Le pilote du Danube
329 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Le pilote du Danube , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
329 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Jules Verne (1828-1905)



"Ce jour-là, samedi 5 août 1876, une foule nombreuse et bruyante remplissait le cabaret à l’enseigne du Rendez-vous des Pêcheurs. Chansons, cris, chocs des verres, applaudissements, exclamations se fondaient en un terrible vacarme que dominaient, à intervalles presque réguliers, ces hoch ! par lesquels a coutume de s’exprimer la joie allemande à son paroxysme.


Les fenêtres de ce cabaret donnaient directement sur le Danube, à l’extrémité de la charmante petite ville de Sigmaringen, capitale de l’enclave prussienne de Hohenzollern, située presque à l’origine de ce grand fleuve de l’Europe centrale.


Obéissant à l’invitation de l’enseigne peinte en belles lettres gothiques au-dessus de la porte d’entrée, c’est là que s’étaient réunis les membres de la Ligue Danubienne, société internationale de pêcheurs appartenant aux diverses nationalités riveraines. Il n’est pas de joyeuse réunion sans notable beuverie. Aussi buvait-on de bonne bière de Munich et de bon vin de Hongrie à pleines chopes et à pleins verres. On fumait aussi, et la grande salle était tout obscurcie par la fumée odorante que les longues pipes crachaient sans relâche. Mais, si les sociétaires ne se voyaient plus, ils s’entendaient de reste, à moins qu’ils ne fussent sourds.


Calmes et silencieux dans l’exercice de leurs fonctions, les pêcheurs à la ligne sont, en effet, les gens les plus bruyants du monde dès qu’ils ont remisé leurs attributs. Pour raconter leurs hauts faits, ils valent les chasseurs, ce qui n’est pas peu dire."



Sigmaringen (Allemagne), 1876. Ilia Brush gagne le concours de pêche organisé par la "Ligue danubienne" ; il fait le pari de parcourir en bateau les 3000 km du Danube, en vivant uniquement de sa pêche. Mais chacune de ses escales coïncide avec des crimes...


Roman posthume de Jules Verne.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 8
EAN13 9782374636375
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0015€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le pilote du Danube


Jules Verne


Avril 2020
Stéphane le Mat
La Gibecière à Mots
ISBN : 978-2-37463-637-5
Couverture : pastel de STEPH'
lagibeciereamots@sfr.fr
N° 637
I
Au concours de Sigmaringen

