Le cri du sang
497 pages
Français

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Description

Fortuné du Boisgobey (1821-1891)



"Les Parisiens adorent la campagne, c’est convenu, et, dès que les feuilles nouvelles poussent aux arbres, ils essaiment comme les abeilles.


Deux mois après, la banlieue est presque aussi peuplée que la ville. Les riches y ont des châteaux et les bourgeois des maisonnettes. Les petites gens y trouvent des guinguettes où ils mangent de la friture et où ils boivent du vin clairet. Ceux-là, n’y vont que le dimanche et s’y amusent de tout leur cœur. Les autres, ceux qui s’y installent pour l’été, prétendent qu’ils s’y plaisent et ils s’y ennuient ferme.


La preuve, c’est qu’ils ne perdent pas une occasion d’aller à Paris. Monsieur y est appelé par une affaire ; madame y va essayer une robe chez sa couturière où même, tout simplement, courir les magasins ; le fils y va faire des visites à des demi-mondaines de sa connaissance.


Et la villa, si vantée, reste à la garde des domestiques, lesquels ne se privent pas d’aller au cabaret, pendant que les femmes de chambre vont au bois se faire conter fleurette par les jolis militaires de la garnison la plus prochaine.


Il y a pourtant des jours où toute la famille reste au logis : les jours où elle reçoit des invités ; il y a même des temps où elle s’y tient, pendant toute une semaine, pour héberger des amis.


Alors, elle s’ingénie à les distraire. Le soir, on a le whist pour les vieux, la sauterie au piano pour les jeunes. Le matin, on a les lettres et les journaux, toujours attendus avec impatience. L’après-midi, on se promène, et on va voir passer le train, tout comme jadis, dans les châteaux de province, on allait attendre sur la grande route le passage de la diligence."



Lors d'une promenade le long de la voie ferrée, avec sa famille et des amis, la comtesse de Muire s'écroule victime d'une balle tirée d'un train. Balle perdue ou meurtre ? Qui aurait pu en vouloir à la comtesse ?

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 0
EAN13 9782374635682
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0019€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le cri du sang


Fortuné du Boisgobey


Janvier 2020
Stéphane le Mat
La Gibecière à Mots
ISBN : 978-2-37463-568-2
Couverture : pastel de STEPH'
lagibeciereamots@sfr.fr
N° 568
PREMIÈRE PARTIE
 
