Talon de Fer. Mais elle ne réalisai t pas encore, alors même qu’elle cachait le Manuscrit et se préparait à fuir, à quel point l’effondrement de la Seconde Révolte serait terrible. Elle ne réalisait pas que l’évolution tortueuse et pervertie des trois prochains siècles appellerait une Troisième Révolte et une Quatrième Révolte, et plusieurs autres révoltes, noyées dans le sang, avant que le mouvement mondial du travail ne prenne son ampleur. Et elle n’imaginait pas que durant sept longs siècles l’hommage de son amou r pour Ernest Everhard reposerait tranquillement dans le cœur d’un vieux chêne à Wake Robin Lodge. ANTHONY MEREDITH. Ardis, November 27, 419 B.O.M.
I
Mon aigle
La brise d’été agite les pins géants(1), et les rides de la Wild-Water clapotent en cadence sur ses pierres moussues. Des papillons dansent au soleil, et de toutes parts frémit le bourdonnement berceur des abeilles. Seule au sein d’une paix si profonde, je suis assise, pensive et inquiète. L’excès même de cette sérénité me trouble et la rend irréelle. Le vaste monde est calme, mais du calme qui précède les orages. J’écoute et guette de tous mes sens le moindre indice du cataclysme imminent. Pourvu qu’il ne soit pas prématuré ! Oh ! pourvu qu’il n’éclate pas trop tôt !(2) Mon inquiétude s’explique. Je pense, je pense sans trêve et ne puis m’empêcher de penser. J’ai vécu si longtemps au cœur de la mêlée que la tranquillité m’oppresse, et mon imagination revient malgré moi à ce tourbillon de ravage et de mort qui va se déchaîner sous peu. Je crois entendre les cris des victimes, je crois voir, comme je l’ai vu dans le passé(3), toute cette tendre et précieuse chair meurtrie et mutilée, toutes ces âmes violemment arrachées de leurs nobles corps et jetées à la face de Dieu. Pauvres humains que nous sommes, obligés de recourir au carnage et à la destruction pour atteindre notre but, pour introduire sur terre une paix et un bonheur durables ! Et puis je suis toute seule ! Quand ce n’est pas de ce qui doit être, je rêve de ce qui a été, de ce qui n’est plus. Je songe à mon aigle, qui battait le vide de ses ailes infatigables et prit son essor vers son soleil à lui, vers l’idéal resplendissant de la liberté humaine. Je ne saurais rester les bras croisés pour attendre le grand événement qui est son œuvre, bien qu’il ne soit plus là pour en voir l’accomplissement. C’est le travail de ses mains, la création de son esprit(4). Il y a dévoué ses plus belles années, il lui a donné sa vie elle-même. Voilà pourquoi je veux consacrer cette période d’attente et d’anxiété au souvenir de mon mari. Il y a des clartés que, seule au monde, je puis pro jeter sur cette personnalité, si noble qu’elle ne saurait être trop vivement mise en relief. C’était une âme immense. Quand mon amour se purifie de tout égoïsme, je regrette surtout qu’il ne soit plus là pour voir l’aurore prochaine. Nous ne pouvons échouer ; il a construit trop solidement, t rop sûrement. De la poitrine de l’humanité terrassée, nous arracherons le Talon de Fer maudit ! Au signal donné vont se soulever partout les légions des travailleurs, et jamais rien de pareil n’aura été vu dans l’histoire. La solidarité des masses laborieuses est assurée, et pour la première fois éclatera une révolution internationale aussi vaste que le monde(5). Vous le voyez, je suis obsédée de cette éventualité, que depuis si longtemps j’ai vécue jour et nuit dans ses moindres détails. Je ne puis en séparer le souvenir de celui qui en était l’âme. Tout le monde sait qu’il a travaillé dur et souffert cruellement pour la liberté ; mais personne ne le sait mieux que moi, qui pendant ces vingt années de trou ble où j’ai partagé sa vie, ai pu apprécier sa patience, son effort incessant, son dévouement abso lu à la cause pour laquelle il est mort, voilà deux mois seulement. Je veux essayer de raconter simplement comment Erne st Everhard est entré dans ma vie, comment son influence sur moi a grandi jusqu’à ce que je sois devenue une partie de lui-même, et quels changements prodigieux il a opérés dans ma destinée ; de cette façon vous pourrez le voir par mes yeux et le connaître comme je l’ai connu mo i-même, à part certains secrets trop doux pour être révélés. Ce fut en février 1912 que je le vis pour la premiè re fois, lorsque invité à dîner par mon père(6), il entra dans notre maison à Berkeley(7)et je ne puis pas dire que ma première ; impression lui ait été bien favorable. Nous avions beaucoup de monde, et au salon, où nous attendions que tous nos hôtes fussent arrivés, il fit une entrée assez piteuse. C’était le soir des prédicants, comme père disait entre nous, et certainement Ernest ne paraissait guère à sa place au milieu de ces gens d’église. D’abord ses habits étaient mal ajustés. Il portait un complet de drap sombre, et, de fait, il n’a jamais pu trouver un vêtement de confection qui lui allât bien. Ce soir-là comme toujours, ses
muscles soulevaient l’étoffe, et, par suite de sa carrure de poitrine, le paletot faisait des quantités de plis entre les épaules. Il avait le cou d’un champion de boxe(8), épais et solide. Voilà donc, me disais-je, ce philosophe social, ancien maréchal-ferrant, que père a découvert : et certainement avec ces biceps et cette gorge, il avait le physiqu e du rôle. Je le classai immédiatement comme une sorte de prodige, un Blind Tom(9)de la classe ouvrière. Ensuite il me donna une poignée de main. L’étreinte était ferme et forte, mais surtout il me regardait hardiment de ses yeux noirs... trop hardiment, à mon avis. Vous comprenez, j’étais une créature de l’ambiance, et, à cette époque-là, mes instincts de classe étaient puissants. Cette hardiesse m’eût paru presque impardonnable chez un homme de mon propre monde. Je sais que je ne pus m’empêcher de baisser les yeux, et quand il m’eût dépassée, ce fut avec un soulagement réel que je me détournai pour saluer l’évêque Morehouse, un de mes favoris ; homme d’âge moyen, doux et sérieux, avec l’aspect et la bonté d’un Christ, et un savant par dessus le marché. Mais cette hardiesse que je prenais pour de la présomption était en réalité le fil conducteur qui devrait me permettre de démêler le caractère d’Ernest Everhard. Il était simple et droit, il n’avait peur de rien, il se refusait à perdre son temps en manières conventionnelles. – Vous m’aviez plu tout de suite, m’expliqua-t-il longtemps après, et pourquoi n’aurais-je pas rempli mes yeux de ce qui me plaisait ? – Je viens de dire que rien ne lu i faisait peur. C’était un aristocrate de nature, malgré qu’il fût dans un camp ennemi de l’aristocratie. C’était un surhomme. C’était la bête blonde décrite par Nietzsche(10), et en dépit de tout cela, c’était un ardent démocrate. Occupée que j’étais à recevoir les autres invités, et peut-être par suite de ma mauvaise impression, j’oubliai presque complètement le philo sophe ouvrier. Il attira mon attention une fois ou deux au cours du repas. Il écoutait la conversation de divers pasteurs, et je vis briller dans ses yeux une lueur d’amusement. J’en conclus qu’il avait l’humeur plaisante, et lui pardonnai presque son accoutrement. Cependant le temps passai t, le dîner s’avançait, et pas une fois il n’avait ouvert la bouche, tandis que les révérends discouraient à perte de vue sur la classe ouvrière, ses rapports avec le clergé et tout ce que l’Église avait fait et faisait encore pour elle. Je remarquai que mon père était contrarié de ce mutisme. Il profita d’une accalmie pour l’engager à donner son opinion. Ernest se contenta de hausser les épaules, et, après un bref « Je n’ai rien à dire », se remit à croquer des amandes salées. Mais mon père ne se tenait pas facilement pour battu ; au bout de quelques instants il déclara : – Nous avons parmi nous un membre de la classe ouvrière. Je suis certain qu’il pourrait nous présenter les faits à un point de vue nouveau, intéressant et rafraîchissant. Je veux parler de M. Everhard. Les autres manifestèrent un intérêt poli et pressèrent Ernest d’exposer ses idées. Leur attitude envers lui était si large, si tolérante et bénigne qu’elle équivalait à de la condescendance pure et simple. Je vis qu’Ernest le remarquait et s’en amusait. Il promena lentement les yeux autour de la table, et j’y surpris une étincelle de malice. – Je ne suis pas versé dans la courtoisie des controverses ecclésiastiques, commença-t-il d’un air modeste ; puis il sembla hésiter. Des encouragements se firent entendre : Continuez ! Continuez ! Et le Dr Hammerfield ajouta : – Nous ne craignons pas la vérité qu’il y a chez n’importe quel homme... pourvu qu’elle soit sincère. – Vous séparez donc la sincérité de la vérité ? demanda vivement Ernest, en riant. Le Dr Hammerfield resta un moment bouche bée et finit par balbutier : – Le meilleur d’entre nous peut se tromper, jeune homme, le meilleur d’entre nous. Un changement prodigieux s’opéra chez Ernest. En un instant il devint un autre homme. – Et bien, alors, laissez-moi commencer par vous dire que vous vous trompez tous. Vous ne savez rien, et moins que rien, de la classe ouvrière. Votre sociologie est aussi erronée et dénuée de valeur que votre méthode de raisonnement. Ce n’est pas tant ce qu’il disait que le ton dont il le disait, et je fus secouée au premier son de sa voix. C’était un appel de clairon qui me fit vib rer toute entière. Et toute la tablée en fut
remuée, éveillée de son ronronnement monotone et engourdissant. – Qu’y a-t-il donc de si terriblement erroné et dén ué de valeur dans notre méthode de raisonnement, jeune homme ? demanda le Dr Hammerfield ; et déjà son intonation trahissait un timbre déplaisant. – Vous êtes des métaphysiciens. Vous pouvez prouver n’importe quoi par la métaphysique, et, cela fait, n’importe quel autre métaphysicien peut prouver, à sa propre satisfaction, que vous avez tort. Vous êtes des anarchistes dans le domaine de la pensée. Et vous avez la folle passion des constructions cosmiques. Chacun de vous habite un u nivers à sa façon, créé avec ses propres fantaisies et ses propres désirs. Vous ne connaissez rien du vrai monde dans lequel vous vivez, et votre pensée n’a aucune place dans la réalité, sauf comme phénomène d’aberration mentale. « Savez-vous à quoi je pensais tout à l’heure en vo us écoutant parler à tort et à travers ? Vous me rappeliez ces scolastiques du moyen âge qui discutaient gravement et savamment combien d’anges pourraient danser sur une pointe d’aiguille. Messieurs, vous êtes aussi loin de la vie intellectuelle du XXe siècle que pouvait l’être, voilà une dizaine de mil le ans, quelque sorcier peau-rouge faisant des incantations dans une forêt vierge. » En lançant cette apostrophe, Ernest paraissait vraiment en colère. Sa figure empourprée, ses sourcils froncés, les éclairs de ses yeux, les mouvements du menton et de la mâchoire, tout dénonçait une humeur agressive. Pourtant c’était là simplement une de ses manières de faire. Elle excitait toujours les gens : son attaque foudroyant e les mettait hors d’eux-mêmes. Déjà nos convives s’oubliaient dans leur maintien. L’évêque Morehouse, penché en avant, écoutait attentivement. Le visage du Dr Hammerfield était ro uge d’indignation et de dépit. Les autres aussi étaient exaspérés, et certains souriaient d’u n air de supériorité amusée. Quant à moi, je trouvais la scène très réjouissante. Je regardai père et crus qu’il allait éclater de rire en constatant l’effet de cette bombe humaine qu’il avait eu l’audace d’introduire dans notre milieu. – Vos termes sont un peu vagues, interrompit le Dr Hammerfield. Que voulez-vous dire au juste en nous appelant métaphysiciens ? – Je vous appelle métaphysiciens, reprit Ernest, parce que vous raisonnez métaphysiquement. Votre méthode est l’opposé de celle de la science, et vos conclusions n’ont aucune validité. Vous prouvez tout et vous ne prouvez rien, et il n’y a pas deux d’entre vous qui puissent se mettre d’accord sur un point quelconque. Chacun de vous re ntre dans sa propre conscience pour s’expliquer l’univers et lui-même. Entreprendre d’expliquer la conscience par elle-même, c’est comme si vous vouliez vous soulever en tirant sur vos propres tiges de bottes. – Je ne comprends pas, intervint l’évêque Morehouse. Il me semble que toutes les choses de l’esprit sont métaphysiques. Les mathématiques, les plus exactes et les plus profondes de toutes les sciences, sont purement métaphysiques. Le moindre processus mental du savant qui raisonne est une opération métaphysique. Sûrement, vous m’accorderez ce point ? – Comme vous le dites vous-mêmes, vous ne comprenez pas, répliqua Ernest. Le métaphysicien raisonne par déduction en prenant pou r point de départ sa propre subjectivité ; le savant raisonne par induction en se basant sur les faits fournis par l’expérience. Le métaphysicien procède de la théorie aux faits, le savant va des f aits à la théorie. Le métaphysicien explique l’univers d’après lui-même, le savant s’explique lui-même d’après l’univers. – Dieu soit loué de ce que nous ne sommes pas des savants, murmura le Dr Hammerfield avec un air de satisfaction béate. – Qu’êtes-vous donc alors ? – Nous sommes des philosophes. – Vous voilà partis, dit Ernest en riant. Vous avez quitté le terrain réel et solide, et vous vous lancez en l’air avec un mot en guise de machine volante. De grâce, redescendez ici-bas et veuillez me dire à votre tour ce que vous entendez exactement par philosophie. – La philosophie est... (le Dr Hammerfield s’éclaircit la gorge), quelque chose qu’on ne peut définir d’une façon compréhensive que pour les esprits et les tempéraments philosophiques. Le savant qui se borne à fourrer le nez dans ses éprouvettes ne saurait comprendre la philosophie. Ernest parut insensible à ce coup de pointe. Mais i l avait l’habitude de retourner l’attaque
contre l’adversaire, et c’est ce qu’il fit tout de suite, le visage et la voix débordants de fraternité bénigne. – En ce cas vous comprendrez certainement la défini tion que je vais vous proposer de la philosophie. Toutefois, avant de commencer, je vous somme, ou d’en relever les erreurs, ou bien d’observer un silence métaphysique. La philosophie est simplement la plus vaste de toutes les sciences. Sa méthode de raisonnement est la même qu e celle d’une science particulière quelconque ou de toutes. Et c’est par cette même mé thode de raisonnement, la méthode inductive, que la philosophie fusionne toutes les sciences particulières en une seule et grande science. Comme dit Spencer, les données de toute sc ience particulière ne sont que des connaissances partiellement unifiées ; tandis que l a philosophie synthétise les connaissances fournies par toutes les sciences. La philosophie est la science des sciences, la science maîtresse, si vous voulez. Que pensez-vous de cette définition ? – Très honorable..., très digne de crédit, murmura gauchement le Dr Hammerfield. Mais Ernest était sans pitié. – Prenez-y bien garde, dit-il. Ma définition est fatale à la métaphysique. Si dès maintenant vous ne pouvez pas indiquer une fêlure dans ma définitio n, tout à l’heure vous serez disqualifié pour avancer des arguments métaphysiques. Vous devrez passer votre vie à chercher cette paille et rester muet jusqu’à ce que vous l’ayez trouvée. Ernest attendit. Le silence se prolongeait et devenait pénible. Le Dr Hammerfield était aussi mortifié qu’embarrassé. Cette attaque à coups de ma rteau de forgeron le démontait complètement. Son regard implorant fit le tour de la table, mais personne ne répondait pour lui. Je surpris père en train de pouffer derrière sa serviette. – Il y a une autre manière de disqualifier les métaphysiciens, reprit Ernest quand la déconfiture du docteur fut bien avérée, c’est de les juger d’ap rès leurs œuvres. Qu’ont-ils fait pour l’humanité, sinon tisser des fantaisies aériennes et prendre pour dieux leurs propres ombres ? J’accorde qu’ils ont ajouté quelque chose aux gaietés du genre humain, mais quel bien tangible ont-ils forgé pour lui ? Ils ont philosophé – pardo nnez-moi ce mot de mauvais aloi – sur le cœur comme siège des émotions, et pendant ce temps-là des savants formulaient la circulation du sang. Ils ont déclamé sur la famine et la peste comme flé aux de Dieu, tandis que des savants construisaient des dépôts d’approvisionnement et assainissaient les agglomérations urbaines. Ils décrivaient la terre comme centre de l’univers, cep endant que des savants découvraient l’Amérique et sondaient l’espace pour y trouver les étoiles et les lois des astres. En résumé, les métaphysiciens n’ont rien fait, absolument rien fait pour l’humanité. Ils ont dû reculer pas à pas devant les conquêtes de la science. Et à peine les faits scientifiquement constatés avaient-ils renversé leurs explications subjectives qu’ils en fabriquaient de nouvelles sur une échelle plus vaste, pour y faire rentrer l’explication des derniers faits constatés. Voilà, je n’en doute pas, tout ce qu’ils continueront à faire jusqu’à la consommation des siècles. Messieurs, les métaphysiciens sont des sorciers. Entre vous et l’Esquimau qui imaginait un dieu mangeur de graisse et vêtu de fourrure, il n’y a d’autre distance que quelques milliers d’années de constatations de faits. – Cependant la pensée d’Aristote a gouverné l’Europ e pendant douze siècles, énonça pompeusement le Dr Ballingford, et Aristote était un métaphysicien. Le Dr Ballingford fit des yeux le tour de la table et fut récompensé par des signes et des sourires d’approbation. – Votre exemple n’est pas heureux, répondit Ernest. Vous évoquez précisément une des périodes les plus sombres de l’histoire humaine, ce que nous appelons les siècles d’obscurantisme : une époque où la science était captive de la métaphysique, où la physique était réduite à la recherche de la pierre philosophale, o ù la chimie était remplacée par l’alchimie, et l’astronomie par l’astrologie. Triste domination que celle de la pensée d’Aristote ! Le Dr Ballingford eut l’air vexé, mais bientôt son visage s’éclaira et il reprit : – Même si nous admettons le noir tableau que vous venez de peindre, vous n’en êtes pas moins obligé de reconnaître à la métaphysique une valeur intrinsèque, puisqu’elle a pu faire sortir l’humanité de cette sombre phase et la faire entrer dans la clarté des siècles postérieurs.
– La métaphysique n’eut rien à voir là-dedans, répliqua Ernest. – Quoi ! s’écria le Dr Hammerfield, ce n’est pas la pensée spéculative qui a conduit aux voyages de découverte ? – Ah ! cher Monsieur, dit Ernest en souriant, je vo us croyais disqualifié. Vous n’avez pas encore trouvé la moindre paille dans ma définition de la philosophie, et vous demeurez en suspens dans le vide. Toutefois c’est une habitude chez les métaphysiciens, et je vous pardonne. Non, je le répète, la métaphysique n’a rien eu à fa ire là-dedans. Des questions de pain et de beurre, de soie et de bijoux, de monnaie d’or et de billon et, incidemment, la fermeture des voies de terre commerciales vers l’Hindoustan, voilà ce qui a provoqué les voyages de découverte. À la chute de Constantinople, en 1453, les Turcs ont blo qué le chemin des caravanes de l’Indus, et les trafiquants de l’Europe ont dû en chercher un autre . Telle fut la cause originelle de ces explorations. Christophe Colomb naviguait pour trou ver une nouvelle route des Indes ; tous les manuels d’histoire vous le diront. On découvrit incidemment de nouveaux faits sur la nature, la grandeur et la forme de la terre, et le système de Ptolémée jeta ses dernières lueurs. Le Dr Hammerfield émit une sorte de grognement. – Vous n’êtes pas d’accord avec moi ? demanda Ernest. Alors dites-moi en quoi je fais erreur. – Je ne puis que maintenir mon point de vue, répliqua aigrement le Dr Hammerfield. C’est une trop longue histoire pour que nous l’entreprenions ici. – Ici n’y a pas d’histoire trop longue pour le savant, dit Ernest avec douceur. C’est pourquoi le savant arrive quelque part ; c’est pourquoi il est arrivé en Amérique. Je n’ai pas l’intention de décrire la soirée toute entière, bien que ce me soit une joie de me rappeler chaque détail de cette première rencontre, de ces premières heures passées avec Ernest Everhard. La mêlée était ardente et les ministres devenaient cramoisis, surtout quand Ernest leur lançait les épithètes de philosophes romantiques, projecteu rs de lanterne magique et autres du même genre. À tout instant il les arrêtait pour les ramener aux faits. – C’est un fait, camarade, un fait irréfragable, proclamait-il en triomphe chaque fois qu’il venait d’assener un coup décisif. Il était hérissé de faits. Il leur lançait des faits dans les jambes pour les faire trébucher, il leur dressait des faits en embuscades, il les bombardait de faits à la volée. – Toute votre dévotion se réserve à l’autel du fait, lança le Dr Hammerfield. – Le fait seul est dieu, et M. Everhard est son prophète, paraphrasa le Dr Ballingford. Ernest, souriant, fit un signe d’acquiescement. – Je suis comme l’habitant du Texas, dit-il. Et comme on le pressait de s’expliquer, il ajouta : – Oui, l’homme du Missouri dit toujours « Il faut me montrer ça » ; mais l’homme du Texas dit « Il faut me le mettre dans la main. » D’où il appert qu’il n’est pas métaphysicien. À un autre moment, comme Ernest venait d’affirmer que les philosophes métaphysiciens ne pourraient jamais supporter l’épreuve de la vérité, le Dr Hammerfield tonna soudain : – Quelle est l’épreuve de la vérité, jeune homme ? Voulez-vous avoir la bonté de nous expliquer ce qui a si longtemps embarrassé des têtes plus sages que la vôtre ? – Certainement, répondit Ernest avec cette assurance qui les mettait en colère. – Les têtes sages ont été longtemps et pitoyablement embarrassées pou r trouver la vérité parce qu’elles allaient la chercher en l’air, là-haut. Si elles étaient restée s en terre ferme, elles l’auraient facilement trouvée. Oui, ces sages auraient découvert qu’eux-mêmes éprouvaient précisément la vérité dans chacune des actions et pensées pratiques de leur vie. – L’épreuve ! Le critérium ! répéta impatiemment le Dr Hammerfield. Laissez de côté les préambules. Donnez-le-nous et nous deviendrons comme des dieux. Il y avait dans ces paroles et dans la manière dont elles étaient dites un scepticisme agressif et ironique que goûtaient en secret la plupart des convives, bien que l’évêque Morehouse en parût peiné. – Le Dr Jordan(11)établi très clairement, répondit Ernest. Voici son moyen de contrôler l’a
une vérité : « Fonctionne-t-elle ? Y confierez-vous votre vie ? » – Bah ! ricana le Dr Hammerfield. Vous oubliez dans vos calculs l’évêque Berkeley(12). En somme, on ne lui a jamais répondu. – Le plus noble métaphysicien de la confrérie, dit Ernest en riant, mais assez mal choisi comme exemple. On peut prendre Berkeley lui-même à témoin que sa métaphysique ne fonctionnait pas. Du coup le Dr Hammerfield se mit tout à fait en colère, comme s’il eût surpris Ernest en train de voler ou de mentir. – Jeune homme, s’écria-t-il d’une voix claironnante, cette déclaration va de pair avec tout ce que vous avez dit ce soir. C’est une assertion indigne et dénuée de tout fondement. – Me voilà aplati, murmura Ernest avec componction. Malheureusement j’ignore ce qui m’a frappé. Il faut me le mettre dans la main, Docteur. – Parfaitement, parfaitement, balbutia le Dr Hammer field. Vous ne pouvez pas dire que l’évêque Berkeley a témoigné que sa métaphysique n’était pas pratique. Vous n’en avez pas de preuves, jeune homme, vous n’en savez rien. Elle a toujours fonctionné. – La meilleure preuve, à mes yeux, que la métaphysique de Berkeley ne fonctionnait pas, c’est que Berkeley lui-même – Ernest repris tranquillement haleine – avait l’habitude invétérée de passer par les portes et non par les murs : c’est qu’il confiait sa vie à du pain et du beurre et du rôti solides : c’est qu’il se faisait la barbe avec un rasoir qui fonctionnait bien. – Mais ce sont là des choses d’actualité, cria le D octeur, et la métaphysique est une chose de l’esprit. – Et c’est en esprit qu’elle fonctionne, demanda doucement Ernest. L’autre fit un signe d’assentiment. – Et, en esprit, une multitude d’anges peuvent danser sur la pointe d’une aiguille, continua Ernest d’un air pensif. Et il peut exister un dieu poilu et buveur d’huile, en esprit ; car il n’y a pas de preuves du contraire, en esprit. Et je suppose, Docteur, que vous vivez en esprit ? – Oui, mon esprit, c’est mon royaume, répondit l’interpellé. – Ce qui est une autre façon d’avouer que vous vivez dans le vide. Mais vous revenez sur terre, j’en suis sûr, à l’heure des repas, ou quand il survient un tremblement de terre. Me direz-vous que vous n’auriez aucune appréhension pendant un cataclysme de ce genre, convaincu que votre corps insubstantiel ne peut être atteint par une brique immatérielle ? Instantanément et d’une façon tout à fait inconsciente, le Dr Hammerfield porta la main à sa tête, où une cicatrice était cachée sous ses cheveux. Ernest était tombé par hasard sur un exemple de circonstance. Pendant le grand tremblement de terre(13)le Docteur avait failli être tué par la chute d’une cheminée. Tout le monde éclata de rire. – Eh bien ! demanda Ernest quand la gaieté se fut calmée, j’attends toujours les preuves du contraire. – Et dans le silence universel, il ajouta : – Pas mal, ce dernier de vos arguments, mais ce n’est pas encore cela. Le Dr Hammerfield était temporairement hors de comb at, mais la bataille continua dans d’autres directions. De point en point, Ernest défi ait les ministres. Lorsqu’ils prétendaient connaître la classe ouvrière, il leur exposait à so n sujet des vérités fondamentales qu’ils ne connaissaient pas et les mettait au défi de le contredire. Il leur servait des faits, toujours des faits, réprimait leurs élans vers la lune et les ramenait en terrain solide. Comme toute cette scène me revient ! Je crois l’ent endre, avec son intonation de guerre, les fouailler d’un faisceau de faits dont chacun était une verge cinglante. Et il était impitoyable. Il ne demandait pas quartier et n’en accordait pas. Je n’ oublierai jamais la raclée finale qu’il leur infligea. – Vous avez reconnu ce soir, à plusieurs reprises, par vos aveux spontanés ou vos déclarations ignorantes, que vous ne connaissiez pas la classe ouvrière. Je ne vous en blâme pas, car comment pourriez-vous la connaître ? Vous ne vivez pas dans les mêmes localités, vous pâturez dans d’autres prairies avec la classe capitaliste. Et po urquoi agiriez-vous autrement ? C’est la classe
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