Ce jour-là, samedi 5 août 1876, une foule nombreuse et bruyante remplissait le cabaret à l’enseigne du Rendez-vous des Pêcheurs . Chansons, cris, chocs des verres, applaudissements, exclamations se fondaient en un terrible vacarme que dominaient, à intervalles presque réguliers, ces hoch ! par lesquels a coutume de s’exprimer la joie allemande à son paroxysme.
Les fenêtres de ce cabaret donnaient directement sur le Danube, à l’extrémité de la charmante petite ville de Sigmaringen, capitale de l’enclave prussienne de Hohenzollern, située presque à l’origine de ce grand fleuve de l’Europe centrale.
Obéissant à l’invitation de l’enseigne peinte en belles lettres gothiques au-dessus de la porte d’entrée, c’est là que s’étaient réunis les membres de la Ligue Danubienne, société internationale de pêcheurs appartenant aux diverses nationalités riveraines. Il n’est pas de joyeuse réunion sans notable beuverie. Aussi buvait-on de bonne bière de Munich et de bon vin de Hongrie à pleines chopes et à pleins verres. On fumait aussi, et la grande salle était tout obscurcie par la fumée odorante que les longues pipes crachaient sans relâche. Mais, si les sociétaires ne se voyaient plus, ils s’entendaient de reste, à moins qu’ils ne fussent sourds.
Calmes et silencieux dans l’exercice de leurs fonctions, les pêcheurs à la ligne sont, en effet, les gens les plus bruyants du monde dès qu’ils ont remisé leurs attributs. Pour raconter leurs hauts faits, ils valent les chasseurs, ce qui n’est pas peu dire.
On était à la fin d’un déjeuner des plus substantiels, qui avait rassemblé autour des tables du cabaret une centaine de convives, tous chevaliers de la gaule, enragés de la flotte, fanatiques de l’hameçon. Les exercices de la matinée avaient sans doute singulièrement altéré leurs gosiers, à en juger par le nombre de bouteilles figurant au milieu de la desserte. Maintenant, c’était le tour des nombreuses liqueurs que les hommes ont imaginées pour succéder au café.
Trois heures après midi sonnaient, lorsque les convives, de plus en plus montés en couleur, quittèrent la table. Pour être franc, quelques-uns titubaient et n’auraient pu se passer complètement du secours de leurs voisins. Mais le plus grand nombre se tenaient fermes sur leurs jambes, en braves et solides habitués de ces longues séances épulatoires, qui se renouvelaient plusieurs fois dans l’année à propos des concours de la Ligue Danubienne.
De ces concours très suivis, très fêtés, grande était la réputation sur tout le cours du célèbre fleuve jaune, et non pas bleu comme le chante la fameuse valse de Strauss. Du duché de Bade, du Wurtemberg, de la Bavière, de l’Autriche, de la Hongrie, de la Roumanie, de la Serbie, et même des provinces turques de Bulgarie et de Bessarabie, les concurrents affluaient.
La Société comptait déjà cinq années d’existence. Très bien administrée par son Président, le Hongrois Miclesco, elle prospérait. Ses ressources toujours croissantes lui permettaient d’offrir des prix importants dans ses concours, et sa bannière étincelait des glorieuses médailles conquises de haute lutte sur des associations rivales. Très au courant de la législation relative à la pêche fluviale, son Comité directeur soutenait ses adhérents, tant contre l’État que contre les particuliers, et défendait leurs droits et privilèges avec cette ténacité, on pourrait dire cet entêtement professionnel, spécial au bipède que ses instincts de pêcheur à la ligne rendent digne d’être classé dans une catégorie particulière de l’humanité.
Le concours qui venait d’avoir lieu était le deuxième de cette année 1876. Dès cinq heures du matin, les concurrents avaient quitté la ville pour gagner la rive gauche du Danube, un peu en aval de Sigmaringen. Ils portaient l’uniforme de la Société : blouse courte laissant aux mouvements toute leur liberté, pantalon engagé dans des bottes à forte semelle, casquette blanche à large visière. Bien entendu, ils possédaient la collection complète des divers engins énumérés au Manuel du Pêcheur : cannes, gaules, épuisettes, lignes empaquetées dans leur enveloppe de peau de daim, flotteurs, sondes, grains de plomb fondus de toutes tailles pour les plombées, mouches artificielles, cordonnet, crin de Florence. La pêche devait être libre, en ce sens que les poissons, quels qu’ils fussent, seraient de bonne prise, et chaque pêcheur pourrait amorcer sa place comme il l’entendrait.
À six heures sonnant, quatre-vingt-dix-sept concurrents exactement étaient à leur poste, la ligne flottante en main, prêts à lancer l’hameçon. Un coup de clairon donna le signal, et les quatre-vingt-dix-sept lignes se tendirent du même mouvement au-dessus du courant.
Le concours était doté de plusieurs prix, dont les deux premiers, d’une valeur de cent florins chacun, seraient attribués au pêcheur qui aurait le plus grand nombre de poissons et à celui qui capturerait la plus lourde pièce.
Il n’y eut aucun incident jusqu’au second coup de clairon, qui, à onze heures moins cinq, clôtura le concours. Chaque lot fut alors soumis au jury composé du Président Miclesco et de quatre membres de la Ligue Danubienne. Que ces hauts et puissants personnages prissent leur décision en toute impartialité et de telle sorte qu’aucune réclamation ne fût possible, bien qu’on ait la tête chaude dans le monde particulier des pêcheurs à la ligne, nul ne le mit en doute un seul instant. Toutefois, il fallut s’armer de patience pour connaître le résultat de leur consciencieux examen, l’attribution des divers prix, soit du poids, soit du nombre, devant rester secrète jusqu’à l’heure de la distribution des récompenses, précédée d’un repas qui allait réunir tous les concurrents en de fraternelles agapes.
Cette heure était arrivée. Les pêcheurs, sans parler des curieux venus de Sigmaringen, attendaient, confortablement assis, devant l’estrade sur laquelle se tenaient le Président et les autres membres du Jury.
Et, en vérité, si les sièges, bancs ou escabeaux, ne faisaient point défaut, les tables ne manquaient pas non plus, ni, sur les tables, les moss de bière, les flacons de liqueurs variées, ainsi que les verres grands et petits.
Chacun ayant pris place, et les pipes continuant à fumer de plus belle, le Président se leva.
« Écoutez !... Écoutez !... » cria-t-on de tous côtés.
M. Miclesco vida au préalable un bock écumeux dont la mousse perla sur la pointe de ses moustaches.
« Mes chers collègues, dit-il en allemand, langue comprise de tous les membres de la Ligue Danubienne malgré la diversité de leurs nationalités, ne vous attendez pas à un discours classiquement ordonné, avec préambule, développement et conclusion. Non, nous ne sommes pas ici pour nous griser de harangues officielles, et je viens seulement causer de nos petites affaires, en bons camarades, je dirai même en frères, si cette qualification vous paraît justifiée pour une assemblée internationale.
Ces deux phrases, un peu longues comme toutes celles qui se débitent généralement au commencement d’un discours, même quand l’orateur se défend de discourir, furent accueillies par d’unanimes applaudissements, auxquels se joignirent de nombreux très bien ! très bien ! mélangés de hoch ! , voire de hoquets. Puis, au Président levant son verre, tous les verres pleins firent raison.
M. Miclesco continua son discours en mettant le pêcheur à la ligne au premier rang de l’humanité. Il fit valoir toutes les qualités, toutes les vertus dont l’a pourvu la généreuse nature. Il dit ce qu’il lui faut de patience, d’ingéniosité, de sang-froid, d’intelligence supérieure, pour réussir dans cet art, car, plutôt qu’un métier, c’est un art, qu’il plaça bien au-dessus des prouesses cynégétiques dont se vantent à tort les chasseurs.
« Pourrait-on comparer, s’écria-t-il, la chasse à la pêche ?
– Non !... non !..., fut-il répondu par toute l’assistance.
– Quel mérite y a-t-il à tuer un perdreau ou un lièvre, lorsqu’on le voit à bonne portée, et qu’un chien – est-ce que nous avons des chiens, nous ? – l’a dépist

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents