Le félin géant
201 pages
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Le félin géant , livre ebook

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Description

J.-H. Rosny Aîné (1856-1940)



"Aoûn, fils de l’Urus, aimait la contrée souterraine. Il y pêchait des poissons aveugles ou des écrevisses livides, en compagnie de Zoûhr, fils de la Terre, le dernier des Hommes-sans-Épaules, échappé au massacre de sa race par les Nains-Rouges.


Aoûn et Zoûhr, pendant des journées entières, longeaient le fleuve des cavernes. Souvent, la rive n’était plus qu’une corniche étroite ; parfois il fallait ramper dans les couloirs de porphyre, de gneiss ou de basalte. Zoûhr allumait des torches de térébinthe ; la lumière pourpre rebondissait sur le quartz des voûtes et sur les flots intarissables. Alors, ils se penchaient pour voir nager des bêtes blêmes, s’opiniâtraient à chercher des issues ou continuaient leur route, jusqu’à la muraille d’où jaillissait le fleuve. Ils s’y arrêtaient, longtemps. Ils auraient voulu franchir cette barrière mystérieuse à laquelle les Oulhamr se heurtaient depuis six printemps et cinq étés.


Aoûn, qui descendait de Naoh, fils du Léopard, appartenait, selon la coutume, au frère de sa mère, mais il préférait Naoh, dont il avait la structure, la poitrine infatigable et les instincts. Ses cheveux tombaient en masses rudes comme la crinière des étalons ; ses yeux étaient couleur d’argile. Sa force le rendait redoutable, mais, plus encore que Naoh, il faisait grâce aux vaincus quand ils s’aplatissaient contre la terre ; c’est pourquoi les Oulhamr mêlaient du mépris à l’admiration que suscitait son courage. Il chassait seul avec Zoûhr, que sa faiblesse rendait négligeable, encore qu’il fût habile à découvrir les pierres pour faire le feu et à préparer une substance inflammable avec la moelle des arbres."



Aoûn et Zoûhr, les héros du roman "La guerre du feu", partent explorer des nouvelles terres pour la chasse.


Aventures, amitiés, dangers et... amour, au pays des grands fauves de la préhistoire...

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 1
EAN13 9782374635200
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0015€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le félin géant

roman des âges farouches


J.-H. Rosny aîné


Novembre 2019
Stéphane le Mat
La Gibecière à Mots
ISBN : 978-2-37463-520-0
Couverture : pastel de STEPH'
lagibeciereamots@sfr.fr
N° 520
PREMIÈRE PARTIE
 
Aoûn, fils de l’Urus, aimait la contrée souterraine. Il y pêchait des poissons aveugles ou des écrevisses livides, en compagnie de Zoûhr, fils de la Terre, le dernier des Hommes-sans-Épaules, échappé au massacre de sa race par les Nains-Rouges.
Aoûn et Zoûhr, pendant des journées entières, longeaient le fleuve des cavernes. Souvent, la rive n’était plus qu’une corniche étroite ; parfois il fallait ramper dans les couloirs de porphyre, de gneiss ou de basalte. Zoûhr allumait des torches de térébinthe ; la lumière pourpre rebondissait sur le quartz des voûtes et sur les flots intarissables. Alors, ils se penchaient pour voir nager des bêtes blêmes, s’opiniâtraient à chercher des issues ou continuaient leur route, jusqu’à la muraille d’où jaillissait le fleuve. Ils s’y arrêtaient, longtemps. Ils auraient voulu franchir cette barrière mystérieuse à laquelle les Oulhamr se heurtaient depuis six printemps et cinq étés.
Aoûn, qui descendait de Naoh, fils du Léopard, appartenait, selon la coutume, au frère de sa mère, mais il préférait Naoh, dont il avait la structure, la poitrine infatigable et les instincts. Ses cheveux tombaient en masses rudes comme la crinière des étalons ; ses yeux étaient couleur d’argile. Sa force le rendait redoutable, mais, plus encore que Naoh, il faisait grâce aux vaincus quand ils s’aplatissaient contre la terre ; c’est pourquoi les Oulhamr mêlaient du mépris à l’admiration que suscitait son courage. Il chassait seul avec Zoûhr, que sa faiblesse rendait négligeable, encore qu’il fût habile à découvrir les pierres pour faire le feu et à préparer une substance inflammable avec la moelle des arbres.
Zoûhr avait la forme étroite d’un lézard ; ses épaules retombaient si fort que les bras semblaient jaillir directement du torse : c’est ainsi que furent les Wah, les Hommes-sans-Épaules, depuis les origines jusqu’à leur anéantissement par les Nains-Rouges. Il avait une intelligence lente mais plus subtile que celle des Oulhamr. Elle devait périr avec lui et ne renaître, dans d’autres hommes, qu’après des millénaires.
Plus encore qu’Aoûn, il aimait la contrée souterraine : ses pères, et les pères de ses pères, vivaient dans des pays pleins d’eau, dont une partie s’enfonçait sous les collines ou se perdait dans la montagne.
Un matin des temps, ils se trouvèrent au bord du fleuve. Ils avaient vu monter le brasier écarlate du soleil, et maintenant la lumière était jaune. Zoûhr savait qu’il prenait plaisir à voir couler les flots, mais Aoûn goûtait ce plaisir sans le savoir. Ils se dirigèrent vers le pays des cavernes. La montagne était devant eux, haute et inaccessible : sa cime formait une longue muraille. Au nord et au sud, où elle se prolongeait indéfiniment, elle élevait des masses infranchissables. Aoûn et Zoûhr souhaitaient de la dépasser ; tous les Oulhamr le souhaitaient.
Ils venaient du Nord-Occident ; ils marchaient depuis quinze ans vers l’Orient et vers le Sud. Au commencement, des cataclysmes les avaient chassés ; puis, voyant que la terre devenait toujours plus désirable et plus riche en proies, ils s’étaient accoutumés à ce vaste voyage.
Et ils s’impatientaient devant la montagne.
Aoûn et Zoûhr se reposèrent auprès des roseaux, sous les peupliers noirs. Énormes et bénévoles, trois mammouths passaient sur l’autre rive. On vit s’enfuir des saïgas ; un rhinocéros oscilla près d’un promontoire. Des énergies obscures agitaient le fils de Naoh ; son âme, plus vagabonde que celle des cigognes, voulait vaincre l’étendue. Et quand il se redressa, il alla vers l’amont, jusqu’à ce que parût l’ouverture farouche d’où sortait le fleuve. Des chauves-souris voletèrent dans l’ombre, une ivresse vagabonde enchanta le jeune homme ; il dit à Zoûhr :
« Il y a d’autres terres derrière la montagne ! »
Zoûhr répondit :
« Le fleuve vient des terres du soleil ! »
Son œil dormant, qui ressemblait à l’œil des reptiles, se fixa sur les yeux étincelants d’Aoûn. C’est Zoûhr qui avait donné une forme au désir de l’Oulhamr. En proie à l’intelligence pleine de rêves des Hommes-sans-Épaules, qui avait fait déchoir la race, il savait que les rivières et les fleuves ont un commencement.
L’ombre bleue devint l’ombre noire. Zoûhr alluma une des branches qu’il avait apportées. Ils auraient pu circuler sans lumière, tellement ils connaissaient la contrée. Ils avancèrent longtemps, passèrent par des couloirs, franchirent des crevasses et, vers le soir, ils dormirent après avoir rôti des écrevisses.
Une secousse les éveilla qui semblait la secousse du sol même. On entendit rouler des pierres, puis le silence revint. À peine née, leur inquiétude s’éteignit, et ils se rendormirent. Mais quand ils se remirent en marche, ils trouvèrent la route entravée par des blocs inconnus.
Alors des souvenirs montèrent dans Zoûhr :
« La terre a tremblé ! » affirma-t-il.
Aoûn ne comprit pas et ne chercha point à comprendre. Sa pensée était vive, hardie et courte ; elle s’attachait aux difficultés immédiates ou aux mouvements des créatures vivantes. Une impatience croissait en lui qui précipitait sa course, si bien qu’avant la fin du second jour, ils atteignirent la muraille où s’arrêtait la terre souterraine.
Pour mieux voir, Zoûhr alluma une nouvelle torche de térébinthe : la lueur, s’élevant le long du gneiss, mêlait la vie de la flamme à la vie mystérieuse des minéraux.
Les compagnons clamèrent : une large fissure s’était faite dans la muraille.
« C’est la terre ! » fit Zoûhr.
Aoûn s’avançait et se penchait dans l’ouverture. Elle était plus large qu’un homme. Quoiqu’il connût les pièges de la pierre fraîchement fendue, son impatience l’emporta vers la crevasse. La marche était pénible ; il fallait continuellement ramper ou franchir des blocs. Zoûhr suivit le fils de l’Urus ; il y avait en lui une tendresse obscure qui lui faisait partager les périls de l’autre et qui transformait sa prudence en audace.
Le passage devint si étroit qu’ils durent passer de biais ; un air pesant semblait jaillir du roc. Puis, une saillie aiguë rendit la passe plus étroite encore, et comme ils ne pouvaient pas se baisser, l’aventure parut sans issue.
Tirant sa hache de néphrite, Aoûn frappa avec colère, comme il aurait frappé un ennemi ; la saillie oscilla. Les deux guerriers comprirent qu’on pouvait la détacher du roc. Zoûhr fixa sa torche dans une fissure et unit son effort à celui d’Aoûn. La saillie oscilla davantage ; ils poussèrent de toute leur énergie. Le gneiss craqua, des pierres roulèrent ; on entendit un choc sourd : le passage était libre.
Il s’élargit ; ils purent marcher sans peine ; l’air devint plus pur et ils se trouvèrent dans une caverne. Exalté, Aoûn se mit à courir, jusqu’à ce qu’il fût arrêté par les ténèbres, car Zoûhr demeurait en arrière avec la torche. Mais l’arrêt fut court. L’impatience de l’Oulhamr gagnait l’Homme-sans-Épaules et ils avancèrent à grands pas.
Bientôt une lueur d’aube filtra, qui devenait plus claire à mesure ; l’ouverture de la caverne montra un défilé creusé entre deux murailles de granit.
Très haut, on apercevait une bande de ciel, qui avait la couleur du saphir.
« Aoûn et Zoûhr ont franchi la montagne ! » cria joyeusement le fils de l’Urus.
Il redressait sa grande stature ; un orgueil obscur et profond vibrait dans sa chair ; ses instincts nomades le transportaient d’une ardeur incoercible. Plus secrète et plus rêveuse, l’émotion de Zoûhr se subordonnait à celle de son compagnon.
Cependant, ce défilé étroit, perdu au fond de la montagne, ressemblait encore trop au pays des cavernes : Aoûn voulait revoir la terre libre et ne prit guère de repos. Le dé

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