I
 
Les Parisiens adorent la campagne, c’est convenu, et, dès que les feuilles nouvelles poussent aux arbres, ils essaiment comme les abeilles.
Deux mois après, la banlieue est presque aussi peuplée que la ville. Les riches y ont des châteaux et les bourgeois des maisonnettes. Les petites gens y trouvent des guinguettes où ils mangent de la friture et où ils boivent du vin clairet. Ceux-là, n’y vont que le dimanche et s’y amusent de tout leur cœur. Les autres, ceux qui s’y installent pour l’été, prétendent qu’ils s’y plaisent et ils s’y ennuient ferme.
La preuve, c’est qu’ils ne perdent pas une occasion d’aller à Paris. Monsieur y est appelé par une affaire ; madame y va essayer une robe chez sa couturière où même, tout simplement, courir les magasins ; le fils y va faire des visites à des demi-mondaines de sa connaissance.
Et la villa, si vantée, reste à la garde des domestiques, lesquels ne se privent pas d’aller au cabaret, pendant que les femmes de chambre vont au bois se faire conter fleurette par les jolis militaires de la garnison la plus prochaine.
Il y a pourtant des jours où toute la famille reste au logis : les jours où elle reçoit des invités ; il y a même des temps où elle s’y tient, pendant toute une semaine, pour héberger des amis.
Alors, elle s’ingénie à les distraire. Le soir, on a le whist pour les vieux, la sauterie au piano pour les jeunes. Le matin, on a les lettres et les journaux, toujours attendus avec impatience. L’après-midi, on se promène, et on va voir passer le train, tout comme jadis, dans les châteaux de province, on allait attendre sur la grande route le passage de la diligence.
Ce n’est pas extrêmement récréatif, mais cela occupe une heure ou deux, et, aux champs, les divertissements sont rares.
Chatou est un village coquet, entouré de villas délicieuses, dont les habitants emploient leurs loisirs conformément à ce programme invariable.
C’est ainsi qu’au mois de juin de l’année dernière une nombreuse compagnie, sortant d’un castel bâti sur la lisière des maigres bois du Vésinet, s’acheminait lentement, par des sentiers poudreux, vers la ligne fermée qui monte à Saint-Germain.
Ces promeneurs s’étaient éparpillés par petits groupes.
En tête, s’avançait un peloton de jeunes filles, abritées sous des ombrelles de toutes les couleurs. Au centre, marchait un corps d’armée d’hommes sérieux. À l’arrière-garde, un couple bien assorti : un monsieur d’une soixantaine d’années, encore vert, et de haute mine ; une femme moins âgée, qui avait dû être fort belle et qui pouvait encore prétendre à plaire.
Un connaisseur l’aurait remarquée et, avec sa prestance imposante, elle aurait fasciné un collégien.
Ils avaient acheté, depuis six mois, le petit château des Frênes et ils y demeuraient depuis six semaines.
Le mari s’y trouvait fort bien ; la femme s’y ennuyait à périr. Le mari, qui s’appelait le comte Jacques de Muire, était un gentilhomme de vieille souche ; la femme, née Louise Plantier, lui avait apporté une grosse fortune, en échange d’un titre de bon aloi. Et de cette fusion de deux races très différentes était issue une fille adorable, Marcelle de Muire, déjà bonne à marier, puisqu’elle avait dix-neuf ans.
Ses parents venaient de célébrer leurs noces d’argent, et celles de leur fille unique auraient suivi de près, s’ils eussent été d’accord sur le choix d’un mari pour Marcelle.
Mais le comte patronnait un candidat que sa femme n’admettait pas comme fiancé, quoiqu’elle le reçût très volontiers chez elle.
Il était même invité, ce jour-là, et on l’attendait par le train qui s’arrête à la station de Chatou, à 5 heures 56.
Et, à cette occasion, le dissentiment qui persistait entre les deux époux venait de ranimer une discussion entamée après le déjeuner et interrompue par l’arrivée de quelques amis de M. de Muire, des gens de son cercle, gais compagnons et appartenant tous au meilleur monde.
–  Ma chère Louise, disait le comte, je n’ai jamais pu deviner d’où viennent vos prétentions contre Médéric. Son père, le colonel baron de Mestras, avait été mon camarade de Saint-Cyr, et nous sommes restés liés, après que j’ai eu donné ma démission de capitaine, pour vous épouser. Quand il est mort glorieusement à la tête de ses cuirassiers, sur le champ de bataille de Gravelotte, il était veuf depuis longtemps et c’est moi qui ai dû veiller sur son fils. Je voulais en faire un soldat, mais il a manqué ses examens à l’École polytechnique et à l’École militaire. La magistrature, au temps où nous vivons, n’est plus une carrière, et Médéric n’avait aucune vocation pour ce qu’on est convenu d’appeler les affaires. Il n’a de goût que pour les arts et pour les chevaux... deux goûts qui, assurément, ne l’enrichiront pas ; mais, il a de quoi vivre, puisqu’il a hérité, de sa mère, cent mille écus et même un peu plus. Il s’est fait une existence intelligente, et personne, que je sache, n’a jamais eu à lui reprocher quoi que ce soit de contraire à l’honneur. C’est un brave garçon, dans toute la force du terme, et un beau garçon, ce qui ne gâte rien. Il a dix ans de plus que Marcelle... juste ce qu’il faut pour elle, qui a encore besoin d’être gouvernée.
–  Plus que vous ne pensez, interrompit la comtesse.
–  Oui, je sais que les conseils n’ont pas beaucoup de prise sur cette chère enfant et que, le plus souvent, elle n’en fait qu’à sa tête. Mais l’amour est un grand maître et elle aime Médéric, qui est absolument fou d’elle.
–  Elle croit l’aimer... à son âge, une jeune fille ne sait pas bien ce qu’elle veut.
–  Prenez garde, chère amie, dit en riant M. de Muire, vous n’aviez que dix-huit ans lorsque je vous ai épousée, et j’ai toujours cru que vous aviez fait un mariage d’inclination, en parfaite connaissance de cause... je le crois encore... Ne cherchez pas à m’enlever cette illusion.
–  Vous ne serez donc jamais sérieux, mon pauvre Jacques. Vous plaisantez sans cesse... et cette fois votre plaisanterie est de mauvais goût.
–  Ma chère, je ne plaisante pas lorsqu’il s’agit de notre fille. Je vous le répète, vous feriez son malheur en l’empêchant d’épouser Médéric, et vous le pousseriez, lui, à quelque extrémité. Ces enfants s’aiment passionnément, vous le savez fort bien. Médéric vient dîner ce soir et j’ai le pressentiment qu’il me fera sa demande avant de retourner à Paris.
–  Eh bien ! vous lui répondrez que, moi vivante, ce mariage ne se fera pas.
Ce fut dit d’un tel ton que le comte s’arrêta et regarda sa femme en face. Il lut sur son visage une résolution implacable.
Ce n’était pas le moment d’engager une discussion qui n’aurait pas manqué de s’aigrir, et d’ailleurs M. de Muire avait en horreur les querelles de ménage.
–  Nous reparlerons de tout cela plus tard, dit-il. Rejoignons ces messieurs, je vous prie.
–  Vous pouvez bien les rejoindre sans moi, répliqua sèchement la comtesse.
Le comte s’empressa de profiter de la permission. Il connaissait sa femme, et il savait qu’elle était sujette à des accès d’humeur qui se calmaient assez vite. Il n’en était pas moins blessé du refus hautain qu’elle venait de lui opposer, et il se promettait bien d’imposer sa volonté.
–  En cas de dissentiment entre les deux époux, le consentement du père suffit... c’est écrit dans le code, se disait-il en hâtant le pas.
Ses amis l’attendaient. Ils étaient trois : deux beaux d’autrefois, deux échantillons très bien conservés de la jeunesse dorée qui brilla sous le règne de Louis-Philippe, et un troisième, beaucoup plus jeune et aussi élégant qu’eux, mais d’une élégance militaire, correcte et un peu raide.
Celui-là était intimement lié avec Jacques de Muire, en dépit de la différence d’âge. Les deux autres n’avaient

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